27 - It's a trap!

Hello !

Je viens de finir Shakespeare in Love, film que je dois regarder pour la cent treizième fois au moins. Je crois qu'il n'y a rien de plus beau que les textes de Shakespeare, et j'adore la façon qu'a eu le scénariste du film de mettre en scène la création et l'inspiration de certains textes ! J'ai envie de relire ses sonnets, résultat...

Je divague. Voilà un nouveau chapitre, qui vous plaira, je l'espère... J'espère aussi que vous vous êtes remis de l'attitude de Heath ? Ou pas.

Merci pour vos votes/abos/reviews ! :-D

Et bonne semaine à toutes et à tous.

Sea.

*

- Votre majesté ?

- Qu'y a-t-il, Akane ?

- Pardonnez-moi, votre majesté, fit la Japonaise d'une voix timide, j'ai ce que vous demandiez.

- J'arrive.

L'homme  soupira. Il était nerveux. Il prit le temps de passer la veste de son  costume et apparut dans le salon de l'appartement qu'il occupait. Nous  étions à New York et le soleil n'était pas encore levé. Il était grand,  brun, avait la peau mate et burinée. Ses yeux fatigués semblaient  cerclés de noir. Akane s'inclina face à lui, les mains jointes sur son  ventre ; elle avait un léger accent mais parlait très bien anglais.  L'homme lui adressa un signe de tête.

- C'étaient bien les Mormânt qui étaient visés, cette fois.

- Encore un clan ? Entier, à nouveau ? demanda aussitôt l'homme en serrant les poings.

- Oui, majesté.

- Les Mormânt, Akane ? Le clan des Mormânt ? C'est ce que tu as dit ?

- Oui, votre majesté. Je suis désolée.

- Pas autant que moi, murmura l'homme qui masquait admirablement la fureur qui grondait au fond de lui.

- Cela fait le cinquième clan à être décimé, votre Majesté. Cent treize victimes sont à déplorer.

- Aucun Mormânt n'en a réchappé ? insista l'homme. Tu en es certaine ?

- Certaine, non, majesté. Il faudrait que j'aille sur pla...

- Non.

La voix dure de l'homme avait claqué, sans appel.

- À  moins qu'une créature se soit échappée de l'Ombre... murmura l'homme  qui semblait réfléchir à toute allure. Mais les Vigilants gardent les  frontières. Non, il s'agit d'un homme, ou ce qui reste d'un ho...

Une  idée terrible frappa soudain l'homme qui faisait les cent pas dans le  salon richement meublé, sous les yeux inquiets de la jeune japonaise.

- Les islamistes ont détruit le palais de Ninive, je crois ? demanda-t-il à Akane.

Cette  dernière s'empara aussitôt d'une tablette ultra-fine qui n'avait pas  encore été commercialisée et y pianota un instant. Elle regardait devant  elle au lieu de garder les yeux rivés sur l'écran, et pourtant elle  fronça les sourcils et finit par hocher la tête :

- Oui, en 2015, apparemment.

- Peux-tu obtenir un visuel satellite précis de la zone touchée ?

- Majesté,  sursauta la jeune femme en ouvrant de grands yeux, il faudrait que je  pirate les codes d'accès à un satellite de la NASA ou de la...

- Akane, depuis quand cela te pose-t-il un cas de conscience ?

Un sourire timide apparut sur les lèvres de l'Asiatique, qui haussa une épaule :

- Je croyais que vous m'aviez interdit de...

- Toutes les interdictions sont faites pour être bravées, Akane. Dépêche-toi de m'obtenir un visuel.

- Je vous prends un billet pour Bucarest également, Majesté ?

L'homme grimaça de la même façon que si la jeune femme l'avait insulté.

- Non, fais d'abord ce que je te dis.

- Oui, majesté. Tout de suite.

La  Japonaise se remit à pianoter avec ardeur sur la tablette ultra-fine,  les yeux fixes, regardant droit devant elle comme une aveugle.

- Dans cinq minutes, majesté ! annonça-t-elle. Dois-je envoyer les images sur...

- L'écran plasma du salon, ce sera parfait. Et tu pourras laisser tes yeux respirer un peu.

- Majesté, les verres de contact sont conçus pour...

- Tu as les yeux rouges, le soir. Une fois le visuel obtenu, j'exige que tu ôtes tes lentilles, Akane.

Il n'y avait aucune menace dans le ton de l'homme, mais la jeune femme s'était imperceptiblement recroquevillée.

- Bien, majesté, murmura-t-elle en rougissant.

L'écran plasma s'alluma bientôt tout seul, affichant quelques clichés.

- J'ai  relié l'écran à votre smartphone, votre majesté, précisa Akane qui  semblait prête à pleurer. Vous pouvez naviguer sur la carte.

- Akane,  je ne t'ai pas réprimandée, je t'ai seulement donné un ordre, fit  l'homme sans se retourner et en sortant de sa poche un large téléphone  plat et noir.

- Oui, majesté.

La jeune Japonaise courut ôter  ses verres de contact dans la salle de bain. Lorsqu'elle revint, serrant  dans la main le boitier qui contenait les lentilles hors de prix,  l'homme avait déjà observé attentivement l'écran.

- Il semblerait que nous ayons quelques ennuis, déclara-t-il simplement.

- Cet orphique que vous aviez enfermé à Ninive... ?

- Les  humains l'ont tiré du sol, certainement en voulant détruire les  fresques et le palais. Leur âme devait être si écœurante que cela lui a  suffit pour se régénérer un peu et quitter les lieux.

- Vous pensez que c'est lui qui a décimé les clans moroï ? Y compris les Mormânt ?

- Surtout les Mormânt. J'avais fait alliance avec eux, jadis. Ils ont été l'objet d'une vengeance.

- Je croyais que les strigoï et les moroï ne s'alliaient pas.

- Tout  comme tu croyais que les strigoï haïssaient naturellement le genre  humain. Et pourtant, je suis là, et toi aussi, rétorqua sèchement  l'homme – qui, à la réflexion, n'en était sans doute pas un.

- Pardonnez-moi, majesté, mais...

- Je  suis las du genre humain, la coupa l'homme qui n'en était sans doute  pas un. Las. J'ai fui l'Europe après y avoir été trahi de toutes parts.  Ici, tu le sais, j'ai tenté d'oublier l'Ancien Monde et de prendre soin  du Nouveau. J'ai décidément un faible pour ces petits humains indigents.

- Vous pouriez transmettre à votre frère un message afin de solliciter...

- Akane ? Ne t'ai-je pas déjà demandé de ne jamais me parler de mon frère ?

- Majesté, dans l'état actuel des choses, c'est ce qui me semblait le plus approprié.

L'homme  piaffa quelques instants, les yeux rivés sur l'écran plasma qui était  incrusté dans le mur et qui offrait une vue d'une précision centimétrique sur les ruines de Ninive. Son regard se durcit et il  retroussa les lèvres, l'air écœuré :

- Je dois donc partir à la chasse au vampire... marmonna-t-il.

- Je prends le premier vol pour Buca...

- Paris.

- Je... je vous demande pardon, votre majesté ? bredouilla Akane en rougissant.

- Paris, Akane, répéta calmement l'homme en fronçant les sourcils. C'est là qu'il a établi ses quartiers.

- Bien, majesté. Je prends deux billets pour...

- Un seul.

Akane  en eut le souffle coupé : cela signifiait qu'elle n'était pas autorisée  à suivre son maître. Elle releva la tête pour croiser le regard sombre  de l'homme.

- Tu ne viens pas, fit celui-ci.

- B... bien, majesté. Je...

- Si c'est un piège pour me faire revenir en Europe, je veux que tu restes en sécurité.

Il  s'approcha de la Japonaise et posa une main paternelle sur sa tête. Un  sourire froid modifia légèrement la courbe de ses lèvres :

- Je ne t'abandonnerai pas, Akane, tu le sais, pourtant.

- Ou... oui, majesté.

Le menton de la jeune femme se brouilla et ses yeux s'emplirent de larmes.

- Pas de pleurs en ma présence, l'avertit l'homme en levant un doigt menaçant.

- Non, majesté.

- Je  vais préparer mes affaires et commander un taxi pour sortir incognito.  Une fois la place prise, tu me listeras les derniers événements liés à  l'Ombre recensés en France. Envoie tout sur mon Cloud. Tu prendras aussi  le temps de faire des recherches sur Ninive : je veux que tu retraces  les démolitions, que je sache quand exactement Zalmoxis a été libéré.

- Oui, majesté, ce sera fait.

L'homme  soupira et resta un instant à la fenêtre de sa suite, observant la  circulation grouillante de la nuit new-yorkaise, en contrebas.

- Le passé est comme toi, Măr Mare(1), murmura-t-il entre ses dents. Il ne dort jamais...

*

Colibri,  lorsqu'elle reçut l'ordre étrange de Heath – qui consistait à établir  la relation téléphonique entre lui et le chat Bad, qui se trouvait  toujours près d'elle, leva un sourcil :

- Heath, je ne suis pas certaine que ce soit...

- Passez-le-moi, Colibri, ne soyez pas têtue.

- Bon, bon... Bad, tu écoutes ? Heath veut te parler...

Un  peu fatiguée, Sophie posa le smartphone sur la table du salon, après  avoir mis le haut-parleur. Le chat sauta à son tour sur la table et  s'assit, les yeux mi-clos.

- Qui que vous soyez, ayez l'amabilité de quitter les lieux : je suis  la personne que vous recherchez, fit la voix de Radu, passablement  énervé. Elle ne sait rien du commerce que nous entretenons et...

- Ah, parce que tu le connais ?!

- Sophie, laissez-moi lui parler, je vous prie.

- Il s'en fout royalement, tu sais ? Il est en train de se lécher les oreilles. Et tu ne peux pas me dire ce que c'est ?

- Un voirloup, mais...

- Un genre de loup-garou ?

- Non,  fit la voix excédée du Roumain. Un voirloup est une créature de  l'Ombre, tandis qu'un lycanthrope est un humain ayant cédé à l'appel de  l'Ombre et s'en retrouve esclave. Le voirloup peut se transformer en un  certain nombre de formes, dont le chat et le loup, et il n'a que de mauvaises intentions. Il a dû flairer le strigoï.

- Parce que le strigoï, ça pue ! lança une voix d'enfant, dans le téléphone.

- Vas-tu te taire ?! fusa celle, furieuse soudain, de Radu.

- Qu'est-ce que c'est, Heath ? sourit Colibri. Un petit cousin ? Il parle bien français !

- Non ! Cette espèce de... cette petite créature puante...

- C'est toi qui pue !

Un grondement fit vibrer le téléphone. Bad se hérissa soudain, surpris.

- Tais-toi !

- Heath ? C'était toi, ce bruit, rassure-moi ?

- Oui, ce jeune moroï me rend la vie impossible.

- Ce jeune quoi ? Ah, oui, un vampire ! C'est ta race, ou l'autre ?

- Voyons, Colibri, je suis un strigoï.

- Qui pue !

- Souhaites-tu donc que ton frère meure ?!

- Non, que tu es bête !

- Alors tais-toi ! Tais-toi ou je te laisse seul en ce pays ! M'entends-tu ?

Un petit grognement, moins puissant que le précédent, suivi d'un chuintement, amena sur les lèvres de Sophie un sourire :

- Je ne comprends pas grand chose, Heath.

- Je  suis à la recherche de quelques indices, en Roumanie, et j'ai découvert  un clan moroï décimé. Ne restaient que cette vile vipère et son jeune  frère, que j'eus la bonté de prendre sous mon aile. Par ailleurs, je  crois que vous possédez une chambre d'amis, serait-il possible de...

- Non, tu sais que je déteste les gamins, l'interrompit précipitamment Colibri.

- Nous  verrons. Quant à ce voirloup, demandez-lui de se transformer en humain  et de sortir ! Il n'a rien à faire dans votre appartement ! Ne le  laissez en aucun cas partager votre lit, ou vous le regretteriez.

- À  vrai dire, il m'a plutôt bien soutenue, Heath. Et je me suis fait  attaquer par des voyous, dans la rue, tout à l'heure : il m'a à nouveau  défendue.

- Il attend quelque chose de vous : les voirloups ne font rien sans une arrière-pensée quelconque.

- Sans lui, j'étais cuite, Heath, je tiens tout de même à te le signaler.

- Peu importe : chassez-le.

- Bad, tu en dis quoi ? questionna Sophie.

- Ne lui demandez pas son avis ! Chassez-le sur le champ !

- Il n'est pas d'accord, Heath : il a l'air de se plaire, chez moi.

- Ce sont des créatures douées d'intelligence : imaginez-vous être en présence de l'un de vos congénères !

- Pour l'instant, c'est un chat.

- Sophie, vous le faites exprès...

- Il ne m'a fait aucun mal : il fait attention à mes jambes et m'a protégée de...

- Un  voirloup endort vos méfiances pour mieux pour planter le poignard dans  le dos ! s'exclama Radu, dépassé. Mais si vous désirez avoir chez vous  l'un de ces monstres assoiffés de sang et de souffrance humaine, à votre  guise ! Seulement je ne réponds de rien.

- C'est peut-être Jayvart ?

- Jayvart a autant de chance de faire partie de l'Ombre que moi de faire partie d'une troupe de saltimbanques.

- C'est qui, Jayvart ? fit la voix de l'enfant, qui avait fini par perdre patience.

Un cri de douleur, suivi d'une série de chuintements, fit sursauter Colibri.

- Heath ? Tout va comme tu veux ?

- Une fois ce petit monstre démemb – corrigé, j'irai bien mieux ! gronda son interlocuteur. Viens ici ! Immédiatement ! Je vais t'égorger !

- Strigoï ! Sale race ! siffla l'enfant, qui devait cracher et montrer ses dents pointues. Sale race pourrie ! Me touche pas !

- Si à trois tu ne viens pas ici, je tue ton frère !

- Heath, tu sais que la violence n'a jamais rien résolu ? tenta Sophie, légèrement inquiète.

- Je compte ! tonna la voix de Radu, qui semblait réellement furieux.

- Tu  vas faire une crise, Heath... ajouta doctement Colibri, qui remarqua  que Bad écoutait la dispute avec attention. Ça t'amuse, ça, hein, Bad ?

Le chat hocha la tête. Oui, il goûtait le divertissement.

- Un !

- Tu m'attraperas pas ! Strigoï, pssshhh ! Sale strigoï !

- Deux ! À trois, je rappelle que je démembre ton avorton de frère !

- Heath ! s'étrangla Sophie. Heath, non mais tu es malade ?! Ce gosse a dix ans, à tout casser ! Ne le menace pas comme ça !

- Deux et demi !

- Non ! Non, d'accord, pitié ! Pitié !

- Heath,  arrête ! Tu le terrorises ! plaida Sophie, qui ne plaisantait plus,  percevant l'accent d'effroi dans le timbre du petit moroï. Heath, arrête  !

- TROIS !

Le « trois » se perdit dans un  rugissement furieux et un hurlement de terreur. Des sanglots se mirent à  jaillir du téléphone, tandis que Colibri pâlissait, la main sur la  bouche.

- Heath ? Heath ?

- Je vous rappelle, Sophie. Ce petit monstre va avoir ce qu'il mérite, reprit la voix glaciale de Draculea.

- Allez,  Heath, passe l'éponge, tenta de plaider la jeune femme, qui s'effrayait  de découvrir cette facette de la personnalité de son ami. Il est sans  doute traumatisé par...

Mais la communication fut coupée. Sophie  eut le temps de percevoir, étouffées, des supplications déchirantes.  Avisant Bad, dont les yeux jaunes pétillaient d'amusement, elle fronça  les sourcils :

- Ah, tu trouves ça amusant ? Parfait ! Régime croquettes !

Il va sans dire que le soir même, Bad mangea des crevettes au curry.

*

(1) Big Apple, surnom donné à New York. NdT, qui trouve ça hilarant.

*

A suivre ;-)

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