6. Colombienne.




PRETO.



Mexico commence tout juste à s'éveiller.

Une brise légère me caresse le visage, alors que je souffle la dernière bouffée de ma cigarette. La nicotine brûle ma gorge et descend sournoisement le long de mes poumons, puis je jette le mégot par terre. En même temps, je glisse la chaîne que je porte autour du cou sous mon T-shirt.

Ce voyage en Colombie m'a épuisé ! Il faut dire que j'ai failli y passer. Mon fournisseur de cocaïne est devenu bien trop gourmand, alors que franchement, la qualité de sa poudre laisse clairement à désirer. En bref, j'ai dû l'abattre. Lui, et les trois hommes qui me menaçaient avec leur mitraillette.

Tout ça n'est pas aussi dramatique qu'il y paraît : je l'ai aussitôt remplacé. Fernando Jimenez sera, je l'espère, plus enclin à respecter les termes de notre accord et lui, est réputé pour la pureté de son produit. Désormais, Mexico sera servi avec une cocaïne qui n'est ni coupée ni altérée, donc moins nuisible que les substances trafiquées qui circulent déjà dans les rues.

J'ai investi mes derniers pesos dans ce deal. Il faut que ça marche ! C'est ma dernière chance de reconstruire l'empire que mon père a détruit.

Je dépasse un clochard qui gît sur le sol avant de pousser la porte réservée aux employés du Gran Hotel del Sol. À peine entré, je suis accueilli par les voix des commis qui s'affairent déjà à leur poste pour préparer le déjeuner. Je me fonds parmi eux et avance entre les odeurs alléchantes des plats qui commencent à mijoter.

Dans cet établissement, personne ne s'étonne de me croiser, même si je détonne dans le paysage. C'est l'avantage d'être le neveu du patron. Justement, je repère mon oncle en train de discuter avec son chef cuisinier. Vêtu de son éternel costume noir, il goûte un breuvage sous le regard attentif de son employé. Son hochement de tête semble d'ailleurs alléger la tension entre eux.

Dès que j'arrive à leur hauteur, le regard clair de mon oncle plonge dans le mien et me scrute avec sévérité, avant qu'un sourire satisfait étire ses lèvres.

— Preto, me sourit-il. Bon retour parmi nous.

— Tío, le salué-je. J'ai pris la route directement après ton appel. 

Le chef cuisinier s'éclipse avec un hochement de tête respectueux à mon égard, nous laissant à notre conversation. 

— Tiens, me dit Ricardo en me tendant le verre. Goûte-moi ça et dis-moi ce que t'en penses.

Je l'interroge du regard, mais obtempère et porte le liquide clair comme de l'eau à mes lèvres. Une forte odeur d'alcool inonde immédiatement mes narines avant que le breuvage réchauffe ma gorge. Ricardo guette ma réaction, une main sur son menton, sa chevalière en or brillant autour son petit doigt.

— C'est un rhum Dictador de 1972, précise-t-il. Un petit bijou colombien.

Le « bijou » irradie maintenant ma poitrine, alors que ses saveurs explosent sur ma langue. Ricardo sourit doucement face à ma réaction extatique.

— Ça a du caractère, confirmé-je. 

Comme tout ce qui vient de Colombie, on dirait. J'espère que le camion qui arrivait cette nuit contient une poudre au moins aussi puissante.

— Je pense à l'intégrer à notre cave. Certains de mes clients seraient ravis de retrouver un peu de saveur colombienne.

J'acquiesce et reprends une gorgée avant d'enchaîner :

— En parlant de Colombie, j'ai dealé une cargaison qui pourrait bien changer la donne.

Intrigué, mais vigilant, mon oncle m'invite à quitter les cuisines et ne reprend la conversation que lorsque nous atteignons les ascenseurs. Même si son personnel est discret et loyal au possible, un excès de prudence ne peut pas faire de mal, d'autant que Ricardo n'aime pas mélanger ses différents business, et le mien pourrait entacher la réputation qu'il a dans le milieu de l'hôtellerie de luxe.

— Tu travailles maintenant avec Jimenez ? Qu'est-ce que tu as en tête ?

— J'ai accepté de financer ses labos en Colombie et il achemine la poudre jusqu'ici. J'ai eu la bonne idée de passer un accord avec Rivera. Pendant qu'il sera occupé à introduire cette cargaison aux États-Unis pour tripler ses bénéfices, il laissera le champ libre à Mexico. Le premier camion peut être revendu pour au moins deux millions de dollars, soit plus de trente-cinq millions de pesos mexicains. Autant dire que j'aurai plus qu'assez pour reprendre un territoire conséquent.

Mon oncle réfléchit, pèse mes mots avec soin pendant qu'on grimpe les étages jusqu'à son bureau. Finalement, lorsque les portes s'ouvrent, il se tourne vers moi avec une moue dubitative.

— Deux millions... C'est un gros coup, Preto. Tu vas gérer ça ?

Son regard perçant plane sur moi. Il n'a pas besoin d'en dire plus pour que je comprenne qu'il fait référence aux erreurs de mon père. Dans ce milieu, l'échec nous est forcément fatal. Heureusement, tout cela ne fait pas partie de mes plans.

— C'est ma chance de mettre la main sur le marché, articulé-je, bien conscient des enjeux.

— Ce sera surtout ta seule chance, Preto. La guerre que va te déclarer Rivera lorsqu'il comprendra tes intentions...

— J'en ai conscience. Les deux millions me permettront de la préparer, justement.

À vrai dire, la mise en garde de Ricardo me glace. Je n'aurai pas deux fois la chance de m'imposer dans ce milieu. Si je foire mon coup, je finirai avec une balle dans le crâne et mon cartel sera facilement exterminé par les hommes de Rivera.

Mon oncle hoche lentement la tête, puis ouvre la porte de son bureau. Depuis les deux grandes baies vitrées, nous avons une vue sur l'immense piscine à débordement. Néanmoins, Ricardo n'y jette même pas un coup d'œil et ouvre une armoire en chêne massif pour se servir un verre de scotch.

— Ne répète pas ses erreurs, lâche-t-il d'un ton grave. J'veux pas que tu finisses comme lui.

Je me fige. Mon père est mort dans un règlement de comptes, égorgé par ses ennemis. Son corps s'est décomposé dans une mare de sang pendant des jours avant qu'on le retrouve.

— Je sais, finis-je par répondre. Sois tranquille, cette fois, c'est la bonne. J'arrive sur le marché avec une meilleure qualité et moins cher. Une fois que Salomon Rivera aura fait connaître mon produit, c'est ma drogue qu'on redemandera. Il va tout simplement faire entrer le loup dans la bergerie...

Ricardo s'apprête à me répondre, visiblement sceptique, mais la sonnerie de mon téléphone l'interrompt. Habituellement, j'aurais coupé mon portable, mais vu les enjeux, je préfère rester joignable à tout moment. Ainsi, malgré le regard réprobateur de mon oncle, je glisse la main dans la poche arrière de mon jean et en sors rapidement mon appareil : Ruben.

Mon bras droit sait où je me trouve et il ne tenterait pas de me joindre sans raison majeure.

— Allô ? dis-je en décrochant.

À l'autre bout du fil, j'entends Ruben s'éloigner d'un concert de voix.

— Preto, il y a eu un problème avec la cargaison, lâche-t-il à toute vitesse. C'est parti en couilles !

Je manque de m'étrangler avec ma propre salive.

Après un coup d'œil en direction de mon oncle qui attend, les bras croisés, je lui tourne lentement le dos et préfère m'éloigner vers les baies vitrées.

— Parle, ordonné-je froidement.

Ruben s'éclaircit la voix. La tension nerveuse dans mon corps monte d'un cran en un claquement de doigts.

— Marcus m'a envoyé un SMS cette nuit. Quelque chose a merdé. Quand on est arrivés sur place, il était... en mauvais état.

— Où est ma cargaison, Ruben ?

Je parle à voix basse, mais je garde un ton ferme et tranchant. J'ai peu de patience, et l'explication évasive de Ruben m'irrite immédiatement.

Mon oncle ne me quitte pas des yeux, et s'amuse maintenant à faire tourner son scotch dans son verre en cristal.

— Tout va bien, Preto ? demande-t-il.

— C'est là que ça se complique, poursuit Ruben à l'autre bout du fil. Ce putain de camion a disparu, Marcus est mort et tout ce qu'on a, c'est une fille blessée qui refuse de parler. Elle avait une complice, apparemment...

Je m'immobilise. Les yeux écarquillés, je laisse un sourire vraiment nerveux se dessiner sur mes lèvres, puis un petit rire m'échappe. Non...

Non ! La seconde qui suit, une colère sourde monte en moi comme un incendie jusqu'à ce qu'une rage bouillonnante se déverse dans chacune de mes veines.

Non, ça n'est pas possible.

— Tu te fous de ma gueule, hein ?

Je me fais violence pour garder une voix calme et contrôlée.

Je ne peux pas dire à mon oncle que l'empire des Cruz va renaître de ses cendres, et deux minutes plus tard, perdre une cargaison à deux millions de dollars qui ne m'est même pas destinée.

Encore une fois, Ruben met un temps fou avant de me répondre, je l'entends monter dans une voiture, claquer la portière, et finalement il me dit :

— Je vais gérer, Preto. La fille bosse au Casa Ramba, j'ai déjà quelques infos. Je vais chez elle pour voir si je peux en trouver plus. Elle va finir par craquer !

Je serre férocement mon poing, puis le place devant ma bouche afin de me retenir de lui dire que non, il n'a rien géré. Ma putain de cocaïne se balade tranquillement dans la nature !

Je me fais violence pour ne pas exploser devant mon oncle. 

— C'est qui, cette nana ? soufflé-je.

— Une fille... J'vais creuser pour en savoir plus.

Ma fureur se coince dans ma gorge. Je serre les dents et n'ose même pas demander à voix haute plus de détails. Pas devant mon oncle. 

— Qui est sur le terrain ? craché-je, frustré.

— Paco, Goto, J.J. et Daniele suivent les traces de la cargaison, mais pour l'instant, on n'a pas grand-chose.

— Écoute-moi bien, Ruben. Dans une heure, je suis sur place. D'ici là, mieux vaut pour toi que tu aies localisé ce camion, ce qui calmera légèrement mon envie de te démonter. Mets Sebastian et Esteban sur le coup, qu'ils trouvent des pistes rapidement.

Je raccroche sans attendre de réponse. Je viens de me faire enculer. Putain, ça me les brise !

— Preto ? Un problème ? insiste Ricardo.

Mon regard se durcit, même si je peine à masquer ma rage. Mieux vaut ne pas lui montrer que j'ai déjà perdu le contrôle de la situation.

— Juste un contretemps, répliqué-je.

Ma cargaison a disparu, un de mes gars s'est fait descendre et Salomon Rivera se fera un plaisir de me faire sauter la cervelle dans les prochaines heures... Que de bonnes nouvelles avant le petit déjeuner !

Mon esprit tourne à plein régime. Il faut que je rentre vite et que je gère cette merde, sinon mon cartel sera enterré d'ici la fin de la semaine. Putain, je viens de perdre ma seule opportunité de prendre ma place dans ce monde de morts !

— C'est-à-dire, un contretemps ?

Ricardo a toujours eu ce regard perçant, le genre qui lit entre les lignes. Il a très bien compris que je lui mentais.

— Rien que je ne puisse pas gérer, articulé-je sur un ton qui ne laisse pas place à plus de discussion.

L'angoisse que je ressens est presque paralysante, mais montrer cette faiblesse, c'est ouvrir la porte à ma propre chute. Je ne peux pas tomber maintenant, alors que je n'ai jamais été aussi proche de ce que j'ai toujours voulu. De ce que mon père a toujours voulu.

— Fais attention à qui tu accordes ta confiance, Preto. Tu ne joues pas que ta réputation.

Je hoche la tête avec la sensation que la pression immense que m'ajoute Ricardo s'écrase sur mes épaules pour me tétaniser.

— Je te laisse, Tío, articulé-je en reculant.

Il consulte sa montre et va derrière son bureau, déjà concentré sur le dossier suivant. Néanmoins, alors que je m'apprête à passer la porte, il m'arrête.

— N'oublie pas, Preto, je t'attends la semaine prochaine pour le déjeuner.

Je grogne pour seule réponse et franchis la porte. Une fois hors de sa vue, je hâte le pas pour sortir de ce palace. Je n'ai plus de temps à perdre ! Le soleil est déjà bien haut dans le ciel et chaque minute qui passe me rapproche d'une tragédie.

Les paroles hésitantes de Ruben résonnent frénétiquement dans ma tête. Qui est cette fille qui a trouvé ma cargaison ? Comment a-t- elle réussi à mettre la main dessus ? Qui est parti avec ma drogue ? Et si... Et s'il y avait une taupe dans mon business ?

Putain, celui ou celle qui a ma poudre ferait mieux de ne dormir que d'un œil... Une fois que je l'aurais trouvé, je vais lui faire vivre un véritable enfer !



♣︎


Ok les gars...


C'est le dernier chapitre que je posterais sur la plateforme. Plus que deux jours avant la sortie de Valentina en librairie. (Tellement j'ai paniqué carrément j'ai oublié de poster cette partie 🤣 !) 


Bon, comme j'ai dit, je vous attend avec vos outfits ou accessoires oranges, n'hésitez pas à m'identifiez quand vos ferez vos vlogs à la Fnac svp ! 


J'ai hâte de vous rencontrez bientôt ! (J'avoue je suis en stresse la je peux pas trop écrire 🤣 !) 


xo, AZRA ! 🍓

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