2. Une histoire compliquée
Le trottoir se rubéfiait. Le sang s'étendait avec la forte pluie qui tombait des cieux agités. La tempête faisait rage. Trois policiers gisaient au sol, près d'un pont. Face à eux se tenait un homme au sourire macabre.
- Dum dodo Dum... Bonne nuit mes lapins.
Dorian se réveilla au lever du jour. La pluie avait cessée de tomber. Sa mère dormait encore, sur son canapé. Hors de question pour elle de retourner dans son lit sans son mari. Elle était en pleine dépression. En plein deuil.
Discrètement, afin d'éviter ses sermons, Dorian alla jusqu'à l'entrée et enfila ses chaussures. Il n'était pas très loin du Barouf.
Valerio fumait une cigarette sur la terrasse avec deux autres hommes. Ceux-ci avaient l'air d'être saouls à une heure si matinale.
- Tiens, le nouveau ! Viens donc par ici.
- Bonjour...
- Voici Tonio et Farenzo. Les jumeaux qui ne se séparent jamais.
Ils étaient roux aux yeux verts. Leurs habits étaient les mêmes. La seule façon de les reconnaître était le grain de beauté que Tonio avait dans le cou.
- Alors c'est lui le fils de Silvio ? Ils se ressemblent.
Les trois hommes se turent soudain. Dorian n'avait rien dit d'offensant alors il fronça les sourcils et se posa un tas de question. Puis, il entendit une sirène briser leur silence. Une voiture de police s'arrêta près du bar.
- Ça pue les ennuies, soupira un client assis à une autre table.
Le shérif descendit du véhicule et remit son chapeau correctement. L'homme noir marcha lentement jusqu'aux mafieux en les fixant avec un regard oppressant. L'adolescent n'avait qu'une envie et c'était de rentrer chez lui. Il s'était mis dans une sale affaire.
- Shérif, sourit Valerio. Que faites vous ici ?
- J'espérais que vous puissiez m'éclairer.
Les jumeaux se regardèrent un instant.
- Il y a un problème ? demanda Farenzo de sa rauque voix.
Dorian se tenait légèrement à l'écart, les mains dans les poches. Il tremblait. L'homme fit un pas en avant. Les graviers craquelaient sous ses rangers cirées.
- T'es nouveau, toi ?
- C'est le fils de Silvio. déclara le blond en s'interposant.
- Tu t'es foutu dans une merde incroyable, petit. Enfin bref, j'étais venu vous demander de trouver le connard qui tue mes collègues.
Tonio buvait sa pinte de bière. La mousse se colla à sa moustache. Il laissa un son s'échapper de sa gorge. Un bruit de satisfaction tel un "ah" soufflé.
- Pourquoi nous ?
- Parce que je fais tout pour passer l'éponge sur vos sales histoires alors pour une fois, vous allez bosser pour moi.
Le shérif se retira de la terrasse et remonta dans sa voiture de fonction après avoir donné plusieurs photographies des cadavres aux mafieux. Ceux-ci étaient vidés de leur sang. Ce n'était pas beau à voir.
Dans le bureau du boss, Valerio et un les jumeaux expliquaient la situation à Ricard. Pendant qu'il écoutait leur problème, l'homme se servait un verre d'alcool brun. Le bruit du liquide coulant dans le récipient donna des frissons aux trois types.
- Bien. Je vous laisse régler ça. Impérativement.
Dorian était assis à une table du Barouf. Il écoutait la discussion des clientes. Les trois femmes matures et à grosse poitrine parlaient de leurs anciennes conquêtes. De quoi exciter un adolescent vierge. Les yeux rivés vers le soda gratuit que son collègue lui avait offert, il réfléchissait.
Je dois approcher chaque famille et découvrir qui a un tatouage dans le cou.
Quelque chose fit pression sur son épaule. Il pensa au poids du travail qu'il devait accomplir. Ça pesait sur sa conscience. Cependant, c'était juste une main.
- Première mission sur le terrain. On va interroger les Suarez. Il y a de fortes chances pour que ce soit l'un d'eux le coupable.
- Pour quelle raison ? demanda le nouveau.
Il se leva et avança jusqu'à la sortie avec l'ancien ami de son père.
- Ils sont en froid avec les flics ces derniers temps après une saisie d'arme à feu.
Un type se tenait debout, le dos appuyé sur la voiture de Valerio. Une cigarette à la bouche, un zippo à la main, il fixait les deux garçons.
- Qu'est-ce que tu fais ici, Evangelisto ?
- Je vous accompagne, vous avez besoin d'un professionnel.
- Tu devrais rester au Barouf.
- Père m'a ordonné de vous surveiller.
Le barbu ouvrit sa portière et grimaça.
- J'en doute fort.
- C'est qui, lui ?
- Dorian, le fils de Silvio.
Evangelisto tendit sa main à la nouvelle recrue. Sans sourciller, avec audace, l'adolescent la lui serra en y mettant toute sa force dans la poigne.
- Moi, je suis le fils du boss.
Il avait des cheveux mi-longs, bleus et des yeux de même couleur. Une petite moustache commençait à pousser sur son visage. Âgé de seize ans également, il était certain de pouvoir s'entendre avec le fils du réputé Jilliardo.
En route, Valerio s'intéressa à son nouveau collègue.
- Dorian. Quel est ton pouvoir ?
- Sérieusement ? hurla le type à l'arrière. Lui aussi ?
- Ne sois pas jaloux. Si on en a, c'est qu'on s'est retrouvé au contact de la mort, nous. Estime-toi heureux de n'avoir aucun ennemi.
Evangelisto croisa ses bras, furieux. Il posa sa tête contre la vitre à l'arrière et observa le décor en plein défilé. L'horizon s'étendait à perte de vue. Le ciel était gris. Il commençait à faire froid.
- Du coup ?
- Je crois que je peux faire bouger des objets.
- Ce que tu as s'appelle un Écho. Le reflet de ton âme. Les ténèbres de la mort qui sont restés en toi. Moi, je peux créer des champs de force plus ou moins grands.
L'homme frappa la pédale de frein de toute ses forces. Le véhicule bascula légèrement vers l'avant et les passagers furent secoués.
- Une embrouille...
Valerio descendit de la voiture et pointa un pistolet sur une personne chauve en train de frapper sa femme en publique.
- Les mains en l'air !
Evangelisto ouvrit son grand sac de sport et prit son fusil d'assaut.
- Tu as déjà tué quelqu'un, Dorian ?
Perturbé, le brun bougea sa tête de gauche à droite puis de droite à gauche pour lui dire que non, il n'avait jamais fait de mal à personne.
- Tu vas devoir apprendre.
L'agresseur attrapa sa femme par les cheveux et colla la lame de son couteau sur son cou.
- Lâche ton flingue enfoiré !
Apeuré par une dizaine de coups de feux rapides, le blond aux yeux bleus se jeta au sol. Derrière lui, Evangelisto tirait sur leur ennemi. Troué par chaque balle partie, l'homme lâcha son otage et tomba à la renverse.
- C'est pas vrai, hurla Valerio en attrapant le gamin.
Il le jeta dans la voiture et démarra à nouveau. Plusieurs types sortaient des boutiques du coin dont un policier.
- Tu fais foirer chaque mission, putain. On va devoir fuir.
Il fit un demi tour en passant de très près devant une voiture. Il manquait juste une seconde pour avoir un accident. L'homme fixait le fils du boss à travers le rétroviseurs. Son regard en disait long sur ce qu'il ressentait. C'était plus que de la haine.
- Merde, le flic nous suit.
- J'ai sauvé cette femme.
- Tu aurais pu la tuer, elle aussi.
- Mais je ne l'ai pas fait ! Vous n'êtes jamais content !
Dorian se redressa légèrement et écarquilla ses paupières.
- Au bout de la route, une autre voiture ! On est encerclés.
D'un coup de volant vers la gauche, Valerio les conduit jusqu'au vieux pont. Les barrières de celui-ci tenaient à peine.
- On va faire plonger la caisse. Préparez-vous à sauter. Je décélère.
Deux jours avant, l'adolescent s'était juste contenté de faire la vaisselle. Comment s'était-il retrouvé dans cette situation ? Tout ça à cause d'une lettre.
- Maintenant !
Dorian ouvrit sa porte et ferma les yeux. C'était trop tard pour faire marche arrière. Le dernier coup de volant fut donné. La voiture heurta les barrières qui cassèrent en un instant. Il n'était plus nécessaire de réfléchir. Il fallait juste sauter.
Le brun s'échappa hélas de la voiture bien trop tard. Le temps ne s'écoulait plus comme d'habitude. La sensation de tomber lui donnait l'impression que tout était ralenti. La hauteur était vertigineuse.
- Dorian !
Evangelisto était couché sur la pierre, les coudes amochés. Du sang coulait de ses blessures. Il se releva lentement et vit Valerio allongé près du bord. Le mafieux venait d'attraper la main droite de l'adolescent.
Les gyrophares éclairaient la zone. Les couleurs mêlant rouge et bleu s'approchaient à grande vitesse.
- On devrait y aller, dit le fils de Ricard.
- Casse-toi si tu veux, répondit Valerio. Je n'abandonne pas un Luziano. En plus, c'est de ta faute ce qui se passe.
Evangelisto tourna la tête et vit les voitures de police arriver. Il courut le plus vite possible, son sac sur le dos. Dorian prit une grande inspiration.
- Lâche-moi et cours !
- Il en est hors de question.
- Tu ne tiens plus. Ne risquons pas de finir en prison. On se retrouve au Barouf.
Les dents serrées et les yeux fermés, Valerio lâcha la nouvelle recrue qui tomba de quelques mètres de hauteur. Rapidement, le barbu se cacha dans une rue piétonne et parvint à semer ses poursuivants.
L'eau était calme mais froide. Quelques poissons passaient près de Dorian qui essayait de nager sous l'eau. Il ne voulait pas se faire repérer. Le Sife était une rivière qui formait une sorte de cercle dans Verremburg. Au centre de la limite se trouvait la zone commerciale, accessible en passant par quatre ponts différents.
Valerio entra dans un des salons du Barouf. Evangelisto s'y trouvait.
- Père veut te voir.
- Pour quelle raison ?
- Tu m'as abandonné. Il va te tuer.
L'homme fit un bond jusqu'au jeune en train de nettoyer son arme. Il l'attrapa par le col et le plaqua contre un mur.
- Tu n'es qu'une ordure. Je vais me débarrasser de toi, crois moi.
- Qu'est-ce que vous faites ?
Le nouveau venait de rentrer. Souriant, le blond aux yeux bleus lâcha le gamin et s'approcha de la recrue.
- Je vais voir le boss. Viens avec moi.
Dans le bureau, il y avait Tonio et Farenzo.
- Réunion de famille ? sourit Valerio.
- Une famille est unie, répondit Ricard. Tu ne mérites pas d'être un Luziano.
Le cigare entre les lèvres, l'homme se leva et frappa son bureau avec ses deux mains.
- Tu as laissé mon fils se faire poursuivre par la police ? Tu es mis à pied pour quelques jours. Les jumeaux vont devoir s'occuper de Dorian car tu es incapable de le faire.
L'adolescent souhaitait se lever à tout prix et prendre la défense de Valerio mais qu'allait-il subir s'il accusait son fils ? Ricard avait l'air protecteur envers Evangelisto.
- Vous pouvez disposer.
Les jumeaux s'approchèrent du nouveau.
- Tu as un pouvoir, il paraît ? demanda Tonio.
- Oui.
- Tu vas enfin avoir l'occasion de t'en servir. On a aussi mené l'enquête de notre côté. Vu les circonstances de la mort de chacun de ces policiers...
- C'est un détenteur d'Écho. ajouta Farenzo.
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