12 - Devil wears Prada

Hello !

Merci à vous de suivre ! Je suis très contente de vous retrouver ;-) !

Merci particulièrement aux revieweurs (yessss, j'en ai deeeeeuuuux !!!) :-)

On va reprendre la narration "au présent" pour un certain temps : préparez-vous à découvrir les bureaux de Zenvolf Corporation et à faire la connaissance de son PDG...

N'hésitez pas à me faire des critiques !

Bon week-end (même si je pense publier un chapitre 13 d'ici lundi...).

Sea

*

Colibri soupira profondément en observant la monumentale baie vitrée sur laquelle était gravé en lettres d'or Zenvolf Corporation – Here for you(1). Deux petites notes couinardes s'élevèrent de la voiture banalisée que le capitaine Aleksey venait de fermer à distance. Le jeune homme sourit au médecin-légiste qui serrait contre elle une serviette contenant le dossier de l'enquête ainsi qu'un ordinateur portable.

- Plutôt sympa, hein ?

- Si on veut, soupira Colibri en observant du coin de l'œil de jeunes femmes en tailleurs hors de prix qui fumaient en groupe, kit mains-libres dernier cri vissé sur l'oreille.

Le hall d'entrée devait approximativement faire la taille d'une cathédrale. Depuis l'extérieur, on pouvait remarquer un patio pourvu de plusieurs machines à café et autres distributeurs. Juste à droite, l'accueil était formé uniquement d'un comptoir crème, derrière lequel se trouvaient trois opératrices qui se ressemblaient étrangement. La décoration sobre était dans des tons neutres : gris, noir, blanc, argent... Sophie songea que le lieu avait été conçu par un ergonomiste qui devait certainement gagner en un mois son salaire annuel.

    Aleksey et Colibri entrèrent dans le gratte-ciel où Zenvolf Corp. avait ses bureaux. Ou plus précisément le gratte-ciel de Zenvolf Corp., car Abaddon Tahir, le PDG de l'entreprise, détestait la concurrence, fusse-t-elle basée sur un partage des bureaux. La jeune femme songea en entendant le souffle léger des portes coulissante dans son dos, que tout était fait ici pour imposer le respect et le silence. Vraiment, elle avait le sentiment d'avoir pénétré dans une cathédrale. Quelques employés discutaient à voix basse dans le patio, les secrétaires prenaient leurs appels du ton le plus doux et un léger parfum de santal planait. Une fontaine feng-shui glougloutait près de l'ascenseur, et une autre dans un espace « There's no place like home, but here »(2) où plusieurs fauteuils-œufs matelassés semblaient attendre le visiteur. 

- Quelle ambiance... marmonna le capitaine Aleksey en piétinant sur place. Je me croirais chez ma grand-tante.

- Elle est versée dans le zen ?

- Ma mère dirait le contraire, sourit Mickaël. Mais c'est le genre d'endroit où personne n'a envie de parler le premier, si vous voyez ce que je veux...

- Bonjour ?

Une secrétaire, toujours assise derrière le comptoir aux lignes arrondies, leur fit un petit signe de l'index. Elle avait les mains parfaitement manucurées et son sourire engageant masquait un professionnalisme écrasant.

- Capitaine-inspecteur Aleksey, fit l'homme en s'approchant à grandes enjambées.

Colibri ouvrit la bouche pour se présenter :

- Co...

- Le médecin-légiste, la coupa la secrétaire sans lâcher du regard Mickaël. Oui, je sais.

Ses collègues lancèrent à ces mots des regards discrets en direction de Sophie. Cette dernière dut se retenir de lever les yeux au ciel. La mention de son travail entraînait un jugement systématique. Et surtout de la part de membres de la gent féminine.

- Je vais avertir l'assistante de monsieur Tahir immédiatement. Donnez-moi chacun une pièce d'identité... Merci. Tenez, fit-elle en leur tendant deux petites cartes plastifiées sur lesquelles les mots Visiteurs – Zenvolf Corp. agreed étaient dactylographiés. Voilà un badge que vous me rendrez à votre sortie, gardez-le en évidence sur vous à tout instant. Vous pouvez aller prendre place dans l'espace réservé aux visiteurs, précisa la secrétaire en pointant de son ongle French manucuré les fauteuils-œufs. N'hésitez pas à vous servir ce qui vous ferait plaisir aux distributeurs automatiques dans l'espace lounge, ajouta la femme en adressant à Mickaël un sourire éclatant de blancheur et en tournant l'index vers le patio.

- Merci beaucoup, fit Aleksey avec un large sourire.

- Tout le plaisir est pour moi !

Le capitaine fit demi-tour et se dirigea vers ce qui tenait lieu de salle d'attente. Colibri eut le temps de remarquer l'œillade rapide que chacune des opératrices lancèrent à Mickaël Aleksey, ou plutôt à ses fesses, et elle décida qu'elle pouvait lever les yeux au ciel.

    Mickaël s'enfonça dans l'un des œufs, l'air aussi ravi qu'un enfant à qui on offre un chiot :

- Ah, j'avais toujours rêvé de m'asseoir dans un de ces fauteuils rétro !

- Profitez-en, je ne suis pas sûre que Tahir nous réinvite...

- Vous voulez que j'aille vous chercher un thé ?

- Non, capitaine, vous êtes gentil.

Sophie avait des cernes énormes sous les yeux. Elle n'avait pas de souci de sommeil, habituellement, mais cela faisait désormais une semaine qu'elle recevait des messages inquiétants, parfois sur le répondeur, parfois dans sa boîte aux lettres. La veille, à la télévision, elle avait vu s'afficher dans un bandeau défilant dédié aux messages des téléspectateurs une longue tirade quasi-amoureuse qui lui était destinée, de la part d'un certain Fan2Radu.

    Elle n'avait plus eu un instant de repos, que ce soit entre le cas Romain Durant – apparemment un employé de Zenvolf Corp. qui avait déclenché une crise de schizophrénie grave suite à une pression intense et un burning-out – ou avec ce hacker mystérieux qui la harcelait sans cesse. Le pire, c'est qu'elle n'avait pas la moindre preuve : chacun de ses messages se détruisait presque dès qu'elle avait fini de le lire ou de l'écouter. La combustion spontanée d'une lettre sirupeuse et saturée de sous-entendus menaçants, dans sa poubelle, avait déclenché l'alarme incendie et Sophie avait dû rassurer sa voisine de palier, une jeune étudiante vétérinaire aux cheveux rouge vif qui s'était inquiétée. Colibri avait presque failli éclater en sanglots dans les bras de cette fille à la voix si douce et lui raconter toute l'histoire, mais jamais elle ne l'aurait crue.

    Sophie elle-même se demandait si elle ne devenait pas folle. Même Heathcliff, qu'elle avait tenté de contacter – d'abord en tentant de prendre l'air le plus détaché possible, puis de façon de plus en plus insistante –, ne répondait pas à ses appels. La haïssait-il ? Il en aurait le droit, après tout, songea la médecin-légiste, tandis que le capitaine Aleksey parcourait un site d'informations sur son smartphone. En y réfléchissant bien, ce n'était pas Heath qui l'avait trahie. C'était l'inverse. De quel droit le Roumain devait-il tout confier de sa vie à la jeune femme ? Mais il lui avait menti, se souvint Sophie en fronçant les sourcils et en serrant les mains sur la housse de son ordinateur portable.

    Colibri exhala un violent soupir : elle en venait à douter de sa propre santé mentale. Si Jayvart ne lui avait demandé, mardi, où ce traine-savates de Roumain se trouvait, elle eût pu croire que Heath – ou plutôt Radu Draculea – n'avait pour ainsi dire jamais existé.  

- Vous devriez faire de la phytothérapie.

- Je vous demande pardon ?

Aleksey venait de tirer Sophie de ses pensées. Il sourit gentiment.

- Des plantes. De la passiflore, ou de la valériane, ma mère ne jure que par ça ! Pour vous aider à mieux dormir, ça pourrait être pas mal : votre boulot n'est pas de tout repos. Vous avez pris des vacances récemment ?

- J'aime beaucoup mon travail, et je n'aime pas prendre des vacances, rétorqua Colibri d'un ton acide. Oh, excusez-moi, Mickaël, se reprit-elle aussitôt, je ne voulais pas...

- Ce n'est rien. On se connaît depuis trop peu de temps pour ça, mais si vous avez besoin de parler... Et Jayvart aussi s'inquiète pour vous.

- Jayvart s'inquiète surtout de savoir si nous allons créer des problèmes à Abaddon Tahir, soupira Colibri en haussant les épaules. Ses supérieurs l'ont averti : en cas de bavure, ce sera la dégringolade pour tout le monde.

- Pourtant l'examen psy de Tahir a été demandé par l'avocat de Durant, non ?

- Je sais. Mais vous avez bien vu : il a refusé catégoriquement de se présenter à l'institut et nous avons dû forcer la main de son assistante pour qu'elle nous prenne un rendez-vous avec lui.

- Je le comprends, avoua Aleksey en penchant un peu la tête sur le côté. C'est un homme de pouvoir, il n'a pas envie de se faire décortiquer.

- Je ne suis pas psy, je ne vais pas analyser ses perversions freudiennes...

Mickaël pouffa et secoua la tête :

- Le pire, c'est que Romain Durant vénère Abaddon.

- C'est vrai. Je pensais qu'il en avait peur, mais non, il éprouve pour son boss une vénération pour le moins étrange.

- Vous croyez qu'ils ont...

Le capitaine Aleksey lança un regard lourd de sous-entendus à Colibri.

- Si j'étais Abaddon Tahir, répondit la jeune femme, avec tout mon fan-club de groupies hystériques dans lequel je pioche régulièrement pour mes apparitions publiques et mes soirées torrides, si je devais choisir un partenaire masculin, je pense que je choisirais quelqu'un d'autre que Romain Durant, cinquante balais, début de calvitie et foie fatigué.

- Foie fatigué, répéta le capitaine en riant.

- Vous avez déjà vu le foie d'un type qui boit de la bière à la place de l'eau ?

- Vous êtes un numéro, Colibri.

- Bref : si j'étais Abaddon et que j'avais besoin de satisfaire mes besoins sexuels avec des hommes, je prendrais... je ne sais pas... une star du rugby.

- Rien que ça !

- Oui, ou un acteur. Attendez, c'est un peu comme si vous choisissiez de coucher avec Jayvart alors que vous avez déjà toutes les secrétaires de Zenvolf à vos pieds.

- Quoi ?!

Colibri plissa les yeux avec un air de conspirateur. Le capitaine se retenait de rire : cette jeune femme était si particulière qu'il ne pouvait jamais savoir ce qu'elle allait pouvoir oser dire.

- Vous vous êtes retourné, sans méfiance, pauvre flic innocent, et croyez-moi, ces filles n'ont pas gardé leurs yeux dans leurs poches !

Les deux collègues éclatèrent de rire, et tous les employés présents dans le hall et le patio leur jetèrent un regard ahuri – et pour certains réprobateur.

- Et pour en revenir à Abaddon, s'il est responsable de harcèlement, le dossier sera bloqué par je ne sais qui en haut lieu, soupira Colibri. Nous ne sommes que des pions, capitaine. Nous ne sommes que des pions... Mais en ce qui concerne Durant, la charge d'homicide volontaire sera abandonnée au profit de...

- Mademoiselle Colibri ? Monsieur Aleksey ?

Dans un cliquetis de talons Jimmy Choo affirmé, une jeune femme aux cheveux acajou et au maquillage réalisé au centième de millimètre, s'était approchée de l'espace visiteurs.

- Capitaine, corrigea Mickaël Aleksey avec un sourire courtois.

- Oui, excusez-moi, capitaine, se reprit la femme en rougissant.

Sophie lui adressa un sourire rassurant : la nouvelle venue semblait encore chercher ses marques, car son attitude trahissait trop d'enthousiasme et d'implication, et pas assez de la désinvolture à la limite du dédain affiché par les autres employées. La jeune femme aux cheveux acajou tortilla nerveusement le grand sautoir en corail qu'elle portait autour du cou sur une chemise en satin parme et invita le capitaine et la médecin-légiste à lui emboîter le pas vers l'ascenseur. 

- Monsieur Tahir est overbooké, confia-t-elle une fois que les portes se furent refermées. Essayez d'être le plus bref possible.

- Nous allons faire notre possible, répondit Colibri en retenant un soupir.

Elle venait de voir leur accompagnatrice essuyer discrètement la paume de ses mains sur son tailleur noir. La jeune femme était trop nerveuse.

    Pourtant, malgré l'attitude déplorable d'Abaddon Tahir à l'égard de la médecin-légiste, rien dans la procédure qui allait suivre n'aurait la moindre conséquence sur qui que ce fût, songea Sophie. C'était l'avocat de Romain Durant qui, sur une note de Colibri – « Trouble obsessionnel envisageable au sujet du supérieur hiérarchique Mr. Abaddon Tahir » – avait demandé une analyse psychologique du patron tout-puissant de Zenvolf Corp. Étonnamment, la juge qui menait l'instruction avait accepté. Sans doute parce que chercher des poux dans la tête d'un milliardaire célibataire très convoité plaisait à la juge. Sophie n'était en effet qu'un pion.

    L'ascenseur stoppa à l'avant-dernier étage. Il s'ouvrit sur un vaste open space, où chacun pouvait voir ce que son collègue faisait. Des hommes en costume griffé répondaient à des appels et prenaient des notes et des femmes en tailleur Gucci ou Prada cavalaient d'un air qui voulait dire « Je suis en train de sauver la planète, dégagez ! » Colibri remarqua que tous étaient jeunes, beaux et semblaient tirés d'un magazine de mode – celui que Sophie ne lisait que lorsqu'elle allait chez le dentiste, et encore, elle ne parcourait que les pages des potins.

    La jeune femme aux cheveux acajou traversa l'open space d'un pas décidé – sans doute trop, songea Colibri – et mena les deux visiteurs vers ce qui semblait être une enfilade de salles de conférences. Elle passa devant trois bureaux installés directement dans le couloir où deux autres assistantes travaillaient assidument et avança encore une dizaine de mètre avant de s'arrêter devant une porte en bois massif. Elle se racla la gorge et essuya à nouveau ses mains sur son tailleur avant de frapper d'une main tremblante à la porte.

    Sans attendre de réponse, elle ouvrit et passa la tête dans l'entrebâillement :    

- Monsieur Abaddon, voilà...

- Je veux que vous le massacriez, vous m'entendez, Thierry ? Si ce soir j'apprends qu'il est encore en vie, croyez-moi votre peau ne vaudra plus rien lorsque j'en aurai fini avec vous.

Sophie et Mickaël déglutirent ensemble et échangèrent un regard inquiet. L'un et l'autre, sans avoir encore eu l'honneur de rencontrer Abaddon Tahir, avaient déjà le pressentiment que leur rendez-vous n'allait pas se dérouler sous les meilleurs auspices...

*

A suivre...

*

(1) Here for you : Ici pour vous. NdT, qui sent que même si l'action se passe à Paris, Zenvolf Corp. va employer des centaines de catchphrases en anglais...

(2) There's no place like home, but here : Il n'existe pas de meilleur endroit que votre chez-vous, mis à part celui-ci(3). NdT, qu'est-ce que je disais...

(3) Tu ne ne foules pas des masses pour les traductions, je trouve, Caillou... NdA.

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