20 - Evenou shalom alekheim
Hello !
Merci beaucoup pour vos retours !
Je me dépêche de poster ceci mais pour la dernière fois : n'encouragez paaaaaas Caillou ! Il est tout content de lui, après !
Bonne journée/soirée, selon l'instant où tes yeux envoûtants, cher lecteur, se poseront sur ces lignes...
Sea
*
Radu, lorsqu'il eut fini de décrire à Sophie les diverses créatures de l'Ombre qu'il avait pu rencontrer, déclara à la jeune femme qu'il quitterait la France quelques jours.
- Pour le retrouver ? demanda la médecin-légiste en se tendant.
- Non. Pas pour le moment.
- Tu ne veux pas me dire comment tu comptes t'y prendre ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Vous tenteriez de faire échouer mon plan.
Un éclair d'inquiétude traversa les yeux de Colibri.
- Heath, je crois que mon univers a suffisamment été démoli, jusqu'ici. Si tu ne cherches qu'à me venger, je préfère que tu ne prennes pas de risques inu...
- Vous venger et mettre hors d'état de nuire Zalmoxis sont une seule et même bannière sous laquelle je me bats, Colibri. De plus, j'ai promis à Jayvart de tout faire pour mettre notre ennemi à terre.
- Tout ce que je veux, Heath, c'est que tu restes à mes côtés.
- Voyons, Colibri, ne faites pas l'enfant. Je ne passerai que trois jours à l'étranger.
- Tu ne veux même pas me dire où ?
- Un endroit reculé, qui ne vous dira rien.
- Juste un nom, que je ne m'inquiète pas s'il y a le moindre... problème.
- Eh bien, je vais à Snagov, si tant est que vous connaissiez ce lieu.
Sophie prit un air détaché et haussa les épaules :
- Je croyais que toi et ton frère n'étiez pas en bons termes.
Le vampire se figea et déglutit. Il ne fallut pas une minute à Sophie pour lui expliquer que sa première rencontre avec Zalmoxis s'était effectuée sur un forum consacré à Vlad Tepes et que ce forum était justement appelé « Snagov Mausoleum ».
- Grands dieux, qui vous dit que je souhaite rencontrer cet espèce de sauvage ? Non, je veux simplement...
- N'oublie pas que tu ne peux plus me mentir.
- Je veux simplement...
- Je veux simplement que tu évites de ressusciter un être encore pire que le ravagé auquel j'ai eu affaire.
- Un instant, je vous prie : je n'ai jamais dit que mon frère était mort.
- Il n'est pas mort ?
- Je refuse de répondre à cette question.
- Très bien. Une question, seulement : s'il passe le pas de ma porte, dis-moi ce que je devrai faire pour éviter de me faire vider de mon sang.
- Eh bien, s'il sa soif est si altérée, proposez-lui un verre ! Colibri, nous sommes des êtres civilisés, nous ne dévorons pas les tendres vierges à la pleine lune.
- Dans ton cas particulier, oui.
- Puisque je vous le dis.
- Mais ton frère n'est pas un neurasthénique.
- Sophie, si Vlad frappe à votre porte, dites-lui donc que vous avez perdu vos jambes par ma faute et par celle de Zalmoxis. Vous entrerez aussitôt dans le cercle de ses amis intimes.
- Il n'est pas trop soupe au lait ?
- Cruel et despotique, certes. Impulsif, également.
- Mais s'il est en vie, que vas-tu faire à Snagov ?
- Violer sa tombe, là, vous êtes contente ?
- Ce n'est pas très bien.
- Dites-donc, vous ! C'est l'éclat qui se moque du pot cassé !
- Non.
- Si !
- Non, on dit « C'est l'hôpital qui se fout de la charité ». Tu sais, si tu ramènes ton frère ici et qu'il parle aussi mal que toi, je risque de ne pas pouvoir m'empêcher de me moquer de lui...
Radu Draculea se mordit les lèvres et secoua la tête. Non, il ne permettrait pas à Vlad Tepes de s'approcher de Sophie Colibri. De toutes les façons, Vlad n'était peut-être même plus dans le Monde Visible.
- Mon frère n'aura pas l'heur de vous connaître Colibri.
- Tu pars déjà ?
La sonnette d'entrée retentit, intrigant la jeune femme et permettant à Radu d'éluder la réponse.
- Qui est-ce que ça peut bien être ? Il n'est même pas midi...
Le vampire fit un baise-main à la jeune femme, ce qui signifiait qu'il était nerveux, car il oubliait les conventions modernes. Sophie eut à peine le temps de lui dire au revoir qu'une voix féminine et joyeuse résonnait dans l'entrée.
Colibri ne pouvait se tourner sur elle-même sans réveiller d'affreuses douleurs dans ses jambes, aussi elle ne put découvrir à qui appartenait cette voix que lorsque Draculea fût parti.
- Bonjour, je suis Ludmila Romanov.
Sophie déglutit, observant ce grand mannequin blond à la plastique irréprochable qui lui souriait de toutes ses dents.
- Je suis votre assistante.
- Je n'ai jamais demandé d'assistante, grinça Colibri, qui devinait que Jayvart et Heath étaient derrière cette nouvelle manigance. Allez-vous-en.
- Écoutez, Sophie, fit alors la jeune femme avec un sérieux qui tranchait sur le ton enfantin qu'elle avait employé pour s'adresser à Radu. Vos amis m'ont déjà avancé six mois de salaire. Ça fait beaucoup. Je ne vous cache pas que je suis actuellement en formation en médecine traditionnelle chinoise et que je dois cumuler les études, le travail, le loyer et les cours à domicile. Je suis intimement convaincue que, pour les premiers mois, ma présence peut vous être d'une grande aide afin de vous adapter. Par la suite, je pense que vous pourrez vous débrouiller seule. Ceci étant dit, martela Ludmila Romanov en resserrant son sac en cuir blanc autour de l'épaule, je ne pourrai pas décemment accepter un salaire de six mois si je ne le mérite pas.
- Et si je dis à Jayvart et Heath que vous travaillez pour moi, mais que vous...
- Personne ne demande à une Romanov de mentir ! s'exclama Ludmila en rejetant théâtralement ses longs cheveux dorés en arrière.
Colibri écarquilla les yeux. Cette fille était vraiment hors du commun.
- Comprenez-moi, fit la médecin-légiste en réalisant que la jeune femme qui se tenait devant elle ne devait pas devenir la cible de sa rancœur. Comprenez-moi : je... je viens de... je viens de...
Les bras de la jeune femme se contractèrent brutalement sur les accoudoirs de son fauteuil, une veine palpita sur sa tempe. Ludmila secoua la tête et s'accroupit à droite de Sophie, posant son sac sur le sol.
- Vous êtes en train de faire une crise de spasmophilie, ce n'est pas grave. Écoutez-moi attentivement.
Colibri sentit ses poumons se gonfler seuls, bruyamment, violemment, comme si des hameçons invisibles reliés aux côtes les tiraient en avant. Le mouvement en lui-même lui fit mal, mais elle se sentait incapable de le contrôler.
- Sophie, vous allez me regarder. Regardez-moi, Sophie, ordonna Ludmila Romanov, d'une tranquillité rassurante.
Elle s'efforça de capter le regard de Colibri. Cette dernière inspirait et expirait avec force, incapable de maîtriser quoi que ce fût. Ludmila tendit la main :
- Prenez ma main, Sophie. Prenez-la. Bien. À présent suivez le rythme : on expire... deux... trois... quatre... On inspire... deux... trois... stop ! Expirez... trois... quatre... Inspirez... deux... Stop ! C'est bien, on continue... Voilà... Expirez... Prolongez l'expiration...
Sophie, qui se concentrait sur ses mouvements respiratoires, sentit en effet son cœur ralentir. Elle se calma, la tête bourdonnante, et se rabattit dans le dossier de son fauteuil. Ludmila reprit son sac.
- Vous voyez un psy ? demanda-t-elle avec une lueur d'inquiétude dans les yeux.
- Ça vous regarde ?
- J'en conclue que non. Vous devriez, au moins, si vous ne voulez pas d'une aide à domicile, déclara Romanov. Vous prenez des antidépresseurs ? Des anxiolytiques ?
Colibri, encore tremblante de sa crise d'angoisse, finit par réaliser à quel point l'inconnue qui lui faisait face pouvait l'aider.
- Mon ami a voulu m'en faire prendre. Des anxiolytiques. Je les ai balancés.
- Où ça ?
- Par là... répondit Sophie en rougissant un peu et en désignant d'un geste vague la baie vitrée.
Ludmila avisa les petites barrettes quadrisécables disséminées un peu partout et le tube vert. Elle approuva du chef :
- Très bien ! Il faut leur dire flûte, à ces choses-là. Ou au moins, pas avant d'avoir tenté des alternatives moins encageantes.
- Encageantes ? Ce n'est même pas un mot...
- Si vous avez décidé d'être désagréable mais que je dois filer trouver un nouvel emploi, vous auriez l'obligeance de me le signaler tout de suite ? Je dé-teste me faire enguirlander gratuitement. La dernière fois qu'un type a tenté de me passer un savon sans que je sois payée pour, je me suis tellement énervée que j'ai failli être renvoyée de mon école. Non. Non, attendez, en fait j'étais payée. Ah mince ! s'exclama Ludmila, les yeux grands ouverts et en frappant l'air du poing. Le pauvre ! Je l'ai la-mi-né alors que j'étais payée. Bon, tant pis, ajouta-t-elle en haussant les épaules. Ça lui fera les pieds. Girl power, c'est ce que je dis toujours.
La jeune femme se tut, et Colibri et Romanov échangèrent un regard silencieux, avant d'éclater de rire.
- Qui vous a engagée ? finit par demander Sophie. Pas Jayvart, tout de même ?
- Le commissaire ronchon ? Si, c'était lui. L'un de ses collègues connaissait un proche de mes parents, je crois.
La médecin-légiste vit Ludmila se diriger vers la baie vitrée et ramasser un à un les cachets de bromazépam éparpillés, sans cesser de discuter.
- Il risque encore de ronchonner, lorsque je lui dirai que vous avez refusé de me voir. Mais un conseil : prenez au moins quelqu'un pour faire le ménage. Vous allez drôlement en baver, sinon.
- Si – et c'est un « si » hypothétique – je vous... si j'accepte que vous restiez... commença Colibri en plissant les yeux.
- Hmm ?
- ... qu'est-ce que vous ferez ?
- Alors déjà, j'ai une formation en sophrologie, ce dont vous avez pu bénéficier il y a à peine cinq minutes. Ensuite, après mes études d'infirmière, j'ai passé le concours de kiné, avec option ostéo, donc je pourrai vous aider pour la rééducation.
Aussitôt, le front de Colibri se plissa. Une sourde colère lui monta à la gorge. Avec un ricanement qui ne lui était pas propre, elle siffla :
- Mes tibias et fémurs sont littéralement en petits morceaux, je suis immobilisée à soixante pour c...
- Vous croyez que je n'ai pas vu votre dossier ? En revanche, ce que je n'ai pas vu mais que je sais déjà, c'est que vous essayez de vous débarrasser des fourmis dans votre bassin et votre dos toutes les heures à peu près. Et que vous faites des crises de panique à cause de votre mauvaise expérience. Tout ça, ça se gère. Et pas avec des anxiolytiques, des somnifères et double dose de morphine chaque mois. Ou alors je ne m'appelle plus Ludmila Romanov !
- Vous n'êtes pas autorisée à avoir accès à mon dossier... grogna Sophie.
- Vos amis sont de toute évidence particulièrement intrusifs. Et si c'est la seule chose que vous avez à me répondre, ça veut dire que j'ai raison, triompha Romanov en levant l'index.
Elle reboucha le tube de bromazépam.
- Je peux aussi cuisiner, vous aider à prendre votre douche, faire un brin de ménage et vous apporter des affaires. Je suis actuellement une formation en médecines traditionnelles asiatiques. Phyto, acupressure, acupuncture, tout le toutim ! Je peux aussi vous servir de garde du corps, j'ai vécu en Israël pendant les seize premières années de ma vie : mes parents m'ont inscrite au krav-maga dès que ça a été possible.
- Vous plaisantez ?
- Est-ce que j'ai l'air de plaisanter ? demanda Ludmila en croisant les bras et en arborant l'air le plus menaçant possible.
- Vous êtes juive ?
- Vous êtes antisémite ?
- Non.
- Alors, oui.
- Vous auriez fait quoi, si j'avais dit que j'étais antisémite ?
- Je vous aurais fait la morale. Et puis j'aurais dit « salade de pommes de terre » et « concombre de mer » en hébreu, d'un air inquiétant, pour vous faire croire que je lançais une malédiction. Et enfin, j'aurais dit que j'étais juive.
Sophie sourit.
- Vous avez quel âge, pour avoir fait autant d'études et avoir eu le temps d'apprendre autant de langues ?
- Trente ans le mois prochain, répondit Ludmila en secouant à nouveau sa chevelure avec fierté. Mais mon père est russe, et ma mère est israélienne d'origine française. Je n'ai pas fait beaucoup d'efforts pour apprendre ces langues-là.
En des gestes désinvoltes, elle rangeait en pile quelques livres et magazines qui traînait sur la bibliothèque et la table basse.
- Votre famille vivait en France, avant la guerre ?
- Mon arrière grand-mère était dans la résistance. Elle a été emprisonnée dans un camp, peu avant la libération. Quand, en mille neuf cent quarante-six, un imbécile lui a dit que les juifs étaient des radins aux oreilles pointues, elle en a eu marre et a décrété que la France pouvait bien se défendre sans elle, désormais. Elle a filé dans un kibboutz aussi sec ! Oh ! Vous lisez les Du Maurier ! Je l'a-dore ! Elle a une plume tellement prenante ! s'exclama Romanov en rangeant un livre dans la bibliothèque. Bon, ce n'est pas tout ça, mais il faut que j'y aille ! Ce fut un plaisir, Sophie !
Elle posa le tube vert de bromazépam sur la table basse et adressa à Colibri un sourire sincère.
Sophie ne répondit rien. Ludmila inclina la tête dans sa direction et disparut de son champ de vision, vers la porte d'entrée. La médecin-légiste resta quelques secondes absorbée par le petit tube rempli de comprimés anxiolytiques. La comparaison n'était pas flatteuse, pour le petit tube, songea-t-elle avec ironie. Et cette fille semblait si sémillante, si franche... Colibri songea à tout ce que la présence d'une personne aussi différente pourrait lui apporter. Elle entendit le verrou de sa porte claquer et sursauta :
- Attendez !
- J'ai oublié quelque chose ?
Romanov revint lentement sur ses pas, le sourcil levé. Sophie se mordit les lèvres. Accepter quelqu'un – une inconnue, tout de même ! – dans sa nouvelle vie... voilà qui n'était pas facile.
- Je dois vous... Si j'accepte que vous restiez... Vous... je dois vous payer pour la kinési...
- Vous plaisantez ?! se récria Ludmila en basculant la tête en arrière. Bien sûr que non ! Il ne sera pas dit que Ludmila Romanov est une voleuse ! s'exclama-t-elle, le regard flamboyant.
Sophie rit doucement et secoua la tête. Elle leva un doigt :
- Bon, je veux bien faire un essai.
- Yesh, yesh, yesh ! Ça veut dire youpi.
- Mais à une condition.
- Laquelle ?
- Vous me laissez dire à Jayvart que vous êtes juive.
- Il est antisémite ?
- Oui.
- Bon. Alors ne lui dites rien : on lui tendra un piège un jour de shabbat !
Les deux jeunes femmes éclatèrent de rire.
Colibri et Romanov passèrent le reste de la matinée à établir l'emploi du temps de la semaine, et arrangèrent ensemble différents détails dans l'appartement. Rien ne semblait échapper à l'œil aiguisé de Ludmila et elle avait suffisamment d'expérience pour donner les conseils les plus judicieux. Elle mit à contribution Sophie pour la confection du repas – un sauté de poulet aux pommes de terres grillées et une salade de brocolis.
- Oh, mais ces brocolis sont super croquants ! Comment vous avez fait ça ?
- Je fais partie du peuple élu le plus haï de tous les temps. On en bave depuis des millénaires. Dieu nous devait bien ça.
- Ça quoi ?
- Eh bien ! Savoir cuisiner les brocolis pour que ça soit bon ! La prochaine fois, je les ferai avec une sauce au vinaigre balsamique. C'est une tue-rie.
Ludmila proposa ensuite à Sophie de sortir faire les courses dans une minuscule supérette, qui se trouvait au bout de sa rue.
- Vous êtes sûre ? s'inquiéta Colibri.
- Sûre ? De quoi ?
- De vouloir y aller ? Non, parce que le gérant est très gentil, mais il est algérien.
- Et alors, c'est une maladie ?
- Non, balbutia Sophie en se sentant à nouveau rougir. Mais si vous êtes juive...
- Ah, oui... Bon, pour une fois je ne coudrai pas d'étoile de David sur mon manteau pour sortir.
Sophie ne put s'empêcher de rire avec Ludmila Romanov.
- Je vous préviens tout de même : si vous voulez qu'on rentre, on rentre, fit cette dernière, plus sérieusement. Refaire pour la première fois en fauteuil un trajet que l'on faisait d'habitude à pieds, ça demande pas mal de tripes.
En effet, songea Sophie alors qu'elle se retrouvait sur le trottoir de sa rue, le bourdonnement du moteur de son fauteuil dans les oreilles. La jeune femme avait envie de pleurer, de rentrer chez elle sur le champ, mais Ludmila Romanov, au moment de fermer le portillon en fer de la résidence, avait commencé à décrire la méthode qu'elle emploierait pour piéger Jayvart lors du shabbat. Entendre la diabolique jeune infirmière-kinésithérapeute-ostéopathe-possible membre du Mossad se délecter à l'avance des réactions prévisibles du pauvre commissaire était particulièrement jouissif, Colibri l'admettait aisément.
Il n'y avait presque personne, dans la petite supérette, au grand soulagement de Sophie. Le gérant, un cinquantenaire au crâne dégarni et aux yeux pétillants, la salua et se décomposa soudain en la voyant dans le fauteuil. Au lieu de rester derrière son comptoir, il suivit Ludmila et Colibri dans les rayons, afin de porter les objets dont elles avaient besoin. Ému, il écrasait chaque minute une larme, tournant le dos aux deux clientes. Lors du passage en caisse, il donna à Colibri son adresse mail afin qu'elle lui écrivît sa liste de courses, si elle en avait besoin. La jeune femme fondit en larmes brutalement, le gérant l'imita aussitôt et Ludmila déclara que ce n'était pas très constructif, mais que ça permettait d'ouvrir les vannes.
- Et tenez, vous n'avez pas pris vos chewing-gums favoris ! ajouta le gérant entre deux sanglots et en se mouchant bruyamment et en tendant à Colibri un paquet rose bonbon.
- Ce n'est pas grave, hoqueta Sophie, je... je les prendrai la prochaine fois...
- C'est cadeau ! gémit l'homme en se perdant à nouveau dans ses larmes.
Ludmila Romanov dut faire barrière pour empêcher le gérant de remplir les sacs de sucreries et de tickets à gratter.
Au cours de l'après-midi, Romanov proposa à Sophie de lui expliquer quelques exercices afin de soulager sa colonne vertébrale, la station assise étant douloureuse, à la longue. Elle finit par l'allonger dans son lit, afin de réaliser quelques points d'acupressure, tout en faisant rire Colibri en racontant une série de blagues plus ou moins douteuses. Il était quatre heures du soir lorsque Ludmila déclara :
- Je vais vous laisser, Sophie.
- Oh...
La médecin-légiste allait ajouter que le temps avait filé à une vitesse folle, mais quelque chose – l'orgueil, sans doute – la retint.
- Vous revenez demain ?
- Bien sûr, si vous le voulez.
- Oui, j'aimerais.
- Vous réussissez à sortir du lit, avec la barre ? Ça va ? Sinon je vous amène le poulet et les patates dans un tupperware, hein ?
- Oui, j'arrivais à le faire, à la clinique.
- Montrez-moi. Je sais que c'est douloureux, mais je ne veux pas risquer de vous retrouver évanouie de douleur sur le sol parce que vous vous êtes cassé la margoulette.
- Cassé la margoulette ?
- Quoi, vous n'avez jamais entendu dire ça ?
Sophie obtempéra et démontra, en grimaçant de souffrance, qu'elle était capable de se tirer du lit pour s'asseoir dans le fauteuil roulant, et vice-versa.
- Soyez sage, fit Ludmila en quittant la pièce. Vous avez la télé, là – même si bon, les émissions sont un peu nulles à cette heure... –, je vous ai mis des livres, ici, et votre ordi, juste là. Tout ira bien ? En cas de problème, voilà mon numéro. Dispo à toute heure, même si je préfère que vous ne me réveilliez pas à trois heures du matin pour me raconter une nouvelle blague d'interne.
Sophie sourit, hocha la tête. Et lorsque Ludmila Romanov fût sortie, Colibri se demanda avec un pincement au cœur pourquoi il lui était devenu si difficile de dire merci...
La jeune femme lut pendant une demi-heure Le Loup des mers, un Jack London particulièrement oppressant, de son point de vue. Au moment où Sophie se disait qu'elle préférait largement Croc-Blanc à Loup Larsen, elle entendit la porte d'entrée se refermer.
Sa première pensée fut « Illusion auditive », car elle était convaincue que Ludmila Romanov, à qui elle avait donné un double des clefs, avait consciencieusement refermé l'appartement.
Lorsqu'elle entendit un pas calme approcher de la porte de sa chambre, sa seconde pensée alla à l'arme de poing qu'elle n'avait pas encore achetée...
*
A suivre.
*
J'en profite juste pour vous demander : si vous avez des reproches à faire sur les personnages, la façon de traiter les divers sujets (chacun à une perception intime de la vie), n'hésitez pas à me le notifier ! Dites-moi aussi ce que vous pensez de Romanov. J'ai failli l'appeler Tatiana, avant de voir sur internet qu'il existait une JBG qui s'appelait comme ça...
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