11.4

Les genoux au sol sur quelques câbles, les bras tirés en arrière à la limite de me déboiter les épaules, des élancements me parcourant tout le corps, j'essayai de trouver un moyen d'atteindre tant bien que mal l'ordinateur. Une clé récoltant les données était déjà branchée sur le mini-ordinateur, il ne me restait qu'à trouver le bon fichier, le bon passage, le ralentir, l'enregistrer et partir. Mission vouée à l'échec. La poigne des hommes d'Alain était intéressante... intéressante dans le sens où ils semblaient bien plus fort qu'ils ne l'étaient.

Bien sûr, rien n'empêchait le fait qu'ils soient naturellement forts : après tout, ils devaient tous être pères. Ou tueurs à gages. M'attarder sur cette supposition ne ferait que m'inquiéter. Je sentais de la magie. Je la pressentais. Je devais sortir ou comprendre pourquoi on me retenait. Alain me prenait de haut et ça, c'était mauvais. Si quelqu'un se sent supérieur et qu'il est accompagné, il faut se sentir concerné par la situation.

Je jetai de rapides coups d'œil autour de moi tandis que le dernier homme d'Alain pianotait sur l'ordinateur. Je ne pourrais jamais utiliser les enregistrements. Mes paupières s'abaissèrent d'elles-mêmes et je sentis le changement dans mes pupilles. Comme je ne portais pas de lunettes, je décidai d'uniquement regarder le sol : c'était plus sûr. Du violet et du rouge s'entrelaçaient à mes genoux. Le rouge pour la magie démoniaque, le violet pour la magie de sorcière. Pour être dans le vrai, j'étais dans une petite mare de pouvoir et je n'aimais pas ça. Si je baignais dedans, quand étaient-ils de ces hommes ? Ils devaient respirer la magie. La mauvaise magie.

Comme je ne pouvais lever la tête sans je n'aie de représailles, je commençai mon enquête.

- Je peux savoir pourquoi vous avez essayé de me passer à tabac ?

Jouer celle qui ne comprenais pas, pouvait marcher en théorie. En pratique...

- Madame Rowtag. Vous ne croyez quand même pas que nous n'aurions jamais su qui était votre invité hier ?

Hier ? Hier ? Oh. Mince. Alexis.

- Je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez.

- Allons..., commença le dirigeant. Mes hommes m'ont informé que vous avez invité chez vous un chaman. Et pas n'importe lequel. Le plus connu de l'île. Il fait même parti du gratin de la société magique. Vous le saviez ?

- Je ne le savais pas.

- Évidemment. Et les métamorphes qui vous ont accompagné tout a l'heure, eux non plus vous ne saviez pas ce qu'ils étaient ?

Le dédain et le relent de colère pimentaient ces propos. Coincée, je choisis d'attaquer plutôt que de subir.

- Moi, au moins je ne fais pas tuer des enfants, crachai-je.

- Des monstres, Rowtag, des monstres.

Je ne pus répliquer : d'un mouvement il ordonna quelque chose à l'un des hommes qui me soulevaient. On me prit la tête pour la relever. Les paumières fermées, je ne ressentis d'abord que la magie qui circulait dans cette salle. Puis je sentis le vent, j'entendis le sifflement et je reçus une claque suffisamment puissante pour me faire louper une respiration. De justesse je réussis à garder mes yeux clos.

- Regarde-nous quand on te parle traîtresse ! , vociféra Alain. Regarde-nous ! Qui es-tu pour nous ignorer ?

La douleur refluait peu à peu. Je me sentis plus courageuse, plus forte qu'eux : j'avais un excès de confiance, infondé, et j'allais le regretter. La tête haute, hautaine comme me l'avait montré Asda Belevitch, je crachai vers ce qui me semblait être là où se trouver le président de l'Humanité.

- Je ne vous regarde pas parce que vous ne le méritez pas. Je suis tellement, tellement plus que vous. Qu'allez-vous faire maintenant ? Me tuer ?

Ce ne fut que grâce au son que je pus anticiper le coup comme je pus. Je m'étais mentalement préparer mais l'impact me surprit tout de même. Je crus qu'une seule gifle allait pleuvoir. Je me trompai. J'en reçus encore et encore. Le passé se mélangeait au présent et je crus être revenu dans cette cave sombre, humide. Je crus être de nouveau enchaînée comme un animal. Un brouhaha constant. Une vue inexistante. Puis une voix s'éleva :

- Tiens, tiens, tiens. Mais regardez-moi ça messieurs. Regardez comme ces yeux sont anormaux. Cette couleur inhabituelle ne signifie qu'une chose. Qu'est-ce donc ?

Une autre répondit, plus grave, plus sauvage, plus brutale.

- Elle est une abomination m'sieur. Elle n'est qu'une abomination, un monstre, une sauvage.

Quelqu'un d'autre semblait excité. Mon cerveau endommagé me rappela que les plus excités étaient les plus bizarres.

- On doit la purger. La sauver. N'est-ce pas ? N'est-ce pas qu'on doit sauver cette femme ? On doit s'occuper d'elle monsieur Alain.

Je pris peur. Ce genre de propos n'était jamais bons signes. Et bien sûr la peur au début me prit par les tripes, me paralysa, m'empêcha de respirer, de me concentrer ou de réfléchir. Puis vient alors la vague de courage, d'inconscience. Celle qui ne devrait jamais exister. Celle qui montrait que l'homme était homme : il commettait des impairs, des fautes qu'il regretterait plus tard.

- Bande... Bande de grands ma-la-des, toussai-je.

Silence. Je l'avais connu une fois, de nombreuses fois. Il ne précédait jamais rien de bon. Il signifiait que j'avais foiré, que je m'étais emportée, que je n'avais pas su conserver ma place, que je ne me rappelais plus quelle était ma place et que ça, ce n'était pas pardonnable. Je me débattis en comprenant à quel point j'avais énervé ces hommes et me rappelai trop tard que j'avais des nouveaux atouts dans la poche qui auraient pu me sortir de la situation difficile dans laquelle je m'étais retrouvée. Je reçus des coups de chaussures au visage, aux yeux, au ventre. Je sombrai peu à peu bien que j'essayasse de résister au noir. Je partis au fil des coups. Chaque coup me libérait et me faisait flotter. Je planai. C'était mauvais. Tombée dans les pompes maintenant revenait à signer mon arrêt de mort. Mes yeux furent encore touché, plus fort, plus violent comme si la personne essayait de me les enlever. Tout s'éteignit.

Noir.

Morte.

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