23. Valeur de cinq millions
Les crépitements au fond de la poêle et l'odeur de viande grillée faisaient gargouiller le ventre de Dorian qui préparait le dîner. Sa mère allait beaucoup mieux ces derniers temps.
Le bœuf assaisonné au poivre marin et à l'alcool était servi sur un lit de poivrons et de riz. Une petite sauce accompagnait le tout mais n'étant pas sûr que ce repas soit apprécié avec, il décida de la mettre dans deux petits pots.
- Bon appétit !
Basilio se baissa devant un buffet et l'ouvrit. Il y avait un tas de bouteilles d'alcool ouvertes mais rien ne lui plaisait.
- Grand-mère, n'y a-t-il pas autre chose ?
- Oh, tu sais, Bernardo n'aimait que le vin...
Il se releva et alluma la télévision avant de s'asseoir avec la personne âgée.
- Tant pis, on va boire de l'eau.
Il ne regardait pas l'écran. Juste le ciel noir et il se disait qu'il n'était pas le seul à l'admirer. En fait, Valerio aussi était en pleine solitude. Accoudé à la rambarde du toit de son ancien appartement, il fumait.
- Tu penses qu'il va s'en sortir ?
- Ricard est fort. Ça fait déjà six jours qu'il est recherché. Si quelqu'un le voit, il n'hésitera pas à le dénoncer.
- Pour cinq millions, tu m'étonnes.
- C'est ce qui pourrait lui poser problème. Sinon, il se débrouillera très bien.
Lingrad, à ses côtés, souriait.
- Vous avez fait une connerie mais si ça peut lui permettre de tuer le shérif loin de la ville, on aura nos chances de retrouver l'ancien.
Le lendemain, les garçons se sont retrouvés au Baracuda. Ils attendaient que leur boss revienne avec une bonne nouvelle mais ils le savaient au fond d'eux. C'était peine perdu.
Valerio éternua et passa sa main sous son nez.
- Ouais, merci !
Ses collègues se retournèrent. Dorian sourcilla.
- Y a un problème ?
- Quoi, personne ne m'a dit "à tes souhaits" ?
- Ben non, répondit Basilio en levant les yeux.
- C'EST CE QUE JE VOUS REPROCHE !
Une carte se posa sur la table. Vinnie venait de lancer l'enchère interne. Le but de leur jeu était de commencer une phrase par le chiffre "un" puis "deux" et ainsi de suite. Cela pouvait être n'importe quel mot du moment qu'à l'écoute, il sonnait comme un numéro.
- Un nénuphar.
- Demande à un homme.
- Trois bière, s'il vous plaît.
- Quatre ans sans boire, ça devait être dur.
Valerio croisa les bras.
- Un nénuphar qui parle, vous vous foutez de ma gueule ?
- C'est un jeu, connard ! répondit Basilio.
- T'as perdu, répondit Vinnie.
Dorian et Lingrad se levèrent brusquement tandis que le barbu créa quelques sphères explosives autour de lui tout en fléchissant ses genoux. L'homme à lunettes, encore assis, plissa les yeux.
- Alors vous aussi, vous l'avez senti ?
Le mafieu aux cheveux rasés se leva, en sueur.
- Qu'est-ce que vous sentez ?
Selon les garçons, une forte et menaçante présence s'approchait d'eux. Méfiants, ils restaient en position de garde, leurs armes en main. Valerio luttait pour laisser ses boules en l'air sans les faire exploser. Puis, il sourit.
- Regardez... J'arrive à les déplacer...
Rapidement, les projectiles passaient d'un point à un autre. Elles n'allaient qu'en ligne droite et ne changeaient de direction qu'après une très courte pause.
- La classe.
Lingrad le pointa avec son gadget. Le résultat se brouillait légèrement. Puis, il afficha un score incroyable.
- Il doit y avoir un bug, dit le vieil homme. Je vais recommencer.
Pourtant, après avoir essayé trois fois de plus, le pourcentage était le même.
- Quatre-vingt ? hurla Dorian. C'est un truc de fou.
- Ce n'est pas lui, soupira Vinnie. Je sens un homme approcher. Un écho différent. Une aura puissante.
Lingrad se décala et recommença. Finalement, le blond n'avait gagné que dix pourcents. Alors qui était le détenteur d'écho ?
- Salut les gars...
Leur ami Davidio était de retour. Les mains sur son ventre, il souriait. Sorti de l'hôpital, il pouvait reprendre les affaires de famille.
- Ôtez-moi d'un doute. dit Basilio. Ce ne serait pas lui ?
Avec hesitation, le Luziano de l'église noire se servit de son objet. C'était effectivement leur collègue qui a obtenu un pouvoir surpuissant. Il les regardait avec un air de joie.
D'un claquement de doigt, leur ami créa un pistolet et un sabre à la lame écarlate.
- Voici mon nouveau don. La forge...
- Attendez, chuchota Dorian. J'ai l'impression qu'on est complètement à côté de la plaque.
Les mafieux sortirent du Baracuda. Face à eux se trouvaient deux forces incroyables. Ricard et Alberto étaient là, dans la rue. Leur combat n'était pas encore commencé.
Pas prêt à combattre dans l'immédiat, Alberto se réfugia dans un flashback lointain. Ce qui le motivait à devenir ce qu'il était. Il retourna quelques années en arrière, transporté par une lumière mystique.
Dans une jungle perdue, une arme de quelques kilos dans les mains et un sac très lourd sur le dos, Alberto courait. Sous la pluie, il avançait sans s'arrêter. Son frère était sans doute tout près de lui mais ils étaient poursuivis par des ennemis. Le protéger n'était plus sa priorité.
Son uniforme était couvert de boue et de sang. Il avait tué une dizaine de maghrébins mais ce n'était pas assez. Pour s'en sortir et rentrer chez lui, il devait éliminer chacun de ses ennemis.
- Pourquoi ils s'en prennent à nous ? hurla un de ses compagnons.
- Je n'en sais rien ! répliqua un autre militaire. On est venu ici pour sauver les australiens ! Je ne pensais pas que les arabes y étaient pour quelque chose !
- Des maghrébins !
- Je m'en fou de leur race, ils veulent nous...
Une balle traversa le front du type qui se plaignait d'eux. Par réflexe, Alberto se mit à terre. Il n'écoutait plus les cris de ses partenaires. Ils avaient beau hurler de douleur, cet homme souhaitait revoir sa femme un jour.
- Première classe Ronald !
On l'appelait en vain. Déterminé à rester dans des buissons, à l'abri des tueurs sans pitié, il se posait des questions qui n'allaient hélas pas l'aider à sortir de cet endroit.
Comment on s'est perdu ici ? Pourquoi on doit aider ces australiens ? Est-ce que je vais survivre ? Où est mon frère ?
Une main se posa sur son épaule. Il s'apprêtait à tirer mais la voix de Pozipe l'empêcha de commettre l'irréparable.
- Tu es vivant...
- Bien sûr, pourquoi je serais mort ?
Les tirs fusaient dans tout les sens. Cachés, ils discutaient.
- On a trouvé la base. Encore deux kilomètres vers le nord et on sera en sécurité.
- Alors allons-y.
Ensemble, les garçons couraient. Puis, une balle brisa un os dans le bras droit d'Alberto qui s'écroula. Son frère courait encore sans s'arrêter. Il n'avait pas vu que l'homme était blessé. Il s'éloignait de son champs de vision.
- Les fils de pute... Dire que la loi nous empêche de faire brûler cette forêt...
Sous la pluie incessante, il parvenait à entendre des bruits se rapprocher. Des pas dans les flaques d'eau.
- Alberto !
Son frère était revenu. Il créa des murs de bois autour de lui afin de le soigner. Le problème était que les bandages se déchiraient sous l'eau. Alors, il fit apparaître un toit.
- Je vais rester dans cet abri pendant quelques minutes. Toi, quand tu seras rétabli, tu iras jusqu'à la base.
- Hors de question que j'y aille sans toi.
- Si on se retrouve dans la merde tout les deux, on se fera buter. C'est la loi des soldats. On n'aide que si on est sûrs de s'en tirer.
- Alors tu sais toi-même que tu vas crever ?
Alberto fut poussé hors de la cabane. Il tomba dans la boue, le regard rivé vers son frère.
- Je vais construire des arbalètes et des canons. Si je ne survis pas à ça, c'est que je suis mauvais et que je ne mérite pas de vivre. Va t'en, maintenant. Je te rejoins.
C'était la dernière fois qu'ils se sont vus. Tout ça à cause des lois. Alberto est donc devenu shérif afin de faire respecter ses propres règles. Cependant, cela ne plaisait pas à Ricard.
- J'espère que t'as prévenu tes collègues.
- À quel sujet, Luziano ?
- Que tu ne travailleras pas demain...
Il fit flamber son cigare afin d'en faire une épée.
Alberto croisa ses bras et fit apparaître six membres illusoires tenant des épées. C'était avec cette bague qu'il a tué Evangelisto. Valerio mourait d'envie de l'éliminer lui-même mais Ricard était plus concerné qu'eux.
D'un bond, le père fonça jusqu'à l'assassin de son fils. Les types s'échangèrent énormément de coups. Pendant quelques longues secondes, ils faisaient de grands mouvements sans montrer de signe de faiblesse.
- Ricard va fatiguer, marmonna Dorian. Il n'a pas dû beaucoup dormir pendant sa fuite.
- Tenez vous prêts, répliqua Lingrad. On va devoir assurer quand il sera trop épuisé.
Une des lames écorcha la poitrine du mafieu. En reculant, il évita le coup qui aurait pu lui être fatal. L'attaque d'estoc allait lui traverser la gorge.
- Joli réflexe...
- Ne me parles pas, connard. Tu as tué mon fils.
Alberto leva un sourcil.
- Ah ? Le fragile avec ses cheveux blancs ?
Une sorte de tourbillon enflammé se forma dans la paume de sa main droite. Ricard avait fléchi ses genoux, face à son ennemi juré.
- Je vais... Te tuer...
La chaleur s'intensifiait. Une sorte de vague d'énergie traversa la rue. Les autres garçons s'éloignaient, dérangés par le souffle brûlant émanant du point ardent. Celui-ci grossissait et la spirale devint noire.
- Déflagration des abîmes !
Alberto s'apprêtait à riposter mais un champs de force de feu le propulsa contre un bâtiment. Puis, une tornade orange se forma.
- Valerio !
Le barbu tourna la tête. Il voyait Lingrad pointer quelque chose du doigt. Inquiet, il regarda en direction de Ricard. Leur boss était à terre.
- Merde...
Le blond courut jusqu'à l'homme qu'il devait sauver. Puis, dans la tempête enflammée, il vit Alberto s'approcher.
- Va crever !
Avec son pistolet, il tira à maintes reprises sur leur ennemi. Plusieurs balles perforère son corps et il retomba sur le sol. Brûlé par la puissance de Ricard, le shérif succomba.
Les Luziano s'empressèrent de ramener leur chef au Baracuda. L'homme fut recherché par la police pendant encore quelques mois mais au final...
- Merci, shérif Black. Vous nous avez manqué.
- Ce n'est pas parce que je suis revenu que vous pouvez faire des conneries.
- Entendu. En tout cas, grâce à vous, Ricard peut enfin sortir.
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