11.3

Je regardai, stupidement, la vieille dame dans ce miroir magique.

- Je ne peux pas tuer quelqu'un, dis-je bêtement.

Et pour cause : j'avais un cœur bien trop tendre. Certes battre les gens à plat de couture, leur laisser des séquelles à vie, ne me dérangeait pas. Ôter la vie, par contre, me posait un problème. Qui étais-je pour faire cesser l'existence d'un individu qui avait famille, amour et amis ?

- Ushma, mon enfant, tu es entrée dans un autre monde, une autre réalité. Bien sûr qu'il y aura des différences. Tuer n'est pas si inhabituel ici. Tu peux t'y habituer, tu devras le faire.

Je lui lançai un regard furieux, et agitai mes mains.

- Je n'ai jamais, jamais demandé à entrer dans ce monde. Tu m'y as forcée !

- Tu aurais fait partie de ce monde quoi qu'il en coûte.

- Oh vraiment ?, relevai-je mauvaise, et où est mon libre arbitre dans tout ça ? Si j'avais eu le choix, jamais je n'aurais voulu connaître le monde magique.

Je mentais. Honteusement. Grâce à cette autre réalité, j'avais rencontré des hyènes-garous, je m'étais liée d'amitié avec un renard et un serpent fabuleux. Qui pouvais se vanter d'avoir connu mes moments joyeux ? J'étais juste un peu en colère.

- Tu laisses parler la rancune et l'amertume. Ça ne te va pas , fit-elle hautaine.

- A qui la faute ?

Un silence tendu s'installa. J'entendis le boucan que produisaient les êtres bizarroïdes dans mon appartement. Ils allaient bientôt comprendre que j'étais sortie par le balcon pour aller dans l'appartement d'à côté. Le temps m'était compté, je devais sortir. Et vite de préférence.

- Pourquoi ne pas le mettre en prison, demandai-je pressée et réticente à lui adresser la parole. Cette vieille sorcière devait comprendre qu'elle avait foiré en me cachant de précieux détails. Et en m'abandonnant avec un merdier sans nom sous les bras.

- On évite de mettre des démons dans un endroit clos remplis de potentiels criminels en puissance. Et de criminels tout court.

Ça se tenait. SI les démons se nourrissaient et nourrissaient les sentiments extrêmes, la prison devait être l'équivalent du paradis à leurs yeux. Et le chaos risquait de s'installer rapidement.

- Je ne peux pas tuer Asda. C'est au-dessus de mes forces. Il existe forcément un autre moyen ?

- Pas en l'état actuel des choses. Tu dois le faire Ushma. Il ne peut pas continuer à marcher sur cette Terre. Pas en incitant peur et haine.

Je ne répondis pas. Il devait avoir un autre moyen. J'allais le trouver. Et je n'allais certainement pas faire le sale boulot de la haute société magique.

Boum.

Je tournai ma tête à l'instinct. Mince. Je m'apprêtais à me diriger vers l'armoire faisant fi de madame Belevitch, lorsque je remarquai mes compagnons toujours immobiles sur le tapis. Je les pointai du doigts perplexe. Apparemment, j'estimais avoir le temps pour parler. Elle leva le menton fière et arrogante.

- Ma maison, mes règles. Je choisis à qui je parle. Les autres n'ont pas à entendre à ce moment.

Je réfléchis deux secondes. Je n'avais pas le temps pour ça, pour ces conneries.

- Libère-les. Nous devons partir.

- Uniquement si tu promets.

- S'il te plaît Asda.

- Ushma.

- Quelqu'un d'autre pourrait s'en occuper.

- J'en doute.

Je voulais lui écrabouiller le visage et rouspéter violemment mais elle m'interrompit.

- Promets que dès que l'occasion se présentera, tu le feras.

Je n'avais plus le temps. Je pinçai les lèvres : les promesses, quoi qu'on en dise, étaient sacrées. Mais j'acquiesçai et priai pour ne pas avoir d'occasion. Jamais. Elle disparut du miroir, et j'entendis du mouvement derrière moi. Kael s'ébroua furieusement comme pour faire sortir de ses poils une substance invisible. Ruben semblait étirer ses écailles et je ne savais même pas qu'une telle chose était possible.

Une série d'images qui avaient le goût de l'inquiétude, de l'énervement et de l'impatience s'écoulait en moi. Je ne sus comment je réussis à rester debout.

- Doucement, doucement. J'aimerais voir à moins de deux mètres, vous m'aveuglez.

Ils s'arrêtèrent. Je ne voulais même pas savoir pourquoi ils avaient obéis. Je leur révélai rapidement les derniers dénouements.

- Nous n'avons pas beaucoup de temps, nous ne devons pas rester.

Ils furent drôlement rapides. Ils se plantèrent devant la porte sans que je puisse les voir. Je pris exemple sur eux et attrapai des habits qui facilitaient la course. J'étais persuadée que madame Belevitch et moi ne faisions pas la même taille. Et pourtant je ne trouvais que des vêtements à ma taille et des bonnes chaussures. Magie sans hésitation. Je pris des converses usées : elles restaient des valeurs sûrs et je ne pouvais pas me permettre de tester chaque paire de tennis. Lorsque j'entendis clairement les hommes qui venaient d'atterrir dans mon balcon, j'estimais que j'avais assez traîné.

Mes compagnons furent sur mes talons lorsqu'on quitta l'appartement de la sorcière. Sans que je ne puisse l'en empêcher, la porte claqua, émettant un bruit matte et sonore. Je jurai en même temps que mes poursuivants. C'était bien fait pour moi pour avoir été négligeante. Le temps venait de se raccourcir. Je grinçai des dents, attrapai Ruben pour qu'il s'enroule autour de moi et cavalai les escaliers. Je n'avais pas fait de sport depuis un siècle au moins. Ça ne m'empêchait pas d'avoir des ailes. Nous sortîmes du bâtiment, le soleil nous éblouis sérieusement.

- Eh , madame Rowtag !

Je plissai les yeux et réussis à voir les membres de l'Humanité qui devaient être assigné à ma surveillance. Eh zut. Je n'avais pas le temps pour eux non plus.

Je courus mais pas vers eux. Je ne leur faisais pas confiance et ils m'avaient vus avec des animaux. Combien de temps cela allait-il leurs prendre pour comprendre que ce n'était pas que des animaux ? Ils recommencèrent à me hêler et puisqu'ils avaient toujours le même volume d'intonation, ils me coursèrent.

Les rues défilaient autour de moi. J'empruntai de nombreuses petites rues pour échapper aux humains et aux Alter. Gauche, gauche, droite, gauche, droite, droite. Presque arrivée dans le Centre de la ville. Le poids de Ruben commençait à me ralentir, et mon manque d'endurance me faisait souffrir. Je n'avais aucune idée d'où est-ce que je pourrais aller. Je devais juste trouver un moyen de prouver que les humains étaient responsable des meurtres et éviter ainsi un futur massacre entre les différentes espèces. Et pour ça je devais retourner dans le centre informatique de l'Humanité. La voilà, ma destination. Ça allait être coton avec mes compagnons, ils devaient aller ailleurs.

Au détour d'une ruelle, je déposai Ruben sur une poubelle tout en reprenant mon souffle. Je n'avais que peu de temps avant qu'ils me rattrapent mais je ne pouvais pas juste les abandonner sans explications.

- Je retourne chercher la vidéo qui prouve la culpabilité des humains. Vous, vous allez faire en sorte d'empêcher de vous faire attraper par les Alters et vous allez empêcher cette guerre avec Alexis. Et vite.

D'un hochement de tête, Kael fila au fond de la ruelle et sauta par-dessus une petite barrière. Ruben me regarda longuement. Il m'envoya une image qui avait un goût d'inquiétude. Si j'interprétais bien, il voulait que je fasse attention. Il poussa sur la partie inférieure de son corps pour se hisser dans une gouttière et disparaître. Rassurée et sans un regard en arrière, je quittai la ruelle, prudente. Mes poursuivants humains s'étaient arrêtés dans la rue principale et regardaient partout. Je ne voyais pas les Alters mais je devais me méfier : ils n'étaient pas stupides. N'y réfléchissant pas une seconde , je me mis à parcourir le reste de distance qu'il me restait pour aller dans le centre. Là-bas les Alters ne pourront pas me trouver puisque tous les lieux importants appartenant à l'Humanité leurs étaient indétectables.

Je grimpai les escaliers rapidement bien qu'épuisée. Je n'étais plus une grande sportive et j'avais trop couru. Cela pouvait être dangereux : si je me faisais attaquer, je n'aurais aucune force pour riposter. Arrivée à l'étage correspondant, je vis de la lumière naturelle s'échapper d'un petit espace donné par la porte. J'avais juré avoir fermé la porte, mais... J'étais fatiguée, je n'avais pas dû faire très attention.

J'entrai dans la salle de l'informaticien et me précipitai vers le petit ordinateur. La porte claqua et, prise par surprise, je me retournai. Alain et quatre de ses hommes se trouvèrent dans la pièce. Je reconnus deux d'entre eux : ils faisaient partis des agents qui me surveillaient la nuit d'avant. Ils n'étaient pas prévus au programme, eux. Peut-être ne sont-ils vénus ici que pour prendre de mes nouvelles. Rapidement et sans que je ne puisse y faire quoique ce soit, les hommes me sautèrent dessus et me ruèrent de coups. J'essayai d'esquiver au maximum mais très vite, je m'écroulai de fatigue et de douleur. Je songeais à fermer les yeux et réfléchir au pourquoi du comment de ma situation. Ce fut sans compter sur les hommes d'Alain : ils prirent mes bras et me soulevèrent sans cérémonie. J'étouffai un grognement. Alain s'approcha de moi et le regard qu'il me jetait me révéla qu'il me portait aucune affection.

- Madame Rowtag. Vous êtes une telle ... déception.

Évidement. Le monde ne m'appréciait toujours pas depuis la vieille.

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