Épilogue

Un frisson désagréable lui parcourut l'échine et la tira de son sommeil. Énith voulut remonter la couverture sur ses épaules afin de se protéger de la fraîcheur de l'aube, avant de s'apercevoir qu'elle ne se trouvait pas dans un lit. Elle rouvrit enfin les yeux. Les timides rayons du soleil commençaient à éclairer les profondeurs de la Forêt Épineuse, balayées par une brise matinale au souffle piquant. Elle frissonna de nouveau.

Léonor, Meben et elle-même étaient tous les trois étendus à même le sol, encerclés par ce qui semblait être une armée de ronces et d'ajoncs. Les souvenirs la rattrapèrent peu à peu, tandis qu'une mauvaise migraine s'insinuait sous son crâne.

Elle se redressa à la hâte, ignorant le martèlement dans ses tempes, et posa un regard angoissé sur Meben, étendu tout près d'elle. Il respirait. Sa poitrine se soulevait à un rythme régulier, et ses joues étaient rosies par la fraîcheur du petit matin. Il était encore en vie.

Le sang qui avait imbibé sa tunique semblait avoir séché. Le tissu raidi avait pris une couleur sombre et repoussante. D'une main tremblante, Énith souleva le pan du vêtement afin de constater l'état de la blessure qu'elle lui avait infligée, et retint un cri stupéfait : la plaie avait disparu. Plus aucune trace de sang, de chair à vif, de peau lacérée. L'épiderme de Meben avait retrouvé sa blancheur lisse et immaculée.

— Lasthyr est allé chercher Ory.

La voix enrouée de Léonor la fit sursauter. La musicienne se réveillait, même si elle peinait encore à rouvrir les yeux.

— Ory ? répéta Énith.

— L'Alanya qui m'a sauvée de l'empoisonnement. Il a guéri la blessure de Meben.

Avec un effort qui parut insurmontable, Léonor se redressa et s'assit en face d'Énith, le visage blême et marqué de fatigue.

— Crois-tu qu'il se réveillera ?

— Je n'en sais rien, répondit Léonor. J'en doute. Ory n'a rien pu faire pour réparer son esprit brisé, ses compétences se limitent au corps physique. Mais Lasthyr m'a promis d'essayer.

— Que s'est-il passé, pendant que je dormais ?

Léonor commença à lui rapporter les évènements qui s'étaient déroulés à Valacturie mais soudain, au beau milieu d'une phrase, son regard se voila ; Lasthyr avait attiré son attention. Au bout de quelques instants, un large sourire illumina son visage.

— Le discours de Lasthyr a fait son petit effet, déclara-t-elle. Les Valacturiens ont décidé de nous ouvrir la Porte, de nous laisser passer dans leur monde. Ils acceptent de nous écouter.

— Elle n'a pas réussi à les convaincre de nous sauver ?

— Pas tout à fait. Mais c'est un énorme pas en avant, Énith. Une fois que nous serons à Valacturie, nous trouverons le moyen de les convaincre.

— Oui... Si nous parvenons jusqu'à la Capitale.

Léonor prit appui sur ses mains, ignorant les épines qui lui picotaient les paumes, et se mit debout. Le bras tendu vers son amie, elle l'incita à l'imiter. Les jambes d'Énith chancelèrent lorsque, une fois redressée, elle balaya les alentours du regard et fut frappée par l'évidence ; elles étaient perdues. Elles étaient seules.

Pourtant dans les prunelles de Léonor, lorsque celle-ci attrapa ses mains pour les enserrer au creux des siennes, elle lut une farouche détermination qui ralluma dans son cœur une timide flamme de courage.

— Nous y arriverons, Énith. Je te le promets.

Le chant bondissant d'un oiseau qui prenait son envol tout près d'elles vint appuyer ces paroles, comme un vague signe d'espoir dans le dédale hostile de la forêt.

(...à suivre)

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