Hello !

Merci de suivre toujours cette histoire ! Alors j'ai conscience que les chapitres sont courts, mais pour ceux qui me connaissent déjà, ce n'est pas le même procédé que Guess : ici j'en suis encore à la phase expérimentale ! Je cherche encore mes marques et je prie pour que vous compreniez certains passages, ce qui n'est pas évident...

Bonne semaine !!

Sea

*

    La voix était lourde, sirupeuse, trainante. Teintée du même accent que le patron du traiteur libanais que Sophie affectionnait tant...

Ce type. C'était le même, à n'en pas douter, que celui que la jeune femme avait rencontré sur le forum Snagov Mausoleum. Comment avait-il eu son numéro ? Pourquoi parlait-il si bien français ? Et qu'est-ce qu'il lui voulait, à la fin ?! Colibri entendit un tambour résonner de plus en plus fort, lui donnant mal à la tête. Elle réalisa qu'il s'agissait de son propre cœur, dont la fréquence atteignait une rapidité record. Sophie dut retenir des larmes d'angoisse – cette même angoisse à la fois pénétrante et écœurante qui l'avait assaillie la veille – et courut aux toilettes du vestiaire pour vomir, incapable de contenir la nausée qui s'emparait d'elle.

    Elle se hâta ensuite de noter le numéro de téléphone d'où provenait l'appel et le fit passer sur liste noire. Elle s'engagea dans les couloirs à la peinture écaillée et aux néons qui lançaient des clins d'œil à tout va et se dirigea vers son bureau. Elle tendit devant le détecteur son badge, qu'elle gardait accroché au cou, et s'y enferma rapidement après avoir eu le réflexe de vérifier d'un regard panoramique qu'elle se trouvait bien seule dans la pièce. Puis, elle se dirigea vers le bureau.

    Cet endroit, commodément situé au rez-de-chaussée ressemblait à une chambre d'étudiant, il ne manquait plus qu'un lit et un tas de linge sale, dans un coin. Sophie réalisait ici toutes ses tâches administratives, elle consultait dans un cabinet, à l'étage supérieur. La jeune femme avait disposé deux bonzaïs soigneusement entretenus sur le bureau, un olivier devant l'entrée, et un énorme aquarium longeait le mur. Pour l'heure, il était impossible d'y deviner quel animal y vivait, mais le poster Axolotl–Axofewl, surmonté d'une étrange créature souriante, dessinée dans le style manga, à mi-chemin entre la sirène et le têtard, faisait comprendre que le gigantesque pavé transparent abritait sans doute l'une de ces curieuses créatures.

    Colibri saisit dans un tiroir une télécommande blanche et ouvrit les volets, illuminant la pièce. Elle alluma d'une main son ordinateur et de l'autre tira une bouteille d'eau minérale du tiroir ouvert pour se rafraichir la bouche.   

- Idéal, comme façon de commencer la journée... grogna-t-elle.

Elle posa la bouteille sur le bureau et saisit un pot d'aliments lyophilisés – Axolotoflove! – pour en parsemer la surface de l'eau de l'aquarium. Rien ne bougea et Sophie sourit :

- Louis Quatorze ! Robespierre ! Dracofeu ! Rurushu ! Debout là-dedans ! Vous êtes censés garder l'IMC, je vous rappelle ! Ah, bonjour, Robespierre... Toujours prêt à manger, toi, on dirait...

Sophie regarda dodeliner la tête rosâtre de l'étrange animal qui venait de sortir de l'épave creuse d'un sous-marin, l'observant longuement à travers la vitre.

- Allez, Bob, on se bouge un peu ! l'encouragea la jeune femme d'une voix chantante. J'espère que tu n'as pas trop embêté Louis Quatorze, hmm ? Allez, Dracofeu, Rurushu, sortez. Les gars, je vais vous raconter ma soirée, c'était hor...

Colibri avait fait volte-face pour retourner s'asseoir à son bureau, tout en papotant avec ses quatre axololts(1). Elle se figea lorsqu'elle vit, devant la porte grande ouverte, la haute silhouette du capitaine Mickaël Aleksey.

- Juste au cas où vous vous demandiez encore si oui ou non j'étais tarée... marmonna Sophie en levant les yeux au ciel.

Aleksey n'était pas parvenu à effacer cet air monumentalement surpris de son visage. Il agita un sac en papier kraft où on pouvait déjà voir apparaître des taches de graisse et répondit :

- Croissants et chocolatines.

- Vous dites « chocolatine » ? Vous êtes parfait, dites-moi ! Faites attention à Jayvart, il fait une crise d'épilepsie dès qu'il entend ce mot...

- Je vois, sourit le capitaine en posant les viennoiseries sur le bureau. Et ne vous inquiétez pas, vous pouvez parler à vos poissons : je passe certaines soirées en dialogue avec mes malinois.

- Ce ne sont pas des poissons, mais des axololts, le corrigea Colibri en retournant s'asseoir. Merci, au fait, fit-elle en ouvrant le sachet en papier. Ils sont encore chauds, idéal... Je vous dois combien ?

- Le devoir de tous les manger et de ne pas tomber d'inanition avant la fin de la journée !

Sophie inclina la tête vers Aleksey qui s'approcha du bureau. Elle ouvrit le dossier, une pochette jaune dans laquelle quelques feuilles volantes avaient été glissées.

- Vive l'ère informatique, grommela le médecin-légiste en mordant dans un pain au chocolat. Hmmm... c'est une tuerie, ce chocolat fondu, prenez-en un, capitaine. Et je vous en prie, asseyez-vous.

Mickaël tira le fauteuil vide près du bureau et regarda la jeune femme parcourir rapidement les lignes du dossier. 

- Blablabla... Ah ? Il bosse chez Zenvolf Corporation ? Ce n'est pas la boîte de ce type multimilliardaire, là, A... Abou... Aba... quelque chose ? Il a un nom à dormir debout et il paraît que ses associés le surnomment Fifty Shades, parce qu'il est... Oui, je lis la liste des célibataires les plus convoités au cas où je rencontre l'un d'eux et pour pouvoir répondre « mannequin Dior » au lieu de « médecin-légiste » s'il me demande ce que je fais dans la vie, se dédouana Colibri en surprenant le regard amusé du capitaine Aleksey. Et j'ai  une excellente mémoire.

- Je n'ai rien dit. Et le nom du PDG de Zenvolf Corp. est Abaddon Tahir, il a effectivement une réputation d'homme de fer.   

- Voilà, Abaddon.

- Il paraît que ses employés le surnommaient Bad avant l'essor du roman. Enfin, c'est ce que Romain Durant m'a confié pendant sa garde-à-vue. Il ne parle que de son boss, ça confine à l'obsession et c'est assez impressionnant.

- Alors, voyons... Durant, cinquante ans, tentative de meurtre sur collègue... Gnagnagna... Hôpital... GAV... Ouais... Il bossait sur la chaîne technique, si je comprends bien, et il a tenté d'écrabouiller son collègue, monsieur... Jérémy Dupré ?

- C'est ça.

- ... sous une machine. Charmant. Vous ne l'avez pas laissé tout seul dans ma salle d'attente, dites-moi ? Qu'il ne me saute pas dessus avec le distributeur de canettes ?

- Non, sourit Aleksey. Il est entre de bonnes mains.

- Il a été hospitalisé et on soupçonne une psychose ? Dupré va comment ?

- Choc psychologique, quelques bosses parce qu'il s'est jeté au sol pour éviter la descente de la plate-forme mobile, mais rien de grave.

- Qu'est-ce qu'ils fabriquaient, sur cette chaîne ?

- Aucune idée, Jayvart m'a mis cette affaire entre les pattes ce matin. J'ai tout juste eu le temps de lire le dossier. Il dit aussi que les analyses sont en cours pour le cadavre d'hier, mais qu'il y a peu d'espoir.

- J'imagine.

- C'est quoi, le cadavre d'hier ?

- Soit un coup de Van Helsing(2), soit une blague de très mauvais goût d'un étudiant de médecine, mentit Colibri en sentant ses joues s'embraser. Assez sordide, en tout cas. 

Elle haussa les épaules, des images parcellaires du visage déformé de Heath lui passant sous les yeux. Sophie était très en colère contre son ami. Il lui avait manqué de loyauté, songea-t-elle. Il avait failli la tuer...

- Tout va bien ?

La voix chaleureuse et calme d'Aleksey la fit revenir sur terre.

- Hmm, oui. Je dois aller dresser le bilan psy de Romain Durant, c'est bien ça ?

- C'est tout à fait ça. Je vous accompagne.

- Oui, à moins que vous ne vouliez dire bonjour à mes axolotls.

*

(1) Axolotl : petit animal très bizarre, capable de se reproduire à l'état larvaire et de régénérer un œil ou une partie de son cerveau. Il vit en Amérique latine et a besoin de calme et d'un très grand aquarium. Les blagues vaseuses de l'auteur concernant l'animal - ou plutôt les atteintes manifestes à l'intelligence du lecteur - sont basées sur des jeux de mots stupides : AxoLOTl-AxoFEWl utilise la dichotomie lot (beaucoup) et few (peu), et AxoLot-Of-Love se traduirait littéralement par Axo-Beaucoup-d'amour. Nous rions tous. Ha-ha-ha. NdT, qui n'a toujours pas reçu son salaire depuis Guess 3...

(2) Van Helsing : personnage de fiction issu de Dracula (Bram Stoker), médecin chasseur de vampires. NdT, qui aimerait que l'auteur ne mélange pas des œuvres de qualité à ses brouillons, quand bien même le copyright aurait sauté !