22. Promesse d'homme
Ricard, dans sa prison, déjeunait. Il fixait la bouillie dans son assiette, indécis. Le goût avait l'air horrible mais l'odeur de viande lui ouvrait l'appétit. C'était une sorte de bolognaise sans féculent. De son côté, Valerio s'était avachi sur la table du salon des Luziano. Devant un hamburger, il faiblissait.
Le boss retourna une heure après dans sa cellule. Avec un livre en main, il s'occupa quelques heures car il était en repos les jours pairs. Alors que Dorian, dans sa chambre, fixait le plafond. Son pouvoir ne lui servait point. Il voulait boire quelque chose mais n'avait plus le courage d'user de son énergie. Sa gorge s'asséchait mais c'était tant pis.
Un gardien passa devant la cellule du Luziano. Il lui lança un regard noir et l'insulta de merde. Puis, il s'arrêta devant lui et poursuivit sa séance d'injures. Sans écouter ce que le type avait à dire, Ricard ferma les yeux et s'endormit. Il faisait nuit. Assis sur les marches face à sa maison, Basilio regardait les civils lui faire des sourires en passant devant.
Le lendemain matin, Valerio se laissa tomber sur la chaise de son bureau. Ses collègues étaient devant lui. Lingrad le regardait droit dans les yeux.
- Que comptes-tu faire ?
- On doit le dire à son père, soupira Valerio. C'est à lui que ça fera plus de mal.
L'adolescent glissa ses mains dans ses poches.
- Comment lui annoncer ? Il pourrait s'énerver, non ?
- Bien-sûr. déclara Basilio. Si on lui dit, il va piquer une colère et tentera tout pour faire du mal au shérif.
- C'est une connerie, dit Vinnie. S'il s'énerve, il risque de se faire calmer rapidement en prison.
Valerio leva les yeux. Il regardait son ami sans rien dire. C'était difficile pour lui de prendre une décision.
- Si on attend pour lui dire, ce n'est pas forcément mieux.
Lingrad tendit sa main à Valerio.
- Viens avec moi. On va lui dire maintenant. Plus on fait tarder les choses, plus on aura de regrets.
Dans le parloir, les mafieux attendaient que Ricard soit appelé. Tout tremblotant, le blond aux yeux bleus sentait des nœuds dans son ventre.
- Ne panique pas. Peut-être que Ricard ne dira rien. J'ai cru comprendre qu'il avait un tempérament plutôt calme.
- Sauf quand on touche à sa famille... Il va devenir violent.
Le boss arriva. Il s'installa derrière la vitre et approcha sa bouche des petits trous. Le monde s'était arrêté pour son second. Il ne bougeait plus et n'entendait plus rien.
Pourquoi est-ce que tout ça nous arrive ? se demandait-il.
Les lèvres de Ricard bougeaient. Sans écouter, il put lire dessus.
- Alors, comment ça va ?
- Boss. soupira Lingrad. C'est moi, le légionnaire de l'église noire. Nous ne nous sommes pas encore présentés. Enfin, je vous avoue que ce n'est pas le moment. On a une très mauvaise nouvelle à vous annoncer.
Brutalement, Valerio frappa la vitre avec son poing droit. Il s'était levé en faisant tomber la chaise derrière lui. Trois gardiens s'approchèrent rapidement mais son collègue se dressa sur leur chemin.
- Attendez, je m'occupe de lui. Excusez-le.
- Encore un geste comme ça et tu dégage, s'exclama un des types.
Ils s'assirent ensemble et le blond prit une grande inspiration.
- Pas très aimable vos matons.
- M'en parlez pas... Alors, qu'est-ce que vous avez à me dire ?
- On déplore un mort dans votre famille.
- Ma famille ? C'est aussi la vôtre, les gars. Qui est-ce ?
Des larmes coulaient sur les joues de son bras droit. Il tremblait énormément.
- Jilliardo... C'est ça ?
- C'est votre fils, répondit Lingrad.
Le cœur de Valerio s'arrêta net. Une importante douleur le coucha. Sa main gauche au sol et l'autre sur la poitrine, à quatre pattes, il agonisait. Ce stress dû à l'appréhension de la réaction du boss et la mort de son collègue le faisait souffrir.
- Qui a fait ça ?
- Cet enfoiré de shérif... L'enterrement aura lieu dans une semaine, vous pensez pouvoir venir ?
- Relève-toi, Valerio, répliqua le chef de famille. Tu ne devrais pas pleurer autant pour un gamin que tu n'aimais pas.
L'homme à terre ouvrit grand ses yeux. Il se sentait mal. Que répondre à ça ? Les gardiens revinrent à la charge.
- Bon, il fait quoi votre ami ?
- Il est extrêmement malade. répondit Ricard. Va falloir l'emmener à l'hôpital.
Relevé de ses fonctions, le barbu fut emmené aux urgences. Pendant toute une semaine, il se reposa loin des embrouilles de mafieux. Puis, il alla au cimetière de Verremburg. Ses amis s'y trouvaient.
Quelques gouttes de pluie tombaient du ciel. Sous un parapluie, Dorian fixait les arbres. Il n'a pas connu Evangelisto assez longtemps pour être triste et lui aussi le méprisait mais c'était un enfant. Il ne méritait pas d'y passer.
- Salut, sourit Basilio. Tu te sens mieux ?
Les hommes avaient tous un parapluie aussi noir que leurs habits. Devant le cercueil, face à la tombe, ils ignoraient le discours de la mère.
Lingrad pointa deux hommes du doigt, au loin.
- Regardez. Je crois qu'il arrive.
Evangelisto marchait vers eux. Le jeune brun ouvrit grand ses yeux et fit un pas en avant. C'était son père qui, sous la pluie, lui ressemblait comme deux gouttes d'eau.
- Traits pour traits, ce sont les mêmes, soupira Vinnie. Enfin, c'était...
Ricard était menotté, accompagné par un gardien de prison. Il avait l'autorisation de s'éloigner de lui à plus de trois mètres. Ses collègues le prirent dans leurs bras.
- Toute mes condoléances, boss.
- Merci à vous. Merci infiniment.
Basilio poussa alors Ricard et baissa les yeux en hurlant :
- Vous vous foutez de nous ou quoi ? Arrêtez d'être bon, putain de merde ! Arrêtez d'être le meilleur ! Vous nous remerciez alors qu'aucun de nous n'a été foutu de le protéger !
Tout le monde le regardait. Puis, Vinnie leva les yeux. La pluie s'abattait sur eux et lui, il vit le soleil à la place. Un énorme astre lumineux. Tout brillait autour de lui. Ses souvenirs refaisaient surface.
Il y a bien des années, quand il était à l'école, il retrouva ses amis après les vacances.
- Alors, vous avez eu quoi comme cadeau ? riait l'élément A.
Ce garçon n'était qu'une silhouette pas assez important pour Vinnie qui ne se souvenait même pas de son prénom.
- Des chocolats ! s'écria l'élément B. Avec plein de jouets. Le dernier Navigator, un bateau à construire. Puis une piscine gonflable et un chiot aussi.
- Le père Noël n'existe pas, dit Vinnie en remontant ses lunettes. C'est nos parents qui nous font les cadeaux.
- Je le sais, répondit A. Et toi, ta mère t'a acheté quoi ? Ce sont des nouvelles lunettes ? Tu as eu autre chose ?
- Non, juste ça. Mes parents disent que j'en ai trop cassé alors ils m'ont pris tout mon argent de poche et m'ont fait ce cadeau.
Les autres se moquaient de lui. Pointé du doigt par toute l'école, il se sentait misérable.
- La honte, il a eut un cadeau pourri !
- Tu sais quoi ? Il paraît que sa mère est tellement pauvre qu'elle ne s'habille qu'avec des vêtements trouvés par terre.
Ils ne s'arrêtaient pas de rire. La totalité des élèves se moquaient de lui.
"Eh, on dit que ses parents sont au chômage."
"Ça veut dire quoi, chauffage ?"
Une fille s'arrêta devant un groupe d'enfants.
- C'est chauffeur déjà. Ça veut dire qu'on conduit des voitures.
- Non, vous ne comprenez rien. Ça veut dire que les parents de Vinnie ne travaillent pas.
Furieux, le garçon concerné courut jusqu'à ses amis. Il avait les yeux qui luisaient.
- Pourquoi vous vous moquez de moi ? C'est à cause de vous, ça. Quand vous me frappez, mes lunettes se...
D'un coup de poing au visage, l'élément C le fit tomber et ce qu'il portait sur son nez tomba. L'élément D sauta dessus afin de casser les verres.
- Tiens, tocard.
- Allez, va te laver, sale pauvre...
En rentrant, avec ses lunettes brisées, il se fit frapper par sa mère et son père. Puis, il dû retourner dans sa chambre, puni. En larmes, avec les morceaux de verre, il s'ouvrit les mains en serrant ses poings. Le sang coula sur son carrelage.
- Vous êtes tous méchants avec moi.
Discrètement, pour se venger, il mit les casseaux dans la bouteille d'alcool de son père. Dans le salon, le vieil homme hurlait parce que sa petite fille pleurait.
- C'est encore un bébé, s'exclama sa mère. Ne t'énerve pas !
- Ferme ta gueule, sale truie. Va donc faire la vaisselle, chienne.
- J'en ai assez que tu me parles comme ça.
Le type se leva et la frappa. Le nez en sang, elle percuta le mur derrière elle.
- Répète ça, salope.
- Écoute, j'en ai vraiment marre. C'est fini, toi et moi.
Rapidement, il saisit un couteau et poignarda la pauvre femme qui n'arrivait même pas à hausser la voix pour appeler à l'aide. La douleur s'intensifiait tandis que l'homme enfonçait la lame de plus en plus.
- FERME TA GUEULE ! hurla le père en courant jusqu'à sa petite fille.
Avec le couteau plein de sang, il creva un œil du bébé puis ressorti la lame afin de la planter ailleurs dans son corps. Encore et encore, il saccageait le ventre et le visage de sa fille. Complètement ivre, il recula et lâcha son arme. Pour oublier tout ça, il alla chercher sa bouteille et bu dedans.
- Tu les as tué, connard !
Son fils était devant lui, en pleurs. D'un coup de pied au visage, il fit voler Vinnie dans le couloir. Puis, il brisa la bouteille en tombant sur ses genoux. Les morceaux de verre qu'il venait d'avaler lui écorchaient la gorge avant de griffer ses intestins de l'intérieur.
- Enfoiré...
- C'est bien fait pour toi !
- Je vais t'envoyer rejoindre ces deux putes.
Cela ne suffisait pas à tuer son père. L'homme se remit debout et eventra son propre fils avec la bouteille brisée. Le sang coulait abondamment tandis que le type recula en laissant l'objet tranchant dans le corps du garçon.
Je vais mourir ? C'est chaud... Ça me brûle... C'est horrible.
Puis, une lame noire trancha subitement la tête de l'assassin tandis que les voisins lancèrent un appel aux secouristes après avoir entendu tout ce vacarme. C'est comme ça que le garçon obtint son écho. En perdant toute sa famille.
Ricard s'accroupit face au cercueil de son fils posé dans un trou.
- Je tuerais cet enfoiré de merde. Je le jure.
- Je sais ce que ça fait de perdre ses proches, soupira Vinnie. Je vous comprends.
Le gardien attrapa le bras du prisonnier et fronça les sourcils.
- Allez, on rentre.
Il ne put dire au revoir à ses amis. En chemin jusqu'à la voiture, il regarda le sol en repensant à chaque bon moment qu'il a passé avec son fils. Puis, il vit quelque chose tomber près de lui. Le gardien s'était écroulé.
- Qu'est-ce que tu fous ? s'exclama Basilio.
Ricard se retourna et vit Vinnie sourire, un pistolet à la main.
- Il est temps de vous y mettre, boss. Vous avez une promesse à respecter. Allez venger votre fils et on vous aidera. On est une famille, hein ?
L'orage gronda et fit trembler le sol boueux sous leurs pieds.
Ricard : 68%
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top