Isotz Hautz (2)

Il arrêta le véhicule devant le portail de la partie Sud de la ville, près de ce qui s'apparentait à un brouillard. Ce qu'il appréciait le plus avec les siècles qui passaient était sans conteste l'évolution des voitures. Il ne possédait que la crème de la crème, les plus performantes, les plus puissantes des plus récentes et des plus vieilles, des plus bruyantes et des plus silencieuses. Celle qu'il avait sorti aujourd'hui était la Land Rover. Il était étonnant de savoir que les voitures aient perduré durant tous ces siècles, malgré les crises économiques, malgré l'environnement. Une bonne chose pour lui. La Land Rover avait été conçue uniquement pour lui et son gabarit. L'intérieur entière blanc contrastait avec l'extérieur noir. Le tableau de bord luisait à la lumière du jour. Un diamant était incrusté à l'intérieur. Arthur était à la place du mort parce qu'Isotz appréciait beaucoup plus conduire que se faire conduire. En soit, il avait confiance en peu de personne pour l'emmener d'un point A à un point B. Alors il était vraiment rare qu'Arthur prenne le volant.

L'Achtar regarda par la vitre teintée, à travers le portail. Il aurait dû venir bien plus tôt. N'ayant jamais vu l'habitat de l'agent de liaison, il fut surpris de l'environnement. Jetant un coup d'œil de l'autre côté de la rue pour être certain, il grimaça face au phénomène. La maison et le terrain d'Ushma Rowtag baignaient dans un brouillard épais alors qu'il faisait étonnamment beau et bon de l'autre côté de la rue. De la magie y était impliquée et il ne l'avait jamais remarqué. Il ferma fort les yeux, de l'agacement coulant dans le sang. Il se pinça même le haut de son nez.

Sa faute. Uniquement de sa faute.

- Comment ai-je fait pour n'avoir jamais senti ça, chuchota-t-il dans l'habitacle.

Il ne s'attendait pas à une réponse.

- Comme je l'ai dit, intervint Arthur, tu t'ennuyais. Et tu étais négligeant. Et si je ne me trompe pas, tu évites l'humaine. Cela va faire... neuf mois qu'elle est là et tu n'as pas fait une seule apparition. Si je ne te connaissais pas, je dirais que tu l'as évité.

Hautz lui lança un regard noir, empli de menace de mort. Mais Arthur n'eut pas peur, il en ria même. Après tout, il avait en face de lui non pas son Achtar mais son ami.

Ignorant son second, Hautz sortit du véhicule en époussetant son pull noir d'une poussière inexistante. Lorsqu'il posa le pied au sol, il comprit que la magie impliquée était non seulement rare, mais aussi tout à fait inattendu. La magie de territoire n'apparaissait que si des plus puissantes espèces magiques ne le demandaient. Une des rares magie à être utilisable universellement, elle n'obéissait qu'à elle-même et rarement au propriétaire du terrain. Une humaine n'aurait jamais dû être en contact avec cette magie et ladite magie n'aurait jamais dû créer une maison pour quelqu'un et se lier d'elle-même à la personne. La dernière fois qu'une telle chose s'était produite se fut pour son manoir et son terrain dans la partie Sud. Des centaines d'années s'étaient écoulées depuis. Ce phénomène était aussi rare que de trouver un dragon.

Et trouver un dragon de nos jours relève du miracle, pensa-t-il, même pour moi.

Alors qu'il traversait le grillage séparant la partie Centre de la partie Sud de Vy, il sentit que la magie s'agita brusquement. Il ne pouvait comprendre ce qu'il se passait réellement puisqu'il avait posé un verrou sur les plus puissantes capacités qu'il avait. Ce qu'il était pouvait potentiellement être trop dangereux pour le monde présent. Avant, tout n'était que primaire, sauvagerie, chaos ce qui avait été une bénédiction pour lui lorsqu'il était arrivé sur cette dimension. Cela dit, ce qu'il était n'était pas l'unique raison pour laquelle il n'utilisait jamais ses capacités en entières. Il bridait ses facultés pour la simple et bonne raison qu'il s'ennuyait comme un rat mort et que refuser une part de son être relevait du domaine du défi.

C'était bon, il se l'avouait enfin. Il s'était ennuyé. Il ne prenait plus de plaisir à reconnaitre les espèces en visualisant les magies : tout semblait trop simple depuis des siècles. Même s'il s'occupait de diriger plusieurs espèces, aucune n'avait su raviver son intérêt pour le monde. Il en était même venu à penser au fait de faire une hibernation totale pendant un millénaire. Hautz avait malgré tout conscience que sa disparition pourrait engendrer des conséquences désastreuses. Alors il s'abstenait de songer à l'idée trop longtemps car plus le temps passait, plus ça paraissait attirant comme futur.

Cela dit... Son ennuie n'avait plus l'air d'air d'être vraiment d'actualité depuis peu.

Plus il avançait, plus il ressentait de l'agitation dans l'air. Il décida de rester derrière la barrière blanche au fur au mesure que le brouillard s'épaississait. Il n'arrivait même plus apercevoir la maison de l'humaine en question. Il avait entendu des rumeurs sur le lieu de travail de l'agent de liaison de Vy. Il était heureux de ne pas se trouver face à une barrière menaçante sans portail pour entrer dans la propriété. Il attendit que les hommes qu'ils avaient postés ici apparaissent. Il patienta une minute, deux, et au bout de la troisième il laissa échapper son agacement à travers la magie perpétuelle qu'il dégageait. Il sentit que sa magie cherchait la cible adéquate sur le terrain d'Ushma Rowtag. Elle revint vers lui, bredouille. Elle n'avait pas trouvé les vampires.

Isotz se figea complétement. Il n'arrivait pas à voir à plus de deux mètres alors que sa vision était censée être excellente, sa magie revenait vers lui sans cesse comme si elle était perdue, et peu importe le nombre de sommation mentale qu'il envoyait, aucun de ces hommes ne répondait.

- Dis-moi, susurra l'Achtar, sens-tu quoique ce soit ?

Arthur secoua la tête lentement. Il décroisa les mains qu'il avait gardé dans son dos, dans une position militaire. Une main, cependant, s'apprêtait à sortir la dague qu'il gardait dans le dos, sous son haut. Ce qui se passait était anormal. Soudain, des bruits de pas et de sabots se rapprochèrent de leur position. Ils se détendirent puisqu'ils avaient une vague idée de qui pouvait appartenir ses bruits de pas.

Deux ombres approchèrent révélant peu à peu un jeune homme et un jeune métamorphe en semi-forme. Max était l'un des rares enfants à être purement vampire. Son visage ainsi que ses mains luisaient de crème empêchant le soleil de lui laisser des cloques mortelles et permanantes. Il avait attaché ses cheveux noirs parsemés de blonds en chignon. Il portait un petit sweat de sport identique à son camarade, ce qui était improbable et qui, sans raisons, fit serrer le cœur du Achtar. Rien dans son attitude pouvait laisser croire qu'il éprouvait une grande détresse. Isotz savait ceci car aucun vampire ne pouvait lui mentir, pas même sur des émotions. Avec ses quatre pattes de cerf, son camarade était plus grand que le bébé vamps. Ses sabots tapèrent de plus en plus le sol alors qu'ils ralentissaient en apercevant l'Achtar et son second. Pour une raison qui échappait à Hautz, le métamorphe avait des petits bois qui apparaissaient au-dessus de sa tête.

- Attends, chuchota le métamorphe en retenant Max par la manche, il a des cheveux blancs. C'est normal ? Je n'en ai jamais vu. Peut-être a-t-il fait une coloration ? Il veut se cacher de quelqu'un tu penses ? Je pense qu'on ne devrait pas lui faire confiance. Et le gars à côté n'a pas l'air cool. Retournons dans la maison.

Ils virent alors le sourire rassurant de Max envers son camarade et sa main agrippant celle du métamorphe.

- C'est lui Ade', je le reconnais, ne t'inquiète pas.

Il se tourna vers son Achtar, posa un genou à terre et courba la nuque en respect. Il sentait la peur. Depuis peu, Hautz commençait à se poser des questions sur l'éducation qu'il avait donné aux vampires. Il n'était plus sûr d'apprécier voir un enfant être terrorisé par sa personne. Mais il avait beau tourner le problème dans tous les sens, il ne trouvait pas la solution et ça commençait à le frustrer un peu.

Le dénommé Ade' fronça les sourcils en direction de l'homme à la longue chevelure et pinça ses lèvres. Un sabot avant tapa le sol, de mécontentement selon Isotz.

- Relève-toi mon enfant,salua le Achtar. Explique-moi donc pourquoi tu es ici et ce qu'il se passe.

- Il a le droit d'être là, grogna le métamorphe.

Isotz laisse échapper l'espace d'un millième de seconde son pouvoir pour apprendre au jeune cerf que l'impertinence n'était pas une bonne solution face à un inconnu bien plus fort. Le cerf le regarda alors effaré et s'agita tout autour de Max de peur, effectuant des petits bons. Les instincts du faon devaient lui crier de s'échapper selon Hautz mais il ne souhaitait pas abandonner son ami. Remarquable. Max posa sa main sur le dos de son ami, l'intimant d'arrêter de bouger silencieusement. Pendant une seconde, Isotz remarqua la lueur de mécontentement qui lui était adressé dans les yeux de Max avant que l'enfant reprenne contenance.

Hautz haussa un sourcil.

- Papa et maman ont eu des problèmes avec leur magasin et des humains, commença Max en le regardant droit dans les yeux. Ils ont dit qu'ils allaient plutôt se diriger vers Ush' que vers vous. Et qu'il fallait bien que quelqu'un se décide à aller la voir. Alors Ush les a aidés. Comme maman et papa ont été courtois et gentil, Ush les aime bien. Elle va souvent acheter des trucs dans le magasin. Elle dit qu'elle montre qu'elle a confiance. Ça marche d'après maman. Elle les a aidés pour pleins d'autres choses aussi. Parfois, elle nous invite à manger chez elle. Puis elle a aussi expliqué que je pouvais venir quand je voulais et que je pouvais jouer avec Adeas. Papa a dit que si j'excellais dans mes leçons, je pourrais voir Ush et Adeas tous les dimanches. J'excelle en ce moment alors je viens souvent.

L'Achtar s'étonna de ne pas avoir été mis au courant des problèmes de marchés des Jaxbet. Il avait loupé plus de choses qu'il ne le pensait. Le comportement non conforme des magisters lui prenait la moitié de son temps. Sans parler du fait qu'il devait gérer le Wild'n'Monsters. Et les anges. Sans parler des faes.

- D'accord, d'accord. Que se passe-t-il alors ?

- Même si Ush aime bien dormir, expliqua Max et tandis qu'il continuait à expliquer sa voix devint de moins en moins assurée, elle se réveille toujours dans la matinée pour nous faire un bisou sur la tempe. A tous les deux. Parfois elle joue avec nous, parfois elle remonte se coucher. Mais aujourd'hui elle n'est pas venue Monsieur. Ni le matin, ni à midi. Et quand on est entrée dans sa chambre pour la réveiller, elle n'a pas réagi. Et... je ne l'entends pas respirer. Ce n'est pas normal et j'ai peur... Elle est humaine, elle est donc plus fragile. Il est possible qu'elle soit... qu'elle soit...

- Elle n'est pas morte Max ! s'écria le faon après s'être cambré d'énervement. Elle ne peut pas mourir maintenant, c'est elle qui l'a dit, rappelle-toi ! Il y a juste un problème, c'est tout ! On doit juste l'aider à se réveiller, c'est tout.

Hautz croisa les bras et regarda avec attention les deux jeunes enfants se chamailler. Dire qu'il était surpris du comportement de Max envers l'humaine et le métamorphe serait un euphémisme. Mais il n'avait pas le temps de s'attarder sur ce fait. Il y avait bel et bien une remarque qui sonnait juste même à ses oreilles : Ushma Rowtag ne pouvait pas mourir maintenant. Il avait rendu cette humaine tellement précieuse en la nommant agent de liaison que sa disparition serait un désastre mondial, et ce, sur plusieurs plans. Le terrain d'Ushma Rowtag l'empêchait de sentir quoique ce soit, même la possible mort de la propriétaire. Il allait devoir voir de lui-même pourquoi l'humaine ne réagissait pas aux somations multiples des enfants avec lesquelles elle s'était liée. Et s'il s'était déplacé pour rien... Il serait alors temps de lui apprendre certaines choses.

- Dans ce cas, allons la voir. Arthur, tu restes ici, personne ne rentre, personne ne sort.

- Bien monsieur.

Laissant le vampire se mettre en position, Isotz ouvrit le portail blanc et suivit les enfants qui trottaient déjà vers la maison. Il suivit leur rythme, découvrant peu un peu une allée pavée, de l'herbe tondue et soudainement, comme si le terrain avait compris qu'il n'allait faire de mal à personne, le brouillard se dissipa. Il vit alors Ses deux hommes postés devant la maison, surpris de le voir ici. Hautz serra des dents face à la disparition subite de la présence d'Arthur : ce terrain était totalement instable. Ou trop puissant. Il était remarquable qu'une jeune femme puisse contrôler cet endroit. Et qu'il n'ait jamais remarqué la présence d'autant de magie dans cette région-ci. Il allait devoir arrêter d'éviter l'agent de liaison et lui posait quelques questions.

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