𝟷𝟸 | 𝚍𝚘𝚞𝚣𝚎
Bonne lecture !
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Simon revient vraiment en un temps record, et c'est peu dire de la part de Spencer qui a calculé la vitesse du trafic de la rue en la soustrayant au temps de marche d'un homme dans la trentaine et des minutes pour sortir du parking. Il fait vite, brise plus ou moins le calcul de Spencer qui hausse un sourcil en voyant une vieille voiture légèrement rouillée datant très certainement des années 80 s'arrêter devant lui, sur le bord de la route.
Quelques chauffards klaxonnent pendant les quelques secondes que met Spencer à atteindre la portière, l'ouvrir, replier le parapluie, et refermer. Simon attend pourtant encore un peu, jusqu'à ce qu'il ait mis sa ceinture.
Quand ils se mettent enfin à rouler, la main de Spencer se lève pour pointer du doigt le chemin à prendre : droite, droite, puis toujours tout droit. En même temps, il jette un coup d'œil à Simon qui finalement a aussi les cheveux trempés.
— Merci, souffle-t-il en posant ses mains face au chauffage après avoir dit « toujours tout droit pendant un moment ».
L'air chaud lui picote les doigts et fait lentement sécher les quelques gouttes qui tombent de ses ongles et qui glissent sur ses phalanges. Il renifle.
— Pas de soucis, Spencer. Vraiment.
Les mains de Simon paraissent grandes, même sur le volant qui est sûrement plus large que la moyenne : l'intérieur de l'habitacle est frais, une odeur de cuir et de vieux livres, un tableau de bord un peu éraflé et une bouteille d'eau en verre dans la boîte à gant qui fait un petit bruit en roulant à chaque fois qu'ils prennent un tournant.
Spencer jette un coup d'œil à Simon.
Ce dernier reste concentré sur la route, mais au bout de quelques secondes il finit tout de même par sentir son regard et tourne la tête rapidement dans sa direction.
— Tout va bien ?
Spencer acquiesce, avant de se souvenir que le champ de vision humaine binoculaire ne couvre qu'un maximum de 62°. Il se racle la gorge, et dit :
— Oui. Ça va.
— T'es complètement trempé....
— Désolé pour le siège.
À ses pieds, le tapis est un peu sale et humide.
— On s'en fout, du siège.
Spencer ne voit pas plus loin que le début du pare-brise : aucune envie de se tortiller pour extraire ses lunettes et les remettre sur son nez. Avec le chaud-froid, l'humidité de sa peau et l'air du chauffage, il a l'impression d'avoir pénétré dans un sauna (même s'il n'a en vérité jamais mis un seul pied dans un endroit comme ça).
Il serre les lèvres, étonné de la sensation de chaleur qui se diffuse dans sa poitrine. C'est agréable et plaisant et entendre quelque chose comme « tout va bien Spencer », « ce n'est rien Spencer », avec une voix tellement sincère et honnête, ça lui donne l'impression de compter.
De compter pour quelqu'un d'autre que sa mère.
— Il... y en a encore pour quelques minutes. Tu veux mettre la radio ? De la musique ? Qu'est-ce que tu écoutes ? demande Simon.
Il tend sa main droite vers le vieux poste d'autoradio incrusté dans le tableau de bord, et jette un nouveau coup d'œil à Spencer. Il a l'air un peu gêné, finalement, presque stressé, ce qui est étrange car Spencer n'est qu'un gamin qui a eu 11 ans et qui s'apprête à terminer le lycée.
Le garçon se racle la gorge, qui commence à le gratter sérieusement. La chaleur et la moiteur de l'air lui donnent l'impression d'être comprimé, presque autant que les frissons sous son pantalon mouillé.
— Je... je pense pas que ça te plaira.
— Tout me plaît. Vas-y, mets ce que tu veux. Ou alors tu peux zapper et trouver quelque chose.
Il reprend sa main pour lui laisser le champ libre. Le doigt de Spencer pointe une rue. La voiture tourne.
— Vas-y, mets la radio. C'est comme... offrir une glace à quelqu'un d'un peu triste. T'es tout tremblant et tu claques des dents, alors mets la radio.
Spencer l'observe, quelques petites secondes, avant de regarder l'écran étroit de la radio, juste au-dessus de la fente pour les CD's. Il tourne quelques secondes la molette qui fait défiler les ondes, jusqu'à trouver celle sur laquelle est réglée la radio usée de la cuisine, chez lui.
107.4 MHz. Simon hausse un sourcil.
— Du classique, hein ? Ça... ne m'étonne pas vraiment. Ça te ressemble, en fait.
Il lui offre un sourire, et Spencer le lui rend en se tortillant dans le siège. Son cœur bat, une petite joie pleine de satisfaction.
— Tu connais le nom de celle-là ?
— La musique ?
— Oui.
Et ce regard-là, celui que Simon lui lance, semble attendre avec une presque impatience une réponse.
— C'est la sonate no14 en do dièse mineur, opus 27 no2 de Ludwig van Beethoven. Elle.... est couramment surnommée la « Sonate au clair de lune ».
Simon sourit.
— Tu es incroyable, souffle-t-il.
Et Spencer est presque déçu quand la rue de son immeuble est en vue. La sonate n'a pas le temps de se terminer, et ses remerciements, le claquement de la portière, et les aurevoirs de Simon résonnent un instant sous la pluie.
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Des bisous !
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