Je suis en cours de grammaire, mais je m'ennuie à mourir. Vu la tête des autres élèves, eux aussi. Il n'y a que Maxence qui s'éclate à repérer un COD dans une phrase. Je pousse un petit soupir. À quoi cela va nous servir, plus tard ? Soudain, quelqu'un toque à la porte, le directeur entre, l'air affolé. Nous lui avons donné le surnom de M. Hamster lorsque nous étions encore qu'en 6e. Mais c'est vrai qu'avec son petit air rabougris, ses yeux perçants et ses lunettes toutes rondes, on dirait vraiment un hamster ! Bref, M. Hamster avait l'air vraiment affolé ! Il a crié de sa petite voix nasillarde « Le Champ ! Le Champ arrive à Paris ! Vite ! Tout le monde au fond de la salle, ne cherchez pas à lui échapper ! Debout, les mains derrière le dos ! ». Là, tout le monde s'est tu. Le Champ arrive à Paris. C'était sensé arriver la semaine prochaine ! Il avance plus vite que prévu. Alors, tout le monde se lève et se colle dos au mur, les mains derrière le dos, comme si nous allions réciter une poésie, comme en primaire. Tout le monde a l'air crispé. J'espère ne pas être Prise, comme 10% de la population. Le Champ a débuté en plein milieu de l'océan Atlantique, et depuis, n'arrête pas de s'étendre. 10% de la population disparaît à son contact. Et le plus bizarre, c'est que ce sont seulement les moins de 16 ans qui sont touchés. Ils disparaissent de la surface de la Terre. Personne ne les a revus. Les scientifiques s'acharnent à trouver l'origine de ce phénomène, mais rien. De toute façon, les gens ont trop peur du Champ pour s'approcher de l'épicentre.

On entend des cris venant du bâtiment voisin. Le Champ est tout proche. La plupart des élèves ferment les yeux, pour se laisser Prendre en douceur s'ils font parti des 10%. Moi non. Je regarde droit devant moi. Je veux voir à quoi il ressemble. Il paraît qu'il est d'une nouvelle couleur, impossible à décrire. Personne n'a jamais vu cette couleur, brillante comme le soleil et sombre comme la nuit.

Il est là. Il est magnifique, il avance lentement, inexorablement, mais il s'approche peu à peu de nous. Tous les élèves tremblent comme une feuille. Il est à 1 mètre de moi. Plus que 50 centimètres, plus que 10 centimètres. Ça y est. Il est froid.

Je m'envole vers les nuages. Paris semble toute petite vue d'ici. J'ai le vertige, je frissonne. J'ai été Prise, je le sens au fond de moi. J'ai l'impression de ne faire qu'un avec le ciel, comme si ma place a toujours été là, dans les nuages. Mais je dois redescendre. J'ai une famille en bas, une sœur et des parents qui m'aiment. J'essaye de redescendre, mais je n'y arrive pas, même en pesant de tout mon poids. Je suis prise au piège. Alors, je regarde vers le ciel, vers les étoiles et me demande ce qui va m'arriver.

Publié le 16/06/20