Chapitre 12 (partie 2)
- Tu écrivais ?
- Oui. Oh ! C'est une fleur que tu m'apportes ?
À l'instant, les joues d'Edmée rosissent quand un large sourire vient creuser ses fossettes.
- Je l'ai achetée à une marchande du village. Ce soir, tu danses encore, n'est-ce pas ? Il te faut des roses...
- Tu es adorable ! S'exclame-t-elle en se précipitant dans ses bras.
- Edmée...
- Ouh... Tu as la mine soucieuse, toi, et quelque chose à me demander, non ?
- Oui, c'est que je me disais que peut-être...
- Monsieur fait son timide ? Rit-elle encore.
- Peut-être, pourrions-nous essayer de danser à deux sur le fil. Je ne m'en sors pas trop mal, je crois...
- Tu as vraiment du talent, tu sais ?
- Et je voulais essayer de danser à deux, sur le fil.
- Viens.
Elle est aussi curieuse de voir ce qu'ils peuvent faire tous les deux. Il y a longtemps que l'idée lui trotte dans la tête et puisque Alexis le lui propose maintenant, pourquoi pas ?
Elle étend le fil entre deux arbres dans les bois jouxtant le village où ils ont fait halte. En quelques petites acrobaties de singe, elle parvient à hauteur suffisante et se penche sur le fil, en fronçant les sourcils un bref instant.
- Alex, sur l'autre arbre.
Il obtempère rapidement et se retourne vers elle.
- Je vais y aller en première. D'accord ? Quand je te ferais signe, tu me rejoindras et...
Elle s'élance sur la corde avec ses mouvements de grâces dansantes avant de saluer un public imaginaire en riant :
- Mesdames et messieurs, veuillez accueillir l'extraordinaire spectacle de Mademoiselle Edmée, moi-même, et de l'incroyable Alexandre ! Viens, Alexis.
Il s'approche à son tour, soucieux d'éviter de trop faire trembler la corde pour qu'Edmée ne tombe pas. Elle le salue, il la salue. Et se sourient.
- Donne-moi la main.
Prenant appui sur sa main, elle lève sa jambe en arrière et incline tout son buste. Alors, lui qui commence à se trouver si assuré sur ce cordon instable, elle qui ressent de plus en plus une totale confiance, joignent leurs doigts et leurs gestes pour entamer une danse. Il la guide doucement, la fait tournoyer, tout en esquissant lui-même quelques mouvements gracieux. Elle lui sourit, il est heureux. Et le temps semble s'arrêter un bref instant.
- Edmée...
Ses yeux de chattes, belle beauté. Et la danse en suspens.
- Je me disais bien que mon cœur battait un peu trop fort pour que cela ne veuille rien dire, souffle-t-elle simplement.
Ce ne sont plus ses yeux qui brillaient, mais ses lèvres. Alexandre vient mêler son souffle à celui de la jeune fille. Et bientôt, ils s'enlacent, s'embrassent.
Un silence parfait les entoure, seulement troublé par les battements de cœur tonitruants qui résonnent si mystérieusement. Et le vent, brise légère, qui vient emporter leurs deux âmes vers le ciel. Les bois semblent se taire pour respecter leur union si parfaite, retenant tout frémissement de feuilles, toute course d'écureuils... Ils ferment l'œil, discrets.
En équilibre sur ce ruban de soie, deux êtres en communion parfaite, dans une bulle de bonheur.
- Edmée...
Il se recule un peu, peut-être pour reprendre son souffle, mais Edmée se détourne rêveusement :
- Tu sais qu'on nous attend, Alexandre.
- Juste dis-moi...
C'est un silence qui le fait taire. Un silence amoureux, qu'un baiser enflamme soudainement. Alexandre attrape la jeune fille par la taille et la fait voler au-dessus du vide avant de l'aider à se rétablir sur le cordon.
- Maintenant, on y va, si tu veux.
Impressionnant. Jamais il ne s'est senti aussi comblé, avec elle... Il voudrait qu'elle reste toujours à ses côtés. Une promesse...
- Edmée ? Il...
Et ses grands yeux de chatte qui l'observent et redoublent les battements de son cœur !
- Faut que je te dise que...
Elle lui sourit toujours aussi malicieusement, comme si elle passait son temps à se moquer, à ne prendre rien au sérieux. Rien, excepté le présent.
- Que j'aimerais rester toujours avec toi.
- Toujours ? S'étonne-t-elle.
- Juste tous les deux. Nous irons loin d'ici, près de la mer et du soleil. Nous bâtirons notre bulle, loin des tourments de mon pays. Nous vivrons tranquilles, paisibles, heureux, bercés par le silence de la mer.
- Dans notre bulle, oui, rêve-t-elle doucement.
Loin de Riminiv et des intrigues mauvaises de Russie. Loin de son passé et des craintes qui l'accompagnent. Avec son prince...
Pourquoi a-t-il fallu que ce soit lui ? Elle observe cet être qui lui a toujours paru mystérieux. Mais elle ne voit plus le prince, sinon l'être passionné et profondément amoureux. Il montre ses forces et ses faiblesses : il est homme...
Toujours le silence autour d'eux dans ce cocon vert au luxe infini, à la tendresse exquise, au charme indéfinissable. Les arbres, indiscrets, seuls spectateurs de ce dialogue muet qui anime leurs deux âmes et les transforme. Ils couvent d'un œil paisible leurs doux sourires et se murmurent entre eux les promesses de leur avenir. Mais leurs yeux sont voilés. Arbres, flèches immenses, qui seuls témoignent d'une vie extérieure.
Car les deux amants sont seuls dans leur bonheur.
- Pourquoi est-ce que je t'aime ? Souffle-t-elle étonnée.
- Tu vois les beautés de la nature, les beautés que tu as pu croisées chez les hommes, les beautés...
- Oui.
- Tu crois vraiment qu'elles peuvent me surpasser ?
- Idiot, rit Edmée en le giflant gentiment. J'aime l'être le plus orgueilleux du monde.
- Non.
Son ton sérieux surprend la jeune fille qui lève un sourcil perplexe.
- Ne dis pas que je suis orgueilleux. C'est faux.
Le qualificatif le fait toujours plus frémir. Dans une bouche si parfaite, il voudrait n'entendre que des beautés.
- Je ne suis pas orgueilleux, tu le sais, lui dit-il alors en s'éloignant quelque peu. Je n'ai jamais été dévoué à quelqu'un. Pour toi, je ne suis plus rien qu'un serviteur.
Elle le fait taire d'un nouveau baiser. Rien ne semble pouvoir les atteindre, dans ce petit cocon lointain. Rien.
Mais il suffit parfois qu'une lettre vagabonde tranquillement...
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