33 - It's complicated
Hello !
Je n'ai rien à dire, si ce n'est : merci pour vos votes et reviews et bonne lecture ! :-D
Sea
PS : ah, si : j'ai oublié encore de répondre à certains commentaires importants. Mais ayez pitié, je suis malaaaaaaade. ^^
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9h30, Paris
Vlad comprit qu'il devrait tordre l'esprit de tous le personnel de bord lorsque l'hôtesse qui vérifia leur badge d'embarquement se pencha d'un air apitoyé sur Sophie, dans son fauteuil pour lui demander :
- Tu voyages seule, ma petite ?
- Non, rétorqua Colibri de l'air le plus sombre possible, je suis avec Dracula et the Grudge, juste derrière, vous ne les aviez pas remarqués ?
L'hôtesse pâlit violemment, observant Vlad et Akane, qui se tenaient derrière Sophie. Le strigoï fronça les sourcils, car cette femme, habituée aux voyageurs excentriques et désagréables, avait réagi fort étrangement. Il ne prit pas le temps de débrouiller cette impression singulière qu'il avait eue et tordit l'esprit de tout ce qui se trouvait dans un rayon de cinq mètres – ce qu'il faisait aussi aisément que le lecteur lit ces mots.
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12h30, Bucarest
Après un voyage fort désagréable en classe affaire pour les trois compagnons, Vlad Tepes eut la non moins désagréable surprise de percevoir de tous côtés, dans l'aéroport, l'odeur d'un strigoï. Et il n'avait aucun mal à reconnaître celle de son frère cadet.
- Vous avez un souci ? l'interrogea Sophie, qui venait d'incendier une quarantenaire américaine et valide qui avait monopolisé les toilettes handicapés durant dix minutes.
- Mis à part l'esclandre que vous avez provoqué aux sanitaires ? murmura Akane d'un ton venimeux.
- Dites-donc, vous ! J'ai encore le privilège de pouvoir pisser, ne vous en déplaise ! la rembarra la jeune médecin-légiste – qui n'avait pas osé changer son patch de morphine et qui avait compensé avec un cachet, chose qu'elle savait pertinemment être une erreur.
Akane faillit répliquer, les yeux allumés d'une lueur féroce, mais un seul regard de Vlad fit taire les deux femmes.
- Radu est ici, je sens sa trace. Son odeur est presque fraîche, mais cela doit faire plusieurs heures, au bas mot, qu'il a quitté les lieux. Nous allons nous rapprocher du point le plus chaud.
- Je ne sens rien, marmonna Colibri.
- Encore heureux, ce serait inquiétant.
Vlad Draculea avança alors dans l'aéroport. Son odorat le mena directement devant les toilettes, plus proches de l'entrée, celles-ci, où son frère avait été agressé. Il soupira, ne comprenant pas pourquoi la piste s'éteignait aussi brusquement, et tordit l'esprit des humains qui parcouraient les lieux. Tous les hommes présents dans les sanitaires en sortirent, l'air légèrement hébété. Akane poussa le fauteuil de Colibri – ce qui déplut à cette dernière – dans les toilettes pour hommes, et Vlad les y suivit, refermant derrière lui la porte. Aucun d'eux n'eut de mal à voir, avec une stupeur inégale, que la porte d'un placard à balais portait une macabre inscription au sang séché, noir et un peu effrité par endroit : « BEWARE – VAMPIRE INSIDE ».
L'auteur, pour des besoins de scénario et de formation de trois cliffhangers par ordre d'importance scénaristique, va désormais – et pour votre plus grand plaisir – s'essayer à la double ellipse narrative, suivie d'un pseudo flash-back menant à l'intrigue majeure. En vous remerciant pour votre compréhension.
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11h04, pas trop loin de l'aéroport, Bucarest
Cela faisait deux jours – peut-être plus – que Traian et sa très jeune sœur se terraient dans les égouts qui serpentaient sous l'aéroport. Persuadé que Radu les avait abandonnés, terrifié à l'idée de se retrouver aux mains de l'orphique qui avait tué sa famille, le petit moroï avait fui, la bébé entre les bras, dans le cloaque puant, sachant que son odeur serait couverte par celle des eaux usées. Il avait repris Valeria – et non Valeriu, ainsi qu'il l'avait présenté à Radu, ce dernier s'étant montré incapable de distinguer un nourrisson femelle d'un nourrisson mâle – sous son aile et s'était installé non loin d'un bouche d'égout. Au début, il était parvenu à attraper les rats qui passaient à proximité et à boire leur sang en quelques lampées avides, mais les heures passant, il s'était affaibli. À présent, le malheureux enfant n'était plus capable de capturer le moindre rongeur. L'œil vitreux, il restait recroquevillé dans l'obscurité, donnant à la petite Valeria toute l'énergie qui l'habitait encore. Il avait terriblement maigri – car un vampire qui donne trop de souffle vital perd en consistance corporelle en quelques heures seulement –, et un inconnu eût cru rencontrer un squelette émacié, en voyant le jeune moroï ainsi immobile. Valeria gazouillait parfois, lorsqu'elle se réveillait, distrayant Traian de sa douleur physique – la faim procurant à celui qui l'éprouve une réelle sensation de douleur – et lui rappelant son devoir de protecteur. Le petit, bien qu'il ne l'eût pas admis, avait longuement pleuré, une fois à l'abri dans les égouts, tant la trahison et l'abandon de Radu l'avaient choqué et effrayé. Il restait donc seul, trop jeune pour survivre, et sachant que si Zalmoxis ne les retrouvait pas avant, sa sœur le suivrait de quelques heures dans la mort.
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18h56, Paris
Le soir même de la journée où Sophie entra pour la première fois en Roumanie, Lukosdulus reçut un appel de son jeune maître :
- Ludoskulus, j'écoute, monsieur.
- Je suis chez elle, elle n'est pas là.
- Qui donc, monsieur ?
La voix d'Abaddon Tahir, déformée par la colère, se fit grondeuse :
- Ne faites pas l'innocent, vous savez très bien de qui je veux parler !
- Ah, la jeune coroner(1) ?
- Elle n'est pas chez elle. Et il y a une odeur épouvantable de strigoï.
- Mais monsieur avait pourtant élucidé ce problème, fit remarquer le majordome – ou ce qui s'en approchait le plus – en passant négligemment un plumeau sur un Rodin en bronze. Monsieur s'était rapidement entretenu au téléphone avec le strigoï en question, si je ne m'abuse.
- C'en est un autre, grogna Tahir, qui faisait les cent pas au bas de l'immeuble de Colibri. Une autre odeur. Plus violente. Celui-là est plus puissant. Il l'a emmenée, j'en suis certain.
- Je croyais que monsieur était parvenu à lui faire envoyer l'ADN de monsieur Dupré au laboratoire d'analyses.
- Et alors ?! s'impatienta Abaddon en envoyant voler un caillou du bout de sa chaussure en cuir italien griffé.
- Alors monsieur n'a plus besoin de rester au chevet – si monsieur me passe l'expression – de cette jeune coroner.
- Eh bien si ! Qui me dit qu'il ne faudra pas qu'elle explique la raison pour laquelle on trouve du sang de chat et pas du sang de...
- Monsieur se cherche des excuses pour le moins bancales, avec tout le respect que je dois à monsieur.
Abaddon Tahir crut qu'il allait exploser. Il se contint néanmoins.
- Sa garde-malade, la blonde, elle n'est pas venue aujourd'hui, son odeur est trop diffuse. Elle doit avoir une bonne raison pour n'être pas venue. Trouvez-moi son adresse.
- Un blonde, monsieur ?
- Mais oui ! Lola... Louna... Oh, peu importe ! Une sorte d'infirmière blonde, grande... Polonaise. Ou Russe, je ne sais pas.
- Bon. Si monsieur m'accorde une dizaine de minutes, je vais voir ce que je peux faire pour monsieur.
- Vous avez cinq minutes, Lukosdulus. Pas une de plus.
Et Tahir, rageusement, raccrocha.
Son maître d'hôtel – peu importe – rappela exactement six minutes plus tard. Abaddon était hors de lui, car il savait pertinemment que l'homme l'avait fait exprès.
- Vous vous moquez de moi, Lukosdulus ?
- Que monsieur me pardonne, monsieur. Monsieur sait que je suis porté sur la plaisanterie.
- Vous avez ce que je vous ai demandé ?
Dix minutes plus tard, Ludmila Romanov ouvrait la porte à un grand jeune homme vêtu d'un complet qui eût pu payer l'intégralité de ses études. Elle le reconnut aussitôt, car elle n'avait pas attendu, suite à l'explication de Sophie sur la visite tardive et indésirable de Tahir, pour Googler le chef d'entreprise et s'assurer de ne pas oublier son visage. Cependant, la sémillante Romanov ne laissa pas un seul sentiment de surprise glisser sur son visage. Impatient, Abaddon fit claquer la paire de gants en vélin qu'il tenait dans sa main :
- Vous êtes Romanov ? Ludmila Romanov ?
- Qui la demande ?
- Je m'appelle Matthieu Gentil, je suis un cousin de Sophie Colibri et elle m'avait donné rendez-vous chez elle. Comme elle est absente depuis ce matin et qu'elle m'avait donné votre adresse, à toutes fins utiles, je me permets de venir m'enquérir de ses nouvelles auprès de vous : je commence à m'inquiéter fortement.
- Sophie n'est pas chez elle ?
Ludmila posa une main sur la poitrine, écarquillant les yeux sous la stupeur.
- Entrez, asseyez-vous. Oh, là, là ! s'exclama-t-elle en secouant la main. C'est ho-rrible ! Mais elle m'avait dit qu'elle recevait quelqu'un hier soir et qu'il resterait dormir, c'est pour ça que je ne suis pas venue : elle m'a donné un congé ! Oh, là, là ! Quelle horreur ! Je vais téléphoner à ses amis, pour savoir ce qui s'est passé ! Vous avez bien fait ! Tenez, asseyez-vous, répéta-t-elle en poussant Tahir vers un fauteuil Ikea. Je vous débarasse de votre manteau et... merci... et je téléphone ! Oh, là, là !
Le manteau fut presque arraché aux épaules du PDG, qui s'assit sans discuter dans le fauteuil. Ainsi, Colibri avait prévu de passer la nuit avec quelqu'un, songea-t-il. Cette blonde avait dit il, n'est-ce pas ? Ce ne pouvait être un strigoï. Sophie Colibri, petite humaine au tempérament bien trop explosif, ne pouvait s'être compromise avec un strigoï ! Abaddon Tahir était tellement perdu dans ses pensées qu'il ne pensa même pas à détailler l'appartement de la jeune infirmière du regard. Les doigts croisés, il vit revenir Ludmila, qui pianotait furieusement sur son portable.
- Elle... hem... Sophie est en couple ? Elle ne m'en a rien dit.
- Oh, là, là ! s'exclama à nouveau Romanov en roulant des yeux. Bien sûr que si ! Et entre nous, il est beau comme un dieu ! Attendez, je dois prendre cet appel...
Ludmila vit les mâchoires de Tahir blanchir et dut se contenir pour ne pas laisser échapper un rire moqueur.
- Allô, Mickaël ? Oui, son cousin ! Comme je vous le dis, il m'a dit qu'elle n'était pas là. Mon Dieu, mon Dieu, c'est ho-rrible !
- Il a pu l'emmener quelque part ? suggéra Abaddon, que le comportement puéril de cette midinette peroxydée exaspérait. Ce... cet homme ?
- Sven ? Oh, non, ça m'étonnerait.
- Il s'appelle Sven ?
- Oui, il est Norvégien. Grand, blond, blanc... tout l'inverse de vous, quoi !
- Je...
- Chut ! Oui, Mickaël, je vais... Ah, vous êtes dans les parages ? Très bien alors, je vous attends. Oui, j'ai un double des clefs.
Romanov raccrocha, se tamponna les yeux, émue, renifla et s'écroula dans un autre fauteuil Ikea, en face de Tahir.
- Oh, là, là ! Quelle histoire, monsieur Méchant !
- Gentil.
- Pardon ! Je suis sotte ! Monsieur Gentil ! gloussa Ludmila. Mickaël est un ami commun, il travaille dans le lycée, à côté de chez Sophie. Il arrive, il est en chemin.
Abaddon fronça les sourcils. Il détectait à présent chez Ludmila une émotion qui ne collait pas. Elle triomphait intérieurement, bien qu'elle ne laissât rien paraître. Tahir ne put s'empêcher de se tendre : où la jeune femme avait-elle posé son manteau ?! Pourquoi était-elle si calme, à présent ? Pourquoi n'avait-elle pas proposé de se retrouver chez Colibri ? Et pourquoi n'avait-il perçu d'autre odeur que celle de Sophie et du strigoï, dans l'appartement ?!
- Un souci, monsieur Gentil ?
- Pourquoi Mickaël nous retrouve-t-il ici ?
- Ça vous choque ? Je n'ai pas de voiture, c'est pour ça. Mais vous n'avez pas l'air bien, monsieur Gentil, vous voulez que j'aille vous chercher un verre d'eau ?
- Non, je...
- Mais si, voyons, j'y cours, j'y vole ! Mickaël arrive d'ici quelques minutes, de toutes les façons, il est en voiture ! Vous avez une voiture ? s'égosilla Ludmila depuis la cuisine.
- Oui, justement, nous aurions pu y aller seuls ! fit Abaddon en se levant.
Ce dernier sentait un piège se refermer lentement, mais sûrement, sur lui, sans savoir pourquoi.
- Dites-moi : où avez-vous mis mon manteau ?
- Votre... ?
- Manteau. Mon manteau, ce n'est pas compliqué ! cracha soudain le PDG de Zenvolf Corporation. Je vais fumer dehors, rendez-le-moi.
- Mais non, il gèle, dehors ! protesta Romanov.
Le regard de Tahir s'obscurcit brutalement. Il s'avança vers la jeune femme, menaçant :
- Je ne plaisante pas : je ne vous fais pas confiance, rendez-moi mon manteau, sur le champ.
- Oulà, monsieur Gentil, calmez-vous... Je vous comprends, vous êtes...
Ludmila sentit la main d'Abaddon se poser sur son coude : l'homme avait les pupilles dilatées et sa respiration s'était accélérée.
« Pas si bête », songea Ludmila avec un sourire.
Toute trace de naïveté crasse disparut des traits de la jeune femme, pour laisser place à un air narquois. Elle connaissait par cœur le geste de Tahir. Elle connaissait par cœur la série de mouvements qu'elle devait faire pour se débarrasser de lui :
- Veuillez me lâcher, il n'y aura pas de deuxième avertissement, lança-t-elle froidement.
- J'en étais sûr... siffla Abaddon en resserrant sa prise sans même le vouloir.
L'instant suivant, il percutait le sol avec violence, sans réellement comprendre comment. Romanov s'installa sur son dos, y appliquant une clef de bras solide.
- Ne bougez pas, et vous n'aurez pas mal, l'avertit Ludmila.
À cet instant, au grand dam de Tahir, des coups retentirent contre la porte.
- C'est ouvert !
Un homme noir fit irruption, arme au poing.
- Vous êtes là ! Vous n'avez rien ? Vous, pas bouger ! cracha-t-il lorsque Romanov libéra Abaddon. Vous êtes en état d'arrestation, vos avocats vous ont déjà seriné vos droits, blablabla ! enchaîna Mickaël Aleksey en passant rapidement les menottes au PDG, avant de l'aider à se relever.
- Vous êtes en train de faire la plus grosse bêtise de votre misérable carrière ! gronda Tahir en foudroyant l'inspecteur du regard.
- C'est ça. Ça ne se voit pas parce que je suis noir, mais je suis blanc de peur intérieurement.
- Il venait pour demander où était Sophie, les interrompit Ludmila, qui avait croisé les bras.
- Vous ne lui avez rien dit ?
- Où est-elle ?! voulut savoir Tahir en se dégageant de l'emprise du capitaine.
- Vous pouvez toujours vous gratter, lança Ludmila en rejetant sa chevelure blonde en arrière.
Des gendarmes en uniforme firent alors leur apparition dans l'entrée. Abaddon eut le temps de faire face à Romanov. Il la foudroya de ses yeux couleur de miel et lui déclara avec un calme surprenant :
- Vous me le paierez.
- Vous êtes d'origine iranienne, n'est-ce pas ? demanda la jeune infirmière d'un ton léger.
Le silence de Tahir fut sa seule réponse.
- Je suis Israélienne. Et on attend toujours la bombe H que vous nous promettez depuis des années, alors vos menaces, monsieur Tahir, vous pouvez tout aussi bien les brader sur LeBonCoin, pour ce que ça m'intéresse...
Une colère violente se lut dans les yeux du voirloup, mais il n'ajouta rien et se laissa emmener, menotté, par les gendarmes. Resté seul avec Ludmila, Mickaël Aleksey, les sourcils froncés, déglutit :
- Bien joué, le SMS. J'avoue que j'ai mis une fraction de seconde pour réaliser...
- Qu'est-ce qu'il lui veut ? l'interrompit Romanov, d'une voix blanche. Est-ce qu'il est en lien avec son... accident ?
- Ses jambes ? Non. Non, pas d'après ce que Jayvart a laisser filtrer.
- Vous aussi, vous avez reçu son mail, ce matin.
- Yep, confirma le capitaine en exhalant un soupir nerveux. La Roumanie... Aussi rapidement...
- À vous non plus, ça ne vous plaît pas ?
- Heath, son ami, y est déjà. Jayvart a dit que si nous n'avions pas de nouvelles avant vingt-quatre heures, il irait la chercher là-bas. Merci pour Tahir, pour en revenir à lui. Ce sal... oh, pardonnez-moi : ce vil personnage voulait sans doute mettre la pression à Sophie pour les analyses de la scène de crime...
- Quelle ordure... Ah tenez, son manteau. Je l'avais caché pour le forcer à rester.
Ludmila revint de la cuisine en tenant le manteau noir replié à la main.
- Il est tout froid, fit remarquer Aleksey en le palpant. C'est bizarre, ça !
- Congélateur ! rétorqua Ludmila avec un sourire – le premier depuis l'arrestation du PDG. Il n'y aurait pas pensé.
- Vous feriez un bon tueur en série, avoua Mickaël. Bon, je vais devoir y aller. Est-ce que je vous laisse un agent de faction, pour vous éviter un stress inutile ?
- Pour quoi faire ? questionna Romanov, interloquée.
- Eh bien, Tahir vous a menacée, et il est tout de même l'un des hommes les plus riches du monde... Je peux laisser quelqu'un dehors, au moins jusqu'à ce que votre mari rentre !
- Mon mari ?
- Oui, votre mari. Quoi, il ne rentre pas ce soir ?
Mickaël leva un sourcil devant l'air quelque peu embarrassé de la jeune femme. Elle n'eut pas le temps d'avouer la vérité au capitaine que celui-ci, catastrophé, secouait la tête :
- Oh, pardon, madame, je ne pensais pas... Je suis désolé... Sans l'alliance, j'aurais dû deviner... Toutes mes condoléances, madame, je suis désolé. Sincèrement... désolé ! Je... je suis un maladroit ! Je vais mettre un agent devant chez vous par précaution, je... vraiment, pardonnez-moi.
Ludmila n'eut pas le temps d'expliquer la vérité à Aleksey que ce dernier, trop troublé et embarrassé, avait disparu. Elle finit par secouer la tête avec un sourire :
- En voilà un, au moins, qui a le sens des convenances...
Et à la fin de la soirée, force fut de constater que ses pensées avaient été davantage focalisées sur le capitaine Aleksey que sur le soudain départ de Sophie en Roumanie. Ce qui était, connaissant le dévouement et l'empathie de Romanov, une chose fort curieuse.
*
12h43, Bucarest
- Pourquoi personne n'a remarqué cette porte ?! se récria Colibri devant l'inscription sanglante.
- Parce que c'est du sang de vampire, répondit calmement Vlad. La personne qui a fait cela savait que les humains seraient si brouillés qu'ils en oublieraient jusqu'à l'existence de la porte du placard... Ce qui signifie...
Vlad Draculea n'eut qu'à tourner la poignée du placard et un corps s'en échappa, s'effondrant sur le sol carrelé, entre deux serpillières et un balai.
- Mon frère, ricana Vlad avec dédain, je savais que je vivrais assez vieux pour te voir sortir du placard.
- Heath ! rugit Sophie, saisie d'un soulagement paradoxalement écrasant. Bon sang, Heath ! Mais qu'est-ce que tu as ?! Aidez-le, vous ! Au lieu de raconter vos âneries !
Le strigoï semblait mort, en effet, le visage contre le sol. Un pieu ensanglanté sortait de son dos. Il ne bougeait pas plus qu'une pierre.
- Il est mort ? Il ne respire plus !
La tête de la jeune médecin-légiste tourna. Non. Pas Heath. Ça n'était pas possible : il était le dernier rempart dans une vie déjà bien chamboulée. Des larmes montèrent aux yeux de Colibri.
Vlad plissa les yeux, semblant réfléchir. Akane, derrière lui, ne disait rien. Sophie agita les bras :
- Alors, mon vieux ! Bougez-vous ! Relevez-le !
- Il n'est pas mort, il a seulement été mis hors d'état de nuire.
- Alors ôtez-lui ce bon sang de pieu ! Vlad, je vais me fâcher !
- À bien y réfléchir... murmura l'aîné des deux frères. À bien y réfléchir, je pense que mettre hors d'état de nuire le bien peu estimé Radu, traître de renom, n'a pas été l'idée la plus sotte du siècle, ajouta le vampire en haussant les épaules. Akane, emmène-la hors d'ici.
- Quoi ?! Vous vous foutez de qui, là ? Eh ! Oh ! Fils de... Non ! Lâchez-moi ! Lâchez ce fauteuil ! Sale garce !
Pleine de rage impuissante, Sophie se vit sortir des toilettes pour hommes par Akane. Elle tenta de se retourner pour voir ce qui arrivait à Heath, mais ses jambes lui faisaient trop mal. Elle tenta de freiner le fauteuil, mais la commande ne répondait plus. La torsion d'esprit qu'exerçait sans discontinuer le prince strigoï sur tous les humains alentours empêchait ces derniers de prêter attention aux imprécations désespérées et furibondes de la médecin-légiste. Les larmes de fureur finirent par couler sur le visage de cette dernière, tandis qu'Akane l'entraînait vers la sortie, laissant derrière elle Vlad et Radu.
- Mon cher frère, susurra Dracula à l'adresse de son cadet empalé, si tu savais comme je chérirai ce moment, tu te réjouirais de tant de bonheur.
Il releva sans effort son frère et le plaqua dans le placard à balais. Du bout des doigts, il fit légèrement glisser le pieu dans la plaie, sans pour autant lui donner la moindre chance de sortir. Puis il ricana :
- Après tout, tu m'as toujours affirmé préférer l'Ombre à la Lumière...
Et il claqua la porte sur Radu, le condamnant à l'oubli éternel.
*
A suivre...
*
(1) Coroner = médecin-légiste, NdT, qui ne dira rien pour cette fois, parce qu'il aime bien ce personnage.
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