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Jake

Je déboule dans les locaux des urgences maternité accompagné des mecs, Quinn, Kendrik et Spin. Ce dernier marche comme un automate, le visage aussi pâle que mon cul. Je crois qu'il est en pleine crise de panique.
Nous retrouvons les filles, enfin, elles se jettent sur nous en gueulant toutes à la fois :

— Bordel mais vous êtes venus à dos d'escargot ou quoi ?! Balance Kris en me bousculant.

— Sans déconner ! Une heure qu'on vous attends ! Braille Serena en fusillant son mec du regard.

— Non mais t'es bourré ou je rêve ? Lance Riley à Quinn.

— Vous allez la fermer ?! Lance Spin au bord du malaise. Où est ma femme, bordel ?

Le silence est instantané et les filles se regardent entre elles avant que Serena ne désigne un couloir du menton.

— Ces connasses d'infirmière n'ont pas voulues qu'on viennent, râle-t-elle justement.

Spin se barre aussitôt en bousculant Serena qui lui balance une insulte et lui fait un magnifique doigt d'honneur pendant que ma copine braille :

— Dis surtout pas merci hein !

— Silence ! Chuchote une infirmière. On est pas à une de vos fêtes d'étudiant ici ! On vous entends jusqu'à l'étage, merde !

Je crois que nous sommes tous stressés par l'arrivé imminente du bébé puisque nous explosons tous de rire sous le regard noir de l'infirmière.

Nous nous installons sur des chaises en plastique que je sais d'avance inconfortable et j'attire Kris sur mes genoux afin que tout le monde puisse s'asseoir. Je mate vite fait le groupe que nous formons, une gothique qui balance des insultes à tout va et son mec rockeur aux cheveux en bataille, une mini punk qui atomise son mec du regard, celui-là fait de même et pourtant, n'importe qui les regarderait à cet instant verrait que ces deux-là s'aiment et pour finir, il y a ma meuf qui raconte des conneries pour amuser la galerie, bien calée sur les genoux. J'encercle sa taille, elle caresse mes bras tatoués puisque j'ai relevé les manches de mon sweat.

— Bordel, ça va durer encore longtemps pour qu'elle nous ponde son truc ? Lance Serena au bout d'une nouvelle heure passée à attendre.

— Ça peut prendre une journée, répond Kendrik en soupirant.

Serena devient encore plus pâle que d'habitude et grimace d'horreur.

— Mon Dieu ! Ça doit être une boucherie là-dedans...

Je ricane mais mon rire s'estompe rapidement. D'un coup, mon esprit est renvoyé quelques années en arrière.

Je ne sais pas si ce sont des larmes ou la pluie qui tombe à grosse goutte qui trempent mes joues, mais je sais que je suis entrain de chialer. Je pleurer comme un gosse alors que les sirènes hurlent dans la nuit.

Putain... pourquoi elle a eu cette idée de merde ? Pourquoi elle s'est jetée de cet immeuble alors qu'il y avait d'autres issues pour se sortir du merdier dans lequel on s'est fourrés ?
J'ai prit des heures en plus au garage, Mona et Arthur veulent bien nous aider avec le bébé quand il sera là, alors pourquoi ?

— Lucy, putain reste avec moi. Me laisses pas, bébé !

Je lui hurle dessus, et ses yeux s'ouvrent. Elle cherche mon regard et je lui hurle à nouveau de rester avec moi, de ne pas m'abandonner.

— Jake... je t'aime.

Elle souffle ces mots et la seconde qui suit, ses yeux se referment. Je suis bousculé en arrière et percute le bitume sur le dos. La pluie tombent encore, plus forte que tout à l'heure. On me relève, pour mieux me plaquer au sol, face contre terre. Mon menton embrasse le macadam dans un bruit sec et un grognement de douleur s'échappe de mes lèvres.
Mes bras sont tirés en arrière dans mon dos, et je reconnais la façon de procéder des flics.

J'entends vaguement des gens hurler, crier que ma nana est entrain de mourir et qu'elle est enceinte. Mon cœur remonte et je gerbe sur le bitume. Je vomi comme un putain de camé en manque. L'odeur du sang, de la pluie et les images qui ne cesseront jamais de me hanter ont raison de moi.

Ils embarque Lucy, et je ne peux même pas la suivre. C'est pourtant moi qui ai appelé les secours, mais ils doivent sûrement penser que je suis responsable.

Et ils ont raison.

•••

Quelques semaines plus tard, je sors du commissariat centrale encadré par deux flics en uniformes. Mona et Arthur ont réussit à négocier je-ne-sais-quoi avec les flics et un avocat. Je suis trimbalé dans une bagnole de patrouille et celle-ci s'arrête devant une maternité.

Mon souffle se coupe. Je ne suis pas du tout prêt à ce qui va suivre. Lucy ne s'est toujours pas réveillée et j'ai passé ces dernières semaines en taule pour non-assistance en danger. Il y a d'autres trucs aussi dans mon dossier, des trucs qu'on fait ajouter les parents de Lucy. Pour eux, c'est entièrement de ma faute. Comme si, eux n'étaient en rien responsable. Sauf que sans eux, Lucy n'aurait jamais songé à se buter.

Histoire que je n'attire pas trop l'attention, les flics me retire les menottes qui entravent mes poignets, et me font passer la porte d'entrée. L'odeur aseptisée de l'endroit me fait froncer le nez, ça chlingue la mort ici !

— O'Brian pour le gosse, balance l'un des flics à une infirmière.

Celle-ci me jette un œil avant de baisser le regard sur mes mains tatouées et sur les flics qui m'encadre, aussitôt, elle détourne les yeux puis nous fait signe de la suivre. Je capte des regards alors que nous traversons un dédale de couloirs, tout le monde connaît ma tête ou quoi ? Ou ce sont les flics qui m'entoure qui les attirent ?

On s'arrête enfin, devant une grande vitrine. Je lève les yeux et vois une mer de gosses. Des bébés dans des couvertures roses et bleus. Partout. Je détourne les yeux, j'ai envie de chialer. Ou de me barrer en courant, je sais pas.

Mona m'a dit que mon gosse à moi était dans une sorte de boîte, une couveuse pour l'aider à grandir et à respirer tout seul. J'en aperçois dans le fond et je me surprend à me demander dans lequel se trouve mon enfant.

— Monsieur, enfilez ça et suivez moi.

J'attrape les trucs qu'elle donne et les enfiles. C'est une blouse comme les docteurs, elle est verte et il y a aussi un truc à mettre sur la tête. Je l'attache, attrape aussi un masque quand je vois l'infirmière s'en munir et le met sur mon visage. Je me désinfecte les mains et réprime un rire lorsque l'infirmière bloque le passage des flics qui ont voulu me suivre.

— Vous voulez qu'il fasse quoi ? Qu'il me jette son môme sur la tronche ? Rage-t-elle en réponse au flic qui lui a dit qu'il devait me coller au cul.

Cette fois, je ricane franchement. Elle a du culot, j'aime bien. Et ça change des gens qui ont peur de moi depuis quelques semaines...

J'entre dans la pièce remplit de bébés et suit la nana dans le fond. Elle s'arrête devant une couveuse et mon cœur se décroche. Il part s'enfoncer dans mes talons avant de remonter à sa place et de batte de façon désordonné.

— Monsieur O'Brian... je vous présente votre fille.

Je reste comme un con à mater le petit bout de vie qui s'agite doucement dans sa boîte. Merde... elle est tellement petite. Et branchée de partout. Je déglutit et passe mes doigts dans les petits trous sur les côtés. Doucement, je caresse la joue de mon bébé.

L'infirmière ouvre la boîte et porte ma fille dans ses bras, elle l'a cajole un instant avant de la mettre dans mes bras. Je suis incapable de bouger, ni de détourner mon regard d'elle.
Elle a les yeux fermés, les lèvres entrouvertes, et ses petits poings sont serrés. Je caresse ses petits doigts et aussitôt, elle attrape l'un de mes doigts entre les siens.

— Putain... je souffle.

L'infirmière toussote et me sourit lorsque je relève les yeux.

— Est-ce qu'elle...

Mona m'a déjà dit qu'elle était une battante, que les médecins avait confiance pour la suite. Mais personne ne me l'a dit ici, et j'ai besoin de l'entendre par quelqu'un qui connaît son taf. Même si ma mère est infirmière, les bébés c'est pas son job.

— Elle va vivre, souffle enfin l'infirmière.

Mes yeux se ferment de soulagement et une larme solitaire s'échoue sur ma joue. Mon cœur se gonfle comme un putain de ballon.
J'ai une fille.

— Avez-vous choisit son prénom ?

Je fronce les sourcils. Lucy était persuadée que c'était un petit mec qu'on allait avoir, c'était ce qu'avait dit le doc. Mais on peut se tromper non ?

— Alors, le prénom ? Insiste l'infirmière. Vos parents n'ont pas pu nous dire comment vous vouliez...

— Ça devait être un garçon, je souffle. Mathis.

— Il existe aussi la version féminine de ce prénom, Matysse. Avec un Y et deux S.

Elle l'écrit sur un bout de papier et me le montre. Je souffle le prénom, le regard rivé sur ma gamine et un lent sourire étire sa petite bouche.

— Matysse... soufflé-je encore en souriant.

•••

C'est un petit mec, putain ! J'suis papa les gars !! Hurle Spin, nous faisant sursauter.

Kris saute de mes genoux, tout le monde se lève et on félicite Spin. Je le serre dans mes bras et donne une grande claque dans son dos.

— Félicitations mec ! Je lance en souriant. Bienvenue dans mon monde.

Serena me pousse, toujours aussi aimable et harcèle mon pote de question :

— Comment est-il ? Il s'appelle comment ? Il pèse combien ? Mesure combien ?

— Euh... bafouille Spin en se grattant la tête. A poil, Gabriel, et ils sont actuellement en train de le peser. Sinon, Stacy est désolée pour ton parquet.

J'éclate de rire suivit par tout le monde à la grimace dégoûtée de Serena.

— C'est vrai que c'était franchement degueu...

Ils y vont tous de leur commentaire et je m'apprête à balancer une connerie à mon tour quand une vibration dans mon jeans m'interromps. J'attrape mon cellulaire et fronce les sourcils devant l'écran.

L'institut de Lucy m'appelle.

Je m'éloigne du groupe sans perdre de temps et décroche.

Le temps semble s'arrêter. Tout se fige autour de moi lorsque mon interlocutrice parle. Mon cœur s'arrête et mon souffle devient saccadé.

Putain.

Non.

— Jake ? Bébé, ça va ?

Je laisse ma main tenant le téléphone tomber le long de mon flanc et pose les yeux sur Kris qui me scrute, inquiète. Dès qu'elle croise mon regard, elle se jette sur moi pour prendre mon visage en coupe dans ses mains.

— Je... Lucy.

Et je m'effondre dans ses bras.
Cette fois, c'est finit. Je l'ai définitivement perdue.


Hellooo mes chatons,

Stacy et Spin sont parent d'un petit Gabriel,
Ce qui rappelle à Jake le souvenir de la première fois qu'il a vu Matysse...

Et il apprend que Lucy vient de mourir...

A très vite ❤️

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