8.3
-Et tu crois cette... chose ?
Il y avait des jours où je regrettais de m'être levée.
Au centre du salon, Ilona tenait une spatule enrobée de chocolat et nier l'existence de la Métamorphe. Elle avait d'abord refusé de la laisser entrer dans sa maison , nue . J'avais demandé à la hyène si elle pouvait se couvrir les parties compromettantes pour les enfants et elle m'avait longuement fixée du regard puis sourit. J'avais pu découvrir que la dentition d'une hyène sur un humain pouvait se révéler un parfait dissuasif si on voulait insister. Proposer à la mère des enfants de l'habiller fut une erreur. J'avais perdu une heure pour négocier une entrée. Une heure s'était long. Une heure pouvait venir à bout de toute personne saine d'esprit : heureusement , j'avais eu des jours complètement dingues pour affiner ma patience.
Une fois que nous pûmes entrées dans le salon, Ilona n'avait rien trouvé de mieux que d'enchaîner les accusations une par une. Les arguments tels que « être venue pour prendre mes enfants et les guider vers le chemin démoniaque de la débauche et de la monstruosité » ou encore « faire de nous son repas alors que nous sommes des humains, des êtres dotés de conscience et d'intelligence , délicats et sensibles » m'avaient plus ou moins donnés envie de partir. Et de la laisser dans l'ignorance, autorisant même la hyène à siéger chez elle tout le temps nécessaire. Le regard équivoque de la Métamorphe criait sans cesse « tu vois pourquoi je l'ai privé de son droit de savoir ». J'avais compris. Et une fois que j'en eus marre d'entendre des bêtises aussi abracadabrantesques, je m'étais assise dans le canapé et avais lâché la bombe.
-Tu as un pédophile dans ton entourage , avais-je dit.
Ça l'avait relativement calmé et forcé à m'écouter.Que tous les Dieux en soient remerciés, les enfants n'étaient pas dans la pièce principale. Ilias avait foncé dans le jardin, lançant un timide sourire à la nouvelle dame qui s'était appuyée contre un meuble. Véronica n'avait pas bougé de sa chambre, et grand bien m'en fasse. La situation, une fois expliquée, ne plaisait pas à Ilona. Pour être franche, elle doutait de la véracité des faits, des propos de la hyène.
Je soufflai.
-Et pourquoi me mentirait-elle ? Fis-je en articulant lentement.
Inconsciemment , je faisais toujours ça quand quelqu'un me donnait des citrons.
-Pour sauver sa peau ?
-Elle m'a plus ou moins bien menacé, j'y perdrais plus qu'autre chose en vous mentant, ricana la hyène en interrompant ma futur réponse. Ne me regardez pas comme ça, vous pouvez le tourner dans tous les sens que vous voulez, vous m'avez menacé.
-Vous voyez ! Elle pourrait mentir pour éviter ...Je ne sais pas moi , quelque chose de grave, ce qui arrive aux choses dans leur genre quand rien ne va.
-Est ce qu'il serait possible que tu changes cinq minutes ton vocabulaire ? Ça ne te tuera pas, tu verras, soufflai-je.
Elle haussa les épaules comme si c'était un détail. Elle pointa la hyène avec sa spatule.
-Vous ! Comment savez vous que mon voisin est peut-être attiré par les enfants ? Non pas que je vous crois hein...
Enfin. On allait avancer. Si elle lui parlait directement, c'est qu'on pouvait arriver à une discussion d'adulte.
Cinq heures. Cinq. Trois cents minutes. Dix-huit mille secondes. Ce fut une entre-vue très longue. Et une chose était sûre : la prochaine fois que l'idée d'aider un humain raciste avec son problème magique, je me taperais d'abord la tête contre une surface dure. Ça m'évitera des pépins.
Pour mon plan, j'avais du courir dans un magasin tenu par un humain qui avait pour unique clientèle des ... humains. J'avais pris un rapide T-shirt, en grimaçant lors du paiement lorsque j'entendis un « très beau haut, vous le porteriez souvent j'espère ». Non, monsieur, je comptais le mettre qu'une fois et le brûler après.
Je ne rigolais pas : ce torchon allait finir dans le feu.
J'avais couru pour ne pas arriver en retard à la Taverne. Je n'avais pas pu manger à midi, j'avais été occupée. Mais aussi étonnant soit il, j'avais de moins en moins faim. Avant, je mangeais tout le temps. Le grignotage était devenu mon amant secret. J'avais toujours quelque chose en bouche : sucré, salé,épicé... Mais depuis le début de mes mésaventures, et encore plus, depuis que l'Humanité faisait parti de mon quotidien, toute nourriture me dégoûtait.
Alors avant de franchir la porte de la Taverne du Dragon, je fus surprise de pas avoir envie de taper dans le frigo de la Taverne. J'avais fait du sport et sué. J'aurais du au moins ressentir un petit creux au sein de mon estomac. Mais non. Rien. Je compris, que j'avais un problème plus grave que prévu. Mais je ne pouvais malheureusement pas m'attarder sur lui maintenant.
Je poussai la porte de mon enseigne, et de nombreuses salutations retentirent. Ceux qui me paraissait être totalement humain eurent des réponses. Les alters-humains ne reçurent que des regards dédaigneux, voir aucune attention du tout. J'allai vers le secteur réservé au personnel et décidai de ne pas mettre mon haut tout de suite. Je n'osais pas. Attendre qu'il y ait plus de personne fut une excuse . Je ne voulais juste pas faire ce que je devais faire.
Je sortis, encore moins avenante qu'au départ.J'allais commencer par monsieurje-fixe-tout-le-monde-jusqu'à-ce-que-mon-café-arrive.
-Bonjour Ushma, fit le métamorphe, un sourire se dessinant sur son visage.
Je fis tout mon possible pour ne pas lui rendre en gardant mon regard sur baissé sur le calepin.
-Tu prends quoi ?
Ma voix me parut plus glaciale que prévu, et j'eus un peu plus mal au cœur. Son regard surprit me donna envie de rire et de lui dire que je connaissais déjà sa commande, que je ne voulais que discuter avec lui.
-Eh bien... Tu sais ce que je commande Ushma, tu as toujours eu une bonne mémoire.
-Bon.J'espère que ce n'est pas tous les gens comme toi qui sont comme ça,râlai-je. Si je savais ce que tu prenais, je ne serais pas venue te le demander. Soit tu me dis, soit tu pars. J'ai des gens à servir.
Un silence religieux accompagna ma tirade. J'étais devenue le centre d'attention, et ce n'était pas pour rien. Je n'avais jamais demandé la commande du monsieur une fois qu'il fut venu plus de cinq fois. Je n'avais jamais été aussi ... minable avec un client. Je sentais tous les regards dans mon dos. J'eus la gorge sèche lorsqu'il me donna enfin ce qu'il prenait d'habitude, et je fis semblant de noter.Bien sûr que je savais. J'allais m'en aller vers deux membres de l'Humanité lorsque le métamorphe saisit mon poignet et le porta à son nez. Je retirai brutalement mon membre de son emprise en produisant un petit son de dégout, le fameux "erk beurk".
-Ne. Me. Touche. Pas, éructai-je.
A ce stade, mes mots pouvaient tout aussi bien être du venin. Ils contenaient tellement de faux dégoût, de fausse méchanceté, de fausse irritation . Mon cœur se sera à la mine triste et incompréhensible du Métamorphe. Ma vision plongea l'espace d'un instant dans le noir, mon inconscient se manifestant. Le fait que l'homme à la seconde peau, fasse comme si ma réaction ne le touchait pas, me brisa un peu plus.
Je me dirigeais rapidement vers les deux membres de l'Humanité qui n'avaient pas été servi. Je fis tout mon possible pour que mon sourire ne paraisse pas forcé. Ils n'étaient que des connaissances bien que, parfois aux réunions de rassemblement, ils m'abordèrent plus d'une fois. Je ne les aimais pas vraiment, mais j'avais toujours été polie avec eux. Ils étaient du genre à faire des blagues purement raciste et dire qu'ils ne l'étaient pas car « j'ai un ami noir/chinois – et j'étais persuadée qu'ils considéraient toutes personnes asiatiques comme tel – /arabe ». Dès qu'ils eurent compris que je n'allais pas forcement rire de leurs blagues – insinuant que j'étais une coincée du cul et qu'ils pouvaient m'aider à m'enlever le bâton qui était dedans.Évidemment, j'étais en tort ici. Je préférerais le garder plutôt qu'ils posent leur mains sur moi – ils enchaînèrent sur une autre domaine : les êtres magiques. Combien de fois avais-je du forcer un rire pour m'empêcher de leur hurler dessus ?Résultat, lors des réunions, j'essayais de les éviter comme je pouvais.
Mais,parce qu'il y avait toujours un « mais » dans la vie, ils avaient été désigné comme des personnes qui devaient me surveiller. C'était sûrement de leur faute si je ne pouvais pas encore utiliser le réseau de l'Humanité. A cause d'eux, j'en étais arriver à une extrémité sans nom. Si je m'écoutais quand j'étais proche d'eux, je les mènerais tout droit dans une arène clandestine où ils devront se battre contre... moi.
-Bonjour Messieurs ! Quel plaisir de vous voir, mentis-je. Que puis-je faire pour vous?
-Nous embrasser peut-être ? Interrogea Abruti numéro 1 sur le ton dela blague.
Un éclat de rire m'échappa et je n'eus même pas besoin de forcer.Même si la fin du monde approchait, je ne l'approcherais pas. Et puis... Personne n'était parvenue à m'approcher intimement, ce n'était pas pour que je laisse des ... ignobles personnages entrer dans ma vie. C'était assez ironique qu'il puisse croire que j'accepterai, et qu'un homme aussi peu enclin à la tolérance me propose ça. Alors que j'étais d'une couleur chocolaté.
Ils me passèrent leur choix. J'envisageai à plusieurs reprises de mettre du javel dans leur boisson mais je me retenus. J'eus même la décence de les saluer une fois que la commande fut prise. En direction du bar, j'ignorai les coups d'œil qui m'étaient jetés.
Je fis ce que les clients souhaitaient. Je ne pris pas les commandes des êtres magiques, les ignorant superbement, mais les humains avaient toute mon attention. Je renversai le café de monsieur le Métamorphe sur lui et ne l'aidai même pas à le nettoyer. J'enfonçai même le clou : soit il commandait un autre truc, soit il partait. Son regard rempli de déception me toucha. Il partit un trompe. Les membres de l'Humanité ricanèrent dans leur coin avec leur commande parfaite. Dron avait essayé plusieurs fois de me demander discrètement ce qui me prenait aujourd'hui. Je l'avais ignoré. Sauf qu'après ça, ce ne fut pas Dron qui m'interpella, mais Jessica.
-C'est quoi ton problème, Rowtag ?
Nous y voilà. Mon plan était assez simple en fait. Je devais prouver que je détestais les alters-humains au près des membres de L'Humanité. Quel étais le meilleur moyen de le faire ? Taper un scandale. La Taverne était une fourmilière. Il y avait diverses fourmis, toutesdifférentes les unes des autres mais à la même apparence. Tous à l'apparence humaine, mais tous différents. Le café était connu. Un scandale circulait très vite. Une raciste au sein d'un des cafés les plus appréciés ne ferait pas une bonne pub mais attirée l'attention. Pile ce que je voulais.
Je partis dans l'espace réservé au personnel. Je pris toutes mes affaires présentes dans mon casier et enfilai rapidement mon nouveau T-shirt. Avant de sortir, j'eus une remonté d'acide, et les yeux humides. J'aimais la Taverne, tellement profondément. C'était un deuxième foyer , un chez-moi. J'y avais des proches, des clients que j'aimais et qui, à l'heure actuelle, devait me haïr. J'aimais Eviet ses émotions trop exposés ; Dron et sa présence rassurante ; José et son comportement de papa qui ne s'est pas s'attacher ; Jessica et sa sublime personne détestable ;monsieur le métamorphe que j'avais déçu : les vampires et leurs tentatives de paraître moins effrayant à mes yeux à cause de mes tremblements... Je posai une main sur mon cœur comme pour le rassurer. Il me tirait dessus comme pour me retenir de faire de tels conneries. Je n'avais plus le choix.
J'entrai dans la salle principale et elle fut encore plus silencieuse. Et je devinais aisément pourquoi. Sur mon haut, l'intitulé « Only real humans matter » y était inscrit. J'entendis des jurons de toutes parts.
-Tu veux savoir quel est mon problème ? Mais il est ici mon soucis. Avec tous ces... tous ces... Avec vous quoi ! Je n'en peux plus de mentir , de prétendre que ça ne me fait rien de côtoyer des gens comme vous. Vous.... vous... vous m'écœurez, mentis-je honteusement. Tu peux considérer ça comme ma démission, je ne toucherais jamais plus à cet endroit. Pas même des yeux. Tu peux enfin être contente, la Taverne t'appartient.
Sans demander mon reste, je me retournai et me dirigeai vers la porte. Soudain, la magie de la Taverne se manifesta. A chacun de mes pas, elle me transperça , se tordant à l'intérieur de moi . Il m'était de plus en plus difficile d'avancer mais je continuai, sans me retourner. La Taverne hurla dans ma tête. Elle hurla sa déception, sa colère, son amertume et son exécration pour ma personne. Lorsque je pris la clanche entre mes doigts , une part de la magie de la Taverne disparu, me laissant un grand vide, quelque part en moi. J'ouvris la porte et je fus comme poussée vers l'extérieur. Je sus que la Taverne me rejeter et ce petit acte eut raison de moi. Des ruelles plus tard, je m'effondrais contre un mur. Mes sanglots se transformèrent rapidement en des larmes de rage. J'arrachai presque mon nouveau haut , le mordis, le tordis, criai dessus, le frappai plusieurs fois sur le sol et finis par le balancer le plus loin de moi en l'insultant. Des passants me regardèrent choqués et embarrassés. Ils s'éloignèrent le plus rapidement de moi. Je les haïssais. Je les haïssais tous. Mais ceux que je détestais le plus furent les alters-humains et les humains fermés d'esprit. Ils m'avaient arraché le seul endroit normal où je me sentais bien avec leur connerie.
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