23 - Ti amo
Hello !
Alors déjà : merci beaucoup pour votre patience ! Je n'ai pas beaucoup de temps pour écrire, j'espère que vous me pardonnerez mes impardonnables retards...
Ensuite, merci pour les abonnements, les reviews, les votes etc... Tout ça me fait très plaisir, même si je mets trois plombes à répondre (pardonpardonpardoooon).
Je n'ai pas grand chose d'autre à dire, si ce n'est que je m'éclate à découvrir les légendes et monstres de tout un tas de pays et de régions. J'ai même appris des choses sur ma ville d'enfance, une histoire d'arbre miraculeux de Saint Michel. Mais sur la ville où je vis maintenant, strictement que dalle. Je suis déçue. Vous avez beaucoup de légendes, par chez vous ?
J'arrête de blablater.
Bonne lecture :-D
Sea
*
La première nuit que Sophie passa seule chez elle eût pu être un enfer. Elle renonça tout d'abord à nettoyer les dégâts qu'avait commis le chat Bad, et s'était servi une nouvelle assiette de poulet aux pommes de terre. Puis, elle avait passé une chemise de nuit – le félin détourna pudiquement le regard – et s'était couchée.
Les cauchemars, la douleur et l'inquiétude de ne plus savoir où elle était réveillèrent Colibri à trois heures cinquante du matin. Elle était couverte de sueur, avait la gorge brûlante et la peau parcourue de frissons nerveux. Les larmes, dans le noir, jaillirent seules.
- Au sec... à l'ai... Heath, appela-t-elle enfin.
Elle finissait chacun de ses cauchemars en appelant le vampire. Immanquablement. La solitude terrifiait Sophie, en cet instant plus qu'auparavant, car la clinique, malgré les bruits et les passages incessants, avait cela de bon qu'elle était sûre d'obtenir de l'aide en quelques minutes si cela s'avérait nécessaire. Au moment où Colibri se vit réduite à tendre la main pour appeler Radu et lui demander de revenir au plus vite, elle sentit un pelage soyeux et chaud se coller contre sa joue. Le ronronnement du chat, comme une poignée de billes que l'on serrerait sans cesse au creux de la main, résonnait dans les oreilles de Sophie, musique régulière et aussi apaisante que celle d'un bâton de pluie. La jeune femme sentit les coussinets élastiques du félin presser contre sa joue, sans que nulle griffe ne jaillît, puis la tête, plus dure, de l'animal frotter contre son front. Colibri sentit le museau humide et frais de Bad parcourir son visage comme un aveugle tente de lire les expressions d'un ami. Puis, elle entendit ce soupir, à la fois résigné et méprisant, émaner du chat dont les ronronnements endormaient lentement la douleur et la peur de la médecin-légiste. Le corps chaud et souple de l'animal se plaqua dans le creux du cou de Sophie : il venait de se coucher juste contre elle, continuant de ronronner.
- Bonne nuit, Bad. Merci.
Nouveau soupir, exaspéré, celui-là. Le chat venait de l'Ombre songea Sophie. De cela, elle était désormais certaine. Mais elle comprenait autre chose, désormais : le félin ne lui voulait pas de mal.
Et à ce moment de la vie de Colibri, ce détail signifiait beaucoup.
*
- Shalom tout le monde !
Dans un roucoulement, Ludmila Romanov tira Sophie des bras de Morphée.
- Oh ! Ludmila ! balbutia Sophie en papillonnant des yeux. Je... je suis désolée... J'avais pourtant mis le réveil et... Onze heures ?!
- Je suis arrivée à neuf heures, mais je ne voulais pas vous réveiller. Dites-moi, pas de somnifères, hmm ?
- N... non, mais j'avais vraiment mis le réveil !
- Eh bien, ce doit être ce chat noir, là, qui l'a éteint. Il voulait dormir plus longtemps, plaisanta l'infirmière en caressant le félin, qui s'étira de bonheur.
- Il n'est pas très aimable, faites attention.
- Oh, non, regardez, il est adorable.
Le grand chat semblait sourire de plaisir, le yeux mi-clos.
- Bon, ça doit juste être avec moi, alors, grommela Colibri. Regardez, si j'essaie de le toucher...
Hésitante, Sophie tendit la main au-dessus de la tête de l'animal, qui plissa les paupières mais n'émit aucun grognement.
- L'histoire de ma vie... grogna la jeune femme en constatant que l'animal acceptait de se faire caresser devant témoins. Hé, où tu...
Bad venait de s'échapper et de sauter au sol. Il poussa un miaulement rauque sous la fenêtre.
- Je crois qu'il veut sortir, nota Ludmila. Il en a l'habitude ?
- Ce n'est pas mon chat. S'il est à quelqu'un, il vaut mieux le laisser sortir, oui. Je pense qu'il se débrouillera si vous ouvrez ma fenêtre.
En effet, le chat, une fois les volets relevés, disparut en trois bonds souples.
- Bon. Vous êtes prête ?
- Puisqu'il le faut...
La veille, les deux femmes avaient convenu que Sophie était encore trop malhabile pour prendre sa douche seule, et qu'elle s'y essaierait durant la semaine avec l'aide de Ludmila Romanov.
Cette dernière avait manifestement une certaine expérience de ce type de situation, ce qui amenuisa considérablement la gêne qu'éprouvait tout de même Colibri. Étrangement, la médecin-légiste avait ressenti bien plus d'angoisse à l'idée de vivre cette expérience chez elle qu'à l'hôpital, mais son infirmière personnelle resta si naturelle et proposa tant de conseils différents à Sophie pour éviter que cette dernière n'éveillât trop ses douleurs que Colibri vit arriver la fin de l'épreuve bien plus tôt que ce qu'elle avait craint.
- Tout va bien ? Bientôt, vous ferez ça seule, croyez-moi.
- Vous pensez ?
- Vous plaisantez ?! Une Romanov ne jette jamais de parole en l'air. Allez, zou, on va faire le repas. Vous allez me raconter votre soirée.
Les deux femmes s'affairèrent à préparer un curry de crevettes, chose qui demanda beaucoup de patience, car Ludmila tentait cette recette pour la première fois et ne cessait de suggérer des améliorations. Vers treize heures, alors que les petites crevettes roses mijotaient dans une sauce dorée aux vapeurs épicées, la sonnerie de l'entrée retentit. Romanov se retint de froncer le sourcil en remarquant le sursaut et la tension brusque qui avaient parcouru le corps de Sophie.
- Vous attendez quelqu'un ?
- N... non.
- Bon. Ne bougez pas, je vais voir.
Elle s'avança dans l'entrée et posa précautionneusement l'œil contre le judas :
- Un type au crâne rasé, costume noir, sympathique, la trentaine, un bouquet à la main. Vous m'avez caché des choses ! s'exclama la jeune infirmière sur un ton à la fois enjoué et vexé. Il est plutôt beau gosse. Et il est noir, si ça peut vous ai...
- C'est le capitaine Aleksey ! s'exclama Colibri comme si elle participait à un jeu télévisé. Vous pouvez lui ouvrir, ajouta-t-elle en actionnant son fauteuil pour passer à son tour dans l'entrée.
Ludmila obtempéra, et Sophie, observant le changement qui opéra sur le visage joyeux du jeune officier, se retint pour ne pas rire. Ce fut à peine s'il cligna des yeux, lorsque son regard se posa sur Romanov. Sophie se fit la réflexion qu'il ne manquait plus qu'un ralenti et la chanson Ti amo pour que la scène fût une parfaite parodie de la rencontre entre Astérix et Gimmeakis. Ludmila afficha pour l'occasion son sourire le plus niais :
- Bonjour ! lança-t-elle.
- Bouquet... parvint à articuler Aleksey, hébété.
- Oui, monsieur, très beau bouquet, en effet. Très belles fleurs ! ajouta-t-elle en prenant le bouquet que le jeune capitaine lui tendait.
- Belles... répéta Mickaël, sur lequel la foudre eût pu s'abattre sans qu'il s'en aperçût.
- C'est un mot qu'on dirait inventé pour elles, affirma d'un ton enthousiaste Ludmila en hochant la tête.
Elle se rendit dans le salon pour aller préparer un vase, tournant ostensiblement le dos au pauvre capitaine Aleksey qui la dévorait des yeux, un sourire bêta sur les lèvres.
- Reprenez-vous, Mickaël, sourit Colibri en s'avançant jusqu'à lui. Fermez la porte, vous serez aimable. Qu'est-ce que vous tenez là ?
- Belle, répéta Mickaël, l'air perdu.
- Garde à vous, capitaine ! aboya Sophie.
Électrisé, le jeune inspecteur se raidit. Il faillit porter la main au front mais se retint à temps.
- Pardonnez-moi, Sophie, je n'ai pas bien dormi, cette nuit : on a perdu la trace de Tahir alors qu'un mandat d'arrêt va enfin nous être établi d'ici...
- Si vous me dites ce que vous tenez à la main, je vous donne une piste pour retrouver Tahir.
- Vous vous moquez de moi ?! se récria Mickaël en posant une main sur son cœur.
- Non, je ne peux tout de même pas me payer la tête de tous les inspecteurs de France et de Navarre.
- Attendez, votre remplaçant, Joly, va poser un arrêt maladie cet après-midi. Je suis persuadé que les gros bras ou les dollars de Tahir l'ont convaincu de faire ça.
- Joly ? Bernard Joly ? Mais non, il est au-delà de tout soupçon en ce qui concerne les menaces ou la corruption. Non, ce type a un poil long comme une liane dans la main, mais il a bien trop peur de la prison et du regard extérieur pour faire quoi que ce soit de répréhensible par la société.
- J'entends comme une note de dédain dans votre voix, remarqua Mickaël en soulevant le couvercle de la cocotte où les crevettes frétillaient. Hum, délicieux !
Il s'assit sur un tabouret de la cuisine où Colibri l'avait suivi et pencha la tête :
- Vous, je vous verrais bien faire des trucs interdits. Mais Tahir, revenons à Tahir.
- Et ce paquet ? interrogea Sophie en louchant sur l'épaisse enveloppe en papier craft.
- Ah, ça ? Ça dépassait de votre boîte aux lettres. Je me suis dit que ça vous rendrait service que je le remonte.
- Tout en décachetant distraitement l'enveloppe, Sophie haussa une épaule :
- Il a crocheté ma serrure et est venu me demander de reprendre mon poste, prétextant qu'il était innocent et que Joly n'était qu'un misérable incapable, quelque chose de ce goût-là.
- Attendez, vous plaisantez ?! Tahir... Abaddon Tahir était ici ? Mais quand ?
- Hier soir, avant le dîner.
Aleksey regardait Colibri comme si elle venait d'annoncer son entrée chez les bénédictines.
- Vous savez, la phytothérapie est une bonne alternative aux...
- Mickaël, vous pouvez me passer ma tablette, s'il vous plaît ? Merci.
- Une clef USB ? Il n'y avait pas de carte postale avec ? Je commence vraiment à croire que vous n'êtes pas aussi claire que ce que je croyais... grommela le capitaine en regardant l'écran plat et noir s'illuminer d'une pomme croquée.
- Ce vase-là, Sophie, ça ira ? fit alors Ludmila en entrant.
- Oui, parfait, merci. Qui vous a dit que j'aimais les tournesols, capitaine ? Capitaine ?
Trop tard, la sublime Romanov venait de capturer chaque parcelle d'attention du jeune inspecteur. Ludmila ne sembla même pas remarquer toute l'adoration dont elle était l'objet et se tourna vers les fourneaux. Sophie leva les yeux au ciel et reporta son attention sur la tablette qui daignait enfin afficher le fond d'écran – une photo prise à New York, à Noël dernier. Elle brancha la clef sur le port qui lui était réservé.
- Système endommagé. Non, ne répare rien, banane.
Sophie cliqua sur le fichier AVI présent sur la clef – l'unique fichier, d'ailleurs – après l'avoir passé au crible avec le nouveau logiciel anti-virus.
- Asseyez-vous, Michel, soyez un ange, fit la voix un peu fatiguée de Ludmila.
- Attendez, je vais vous aider à mettre la table.
- Merci, non, je me débrouille très bien sans vous.
- J'insiste.
- Merde !
Colibri épargna sans doute à Mickaël Aleksey une solide remontrance. Le fichier, dont la qualité était terriblement mauvaise, était extrait d'une bande de vidéo-surveillance. Elle avait fini par reconnaître Tahir, de dos. Celui qui lui faisait face lui rappelait également quelqu'un.
- Aleksey, ce ne serait pas l'ancienne victime de Durand... Du... Dupré !
- Mais qu'est-ce que c'est que ce cirque ?! Comment... C'était dans l'enveloppe ? Sophie, c'est une pièce à conviction...
- Je n'avais aucune idée de ce que c'était avant de l'ouvrir.
- Ne regardez pas, mademoiselle, conseilla Mickaël à Ludmila, qui s'était penchée au-dessus de l'épaule de Colibri.
- Madame.
Mais Ludmila, sur un mouvement de tête de Sophie, accepta de ne pas rester les yeux rivés sur la tablette.
- Attention, c'est à ce moment qu'il... commença Aleksey en serrant les dents. Là, il...
- Oh, vous savez, j'en ai vu d'autres. Mais... Un instant.
En frôlant l'écran, Sophie remonta le temps : Tahir s'était effectivement jeté sur Dupré, bras en avant, mais quelque chose clochait.
- Les avocats de Tahir ont fait appel à un spécialiste non intéressé, un synergologue, ou quelque chose dans ce genre, fit Mickaël en fronçant les sourcils. Il a dit que le PDG tend les bras pour retenir Dupré, pas le pousser. Et comme c'est Dupré qui a lancé la machine, ça a suffit – ça et quelques chèques, j'imagine – à laisser Abaddon Tahir libre de ses mouve...
- Les morceaux de cadavre qui restaient, là, le coupa sèchement Colibri, vous les avez fait analyser ?
- Vous plaisantez ?
- Pas le moins du monde. Faites analyser l'ADN.
- Sophie... soupira Aleksey. Vous savez autant que moi que ça va prendre deux semaines... Et que si les avocats de Tahir réalisent qu'on a un doute sur...
- Croyez-moi, votre synergologue – je ne savais même pas que ça existait... – a raison. En tout cas, c'est ce que la vidéo suggère. Peut-être que Dupré a voulu se tuer.
- C'est ce que les avocats ont soutenu. Mais le mandat d'arrêt sera tout de même...
Sophie Colibri, pâle comme un linge, redressa ses lunettes et pinça les lèvres :
- J'exècre Tahir. Je voudrais qu'il moisisse en taule, littéralement. On devrait faire des peines de prison pour les connards arrogants. Mais croyez-moi, vous n'allez sans doute pas me croire, mais la vidéo est truquée.
- Truquée ?! C'est impossible.
- Si. Et ce qu'il y a un peu partout sur les godasses de ce petit mec puant, ce n'est pas du sang humain.
Ludmila, une râpe à la main et un morceau de gingembre dans l'autre, fronça les sourcils et se tourna vers la médecin-légiste. Froidement, cette dernière asséna :
- C'est du sang de chat.
*
A suivre ;-)
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