5. You just followed your sense
Moi: Tu aurais pu me le donner en main propre au lieu de partir comme un voleur
Rilès: J'ai juste suivi mon intuition.
Moi: Eh bien elle a une drôle de façon de faire ton intuition...
Rilès: Je suis classe je sais
Moi: Non, juste très bizarre...
Rilès: Tout cela signifie t-il que vous voulez un cours d'anglais animé par moi-même, madame?
Moi: Viens au parc dans une heure
Rilès: Ahah je le savais
Je souris en relisant les premiers messages que nous nous sommes envoyés. Depuis cette fameuse après-midi pluvieuse il y a deux semaines où j'ai finalement pris connaissance du nom du mystérieux bouclé, nous nous voyons maintenant presque tous les jours au parc pour qu'il m'aide dans mon apprentissage de l'anglais, qu'il pleuve ou qu'il vente. Enfin, je dois avouer que nous passons plus de temps à discuter et à rire qu'à travailler. Mais les choses me conviennent très bien comme ça.
Malgré les nombreuses heures à parler avec cet étrange métisse, je me rend compte que je ne sais tout de même pas grand chose sur lui. Il reste assez vague quand il s'agit de parler de lui-même, il semble préférer me poser des questions ou plaisanter niaisement, comme si nous étions resté des adolescents. Et qu'est ce que j'aime ça lorsque je suis avec lui, cette atmosphère puérile et innocente où nous oublions presque l'amertume qu'incarnent les adultes que nous sommes sensés être.
En vérité, je passe plus de temps à le contempler qu'à l'écouter se plaindre que je ne suis pas attentive à ce qu'il est en train de m'expliquer. C'est vrai, ses cheveux sont bien plus intéressants que ces foutus verbes irréguliers, non?
J'attrape mon téléphone qui vient de vibrer sur ma table de chevet. J'ai de plus en plus de mal à me passer de ces moments simples mais formidables que je vis avec le bouclé, chaque jour dans ce petit parc.
Rilès: Sur le banc dans 15 minutes?
Et apparemment lui aussi.
_______
- T'es encore dans la lune, Blondinette!
Je remarque à peine la main de Samuel passer frénétiquement devant mon visage. Je sors de ma rêverie et cligne des yeux, surprise, avant de me tourner vers lui.
- Comment ça?
- Comment ça? C'est une blague? Ça fait des jours que tu es bizarre Blondinette! Ça m'inquiète.
- Dis moi en quoi je suis bizarre alors, je lui ordonne en croisant les bras.
- Bah... Je sais pas. T'es un peu détachée de tout, tu es la physiquement mais pas mentalement... J'avais l'habitude de te voir plus appliquée dans ton travail, c'est tout.
Le blond s'approche furtivement de moi et me souffle à l'oreille:
-T'as un garçon en tête, c'est ça?
Je rougis violemment.
- Mais non pas du tout!, je balbutie. Vraiment, y'a rien. Arrête de te faire des films!
Sam soupire, déçu de ne pas avoir réussi à me soutirer quelques informations croustillantes. Il hausse les épaules, et me lance:
- Tant pis, alors. S'il y a rien, tu ferais mieux de te remettre au travail.
Et il retourne derrière le bar, quelque peu vexé.
Je n'avais pas réalisé à quel point j'étais ailleurs jusqu'à ce que Samuel me fasse la réflexion. Il est vrai qu'en y réfléchissant, je n'ai pas vraiment prêté attention à tout ce qui concerne mon travail ces derniers jours. J'ai fait beaucoup d'erreurs, tels que donner une mauvaise commande à une table ou renverser mon plateau. Effectivement, il fallait dire que j'étais un peu dans la lune en ce moment. Et je ne m'en était même pas rendue compte...
Mes après-midis dans le parc avec le bouclé occupent tellement mon esprit que j'en oublie tout le reste. Et, d'après les remarques de Samuel, cela en devient quelque peu alarmant. Je secoue la tête, en tentant d'évacuer toutes les pensées encombrantes pour essayer de me concentrer sur mon travail un peu plus sérieusement.
Mais le visage du métisse me revient spontanément à l'esprit.
"Putain! Mais c'est pas possible ça!"
Pourquoi j'ai toujours Rilès incrusté au fond de mon esprit? Quelle est cette excitation qui m'emporte quand il s'agit de passer du temps dans le parc en sa compagnie? J'en arrive presque à oublier que j'ai un boulot, un appartement, une vie. J'ai l'impression de perdre pied peu à peu, de tomber dans un engrenage dont je n'arriverai jamais à m'en sortir. Cela me fait peur de réaliser à quel point ces moments avec le grand bouclé me deviennent vitaux, à quel point je lui fait une confiance aveugle alors que je ne le connais même pas. Il faudrait que je me maîtrise avant que cela soit trop tard.
- Melody! Melody! On a un gros problème!
Mes pensées m'échappent alors que je vois Brice, le patron, se précipiter vers moi, complètement paniqué.
- C'est un catastrophe! Melody, j'ai besoin de ton aide!
Essoufflé, le vieil homme arbore un visage congestionné par l'angoisse et semble avoir pris dix ans en l'espace de quelques secondes. Je le fixe avec une expression inquisitrice, l'incitant à développer.
- Tu sais que ce soir, c'est une soirée représentation et qu'un artiste est censé venir faire son show ici, pas vrai?
J'hoche la tête. Nous avions tout préparé pour l'évènement: la salle, les cuisines, la scène: tout était prêt, comme chaque semaine, à accueillir l'artiste qui viendrait animer la soirée. Mais je ne comprend pas où le vieil homme veut en venir.
- L'interprète de ce soir vient de m'appeler: il a un gros empêchement, il est impossible pour lui d'être parmi nous. A seulement quelques heures de la représentation!
Il semble réellement désespéré, tandis que pour ma part, je ne trouve pas ça réellement catastrophique.
- Eh bien, nous avons cas annuler le spectacle de ce soir, je propose.
- Il en est hors de question!
Le ton tranchant de Brice me surprend. Lui qui est habituellement doux et tranquille, je ne reconnais pas l'homme à la chevelure poivre-et-sel qui se tient devant moi, tremblant de colère. Je me souviens alors à quel point il est attaché aux principes de son auberge, à quel point les représentations qu'il donne chaque semaine lui tient à cœur. Je lui demande alors doucement:
- Qu'est ce que vous comptez faire, dans ce cas?
La colère qui avait empreint son visage se métamorphose soudainement en une malice narquoise qui ne me dit rien qui vaille.
- Justement, Melody. A la place, je te demande de monter sur scène et d'animer la soirée avec ce que tu sais faire de mieux.
Éberluée, je met quelques secondes avant d'assimiler ses mots.
- Qu... Quoi?
- Tu m'as très bien entendu. C'est toi mènera la danse, ce soir. Tu m'as bien dit que tu savais chanter et jouer de la guitare? Cela te fera une occasion de nous montrer ce que tu sais faire!
Choquée, je reste bouche bée.
- Et cela te permettra de rattraper tes bêtise de ces derniers jours. Allez, la soirée va bientôt commencer. Il faut que tu ailles te préparer. Du vent!
Il tourne les talons et me fausse compagnie, un sourire satisfait scotché sur les lèvres tandis que je reste plantée au milieu de la salle, ahurie. C'est maintenant à mon tour de paniquer.
Je me précipite sur Samuel, affolée, en bousculant quelques personnes au passage. Il se tourne vers moi, un petit sourire en coin. Il semble ne plus être vexé.
- Bah alors Blondinette, de nouveau parmi les Terriens?
- C'est pas le moment Sam! J'ai un gros problème!
- Le grand patron t'as dit?
- Hein? T'es au courant de ce qu'il m'a demandé?
- Heu... Oui, mais je voulais lui laisser le privilège de te l'annoncer.
- Mais Sam, c'est une catastrophe! Tu me connais, est ce que tu m'imagines, moi, m'afficher devant une cinquantaine de personnes sous les projecteurs toute seule avec une guitare? Mais je peux pas faire ça!
J'avais crié à moitié, et je pointais à présent la scène du doigt en arborant une expression hystérique. On jetant un coup d'œil à la salle, je remarque que la moitié des clients sont en train de me scruter avec de gros yeux, surpris et intrigués. Je rougis, tandis que Sam tente de me calmer.
- Chuuut, Melo! Tu vois c'est un bon début, t'es déjà en train de te donner en spectacle.
Je le frappe violemment à la poitrine. Il fait semblant de pousser un petit cri étouffé et tente de cacher son hilarité sous une moue indignée.
- Eeeeh! T'es pas obligée de me taper! C'est pas ma faute à moi si ce que t'as demandé le patron ne te plait pas!
- Je suis obligée de le faire tu crois?, je demande d'une voix étranglée.
- Heu... Je crois bien. Enfin, si tu ne veux pas risquer de te retrouver à la porte. Tu sais, le patron, faut pas le chercher.
Je m'affale misérablement sur la première chaise sur laquelle je tombe, complètement dépitée.
- Putain Sam, je crois que ma vie est finie.
- Eh bah dis donc, la sociabilité et toi ça fait deux.
Je tente de lui mettre un poing dans le nez, coup qu'il parvient à esquiver cette fois-ci.
- Et en plus d'être insociable t'es violente!, il rit. Nan sérieux Blondinette, c'est pas la fin de ta vie. Dis toi que c'est un mauvais moment à passer... Et je suis sûr que t'es super talentueuse en plus! Imagine, le mec de tes rêves te regarde ce soir au milieu de la foule et tombe direct amoureux de toi, la splendide fille qui chante comme une déesse avec sa guitare et...
- Ta gueule, Sam.
- Ok, ok, c'est bon.
Le blond soupire, jette un œil à sa montre puis me préviens timidement:
- Heu... Par contre Blondinette, je veux pas te stresser mais... Ça va bientôt être l'heure pour toi.
Il rentre la tête dans ses épaules, de peur que je ne lui assène un nouveau coup. Je n'en fais rien, me contentant de soupirer, désespérée. Je me lève, m'étire paresseusement et lui lance, blasée:
- Tu préciseras lors de mes obsèques que je tiens à être incinérée.
- Pas de problème Blondinette!
Il lève le pouce en l'air en me lançant un sourire radieux. Je lui répond par une grimace lasse. J'aimerais bien l'y voir, tiens...
Je me dirige vers la minuscule loge à côté de la petite scène improvisée, dans le but d'aller me préparer pour mon décès imminent.
_______
M'y voilà. Seule, sous les projecteurs aveuglants, la guitare à la main, en face d'un micro qui me paraît horriblement angoissant, sur la scène devant laquelle une cinquantaine de paires d'yeux sont rivés sur moi. Je déglutis difficilement. La sueur perle sur mon front, mon cœur bat la chamade, si violemment que j'ai l'impression qu'il tambourine à l'intérieur de ma tête. Le stress me fait voir flou, et d'une certaine manière ça m'arrange car je ne vois pas toute cette foule devant moi. Je me racle la gorge et le micro grésille, me faisant grimacer. Je jette un œil à Brice. Il lève le pouce en l'air, signe que je peux démarrer. La panique s'empare de moi. Je cherche Sam des yeux, mais je ne parviens pas à le discerner au milieu de tous ces gens. Où est-il avec son sourire si rassurant quand on a le plus besoin de lui?
J'inspire profondément, en tentant de calmer l'angoisse qui m'habite. Je ferme les yeux, me concentre.
"Allez, Melody. Il faut juste que tu suives tes sens."
Puis je me laisse aller.
Mes doigts semblent gratter les cordes par eux même, comme si je n'avais plus aucun contrôle sur eux. Les yeux toujours fermés, je me laisse guider par mon souffle, par mes sens. J'oublie tout, absolument tout, plus rien n'a d'importance. Il ne reste seulement moi, mes rêves et sa guitare. J'ouvre la bouche et distingue ma voix claironner à travers le micro, comme un écho lointain, et dans une improvisation totale les mots prononcés par Rilès cette après-midi me reviennent soudainement à l'esprit et sortent de ma bouche, instinctivement, comme si cela avait été des paroles m'ayant poursuivis toute mon enfance.
Well I'm draggin' myself
All along the pavement
Up in the sky
There's someone behind
And he's guiding my steps
Up and down the life stairs
Helps me thereby
Leaving again
Je reste ainsi en transe, pendant un long instant qui me parait être une éternité, jusqu'à ce que le souffle me manque, jusqu'à ne plus avoir de voix. Alors que le silence me revient, j'ouvre lentement les yeux, éblouie par les projecteurs.
Je suis assaillie par un tonnerre d'applaudissement, qui me surprend autant qu'il me soulage. Les gens sifflent, crient, me hurlent de continuer, de recommencer. Je souris. Une vague de chaleur m'envahit, se propage dans tous mes membres, dans tous mes organes. Une vague de fierté. De soulagement. D'audace, de dérision, de joie.
Je souris, encore et encore, tandis que mes doigts recommencent à gratter les cordes, juste en suivant mes sens, me disant que c'était à mon tour ce soir de nourrir le monde de rêves.
_______
Hey hey!
Voici le chapitre 5, encore plus long que les autres (attendez-vous à ce qu'ils soient de plus en plus vastes de toute manière haha) et où l'ont ne parle presque pas de Rilès. Eh oui, désolée, mais les prochains chapitres vont rattraper le coup, ne vous inquiétez pas 😊
Sachez que cette histoire me tient beaucoup à cœur, surtout que c'est la première où je me sens capable de la terminer. Alors merci à ceux qui sont toujours sont là coûte que coûte, qui votent, qui commentent et me soutiennent à chaque nouveau chapitre, ça me va droit au coeur... Alors merci, vraiment 🙏
Alors au niveau de la fréquence de publication, heuuuu...
Je comptais publier tous les mercredis et dimanches mais à cause de la rentrée imminente (oulà...) eh bien je vais publier seulement tous les dimanches (COMME LES RILÈSUNDAYS YEAH) ⏳🔥💪
(Ce commentaire de fin devient un peut trop long...)
En espérant que cette fiction, bien qu'un peu niaise et clichée vous plaise envers et contre tout, je vous dis encore une fois merci 🙏
On se retrouve dimanche pour un nouveau chapitre !
🔥⏳🔥
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