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Je détestais les réveils. Et ceux provoqués par un appel étaient les pires.

Je savais que je devais me lever : si la sonnerie de mon téléphone retentissait depuis un quart d'heure non-stop, elle n'allait pas subitement s'arrêter parce que je le voulais. C'est que ça devait être important dis donc.

Je remuai, fâchée et quelque chose chuta. Je me redressai et vis un renard au sol.

Oh mince !

 Il me lança un regard outré avant de sortir de ma chambre. Il revins alors que je m'apprêtais à lui courir après pour m'excuser. Il déposa l'objet du démon au sol, pleins de bave. Impossible tonna encore une fois et cette fois j'hésitais à prendre l'appel non pas parce que l'appareil était loin mais parce qu'il était gluant.

Kael jappa, joyeux. Je fus persuadée qu'il l'avait fait pour se venger.Je pris mon téléphone en le regardant droit dans les yeux : eh oui, je n'avais pas peur de me salir les mains. Mais j'allais désinfecter ma main et mon oreille. Plusieurs fois.

-Ushma ?Enfin ! Ça fait des plombes que je t'appelle. Il me fallut dix bonnes secondes pour reconnaître Dron.

-J'espère que le monde est un train de brûler. Il en va de la survie de ton tympans.

-Du sérieux Ushma. On a un problème.

Son accent avais repris le dessus sur ces années passées en dehors de son pays. A ce point ?

-Que se passe-t-il ?

J'entendis un halètement et je me mis à chercher quelque chose à me mettre sur le dos.

-C'est la Taverne. Elle a essayé de m'avaler.

J'arrivai, accompagnée de mes superbes compagnons, et vis tout le monde dehors, presque collés au mur de l'enseigne d'en face. Dron, Evi, Jessica,José... Tous se tenaient à une distance plus que respectable de la Taverne.

D'après Dron, j'avais plus ou moins merdé. Le sang qui avait coulé lors de la fameuse soirée aurait réveillé la magie de la Taverne. Le sang avait alimenté le bâtiment, le rendant gourmand. Si j'avais bien suivi, les vieux immeubles, la magie et le sang formaient un combo incroyable. Et le terme incroyable n'était pas à prendre dans le bon sens du terme.

Ainsi, quand Dron avait voulu ouvrir, pour préparer la boutique, il avait perdu un peu de sa diction, et de sa vue. Il avait presque fini aveugle. Heureusement il avait eu le réflexe de se reculer. Après cela, il avait vu la magie et m'avait instantanément appelé.

Je ne savais pas ce qu'il attendait de moi mais j'étais prête à réparer mes erreurs. Et si je pouvais éviter de tomber dans les pompes, ce serait le pied.

Ruben descendit par mon bras. Je lui avais pourtant dit qu'il était lourd et que mon corps n'était pas confortable. Mais il ne voulait pas vraiment m'écouter et il s'était quand même enroulé sur mes épaules. Kael le suivit et tout deux se posèrent devant la Taverne. Le temps que je rejoignisse mes collègues, ils filèrent droit dans les jambes de José.

Dron désigna mes compagnons du menton.

-Je suis sous surveillance , affirmai-je en haussant les épaules.

Il observa de plus près Kael et Ruben quelques temps avant de ne plus leurs prêter attention.

-Il faut qu'on fasse quelque chose Ushma. On ne peut pas laisser le bâtiment dans cet état. On pourrait avoir des problèmes.

-De quel types ?

-A tout hasard, je dirais : une discussion agréable avec la police ou mieux , des morts sur le dos.

J'expulsai l'air que j'avais inconsciemment gardé dans mes poumons. Il ne me regardait pas dans les yeux. Il devait voir où j'étais mais ne pouvait pas voir mon visage.Son accent accentué ses phrases . La Taverne n'avait pas été tendre avec lui.

-Est-ce que... C'est déjà arrivé ?

-Jamais.

Je regardai l'assemblé , l'inquiétude était visible sur certains visages.

-Peut-être qu'on devrait... Appeler quelqu'un pour se débarrasser...

-NON,hurlèrent en concert Dron, Jessica et Evi. Je vis José pincer les lèvres et secouer la tête.

D'accord. Pas d'aide extérieure, c'est compris. Je soufflai. J'allai vers la Taverne, histoire de voir si l'enseigne était différente maintenant que je la savais magique et potentiellement mortelle.

Je clignai des yeux plusieurs fois et eu envie de vomir. Ma tête tournait et mes oreilles sifflaient. Mon estomac se contracta une dernière fois avant de me forcer à recracher ce que je n'avais pas. J'eus tellement mal que je m'accroupis au sol, posant une main sur le sol lisse. Un sol lisse ?

Dans un moment de lucidité, je regardai autour de moi. Malgré l'obscurité, je savais que je me trouvais à l'intérieur de la Taverne. Comment était-ce possible ? J'étais presque sûre d'être rester à l'extérieur du bâtiment. Que je n'étais jamais rentrée. Je cherchai la sortie avec ma nouvelle vue désastreuse.

Je vis des formes dehors. Peut-être que je voyais des formes... Je ne voyais plus très bien. Je vomis une nouvelle fois et une de mes mains toucha ce qui était sorti de moi. Il me fallut du temps, pour comprendre que je venais de vomir une quantité non négligeable de sang. Du sang gluant mais du sang quand même.

Je voulus me lever et fuir mais mes jambes étaient entravées par quelque chose de bien plus fort que moi. Je regardai mes pieds et je vis une masse noire et visqueuse remonter sur moi. À ce moment-là , mes yeux explosèrent, ou du moins j'en avais eu l'impression. Je les touchai et mes doigts furent couverts de sang. Je regardai autour de moi et m'aperçus que j'étais cernée. La masse noire était partout. Et elle s'apprêtait à s'abattre sur moi.

J'hurlai et je me fis avaler.

J'ouvrai les yeux mais il fit toujours noir. J'étais allongée sur le ventre, la joue contre le sol gelé. En inspirant, je m'étouffai avec du sang. C'était un sacré miracle que j'aie eu encore un souffle de vie. Malgré ma vision inexistante, je vis deux bâtons plus noir que le reste du décors s'approchaient de moi. Je voulais tellement me lever mais j'étais vraiment trop faible.

Faim.

J'ai faim.

Nourris moi.

Ushma, Ushma, Ushma.

Nourris moi. J'ai faim. Si faim.

La voix n'avait pas d'intonation. Ou alors mon ouïe s'était détérioré. Je ne savais pas qui parlait mais j'étais persuadée que si je l'autorisais à se nourrir de quoi que ce soit, il se passerait quelque chose de mauvais.

Ushma. J'ai faim. Aide moi.

Je fermai les yeux et essayai de dormir.

NON. Ushma , ushma. S'il te plaît, réveille toi. J'ai faim, Ushma. Tu ne peux pas me laisser.

Laisse moi, dormir. Ne vois-tu pas que j'ai sommeil ? Et qui es-tu d'abord ?

J'ai faim. Dis moi oui .

Je veux juste... Dormir... S'il te plaît, laisse moi.

Dis moi oui, dis moi oui et je t'aiderai. Je ne te ferais plus mal, je le jure. Nourris moi. J'ai faim Ushma. J'AI FAIM USHMA.

La voix hurla et ma tête explosa. Alors, parce que j'avais mal, parce que j'en avais marre d'entendre râler une voix sans intonation, parce que de toute façon j'étais en voie de mourir et que j'étais égoïste et que je voulais vivre, je lui dit qu'elle pouvait se nourrir.

Un courant passa dans mon estomac. Je convulsai. J'avais l'impression qu'on me prenait mon âme ou mon essence. Ou mon sang peut-être. Je n'arrivais plus à penser. Je sus que j'étais la nourriture en question.

Je mourus.

Je suis désolée , désolée.

J'avais si faim.

Reviens s'il te plaît.

Ne meurs pas.

Tiens. Prends. Prends. Prends ce qui est à moi. Fait le tiens. Ne meurs pas, elle n'est plus là et j'ai besoin de toi désormais.

Je vis le sol lisse.

Sainte maman. Je voyais. Je ne savais pas par quel miracle je n'étais pas morte ni aveugle ni sourde mais j'allais mieux. Je ne bougeai pas, sait-on jamais. Je baignais dans une marre de sang et une voix dans ma tête n'arrêtais pas de s'excuser. J'étais peut-être dans les vapes mais j'envisageais la possibilité d'être devenue folle. Qui ne le penserait pas ?

Puis mon cerveau eu un déclic. Si la magie était la puissance résiduelle de Magie, il était possible qu'elle ait développé d'elle même une conscience. Ainsi chaque magie de chaque chose aurait un esprit propre malgré le désir de l'entité de ne plus être consciente.

Si j'avais raison, la Voix qui m'avait supplié d'accepter de me laisser me faire manger était la Taverne. Je coupai le monologue de la Voix :

-Ce n'est rien. Il arrive à tout le monde d'être trop gourmand. Ouh quel mensonge. Mon timbre de voix sonnait faux, comme si mes cordes vocales avaient été utilisé pour autre chose que parler. Crier par exemple.

Désolée. Désolée. Mieux ?

Je bougeai précautionneusement chacun de mes membres. Je n'eus aucunement mal.

-Que m'as-tu fait ?

Je t'ai donné de la magie. La mienne. Nous sommes liés maintenant. Je prends de toi et tu prends de moi. Et je ne mange personne d'autre promis.

Je soupirai. Je ne connaissais rien de ce monde. Peut-être me disait-il la vérité ? Ou peut-être pas. Il me fallait un moyen rapide de comprendre commebt fonctionnait cette vie et ce pour hier. Voyons si la magie de la Taverne pouvait faire preuve de bonne foi.

-Connais tu Dron ? Tu lui as volé sa vue. Peux tu la lui rendre ?

Tu me l'ordonnes pas ?

Je devrais ?

-Je devrais ? Je n'aime pas ça mais si c'est nécessaire...

NON,non. Je le ferais. Je promets.

Je me relevai avec douceur. Mes jambes tremblèrent un peu mais c'était un mal nécessaire. J'étais en vie, et c'était tout ce qui comptait. J'ouvris la porte principale lentement et fus choquée devoir que le soleil se couchait. Face à moi, je vis un Kael allongé entre les jambes de José. Ruben avait son corps entier redressé, Dron s'était assis sur le sol. Jessica trainait non loin de là.

-Eh bah... Vous en faites une drôle de tête. Je ne suis pas encore morte vous savez ?

Dron s'était redressé, bouche bée. Il finit par s'avancer et me pris dans ses bras. Son geste fit exploser l'unique barrière qui me permettait de ne pas craquer. Des larmes coulèrent le long de mes joues. Je m'agrippai à Dron et me retenait tellement de crier. A la place, je choisis de faire un peu d'humour.

-J'espère...J'espère que tu connais un bon pressing. Je viens de saloper tout ton haut avec mon... Mon sang...

-Sht,sht. Je ne comprends pas ce que tu dis, ma belle, tu marmonnes dans ma chemise. Et puis , même si j'avais entendu je te dirais que tu es en vie et que c'est tout ce qui compte.

-J'ai...presque... Morte. Des hoquets me coupaient la parole et je ne pus lui expliquer la situation correctement.

-Sht,sht. Là, pleure Ushma, pleure. Tu es en vie, tu peux pleurer. Pleure,pleure.

-La petite fille au T-shirt My Little Poney est morte et la police a trouvé le coupable des meurtres en séries , exposa Jessica.

J'eus un choc avant de rire. Elle n'avait aucun sens du timing ni même une once de compassion.

La petite fille au T-shirt My Little Poney venait souvent acheter des gâteaux pour sa mère malade et ses amis. Elle était polie et riait beaucoup quand je faisais des blagues. Je m'étais habituée à la voir débarquer dans le magasin pour les mêmes gâteaux et la même brique de Capri-Sun.

Et elle était morte. Mon rire se transforma vite en bruits de gorge caractéristique de sanglots interminables.

Accrochée à Dron, je pleurai ma presque mort, et la mort d'une enfant adorable.