- "Deux semaines. C'est le temps qu'il reste avant que les lumières ne s'éteignent à jamais, ici, sur Terre, ala planète bleue. La plupart des tickets ont déjà été envoyés, et certains pays essaient de faire de la place en plus dans leur étroite navette. L'ONU collabore avec la NASA pour fabriquer des navettes supplémentaires, mais il faut cinq mois pour construire une d'entre elles, donc c'est en vain. Beaucoup de gens sont condamnés, rares sont ceux qui peuvent quitter cet endroit. Seules deux milles personnes de chaque pays peuvent quitter la planète comme vous le savez, et les huit milliards restants resteront ici, piégées. Je pouvais moi-même quitter la planète afin de rejoindre le vaisseau Australien, mais j'ai préféré faire cadeau de mon ticket à une jeune femme ayant perdue son père il y a peu de temps. Je ne souhaitais pas quitter ma mère et la laisser seule sur Terre, sachant que personne ne sera avec elle quand l'astéroïde s'écrasera sur la côte. C'était, ce soir, mon dernier passage sur Fox 8. Passez d'agréables moments avec votre famille, vos amis, vos enfants, peu importe. Courage à ceux qui partiront, et à ceux qui resteront. Bonne chance."

13 Mai 2016. 15 Jours et 6 heures avant la fin du monde.

Il traficotait les liquides, les mélangeant dans un bidon. Il fit attention à respecter les quantités afin que le liquide ne devint empoisonné. Le miroir fracassé devant lui reflétait l'image d'un jeune homme épuisé par les récents événements. Des cernes s'étaient formés autour de ses yeux, témoignant de l'épuisement qu'il subissait comme tout les autres Terriens. Il portait une cicatrice sur l'arcade gauche manifestant les risques du métier. Les Gouvernements avaient ordonné une prohibition afin de limiter l'anarchie et le soulèvement des peuples incompris, oubliés.

Un jeune homme noir ouvrit la porte cassée des toilettes, et dérangea la manipulation minutieuse de Edwin,

"Edwin ! Un gars avec sa bande harcèle ta meuf !"

Cela l'embêtait de laisser en plan son précieux bidon mais étant donné que sa petite amie, Lena, était en réel danger, le jeune homme abandonna ce qu'il était en train de faire. Il prit soin de vider entièrement l'alcool dans l'évier en se dépêchant. Ed' pouvait heureusement bien compter sur son fidèle ami d'enfance Kardjo.

Il le suivit dans le couloir sombre et nauséabond, le conduisant vers sa copine dans la cour. Le jeune homme la vit de loin, se faire toucher par un des gars. Malgré ses débattements et les demandes qu'elle lui faisait afin qu'il arretât, le garçon avait bien l'air décidé de continuer. Ce dernier ne remarqua pas la présence du protecteur de la jeune femme et reçut un coup de poing dans la mâchoire. Le coup fut quasiment fatal et il tomba par terre comme une masse. Plusieurs dents furent cassées et du sang s'échappait de sa bouche. Le blessé émettait des gémissements de douleur.

De ses yeux remplis de haine, il se releva, tourna Edwin face à lui et lui explosa la lèvre à l'aide de deux coups de poing seulement. Ed' ne tomba pas et redressa sa tête petit à petit vers l'homme qui venait de le frapper violemment. Il serra les deux poings, et d'un coup de tête, il mit le garçon K.O. Son corps tomba sur le sol, inerte. Edwin le détaillait d'un regard noir et Lena le tira en arrière vers la sortie de la cour.

" Tirons nous de là", recommanda Ed'.

" Il vaut mieux" répondit Lena".

" Je vais me débrouiller seul, on se voit demain", dit Kardjo.

Le froid inhabituel dans ce pays surprit le couple. Le dérèglement climatique était un des nombreux effets néfastes que connaissait la planète Terre. Ils coururent à travers le dédale des rues et entendaient les voix de leurs ennemis. Par chance, le jeune couple tomba dans un square et se cacha dans un buisson.

" Pourquoi tu ris ?" demanda bêtement Ed'

" Parce qu'ils tirent une sale tête, puisqu'on s'est échappé" ricana elle.

De retour chez elle, Lena s'assit en face de lui, et avec une compresse stérile, elle désinfecta les lèvres ensanglantées de son amoureux. Ce dernier ne cessait de jurer. Après avoir jeté la compresse immaculée de sang, elle se plaça au plus près de son petit ami et le questionna sur ses étranges activités.

" Que faisais tu encore dans les toilettes ?"

" Bah, tu penses bien que j'étais en train de visionner l'intégrale de Star Wars ! "

" Ed', tu m'avais promis que tu allais respecter la prohibition"

" Tu sais, très bien que je le fais pour toi, mais surtout pour nous"

" Ce fric, tu n'en as pas besoin, tes parents sont médecins, bordel !"

" Laisse moi t'expliquer"

" Non, promets-moi juste que tu vas arrêter ! "

" Oui, Lena, je te le jure"

" Tu m'avais déjà dit cela la dernière fois et tu es retombé directement dedans"

Soudain, la porte de la chambre s'ouvrit doucement. Un grand homme assez enveloppé pénétra dans la chambre décorée par des affiches de ses idoles. Il posa d'abord ses yeux sur Lena, et ensuite sur Edwin. Cet homme avait un visage dur, quelques cheveux blancs, et il croisait les bras

- "Désolé Edwin, je ne savais pas que tu étais là. Lena, j'aimerais te parler après, de quelque chose d'urgent"

Elle hocha la tête, puis un petit sourire sur le coin de ses lèvres suivit son premier mouvement. Le père de cette dernière se retourna doucement, clignant plusieurs fois des yeux avant de quitter la pièce.

- "Ton père avait l'air nerveux, tu es sûre qu'il va bien ?", s'inquiéta Ed'.

- "Il sait pour ta famille, il sait donc la chance que vous avez, et il se sent coupable de ne pas pouvoir nous offrir la même chose grâce à son travail."

- "Il ne doit surtout pas se remettre en question."

- "Il est simplement chef de chantier, Edwin."

- "Et alors? Je le respecte, cela doit être difficile tous les jours et ils ont tort de ne pas prendre plus d'hommes comme lui. Car si il faut construire des bâtiments sur la nouvelle planète, une terre promise, ils auront besoin de lui".

- "Tes parents sont médecins, c'est évident qu'ils auront bien plus besoin d'eux".

- "Si tu veux, je peux donner mon ticket à Gemy." Proposa Edwin.

- "Non, tu le gardes, Edwin, et tu y vas."

- "Gemy n'a que quatre ans, c'est encore un gamin qui a une vie devant lui. Et je suis habitué à cette planète de misère, moi."

- "Kepler est très semblable à cette Terre là."

- "Ce n'est pas une raison Lena."

- "Je peux prendre soin de mon frère toute seule, et je veux que tu y ailles, que tu aies une belle vie. En plus de ça, tes parents veulent sûrement que tu les accompagnes ce qui me parait tout à fait normal."

- "Tu penses vraiment que je monterai dans ce foutu vaisseau."

Lena ne bougea plus et le fixa. Une vague d'inquiétude marqua le beau visage de la jeune fille. Il prenait une expression inhabituelle. Elle prit la main chaude de Ed' contre elle.

- "Promets-moi que tu monteras dans la navette." Demanda-t-elle.

Edwin la regarda dans le blanc de ses yeux et soupira, vaincu.

- "S'il te plait. C'est important pour moi."

Le jeune homme se gratta le front et se résolut à s'excuser.

" Pardon, ma Lena"

Cette dernière se blottit contre lui, et l'embrassa intensément. Le regard perdu de Edwin ne savait où se poser dans la chambre de sa petite amie pourtant si familière.