-I- Insomnie

Je ne dormais pas cette nuit-là. A vrai dire je dormais peu chaque nuit. Mais celle-ci était différente ; j'étais comme soumis à une sorte de pulsion, qui pris le contrôle de mon être et m'obligea d'abord à faire les cent pas dans ma chambre, puis à sortir de chez moi sans que je comprenne vraiment ce qu'il se passait. Lorsque cette étrange nervosité me laissa enfin tranquille, je me retrouvai alors pieds nus dans ma rue, complètement hébétée par la tournure des évènements. Puis je ressentis soudain un sentiment grisant, sûrement dû à l'air frais de la nuit, le bitume encore chaud sous mes pieds, et le silence parfait que m'offrait cette solitude nocturne que seule la Lune semblait troubler, se moquant sans doute de mon pyjama rayé. Ce fus comme ivre que je laissais mes jambes dériver, moitié sautillantes, moitié dansantes, jusqu'à un minuscule parc où j'aimais jouer lorsque j'étais plus jeune. Je poussai le petit portail vert métallique, tentant de le faire grincer le moins possible de peur de briser ce silence féerique. La sensation de l'herbe sous le pied était différente du bitume, mais elle avait aussi gardé toute la chaleur que pouvait offrir un Soleil d'août. Je m'avançai lentement vers une des structures à ressort que contenait le parc, et m'assis sur l'une d'elle. Le sentiment de joyeuse ivresse qui m'avait envahi quitta peu à peu mon corps, me laissant hagard, les yeux dans le vague. Je ne sais pas exactement combien de temps je restai là, assis sur un jeu pour enfants, mais je finis tout de même par me lever, pestant contre moi-même. Mais qu'est-ce qu'il m'avait pris ? A-t-on idée de sortir de chez soi en pyjama la nuit ? J'avais beau habiter dans une petite ville, c'était complètement idiot de ma part. Je sursautai lorsque le seul lampadaire de l'aire s'alluma brusquement, sûrement déclenché grâce à un détecteur de mouvement. Mais j'oubliai bien vite la lumière qui m'avait surpris lorsque mon regard fut attiré vers un banc qui se trouvait près de la barrière. Il y avait là une forme, une forme qui ressemblait à s'y méprendre à une forme humaine. J'eus soudain peur. Je n'étais pas un exemple de courage, et la personne qui se trouvait forcément là n'avait pas fait de bruit depuis que j'étais ici, ce qui suffisait à m'effrayer. Je m'approchai prudemment, et la silhouette sembla relever légèrement la tête de ses genoux qu'elle avait repliés sous elle. Elle s'était accroupie sur son banc... De plus en plus étrange. Je fis un petit pas de plus, et la lumière du lampadaire éclaira un peu plus la personne qui découvrit alors son visage. C'était une fille, une jeune fille qui ne devait pas avoir plus de 18 ans. Elle souriait de toutes ses dents, mais avait la peau si pâle que le faisceau blanchâtre du lampadaire semblait se refléter sur sa peau. En fait, avec ses cheveux et ses yeux clairs en plus de cela, on aurait dit un fantôme. Ce qui n'était pas exactement pour me rassurer, bien que son sourire éclatant avait tout de même fait retomber partiellement ma peur. Pour être honnête, je voyais surtout ici une occasion de diriger ma colère vers quelqu'un d'autre que moi. Cette fille avait sûrement dû faire exprès de me faire peur, et ce n'était pas son joli sourire qui la ferait pardonner.

- Eh t'es qui, toi ? Pourquoi tu fais peur aux gens comme ça la nuit ? Ça t'amuse ? Demandai-je, volontairement désagréable.

-Et toi ? Répond-t-elle en ignorant mes questions et pas gênée le moins du monde. Tu fais ça souvent de te balader en pyjama la nuit ?

Je me rendis soudain compte de la situation. J'étais effectivement en pyjama rayé, pieds nus, seul dans un parc en pleine nuit. Bien-sûr que je devais sûrement faire encore plus peur qu'elle qui, contrairement à moi, était habillée. Avec une robe fleurie très moche, mais habillée quand même.

-Oh eh bien... C'est-à-dire que non, non c'est la première fois... Balbutiai-je, rougissant sûrement.

Elle secoua la tête, et m'indiqua la place à côté d'elle sur le banc, où je la rejoignis. Elle était toujours accroupie. Je remarquai qu'elle avait des boucles d'oreilles cerises et une bague avec une montre dessus. Il y eu un petit blanc, mais pas un de ces blancs où l'on cherche quelque chose à dire pour faire passer un malaise palpable, c'était un blanc très bruyant de pensées absurdes. Nous réfléchissions à notre situation ridicule. Puis, un peu pour garder la face, je l'interrogeai :

-Finalement tu n'as même pas répondu à mes questions... Mais ça m'intéresse vraiment hein.

-Mmh... Eh bien moi, je suis une fille, j'ai 17 ans, je mesure 1 mètre 60 pile, je pèse 56 kg, j'aime le jaune, l'escalade, l'amour, les pancakes et la nuit. Pour ta seconde question, je ne fais pas souvent peur aux gens lorsque je viens ici la nuit, car il n'y a jamais personne ici la nuit. Par contre j'avoue que ce soir ça m'a un peu amusé. Ah oui : je m'appelle Vanille. »

Pleins de pensées se bousculèrent d'un coup dans mon esprit. Des choses relativement stupides, comme « Whaaa, elle est perchée c'te meuf », et « Comment peut-on aimer l'amour ? » ou encore « Elle s'appelle quand même Vanille. C'est chaud. ». Mais aussi « C'est quand même sympathiquement drôle cette présentation juste pour la question ''t'es qui ?'' »... Mais tout ce qui sortit de ma stupide bouche fut :

« -Oh. » Je souriais pour cacher le fait que je me trouvais l'air idiot. Je crois. Elle tourna la tête sur le côté, fuyant mon regard. Intrigué, je me penchais vers elle, et elle grommela.

-Pff... C'est nul, Vanille, non ? C'est la honte. Autant m'appeler direct cupcake.

Je ne savais pas vraiment quoi dire. Je connaissais cette fille bizarre depuis deux minutes et elle me confiait déjà ces tourments au sujet de son prénom trop sucré. Vraiment une drôle de fille. D'autant que j'habitais une toute petite ville, et je ne l'avais jamais vu. Enfin, pas que je me souvienne de toutes les personnes que j'ai croisé, mais elle, je m'en serais souvenu si je l'avais déjà aperçu... Je haussai les épaules.

-Bah... C'est déjà mieux que tous ces prénoms qui se ressemblent et que toutes les filles portent.

-Comme quoi ?

-Mais si, tu sais bien... Je fis mine de réfléchir. Emma, Léa, Manon, Sarah...

Elle fit une grimace.

-Moi je trouve ces prénoms magnifiques. Il suffit de les répéter plein de fois, et ils deviennent originaux et même uniques, me rembarra-t-elle.

-Mouais.

-Alors que « Vanille » t'as beau le dire encore et encore, ça reste une gousse remplie de grains noirs.

Encore une fois, je me retrouvai un peu désemparé. Que dire ? Je me savais très blasé pour mon âge, au grand dam de ma mère qui ne cessait de le regretter. Rien ne m'émerveillait, et il fallait être réellement passionnant pour m'intéresser un tant sois peu. Alors ces prénoms portés par la moitié des filles ne piquaient en rien ma curiosité, aussi « originaux » et « uniques » soient-ils selon Vanille. Ma psy me dirait sûrement d'essayer de « poser un regard neuf sur mon univers ». Facile à dire.

- Tu as peut-être raison, dis-je pour ne pas trop la contredire. N'empêche que Vanille, je trouve ça plutôt cool.

Elle souris. Et il se passa quelque chose de singulier, comme un éclair étrange qui traversa fugacement son regard pendant à peine un fraction de seconde. Je ne parvins pas à identifier vraiment la nature de cet éclair, mais c'était quelque chose de très fort qu'elle tentait de camoufler.

Elle se reprit, se leva du banc, et dit d'une voix complètement indifférente :

-Merci !

Elle consulta sa bague montre, et s'exclama qu'elle devait absolument y aller. Elle ne me dis pas au revoir. Elle ne se retourna même pas. Elle s'avança juste vers le petit portail métallique et grinçant, le poussa, et s'en alla.

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->Suite entre le 06/02 et le 08/02

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