SIX | Zelda = Gangsta
Raleigh prit son courage à deux mains pour toquer à la porte de sa sœur. Il devinait à l'avance que leur future conversation serait houleuse, il espérait juste que Zelda se montre un peu compréhensive. Tout dépendrait de son humeur.
Il entra quand elle l'autorisa à le faire, quelques secondes plus tard. Contrairement à sa chambre à lui, celle de sa jumelle était assez sombre : les murs étaient revêtus d'une tapisserie bleu marine qui contrastait avec la blancheur de ses meubles. Pourtant l'ambiance n'y était pas lugubre ni pesante, la fougue de son occupante empreignait la pièce. Raleigh appréciait l'endroit autant qu'il aimait sa propre chambre et venait donc y trainer régulièrement. Cela ne semblait pas déranger Zelda qui, de toute façon, faisait la même chose en visitant régulièrement son jumeau dans la pièce d'en face.
-Faut que je te parle d'un truc, dit-il, mais promets-moi d'abord que tu ne t'énerveras pas.
L'adolescente, qui lézardait sur son lit tout en se baladant sur son ordinateur, se redressa et arqua un sourcil. Il n'y avait qu'un sujet de conversation qui pouvait le pousser à demander son calme.
-C'est à propos de ton idée de bizarre de devenir un bad boy, c'est ça ?
Il hocha simplement la tête, rouspétant intérieurement sur le fait que tout le monde jugeait son projet étrange, ce qui ne l'était pas du tout selon lui.
Zelda soupira et s'assit en tailleur sur les draps, posant son ordinateur sur la table de chevet.
-Je serai d'un calme olympien, c'est promis.
Raleigh eut un soupir de soulagement et s'installa à son tour en imitant la position de sa sœur.
-J'ai trouvé quelqu'un pour m'aider. Je pense que maintenant je peux dire qu'on est ami, ou quelque chose qui se rapproche.
-Ça ne me réjouit pas vraiment mais bon c'est cool pour toi. Je connais cette personne ?
-Non et heureusement d'ailleurs, tu ne l'apprécierais pas du tout : elle a tout d'un personnage cliché de roman pour adolescent.
La lycéenne se renfrogna ; effectivement elle n'aimait pas ça. L'idée que de telles personnes puissent exister en vrai lui donnait des sueurs froides. Elle ne voulait pas non plus se rappeler toutes ces horreurs qu'elle avait lues, mue par une curiosité presque sordide plutôt que par réel intérêt.
-L'héroïne timidemaisenfaitnon qu'on a envie de frapper ? demanda-t-elle avec une grimace.
Il secoua négativement la tête. C'est déjà ça d'évité, songea-t-elle.
-La meilleure amie qui couche avec tout le monde et disparait au bout de dix chapitres ?
-Non plus.
-La garce qui fait des coups par derrière pour conserver son mec le bad boy ?
-Moins principal mais on se rapproche.
Zelda fouilla dans ses douloureux souvenirs pour trouver quel personnage elle avait oublié.
-Non... me dis pas que t'es ami avec le toutou de la garce ? Ce condensé de clichés qui ne sert à rien à part glousser et ricaner dans le fond ?
-Et si.
Très bien, se dit-elle en se massant les tempes, c'est son choix je n'ai pas mon mot à dire. Raleigh, la sentant bouillonner intérieurement, lui rappela qu'elle avait promis de rester calme peu importe ce qu'il lui dirait.
-Je suis très calme, rétorqua-t-elle. Mais pitié, dis-moi qu'elle ne s'appelle pas Amanda ou Summer, ou pire : Mia !
Après un instant de surprise face à cette réaction imprévue, son frère ne put retenir un éclat de rire qui ne la dérida en rien : le prénom était rédhibitoire pour elle.
-Non pas du tout, dit-il finalement, elle s'appelle Abbie.
Abbie ? Ce n'était pas des plus originaux mais pourquoi pas. Court, facile à retenir, pas pédant. Si elle n'avait pas eu la description de la Abbie en question avant, Zelda aurait plutôt penché pour une fille sympathique et sans pression. Ce prénom lui inspirait quelqu'un de décontracté. Bon, en l'occurrence ce n'était pas le cas mais au moins une partie de cette fille envoyait de bonnes ondes. Zelda attendrait donc un peu avant de l'encastrer dans un mur. Et puis Raleigh lui en voudrait sûrement de supprimer sa seule alliée pour son projet.
Bien qu'elle ait en horreur ce genre de personne si prévisible et inintéressant, la lycéenne était aussi curieuse de voir à quoi ressemblait Abbie. Qui était cette fille qui avait accepté d'aider son frère, qui était même parvenue à devenir son amie ? Même si elle se faisait sûrement du mal, Zelda voulait la rencontrer, au moins brièvement, sans prévenir son jumeau évidemment. Il ferait tout pour l'en empêcher, par peur sûrement qu'elle ait un coup de colère et la frappe malencontreusement. L'adolescente ne pouvait pas lui en vouloir pour son inquiétude, il était vrai qu'elle avait du mal à se contrôler, en particulier avec les gens qui ne lui étaient pas proches. Son problème, c'était la colère plus que la violence, cette dernière se manifestant assez rarement. Zelda avait quand même fait des progrès depuis l'enfance ; elle ne cherchait plus la bagarre comme quand elle était à l'école élémentaire, ou disons plutôt qu'elle avait pris un côté verbal plus que physique. Elle avait appris à lâcher l'affaire au lieu de s'entêter et de se disputer avec tout le monde.
Elle se promit donc d'aller voir cette Abbie dès le lendemain et de surtout rester très calme, peu importe ce qu'il se passerait.
Si cette fille s'entendait bien avec quelqu'un comme Raleigh, elle ne devait pas avoir un mauvais fond.
Rassuré que sa jumelle ait plutôt bien pris la nouvelle, Raleigh se laissa tomber sur le dos en soupirant de soulagement.
-Tu faisais quoi avant que j'arrive, au fait ? s'enquit-il.
-J'lisais un manga en ligne. "Shigatsu wa kimi no uso" ou "Your lie in april" si tu préfères. J'ai vu des images de l'anime un peu partout du coup j'ai décidé de le lire.
-Alors ?
-Alors il me faudra sûrement une cure de câlin pour m'en remettre. Je déprime déjà.
-Tu veux que je reste avec toi jusqu'à ce que tu l'aies fini ?
-Tu dois avoir vraiment rien d'autre à faire de ta vie pour proposer ça.
Il haussa les épaules et alla s'asseoir juste à côté d'elle tandis que Zelda reprenait son ordinateur, s'installant plus confortablement contre lui.
-Par contre tu vas rien comprendre si tu commences à lire en plein milieu, fit-elle remarquer.
-C'est pas le Da Vinci Code non plus, rétorqua-t-il, j'arriverai bien à m'en sortir.
Elle reprit donc tranquillement sa lecture.
.
L'occasion pour Zelda d'aller toucher deux mots à Abbie se présenta rapidement. Elle avait soutiré, le plus innocemment possible, son nom de famille à Raleigh et avait ainsi pu la retrouver sur les réseaux sociaux. A partir de là, elle avait mémorisé son visage à travers les différentes photos publiques et ce fut donc avec une certaine facilité qu'elle la reconnut une fois au lycée. Décidément, le cliché semblait l'habiter de la tête au pied. Une blonde surmaquillée, habillée de la même manière que toutes ses copines. Zelda hésita un instant : lui parler c'était du pur masochisme. Mais tant pis, elle avait des choses à lui dire alors elle le ferait. Déterminée, la lycéenne se dirigea vers le groupe. Elle devait avoir l'air sûre d'elle, sinon ces lions la boufferaient toute crue. Manque de chance pour eux, Zelda avait confiance en elle-même, leurs regards insistants et condescendants n'eurent donc aucun effet sur elle. Elle se planta devant Abbie et demanda d'un ton détendu si elle pouvait lui parler quelques minutes. Celle-ci la regarda droit dans les yeux quelques secondes, le menton bien haut pour montrer un semblant de supériorité. Abbie finit par accepter et elles s'éloignèrent de quelques mètres.
-Qu'est-ce que tu veux ?
-Te parler de Raleigh et de votre petit arrangement.
-En quoi ça t'intéresse ? rétorqua Abbie sur la défensive.
-C'est mon frère et j'ai pas envie qu'il devienne comme les autres gorilles qui peuplent ce lycée.
Abbie se détendit un peu. Raleigh avait mentionné une fois qu'il avait une sœur, elle s'en souvenait maintenant. Elle la regarda avec un œil nouveau et remarqua leur ressemblance. Les mêmes cheveux tirant sur le noir, le même nez légèrement courbé, les mêmes iris sombres... sauf que Zelda faisait bien plus peur que son jumeau. Ses yeux à elle semblaient lancer des éclairs.
-C'est lui qui t'as demandé de l'aider donc je ne peux pas t'interdire de le faire. Je sais pas pourquoi t'as accepté d'ailleurs mais je m'en fous. J'espère que t'es consciente qu'il te fait confiance. Raleigh est proche de beaucoup de monde mais il y en a peu qu'il qualifie d'amis. Or toi, pour une raison qui m'échappe, tu fais apparemment partie de ce petit comité. Si tu lui fais le moindre coup foireux, j't'explose c'est clair ?
Abbie hocha vigoureusement la tête. Cette fille était vraiment flippante, elle n'avait pas l'air de plaisanter en plus. C'était tout le contraire de Raleigh, sa tête à lui disait clairement qu'il était incapable de faire du mal à une mouche.
C'est quoi cette famille de gens bizarres ! songea-t-elle.
-J'ai pas l'intention de faire des coups foireux, se défendit Abbie d'une voix faussement assurée. Lui aussi il m'aide.
-Tant mieux alors mais je t'ai quand même à l'œil. A la prochaine Barbie.
Sur ce, Zelda s'éloigna à grands pas, laissant sur place une Abbie encore sous le choc de cette rencontre éclair. C'est moi qu'elle appelle Barbie ? s'indigna-t-elle en retard. Un peu vexée, elle rejoignit ses amis qui avaient observé l'échange avec intérêt. Qui était cette fille au style bizarre ? Que voulait-elle à Abbie ?
-C'était qui ? s'enquit Rebecca en arquant un sourcil.
Vite ! Abbie devait trouver une excuse. Réfléchis, réfléchis...
-Heu... une fille qui est avec moi en... en Maths ! Je lui ai emprunté le bouquin sauf qu'elle en a besoin donc elle voulait que je lui ramène le plus vite possible... voilà.
-En maths ? répéta Jessie. Bizarre je l'ai jamais remarqué...
Et merde... Abbie avait oublié que Jessie était avec elle dans cette matière. Son mensonge allait se faire griller rapidement !
-C'est parce que tu dors en maths, répliqua l'adolescente avec un rire nerveux.
-Pas faux.
Heureusement pour elle, la conversation changea de direction. Cependant elle ne parvint pas à se concentrer dessus, ressassant cette rencontre inattendue. Voyant que personne ne faisait vraiment attention à elle – comme d'habitude eut-elle envie de dire -, elle sortit son portable de sa poche et se rendit sur la conversation qu'elle avait avec Raleigh.
« C'est une mafieuse ou quoi ta sœur ? » écrivit-elle rapidement.
La réponse ne tarda pas, à croire que Raleigh était sur son téléphone à ce moment-là.
« Ben non, pourquoi ? »
« Attend... me dit pas que tu l'as vue ? » ajouta-t-il dans la foulée.
« Plus que vu, je lui ai parlé. Ou elle a parlé et j'ai bafouillé une réponse. Elle fait trop peur ! Si tu veux devenir un bad boy je crois que tu as déjà un modèle chez toi. »
« J'aurais dû me douter qu'elle viendrait te voir... Désolé, j'aurais dû te prévenir. Elle n'a rien dit de trop méchant j'espère ? »
Non non elle m'a juste menacée, songea Abbie. Mais elle n'allait pas dire ça, il lui ferait un infarctus dans la seconde.
« Ça se voit qu'elle m'aime pas mais bon ça aurait pu être pire »
« Encore désolé... j'irai lui parler, promis »
Soudain Abbie repensa à une chose que Zelda avait mentionnée et qui l'avait tout autant surprise qu'elle.
« Elle a dit que tu me considérais comme une amie, c'est vrai ? »
Cette fois, Raleigh mit plus de temps à répondre. Faisait-il autre chose ou hésitait-il sur la réponse à donner ? Abbie n'en savait rien, elle ne pouvait que se contenter d'attendre patiemment, n'écoutant que d'une oreille ses propres amis qui débattaient sur un sujet idiot. Soudain son portable vibra, la faisant vivement baisser les yeux et déverrouiller l'écran.
« Oui c'est vrai. Je t'ai confié des choses que seuls mes amis savent et je suppose que c'est réciproque ; on s'entraide au mieux ; j'aime passer du temps avec toi. Pour toutes ces choses, je te considère comme mon amie et j'espère que je pourrais devenir le tien un jour. »
Abbie ne put empêcher un sourire de naître sur ses lèvres. Elle était touchée de compter autant alors qu'ils ne se connaissaient que depuis peu. Il était vrai qu'elle s'était beaucoup confiée à lui, bien plus qu'elle ne l'avait fait avec ses soi-disant amis.
« Tu l'es déjà idiot »
Le véritable bad boy de l'histoire c'est Zelda en fait. C'était pas prévu qu'elle soit aussi "violente" mais bon ça c'est fait tout seul (oui je suis contrôlée par mes personnages, c'est tout à fait normal).
Désolée pour toutes celles qui s'appellent réellement Amanda, Summer ou Mia, vos prénoms se sont fait détruire par les auteurs. RIP.
Je n'ai jamais été aussi productive pour une fiction, je m'étonne moi-même. Bon par contre je suis tellement concentrée sur celle-là que Coquelicot avance très lentement, faut que je trouve le bon équilibre.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top