34 - O'brother!
Hello !
Un chapitre un peu plus "exposition" après le dernier - histoire de vous faire digérer les dernière informations ^^.
Merci pour la lecture !!!
Bonne semaine :-)
Sea
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Il se peut que j'eusse été quelque peu mesuré sur la façon dont je vous ai parlé de mon frère aîné, Vlad. Je ne le déteste pas, je le hais avec toute la ferveur de mon cœur de strigoï – et si Dieu existe, il saura vous dire avec quelle passion le cœur d'un strigoï sait haïr.
Ainsi que je le signalai déjà plus haut, le supplice du pal, quand bien même ce pal fût de petite taille, est pour nous autres vampires fort douloureux. Il l'est d'autant plus lorsque l'on sait que les faibles dont on la lourde charge vont se retrouver traqués et sans doute livrés à la cruauté d'un être méprisable. Ne croyez pas que je tente de me donner le bon rôle : j'avais – souvenez-vous – prêté serment à Traian de le protéger, et je tenais bien plus encore à préserver la vie et la santé de Sophie Colibri.
Je ne comptai pas le temps, enragé, impuissant, que je perdis dans ce maudit placard à détergents et balais-brosses. Je le passai à me tourmenter, ignorant du visage de l'humain qui m'avait empalé – travaillait-il au compte de Zalmoxis ? Était-il un banal et ridicule aspirant chasseur ? Avais-je eu la malchance particulièrement cocasse de devenir la victime d'un sociopathe fanatique du pal ? –, ignorant du sort de Sophie et intimement avide de vengeance. Oui, oui, et je m'inquiétai aussi parfois de savoir ce que le moroï Traian et son minuscule petit moroï de frère devenaient. Peut-être.
Je me doutai, en ne rencontrant jamais le regard d'un technicien de surface, que l'homme qui m'avait ainsi pris au piège devait s'être servi de mon sang pour brouiller la vision de la porte du placard à ses frères. Ou d'un autre artifice issu de l'Ombre. Oui, car notre sang, sec, ne peut pas être visible distinctement par vous autres humains : vos yeux le perçoivent, mais votre cerveau l'occulte, et vous focaliserez votre attention partout sauf là où le sang strigoï est étalé. Certains d'entre vous, je peux le sentir d'ici, sont des migraineux, occasionnels ou chroniques – ou bien en connaissez-vous – ; eh bien apprenez que ceux-là sont tout simplement issus d'une lignée humaine qui avait frayé avec l'Ombre, puis avait tenté de l'éradiquer. Or, l'Ombre trouve toujours un moyen de soustraire à la volonté humaine. Jusqu'ici, ceci étant écrit. Les migraineux peuvent donc se consoler : ils paient le tribut d'ancêtres un peu trop belliqueux pour leur propre bien. À la réflexion, cela ne les consolera pas. Non. Mais cela m'amuse grandement.
Passons sur cela. Je sens que certains s'irritent.
Rappelons-nous que je me trouvais en bien mauvaise posture lorsque, après des heures – des jours ? Des années ? Je l'ignorai alors ! – la porte de mon placard s'ouvrit, y laissant passer la lumière artificielle des néons de ces sanitaires pour le moins vétustes. Je m'écroulai au sol, faisant légèrement glisser dans ma poitrine le pieu ensanglanté. La douleur était positivement exquise, mais ce ne fut rien, si je la compare à celle que je ressentis en percevant la voix honnie de cet être non moins honnie tomber dans mon oreille.
- Mon frère, je savais que je vivrais assez vieux pour te voir sortir du placard.
J'ai parfaitement conscience de vous avoir laissé entendre que Vlad Draculea, troisième du nom, était plus ou moins mort. Je le sais et m'en excuserais si je ne trouvais pas moi-même mon état d'esprit parfaitement justifiable : ce strigoï d'une cruauté, d'une vilénie et d'une vulgarité sans borne aucune était plus à sa place au cœur de la Géhenne que vadrouillant dans la Lumière. Mais, quoi ! Quand bien même mes affirmations étaient un tant soit peu erronées, j'avais bien le droit de me bercer de douces illusions. Et vous aussi, croyez-moi !
Et cette plaisanterie épouvantable sur ma sexualité... J'eus le temps, avant de tomber aux pieds de Vlad, de remarquer la petite humaine Colibri, derrière laquelle une yûrei se tenait. Grands dieux, une yûrei. Mon frère s'acoquine sans cesse avec les pires créatures de ce monde ! Nul doute que le ricanement et la sortie stupide de ce voïvode justement haï feraient route dans l'esprit de Sophie... Elle qui m'avait déjà questionné sur mes relations avec le sultan, je prévoyais déjà un interrogatoire pour le moins intense. Ma petite humaine se mit à tempêter après Vlad, me rassurant quelque peu sur l'amitié dont elle m'honorait – et dont, pardonnez-moi, mais j'avais des raisons de douter. La jeune femme, choquée, sans doute par mon état, qui était celui de la mort, ni plus ni moins, ordonna à plusieurs reprises à l'Empaleur de m'assister. Ce dernier ne fit que la rassurer froidement :
- Il n'est pas mort, il a seulement été mis hors d'état de nuire.
De nuire ! L'entendez-vous ? Moi, nuire ! Quand je pense que j'étais celui qui sauva de la mort les derniers moroï Mormânt ! Tandis que lui vagabondait je ne sais où, certainement aux antipodes de son ancien royaume ! Sophie ordonna, furieuse, à Vlad de me libérer du supplice du pal. Le silence qui suivit me fit accroire que mon frère caressait une solution différente de celle qu'envisageait Colibri – oh, comme il dut jubiler ! – et il finit par lâcher, avec une nuance de ravissement au creux de la voix :
- À bien y réfléchir... À bien y réfléchir, je pense que mettre hors d'état de nuire le bien peu estimé Radu, traître de renom, n'a pas été l'idée la plus sotte du siècle, ajouta le vampire en haussant les épaules. Akane, emmène-la hors d'ici.
Akane devait être la yûrei que j'avais remarquée en chutant. Ma brave petite humaine ne se laissa cependant pas dicter sa loi si aisément :
- Quoi ?! Vous vous foutez de qui, là ? gronda-t-elle d'un ton à la fois surpris et furieux. Eh ! Oh ! Fils de... Non ! Lâchez-moi ! Lâchez ce fauteuil ! Sale garce !
Si mon corps n'avait été si mort, j'eusse frissonné de peur : cette yûrei ne pardonnerait pas une telle injure – encore une créature dont j'eusse dû protéger le petit médecin-légiste. Malgré les protestations de Sophie, les deux femmes sortirent, l'une poussant l'autre.
Vlad finit par me relever sans peine. Son visage n'avait pas changé, toujours si haïssable. Il se pencha contre mon oreille et je sentis son souffle contre ma peau :
- Mon cher frère, si tu savais comme je chérirai ce moment, tu te réjouirais de tant de bonheur.
Oh, comme je l'abhorre... Quel malédiction que cette maladie qui me cloue dans un état de faiblesse quasi-humaine ! Bien sûr, Vlad me fit à nouveau entrer dans le débarras où j'avais élu domicile bien malgré moi. Voyez par vous-même combien cet être est doué de sadisme : avant que de refermer sur moi la porte, il agita dans ma plaie le pal, faisant irradier une douleur sans nom dans tout mon corps déjà bien torturé.
*
A suivre...
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