SEPT | crevette 1, tigre 0


Raleigh dévala les escaliers ; il n'était pas en retard, il avait juste cette habitude de survoler les marches que ce soit en montant ou en descendant. Une fois en bas, il retrouva une allure plus posée et s'en fut vers la porte d'entrée. En passant devant le salon où sa mère lisait, assise dans le canapé, il l'informa qu'il sortait voir « la bande » et qu'il mangerait avec eux, sa famille ne devait donc pas l'attendre pour dîner. Sa mère acquiesça, lui recommandant de ne pas rentrer trop tard même si elle n'était pas trop inquiète : son fils était une personne prudente et plutôt raisonnable. Si, en plus, il était avec ses amis de toujours qu'elle connaissait bien depuis le temps, il n'y avait pas de problèmes. En quelques pas, Raleigh se retrouva sur le perron, baignant dans la lumière rasante d'une fin d'après-midi. Encore quelques-uns de plus et il foula le bitume de la rue, toujours aussi calme et peu fréquentée. Il prit alors la direction du parc ; c'était assez loin de chez lui, enfin si l'on pouvait dire que vingt ou vingt-cinq minutes de marche était long, mais ses amis et lui se retrouvaient à chaque fois là-bas. Depuis qu'ils avaient le droit de traîner seuls dans les rues de cette tranquille ville de banlieue, ils finissaient toujours par se retrouver assis sur un banc du parc. Leurs pieds les y menaient inéluctablement. Ce n'était certes pas très original, ça faisait moins rêver que le toit d'un immeuble abandonné ou ce genre de lieux insolites, mais c'était confortable et ça leur convenait très bien. L'endroit était ouvert à toutes les heures du jour et de la nuit, tous les jours de l'année, ce qui était bien pratique.

Raleigh s'y rendit donc, suivant un chemin qu'il connaissait par cœur, les écouteurs vissés dans les oreilles. Il avait lancé une playlist concoctée par sa sœur, qui avait soigneusement regroupé toutes les chansons qu'elle appréciait en ce moment. Beaucoup d'entre elles avaient des paroles écrites dans une autre langue de l'anglais, aussi l'adolescent n'y comprenait pas grand-chose. Pourtant cela ne le dérangeait pas, il se concentrait plutôt sur la simple mélodie des mots qui étaient prononcés au lieu d'être distrait par leur sens qu'il ne pouvait que capter quand il s'agissait de sa langue natale. Il demanderait plus tard à sa sœur de quoi il était question, enfin s'il n'oubliait pas.
Porté par la musique, il ne vit pas le temps passer et se retrouva bientôt à l'entrée du parc. Déjà ? songea-t-il. Il n'avait eu le temps de n'écouter que quelques chansons, six ou sept, quelque chose comme ça. Enfin, il serait sûrement le premier arrivé et devrait donc attendre les autres, alors il laissa la playlist en route tout en se dirigeant vers leur banc fétiche. Mais quand celui-ci fut en vue, il s'étonna : quelqu'un était déjà là. La silhouette était familière... on aurait dit Ian. Pourtant Ian n'arrivait jamais en avance à un rendez-vous, au mieux avait-il cinq minutes de retard. Si c'était vraiment important, il était ponctuel. Raleigh vérifia sa montre : il avait deux minutes d'avance sur l'heure qu'ils avaient convenue. Curieux, il retira donc ses écouteurs et alla s'asseoir auprès de son ami. Celui-ci avait le dos entièrement appuyé contre le dossier du banc, la tête renversée en arrière et les yeux fermés. Il semblait dormir, mais Raleigh aurait parié qu'il était bel et bien réveillé, attentif à tout ce qu'il se passait autour de lui.

-Ben t'es déjà là ? s'étonna le nouveau venu.

-Ouais, ça fait vingt bonnes minutes que je réfléchis au meilleur moyen de tuer Sean. Ce con m'a donné une fausse heure de rendez-vous tout ça pour que je ne sois pas en retard mais à tous les coups c'est lui qui va se pointer comme une fleur une demi-heure après.

Raleigh faillit rire cependant il se retint pour ne pas vexer son ami alors que celui était de si méchante humeur. Ce genre de farce ressemblait bien à Sean. Celui-ci, qui vivait toujours sa vie à cent à l'heure, devait en avoir eu marre de passer son temps à attendre leur compagnon bien plus lent. Il n'avait sûrement pas pu résister à l'idée de mêler l'utile à l'agréable : jouer un tour à Ian et faire en sorte qu'il soit là au moment indiqué. Mais la revanche de celui qui s'était fait roulé risquait d'être terrible, Raleigh se demandait si son ami y avait réfléchi.

-'tain en plus mes écouteurs sont encore cassés, rajouta un Ian visiblement excédé.

L'addiction à la musique était sûrement le plus grand point commun que partageaient Ian et Raleigh. L'un et l'autre pouvaient difficilement vivre sans écouteurs ; toute journée sans entendre la moindre note était des plus insupportables. C'était cette nécessité qui les avait rapprochés à l'origine, au tout début du lycée. Le jour de leur rencontre, les écouteurs d'Ian était cassés, comme aujourd'hui, et il attendait à l'arrêt de bus avec un air fort contrarié, s'occupant tant bien que mal en tripotant les fils désormais inutiles. A force d'observer son petit manège, Raleigh, qui attendait à ce même arrêt de bus, finit par comprendre son problème et, malgré le visage peu avenant de l'adolescent, lui avait proposé l'un des siens pour qu'ils puissent écouter ensemble. Ian avait d'abord été surpris : peu de gens lui adressait la parole ainsi, seuls ceux qui commençaient à le connaître s'y risquaient puisqu'il faisait involontairement peur aux autres. Ian était une personne solitaire, un peu maladroite dans ses interactions. Un parfait bad boy, entre l'asocial et le tsundere aurait dit Abbie. S'il n'en avait rien montré, il avait été touché par l'offre de ce petit gringalet tout palot à côté de lui et de sa peau noire que beaucoup semblait détester. Il en aurait presque fini par la détester aussi s'il n'avait pas cette fierté en lui, un orgueil qui l'avait fait croire au « black is beautiful ». Ce jour-là, Raleigh était devenu le premier ami d'Ian depuis un bon moment et il l'avait introduit à Sean, qui faisait partie de son cercle proche depuis le collège. Ian avait détesté Sean au début, il était typiquement le genre de personnes qu'il n'aimait pas : trop bruyant, trop confiant... Mais parallèlement il s'était accroché à Raleigh comme à une bouée de sauvetage pour des raisons qu'il peinait encore à définir. Alors il avait fait avec Sean, jusqu'à ce qu'il parvienne, les mois passant, à tisser de nouveaux liens plus solides avec lui. Petit à petit ils étaient devenus amis, même s'ils avaient encore parfois du mal à se supporter, comme pour cette histoire d'heure de rendez-vous.

Sans surprise, le suivant à arriver fut Darius, à l'heure si l'on passait outre ses trois petites minutes de retard. A son tour, il s'étonna de la présence d'Ian et celui-ci, pour toute explication, ne poussa qu'un long soupir exaspéré, aussi Raleigh relata sa mésaventure à leur ami. Darius ne put contenir un sourire qu'Ian ne vit pas, trop occupé à ruminer sa vengeance.

Sean finit par montrer le bout de son nez une dizaine de minutes plus tard.

-Le voilà, dit Darius en reconnaissant sa silhouette à l'entrée du parc.

Ian se redressa brusquement, faisant presque sursauter ses amis. Sean sembla remarquer ce changement d'attitude puisqu'il ralentit le pas. Les deux autres se calèrent plus confortablement sur le banc, prêts à observer le spectacle qui serait sûrement divertissant. Quand Ian se leva, lentement, Sean fit brusquement demi-tour. Quand Ian l'interpella avec un sobriquet peu affectif, Sean s'immobilisa le temps d'une seconde avant de détaler vers la sortie. Sans attendre, Ian s'élança à sa poursuite. Les deux adolescents se retrouvèrent donc à courir tout autour du parc, sous les yeux amusés de leurs amis qui pariaient sur la durée de la course-poursuite. Tout en grappillant les mètres, Ian traitait sa cible de les noms, lui promettant une longue et douloureuse torture quand il l'attraperait. A cela, la seule réponse de Sean fut un mélange entre le rire et le cri de terreur. Les deux spectateurs crurent entendre un « c'était pour la bonne cause » ou encore « t'as vraiment aucun humour », ponctué régulièrement de « laisse-mooooooooiii » plus que comiques. En fait, Raleigh et Darius riaient aux larmes.

La seule solution que Sean sembla trouver pour échapper aux griffes de son poursuivant fut de se réfugier derrière leurs amis. Bientôt, chacun fut de part et d'autre du banc, se regardant en chien de faïence. Si l'un esquissait le moindre geste, l'autre était prêt à bondir. Ils demeurèrent ainsi pendant de longues minutes. Les deux autres finirent par retrouver leur souffle et décidèrent d'un regard tacite qu'il était temps d'arrêter la course.

-Bon allez stop, intima Raleigh, asseyez-vous tous les deux. Vous règlerez ça plus tard.

Aucun des deux ne bougea ; Sean attendait d'abord qu'Ian s'asseye, c'était plus sûr. Sauf que celui-ci ne semblait pas décidé à le faire. Raleigh lui jeta un regard appuyé, le faisant bruyamment soupirer. Ian se laissa tomber sans douceur sur l'une des extrémités du banc et Sean s'empressa de s'installer sur l'autre.

-'tain j'ai mal aux côtés, lâcha Darius en chassant une dernière larme de rire du coin de sa paupière.

-Ravi d'avoir pu rallonger ta vie de quelques minutes, lui dit Sean avec un sourire.

-Oh toi n'en rajoute pas, gronda Ian.

-Bon sinon, coupa Darius, Raleigh ça avance ton projet ?

-Ouais, plutôt. Mais bon je suis pas encore au bout. D'ailleurs ma sœur a encore fait son caïd.

-C'était pour quoi cette fois ? s'enquit Sean.

-Apparemment elle est allée voir Abbie. Je sais pas ce qu'elle lui a dit exactement mais la connaissant c'était sûrement pas des mots doux.

Les trois autres hochèrent la tête de concert. Chacun connaissait très bien la famille des autres, puisqu'ils étaient toujours fourrés les uns chez les autres. Alors évidemment, ils savaient que Zelda, si elle pouvait être très drôle et avenante avec ses proches, devenait vite une terreur quand elle vous avait dans le collimateur. Au lycée, elle faisait sa vie avec sa bande de potes tout aussi spéciale qu'elle. Beaucoup parlaient dans leur dos, les traitant de bizarres, de geeks, d'intellos, etc. Mais ils s'en moquaient bien, c'était même une fierté pour eux. Une fois, quelques populaires un peu trop téméraires avaient essayé de s'en prendre à un membre du groupe, grosse erreur. Raleigh avait appris par les conversations de couloir que les autres avaient lancé une carafe d'eau à la figure des fauteurs de trouble. La guerre s'était étendue sur plusieurs jours mais, au final, les « bizarres » avaient gagné et globalement les gens les laissaient tranquilles.

-Mais bon, continua-t-il, Abbie n'a pas l'air traumatisée donc ça va.

-Moi aussi je veux parler avec elle, lâcha Sean. Si c'est ton amie c'est qu'elle doit être sympa finalement.

-Si vous lui sautez tous dessus, elle ne va plus vouloir m'aider.

-Si tu veux sortir de ton éternel célibat, ajouta Ian, va chercher ailleurs.

-Mais ! Pourquoi il est si méchant avec moi ? demanda l'autre d'une voix plaintive à ses amis.

-Il applique juste le « qui aime bien châtie bien » à la lettre, répondit Darius.


I'm baaaaaack !

Pour ceux qui n'ont pas suivant l'affaire (que j'ai déjà détaillée sur mon profil et dans Coquelicot), il se trouve que j'ai une crise d'appendicite le 19 juin au soir pour laquelle je me suis faite opérer le lendemain dans l'après-midi. J'ai donc été incapable d'écrire moralement et physiquement pendant plusieurs jours. Ensuite j'ai eu un autre problème c'est qu'il m'était (d'ailleurs ça l'est toujours) impossible d'écrire comme je le fais d'habitude, c'est-à-dire tranquillement avec mon ordi à moitié sur moi. Donc j'ai du attendre que ça aille un peu mieux pour trouver une autre manière d'écrire.
Bref, j'attendais d'avoir fini le chapitre 8 pour sortir le 7, d'où le retard. Je suis vraiment désolée pour tous ceux qui attendaient la suite, j'ai vraiment pas fait exprès cette fois.

Je vais donc essayer d'être plus productive pour combler tout ce retard d'écriture que j'ai pris mais bon, me connaissant ça va être compliqué.

Sur ce, à bientôt (demain ou après-demain j'espère) !

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