24. Valse des Suarez
Cela faisait un an que le fils de Ricard était mort. Dorian était majeur, les Luziano n'avaient plus de problème et le carnaval de Verremburg approchait à grand pas.
Valerio était assis sur une chaise, dans le bureau du don Nemesio.
- Alors comme ça, vous voulez faire la paix ? Avec les Mozami, en deux ans, vous êtes venus nous faire chier une trentaine de fois. Surtout ces derniers mois.
- On avait un marché avec les Mozami. On devait tuer Crocifisso. Pourtant, on n'a pas respecté notre part et votre ami est vivant.
L'homme prit une cigarette, la porta à sa bouche et l'alluma avec un briquet rose.
Le barbu était inquiet. Trois Suarez se tenaient derrière lui avec deux pistolets dans chaque main.
- Je veux bien passer l'éponge sur cette histoire mais vous connaissez la règle.
- Une mission ? J'ai l'impression d'être dans une histoire de mafieu. Faut toujours faire plaisir aux autres.
- Tu préfères te prendre une balle dans la tête ?
Il frappa le bureau en se levant et sourit.
- J'accepte n'importe quel travail !
Le soleil se couchait. Le soir du carnaval, les rues étaient animées par une foule de personnes déguisées. Les Luziano étaient devant le Baracuda. Crocifisso et un type se tenaient devant eux.
- Voici Orazio. Il faudrait l'emmener au port de Verremburg dans une heure. Vous allez avoir un ennemi aux trousses. Il est très dangereux.
- Vous avez des informations sur celui qu'on doit éviter ? demanda Davidio.
- Oui, il vaudrait mieux que vous soyez concentrés et séparés. Ce détenteur d'écho profitera d'un moment d'inattention de votre âme pour vous la voler. Quand vous entendrez sa voix, vous saurez que c'est trop tard...
Dorian fronça les sourcils.
- Alors, si votre homme l'entend, c'est cuit ?
- Non, son écho à lui est particulier. Un cœur d'âme s'est matérialisé avant sa mort. Le seul moyen de le tuer est de percer celui-ci. Son âme est donc impossible à atteindre.
- Si on craint ce type, répliqua Orazio, c'est parce qu'il peut me soutirer un max d'informations avec la torture. Je pourrais souffrir des heures et des heures sans jamais mourir.
Il était temps pour eux de partir car les rues étaient bloquées ce jour-ci. Personne ne pouvait circuler en voiture. Du bar au port, il y avait bien quarante minutes de marche. Valerio, Basilio et Dorian accompagnaient cet homme dans la foule. Ils étaient tous habillés différemment. Le barbu portait un masque de gobelin et un manteau de fourrure multicolore. C'était ridicule.
L'adolescent portait un costume de bouffon. Son chapeau était rouge et vert avec quelques clochettes au bout de ses pics. Basilio, lui, avait un maquillage noir et blanc représentant un crâne. Ses habits étaient banaux.
- On passe par où ? demanda le brun.
- Davidio et Vinnie contournent la place et nous attendent au vieux pont.
De la musique joyeuse sortait de plein de hauts-parleurs. Des femmes se déhanchaient devant les hommes pressés. L'une d'elle, toute nue, attrapa la main de Dorian. Elle avait du maquillage sur sa poitrine et une moumoute près de son entre-cuisse.
- Salut mon mignon...
- Navré de vous décevoir madame mais je suis occupé.
Elle approcha ses lèvres de celles du garçon.
- Ne sois pas timide.
Valerio poussa la jolie danseuse et emmena son collègue plus loin.
- T'es sérieux ? Tu pense que c'est le moment de te taper une femme ?
- Tu crois que c'est moi qui suis allé la voir ? Arrête d'être con un peu.
- Tu te rebelle trop et pense beaucoup à baiser ces derniers temps. Tu étais plus intéressant avant tes dix-huit ans.
Une voix lointaine parvint aux oreilles du barbu qui ouvrit grand ses yeux :
- Requiem.
Ses globes oculaires devinrent totalement noirs et un sifflement agressa ses oreilles. Puis, il attrapa brutalement le garçon au niveau du cou avec sa main droite. Pris de court, Dorian s'étouffa. Basilio intervint heureusement en repoussant son ami.
- Qu'est-ce que tu fous, Valou ?
- C'est notre ennemi, déclara Orazio. Il faut tuer ce type si vous voulez retrouver votre camarade.
En courant, les garçons s'enfuirent. Ils se dispersèrent dans la foule. En panique, Basilio se retournait régulièrement afin de surveiller le blond. Entourés de personnes déguisées, ils n'allaient pas voir grand-chose.
- Regardez sur le toit ! s'exclama le Suarez.
Vinnie leur faisait des signes. Discrètement, les Luziano et l'homme qu'ils escortaient passèrent dans une ruelle. Quelques civils habillés en monstres tenaient des verres d'alcool, assis sur des tas de sac poubelles.
- C'est pas le meilleur endroit pour faire la fête, soupira Orazio.
Dorian monta sur une échelle et retrouva l'homme à lunettes. Un type courut rapidement jusqu'à eux. Il avait un couteau dans sa main. Puis, il ouvrit grand ses yeux avant de faire un salto avant. C'était pour éviter le pied que Basilio venait de tendre.
- Attention !
Davidio, près d'eux, créa un fusil à pompe en une seconde. Puis, il explosa le crâne du type.
- C'était notre ennemi ? s'exclama Dorian.
- Non, soupira l'escorté. Ça devait être un voleur qui profitait de la zizanie pour faire ce qu'il voulait.
- Requiem...
Une lumière noire passa devant les yeux d'un des mafieux. Puis, il perdit connaissance. La voix transcendante venait de l'atteindre et son âme fut touchée. Basilio se mit à genoux.
- Tout va bien ?
Puis il prit son pistolet et le chargea. Alors, d'un coup de pied, Vinnie le fit tomber.
- On se casse !
Rapidement, ils sautèrent sur le toit d'en face. Sans surveiller leurs arrières, ils avançaient. Hélas, Davidio trébucha et tomba de quatre mètres de haut. Dorian tendit sa main en hurlant son nom. À ce moment, une sorte de croix luisante se dessina sur le dos de sa main.
- Qu'est-ce que...
Son pouvoir était devenu plus puissant. Un matelas venait de remplacer des palettes de bois.
- J'ai sauvé Davidio ?
L'homme s'ecrasa sur le matelas. Il ressentit le choc mais n'eut point mal. Dorian comprit qu'il était capable d'échanger des objets de place tant qu'ils avaient à peu près la même forme. Ceux-ci étaient rectangulaires.
- Je suis trop content ! C'est encore mieux que...
Quelque chose le stoppa. Une voix indescriptible. Quelque chose d'aiguë ou bien de grave. Une voix effrayante et froide.
- Requiem...
Ses yeux devinrent noirs à son tour. Orazio recula.
- Il a également relâché sa garde. Fuyons.
- Comment on gère ça ? s'écria Vinnie.
- Ne t'en fais pas et rejoignons les autres. Amenez-moi au port. Il va sûrement nous attendre là-bas.
Ils avaient fait la moitié du chemin en courant. Complètement essoufflés, planqués dans un bar bondé de monde, ils attendaient que leurs amis possédés s'éloignent.
- Lingrad aurait été utile avec ses gadgets, soupira l'homme à lunettes.
Davidio prit son verre d'alcool et le porta à sa bouche. Puis, il ouvrit grand ses yeux.
- Non. Je dois me concentrer. Ne relâchez pas votre garde.
Il laissa tomber le verre et se leva. Ses yeux étaient normaux. Il n'y avait rien à craindre.
- Partons.
- Tu as raison, il est préférable de ne pas nous attarder.
Sans perdre de temps, les garçons marchaient en direction du port.
- Au fait, qui sont ces types à ta poursuite ?
- Des mexicains. Don Nemesio les a arnaqué il y a quelques années et maintenant, ils veulent tout savoir de nous.
- Tu vas fuir loin d'ici pour éviter ça ? demanda Davidio.
- Je vais surtout quitter le clan sur ordre du don. Une belle occasion pour refaire ma vie. Afin d'être sûr que personne ne me tue, j'ai caché mon cœur quelque part.
Les mains dans les poches, Vinnie traînait ses pieds. Il était épuisé suite à leurs dernières missions.
- Bordel de merde...
Depuis quelques temps, il y avait une fissure sur ses lunettes. Celles-ci étaient usées et elles venaient de lâcher. Avant même qu'il n'ait eu le temps de les ramasser, un inconnu marcha dessus.
- ENFOIRÉ !
- Requiem.
Il avait saisit cette personne par le col, l'autre poing en l'air, paré à le frapper. Puis, ses yeux devinrent obscurs. C'était le suivant.
- Il est en train de tous vous avoir, grimaça Orazio. Dépêchons-nous, c'est plus très loin.
En panique, Davidio tremblait. Il venait de laisser son âme à découvert. Lui aussi, après avoir vu son ami devenir un ennemi, entendit l'étrange voix du détenteur d'écho.
- Requiem...
À un kilomètre du port, le Suarez courait avec précipitation. Il était déterminé à s'en sortir. Les Luziano étaient cependant tous condamnés. Il n'en avait que faire d'eux. Enfin arrivé devant le paquebot, il s'arrêta. Un type portant une cape flottait dans les airs, assis en tailleur. Il avait une couronne d'épines et une flûte dans les mains.
- Alors tu es venu à moi, comme prévu.
- Va te faire foutre, je ne dirais rien.
Valerio, Dorian, Davidio, Vinnie et Basilio encerclaient l'escorté.
- Abandonne et je relâche ces types.
- Tu peux les garder, je m'en fou complètement. D'ailleurs, je quitte les Suarez alors si tu veux t'en prendre à eux, ne te gêne pas.
Un projectile très vif passa près d'Orazio et explosa devant l'ennemi. Celui-ci fut électrocuté par les éclairs blancs sortant de la boule.
- On m'a oublié ?
Lingrad se tenait devant ses amis. Rapidement, il sortit son pistolet et tira sur leur adversaire.
- Inutile, soupira l'homme flottant. Je suis Fango, le profanateur de l'aube.
- Trop chiant comme surnom. Moi, je suis le légionnaire noire.
Les yeux de ses collègues redevinrent normaux. Ils venaient de reprendre conscience. Surpris par cette révélation, l'ennemi venait de relâcher sa garde.
- Fait chier ! Requiem !
Tous en même temps, les Luziano lui tirèrent dessus. Troué par quatre balles parce que certains l'ont loupé, il tomba. Les mafieux ne firent plus attention à lui malgré le fait qu'il ne soit pas mort sur le coup.
Finalement, Orazio monta dans son bateau. Emmené loin de Verremburg. Puis, Celerino vint saluer ceux qui fréquentaient son port.
- Que me vaux cette visite ?
- C'est pas pour toi qu'on est là, déclara Valerio. On ne veut pas te trahir mais on a fait la paix avec les Suarez.
- Il n'était pas nécessaire de te justifier, n'ai crainte. Je ne vais pas pleurer parce que tu es l'ami de mon ennemi.
Dorian sourcilla.
- Ça sonne faux.
- Non, sérieusement, j'en ai marre de ces querelles. Je pense qu'on va aussi cesser nos enfantillages.
Il croisa les bras et soupira.
- Je pense dissoudre les Mozami.
- HEIN ? hurla Basilio. Sans déconner ?
- Ouais, c'est étrange, hein. Je ne sais plus quoi faire et le business ne fonctionne pas plus que ça. De toute façon, on a assez d'argent maintenant.
Un homme déguisé en poule géante s'approcha d'eux. Il retira son masque et fixa l'adolescent.
- Shérif ? cria Celerino. Je n'ai rien fait.
- C'est pas pour toi que je suis ici. Dorian, je veux te voir dans mon bureau demain matin, à l'aube...
Toute la nuit, il se posa des questions. Qu'allait-il lui dire ? Est-ce qu'il a fait une bêtise lorsqu'il était possédé ? Sa nuit fut agitée et ses rêves se basèrent sur un séjour en prison. Il avait un mauvais pressentiment.
Le lendemain, il se rendit au commissariat. Dans le bureau du shérif, il attendait que l'homme parle. Les garçons se fixaient.
- Tu sais pourquoi tu es ici ?
- Pas vraiment.
- Je t'ai interdit de venger ton père car ce n'est pas ton rôle. Cependant, je préfère te tenir au courant.
- Vous avez quelque chose ?
Black posa plusieurs photos devant lui. Un blond aux cheveux longs, aux yeux verts et tatoué. Dans sa nuque était dessiné un serpent se mordant la queue.
- On pense que c'est ce type. Ancien membre des Mozami. Parti sans raison. On vient de le retrouver à Hamerwok. La petite île paradisiaque.
- Je vais régler ça.
- S'il te plaît, ne fais pas l'idiot. Je n'ai pas envie de te voir derrière les barreaux. Je vais prévenir le shérif du coin. Il va le trouver.
Dans sa tête, il y avait beaucoup d'images horribles. Dorian se voyait torturer cet individu.
- J'apprécie votre aide shérif mais je ne vous écouterai pas. Si je trouve ce fils de pute...
Il leva la tête. Ses yeux devinrent rouge et de nombreuses marques apparurent sur son visage. Cela formait une sorte d'araignée blanche.
- Je le tuerais.
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