30. Aucun répit
Le sife était congelé. Les poissons sont tous morts de froid. Au Baracuda, les Luziano réfléchissaient. Ils avaient besoin d'un plan d'action. Impossible pour eux de partir au front au péril de leur vie sans avoir une idée en tête.
Dorian sautillait sur place afin de ne pas finir gelé à son tour. Il y avait selon lui assez d'innocents morts.
- Je peux aller chercher Gustavo. Il n'est pas très loin.
- C'est une possibilité mais on devra être vigilants. Je sais qu'il est fort mais se repérer aux sons dans une tempête comme celle-ci sera impossible pour lui.
- Alors je ne peux rien faire pour vous.
Ricard se servit un verre de bourbon et leva légèrement la bouteille en fixant son invité qui déclina son offre avec politesse.
- Alors, on fait quoi ? demanda Basilio.
Lingrad nettoyait ses gadgets. Ceux-ci étaient gelés. Il n'avait plus d'atout. Les yeux rivés vers ses jouets, il cherchait une solution.
L'adolescent s'approcha de ses collègues.
- J'ai perdu ma mère à cause de Crocifisso. Je vais devoir le tuer seul.
- Tu risque gros, déclara Valerio. Il en est hors de question.
- Pourtant, je ne vous laisse pas le choix. Je pars immédiatement. Après tout, si je meurs, je retrouverais ma famille, là-haut. Ne me retenez pas...
Il chargea son fusil à pompe et sourit.
- Les amis... Ma deuxième famille, devrais-je dire. Si jamais je ne reviens pas.
Basilio le gifla.
- Je déteste les adieux. Alors dégage.
- Non, non, s'exclama Vinnie. Laissez-le s'exprimer. Cela lui donnera de la force et on gagnera du temps. J'ai besoin de réfléchir à une solution de secours.
Dorian baissa les yeux et versa plusieurs larmes.
- Je vous aime tous. Vous m'avez appris la valeur de la vie et je vous en suis très reconnaissant. Je n'ai pas été du côté des gentils, ces dernières années. Ce qu'on fait est illégal, oui. Pourtant, je n'ai aucun regret. Si je ne reviens pas, sachez juste que même sans mon père, j'ai passé les meilleurs moments de ma vie avec vous.
Ricard se leva lentement. Son regard était noir. Oppressant. Le garçon avait très peur de sa réaction. Sans dire un mot, il s'approcha doucement de lui. Ses pas grinçaient sur le parquet froid.
- Tu es vraiment un bon gamin, Dorian Jilliardo. Si tu t'en sors indemne, c'est avec grand plaisir que l'on t'accueillera chez nous à nouveau. En tant que Luziano.
Il prit le garçon dans ses bras et sourit.
- Allez, pars. Il est temps pour toi d'accomplir ton dernier objectif...
Seul, avec un grand manteau, un sac et son arme, il s'éloigna d'eux. Dans la tempête, il était désormais impossible pour eux de le suivre. Il y avait trop de vent et de neige pour le voir.
Pourtant, Valerio sortit du bar. Il ne voyait plus son ami mais il savait qu'il était encore présent. Encore tout près.
- DORIAN !
Le garçon avait les joues gelées. Il essayait de lutter et de bouger ses lèvres. Il voulait forcer sur ses cordes vocales. Son dernier désir était de répondre au barbu, or, il n'en était plus capable.
- Tu es le meilleur ! Ne meurs pas ! On est amis, toi et moi !
Debout, pris dans une rafale de vent, le blond priait pour que l'adolescent l'entende.
- Les amis ne se laissent pas tomber ! Fais m'en la promesse !
- Rentre, Valerio... Tu vas finir comme les autres, sinon.
Des collines blanches s'étaient formées. Verremburg était devenu un terrain bien plus dangereux qu'auparavant. Il était cependant possible d'accéder aux toits de maisons et de magasins grâce à certaines dunes de neige. Doucement, il s'approchait d'une montagne. C'était nouveau, au centre-ville.
J'aurais un meilleur point de vue d'en haut, songeait-il. Je dois me presser d'y aller avant de faiblir.
Une ombre le suivait sans qu'il ne s'en rende compte. Ses muscles se figeaient. Son corps baissait en chaleur. Tandis qu'il montait avec difficulté, son poursuivant avança, les mains dans les poches.
- J'en ai marre. soupira Dorian.
Il avait réussi à former une petite phrase sans trop hausser la voix. Puis, il se retourna rapidement. Au sommet de l'amas de neige géant, il reculait.
- Alors comme ça, tu penses que je suis ton ennemi ?
- Crocifisso. Montres-moi ton écho.
L'homme leva ses bras et sourit.
- Si tu y tiens !
Il ferma son poing, fit un pas en arrière tout en se penchant légèrement sur le côté, puis s'élança vers le brun qui attendait de voir un fantôme apparaître. Le Suarez donna un coup de poing dans le vide, à trois mètres du Luziano qui vit un bras le frapper de plein fouet. L'attaque le fit valser plus loin.
- Alors ? Ça te plaît ?
C'etait bien un fantôme mais il était différent de celui qu'ils ont vu. En fait, c'était plutôt une illusion. Crocifisso pouvait allonger la portée de ses coups.
- Pendant que nous y sommes, continuons. Je vais te tuer, Dorian.
Celerino entra dans la demeure de Gustavo. Celle-ci n'était pas rangée. Il y avait des boîtes de conserve au sol, de la nourriture mêlée à de la moisissure sur les murs, de la vaisselle cassée et bien d'autres déchets dispersés dans la maison.
- Salut, l'ami.
L'homme aux piercings n'ayant plus de langue ne répondit point.
- Je suppose que tu sais pourquoi je suis là ?
D'un simple hochement de tête, il put lui dire que oui.
- Parfait, ça m'évitera de perdre du temps. On fait une alliance temporaire avec les Luziano. Avant de tout arrêter.
Il s'installa à ses côtés.
- On va tuer les Suarez.
Lingrad ne parlait plus du tout. Il était obnubilé par ses gadgets qui avaient besoin de réparation. Il se sentait faible sans eux. Pendant des années, il s'est servi des inventions de sa famille. Chaque combat s'est déroulé à merveille grâce à eux. Dans la voiture du boss, à l'arrière, il était pensif.
- Tu as peur ? demanda Vinnie.
- Peur de quoi ?
- De ne pas être utile.
Le vieillard lui lança un regard noir. Sans se laisser déstabiliser, l'homme a lunettes croisa ses bras.
Ils se fixaient tous les deux.
- Je sais ce que tu ressens. Le besoin d'aider. Tu sais, parfois... Il vaut mieux rester à l'écart. On ne peut pas toujours être le héros.
- Qu'est-ce que tu en sais ?
- Regarde Dorian... Il est parti en pensant être le protagoniste de sa propre histoire mais qu'en est-il vraiment ? Ce que je pense, c'est qu'on devrait tous rester à notre place. On est des mafieux. Pas des sauveurs.
Le général des Rodriguez s'approcha des véhicules. Il n'avait plus que son bras droit. Le reptile humain titubait. Rapidement, Valerio descendit de son véhicule. Il courut jusqu'à l'homme lézard.
- Est-ce que ça va ?
- J'ai déjà vécu mieux...
- Viens avec moi.
Les yeux de Tymaho brillaient.
- Pourquoi ce comportement si soudain ? Toi qui étais si méchant avec moi.
Le barbu fit entrer le général à l'arrière et sourit.
- Parce que j'ai changé... Grâce au gamin.
De nombreux hommes étaient postés près d'eux, à des endroits stratégiques. Avec des fusil de précision, ils visaient les mafieux. Celerino sortit avec son ami et monta dans le véhicule du boss des Luziano. C'est à ce moment que les tirs se mirent à partir. Les vitres furent toutes brisées et les cibles hurlèrent en fuyant.
Les voitures roulaient à toute vitesse dans les rues glissantes de Verremburg. Ricard était capable de contrôler les virages et de déraper au bon moment mais Valerio abimait de plus en plus l'auto. Il se prenait des murs, des panneaux et un tas d'autres obstacles.
- Pourquoi ça tire encore ? hurlait Basilio. Y a des mecs postés à chaque coin de rue ou quoi ?
Le barbu maintenait son volant en place. Les mains à dix heures dix dessus, il se concentrait sur la route. Puis, brutalement, il tourna à gauche. Les roues crissaient et glissèrent sur une grande distance. Basilio vit un mur s'approcher dangereusement de lui.
- Merde, c'est encore pour moi...
La voiture percuta à nouveau une maison.
- Fais attention !
- Je n'y peux rien, arrête de te plaindre.
- Bordel, c'est le sixième mur que...
Pan ! Une balle traversa le torse du passager à l'avant. Valerio hurla de rage et tourna à nouveau vers la gauche. À l'opposé du boss. Il se gara à l'abri des tirs. Apparemment, les visés étaient dans la première voiture.
- Bande d'enfoirés.
- Mon pote...
- Non, non, ne me fais pas ce coup-là. Tu vas survivre, ne t'inquiète pas.
Il se détacha et appuya sur la blessure de son collègue. Le mafieu voyait trouble. Il cracha un peu de sang et posa sa main sur la joue du barbu.
- Prends soin de la famille, mec.
- Rodriguez ! s'exclama le blond. Y a une trousse de soin dans le coffre.
Le reptile usa de ses forces restantes pour aller chercher ce dont le Luziano avait besoin. Une fois cette tâche réalisée, il s'effondra sur la banquette arrière. Lui, il était sûr de tenir. Il devait juste se reposer un peu.
- Valerio, arrête...
L'homme ouvrit ses yeux en grand. Il venait de réaliser que c'était trop tard. À bout de force, son ami lui adressa un dernier sourire.
- C'est con, je ne serais pas au courant de votre victoire sur cet enfoiré.
Puis, il ferma ses yeux.
Pendant ce temps, Ricard roulait encore. Il s'arrêta plus tard dans une ruelle. Celerino, Vinnie, Lingrad et Gustavo suivirent le chef. Ils étaient cachés plus loin. Personne ne les a vus partir.
- Je commence à avoir trop froid, dit le Mozami. Ça devient difficile de penser à notre victoire.
- Quoi, tu abandonnes déjà ?
- Non, mais... Laisse-tomber.
Les hommes marchaient dans la tempête et s'approchaient du port. Ils avaient fait le tour de la ville sans croiser Dorian. L'adolescent était peut-être en mauvaise posture. Ils ne savaient rien du tout. Puis, un type s'approcha d'eux. Il les visait avec son arme de poing.
- On m'a dit d'abord les Mozami alors... Je m'exécute.
- Hein ?
La première balle traversa la zone. Avant qu'il n'ait le temps d'en tirer d'autres, l'inconnu se fit tuer par les Luziano. Celerino, à genoux, touchait Gustavo qui venait de se faire descendre également.
- Ricard...
- Je suis désolé.
- C'était mon meilleur ami, tu sais. Il était tout pour moi.
- Je n'aurais pas dû venir te chercher.
Le chauve frappa le boss au visage. Lingrad et Vinnie le tenaient en joue.
- Tout ça, c'est de ta faute, fils de pute.
- Celerino, est-ce que tu es vraiment sûr de vouloir faire ça ?
Les deux autres mafieux l'avaient compris. Ricard venait d'accepter le duel. Le boss des Mozami et celui des Luziano venaient de lancer un combat à mort.
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