Jake

— Et ça je peux ?

Je me penche par dessus la table et scrute le menu que me montre ma gosse.

— C'est de l'alcool mon chat, donc pas pour toi.

— Pas juste...

Je ricane alors qu'elle râle et observe Kris qui comment à lui lire le menu.
Nous sommes sortis de l'hôpital il y a pas longtemps, et comme nous étions tous bouleversés par ce qu'ils s'est passés là-bas, et que Matysse avait faim, j'ai décidé d'inviter mes deux petites femmes à manger un brunch. Kris nous a donc déniché un petit restaurant qui fait des brunchs le week-end, apparement elle et Riley y vont assez régulièrement pour retrouver Serena et Bianca.

— Tu sais que tu aurais pu organiser tes brunchs entre filles à la maison, pas vrai ?

Kris relève la tête du menu et échange un regard avec Matysse, c'est cette dernière qui répond :

— Entre filles, papa ! Ça veut dire pas de garçon, tu comprends ?

Je hausse un sourcil alors que Kris acquiesce d'un mouvement de la tête.

— Matysse a raison, et puis, comment on aurait fait pour parler sur toi et Quinn si vous étiez dans les parages hein ?

— Vous parlez de nous avec tes copines ? M'étonné-je.

— Parce que t'as jamais parlé de moi avec Quinn peut-être ? Demande Kris en reposant le menu sur la table.

Je fermai ma bouche. Un point pour elle. Elle rit et reprit le menu et sa lecture alors que je secoue la tête, amusé.

En sortant de l'hôpital, j'étais vraiment pas bien. Lucy venait de demander à Kris de s'occuper de son bébé, de Matysse donc et j'avais vu Kris accepter sa requête. Peut-être histoire de la rassurer, je n'en sais rien. Mais, depuis qu'elle connaît l'existence de ma fille, Kris s'est toujours bien occupée d'elle. Comme le ferait une maman... et même Matysse lui a dit qu'un jour elle pourrait être sa maman. A ce moment-là, Kris n'a pas réagit, peut-être que la demande de ma fille a plus d'importance à ses yeux, ou peut-être qu'elle se demande ce que j'en pense.

Et le fait est que je n'en sais rien !

J'aime Kris, putain, de tout mon être. Mais, Lucy est la mère de Matysse. Je ne peux pas faire comme si elle n'en avait pas et demander à Kris d'être sa maman. Ce n'est pas comme ça que ça marche...

— Eh oh, bébé. Tu prends quoi ?

— Pardon ? Demandé-je en revenant sur Terre.

— Tu prends quel menu ? Répéta Kris.

— Mon papa c'est pas un bébé, d'abord !

J'éclate de rire et tend le bras à travers la table pour caresser la joue de ma fille.

— C'est un surnom qu'on donne aux gens qu'on aiment, mon chat, expliqué-je. Comme quand je t'appelle mon bébé.

— C'est nul, et puis j'suis pas un bébé non plus ! Insiste Matysse, en croisant les bras sur sa poitrine.

— Et tu es quoi alors ? Demanda Kris avec un sourire.

— Une princesse ! Et mon papa, c'est le Roi !

— Roi Jake, se marre Kris en me jetant une serviette roulée en boule au visage.

— Et comme je suis le Roi et toi la Princesse, Kris c'est quoi ?

— Bah c'est la Reine, c'est facile papa.

Je souris, ravit de constater que ma fille et moi sommes sur la même longueur d'ondes et mate Kris dont le visage prend une teinte rosée de plus en plus prononcée au fil des secondes qui s'égrènent.

— Respire, bébé... soufflé-je.

Discrètement, en faisant mine de se gratter le nez, Kris me fit un doigt d'honneur et je ne pu me retenir de rire.

— Bon, j'ai faim.

— Ok, Princesse Matysse, dis-je avant d'interpeller un serveur.

Une bonne heure plus tard, le ventre rempli de pancakes, de fruits, d'œufs brouillés et autres mets que nous avons littéralement dévorés, nous quittons le restaurant pour faire une petite balade digestive.

— J'ai mal au ventre... soupire Kris.

— Si t'avais pas repris deux fois des pancakes aussi...

— Ils étaient trop bons ! Se réécria-t-elle puis elle ajouta : J'suis bonne pour aller courir pour éliminer tout ce gras.

Je souris sans rien dire. Depuis que je la connais elle a été faire du sport qu'une seule fois. Quand j'ai pété un câble. Ah, et Quinn m'a dit qu'ils avaient été courir en Bretagne aussi.

— Tu viendra courir avec moi ?

— Attends, t'es sérieuse avec ton histoire de sport ?

— Bah oui. Et puis, maintenant que j'ai plus de boulot, j'ai du temps libre, autant le mettre à profit.

Je hausse les épaules, elle n'a pas tord.

— Papa, un parc ! Je peux aller jouer, dis ?

J'échangeai un regard avec Kris et elle me sourit :

— J'suis pas pressée de rentrer.

Je lui lâche la main alors qu'on arrive à l'entrée du parc et sourit à ma fille :

— On fait la course jusqu'à la balançoire ?

— Oui ! 3... 4... 2... 1... Partez !

Elle part aussitôt, comme une fusée et j'éclate de rire en trottinant derrière elle :

— Eh mais tu t'es trompée dans les chiffres, Princesse au fait !

— Pas grave ! Hurle-t-elle, morte de rire.

Bien sûr, je la laisse atteindre la balançoire en première et elle hurle à qui veut l'entendre qu'elle a gagner en sautillant comme un petit kangourou.

— Trop forte ! Se marre Kris en tapant dans les mains de ma fille.

— Tu joues avec moi, Kris ?

— Oui, ah attends deux minutes mon chat.

Kris prit son téléphone dans sa poche arrière et le colla à son oreille.

— Oui ma poulette.... On est au parc avec Matysse.... Non celui près d'où on va bruncher avec les filles.... Ah oui, elle sera contente... Oh ! Ramènes mon appareil photo.... Merci bichette, à toute.

Elle raccroche et se tourne vers moi.

— Quinn et Riley arrivent.

— Trop cool !! S'égosille ma fille en sautillant à nouveau.

La seconde d'après, elle grimpe dans les jeux pour enfant et disparaît dans la cabane.

— Kris ! Viens jouer !

— J'arrive !

Et ma copine fait pareil. Je soupire en secouant la tête, j'ai l'air malin à surveiller une gamine et une nana sensée être plus ou moins adulte.

Je m'assois sur un banc et allume une clope, les yeux rivés sur ma gosse et ma copine qui s'éclate à descendre sans arrêt le toboggan en poussant des hurlements de joie.

— Eh bah, Kris est une vraie gosse quand elle veut...

Je sursaute et me marre en cognant mon poing dans celui de Quinn.

— Tata Riley !! Hurle ma môme en courant vers nous.

— Coucou mini pouce ! La salue Riley en la réceptionnant dans ses bras.

— Tiens ma belle, lança Quinn à Kris en lui filant son matériel.

Aussitôt, elle sortit son appareil photo de sa pochette et fit quelques test avant de le pointer vers Quinn.

— Fais un sourire !

— Tu viens jouer aussi !? Dis-oui.... supplia Matysse.

— Matysse... tu peux jouer toute seule, en plus il y a pleins d'enfants pour jouer avec toi, grondé-je.

— Mais papa...

— Matysse.

— Ça me dérange pas en fait... argua Riley.

Je l'a regarde fixement. Elle vient vraiment de saper mon autorité devant ma gamine en une seule phrase là ?

— Désolée, souffla-t-elle, sans doute consciente de ce qu'elle vient de faire.

Je levai les yeux au ciel, maintenant que Matysse l'avait entendue dire que ça l'a dérangeait pas, elle s'était remise à sautiller d'impatience.

— Bon bah allez-y les enfants... soupiré-je.

Ni une ni deux, Riley et Matysse se ruent sur les jeux alors que Kris les suit, armée de son appareil photo.

— Bordel, quand Matysse est dans les parages, le QI de ma meuf descend en flèche, se marre Quinn en se laissant tomber à mes côtés sur le banc.

Je ricane et allume une nouvelle cigarette en acquiesçant.

— Au fait, vous êtes partit vachement longtemps ce matin.

— Ouais, on a été voir Lucy.

Quinn se tourna vers moi et me fixa, attendant que je poursuive.

— Ouais, Kris a une cette brillante idée...

— Attends, file moi une clope. Je vais avoir besoin de nicotine pour digérer ça, j'crois.

Je levai les yeux au ciel mais lui lançai mon paquet au visage avant de commencer à lui raconter comment s'est déroulée notre matinée.

— Et toi, t'en penses quoi ? Me demande-t-il à la fin de mon récit.

— Comment ça ?

— Regarde Matysse, regardes comment elle est heureuse avec Kris, dit-il en montrant les filles du doigt.

Je les observe un instant et ne peux l'empêcher de sourire en voyant les filles s'amuser comme des folles alors que Riley, une fois n'est pas coutume, les prends en photo.

— Tu te vois passer le reste de ta vie avec Kris, lui donner une place importante dans la vie de Matysse ? Comme celle d'une maman ?

Je ne réponds pas, les yeux rivés sur les filles. C'est trop tôt pour dire oui à tout ça, beaucoup trop tôt.

— C'est trop tôt pour le dire...

— Mouais, je trouve pas. Ok, ça fait pas longtemps vous deux, mais t'es pas sorti longtemps avec Lucy non plus et pourtant, tu savais que c'était la bonne non ?

— C'est complètement différent, Quinn ! Lucy c'est l'amour de ma vie.

— Putain mais tu comprends pas qu'on peut tomber amoureux plusieurs fois ! Lucy était ton premier amour, Kris est sans doute ton dernier. Arrêtes de te cacher derrière ton chagrin et avances bordel !

Il se lève et se passe la main dans les cheveux avant de soupirer.

— Kris t'aime, tu l'aimes, et Matysse l'adore. Cherches pas plus loin, mec.