Chapitre 13

~~Howk~~

"Trois choses ne peuvent pas être cachées bien longtemps : le soleil, la lune et la vérité." - Bouddha


Il fait froid, les citrouilles sont de retour, les toiles d'araignées font leur grande apparition dans les vitrines des magasins. Vous l'avez compris ! C'est bientôt Halloween et comme à toutes les fêtes, on fait un truc spécial au café pour l'occasion.

Nouvelles recettes "spéciales halloween" au menu, décorations extravagantes ou encore faire le service dans des déguisements. Au fil des années, on a essayé plusieurs idées mais pour cet Halloween, j'ai un projet bien plus ambitieux en tête.

Je veux transformer tout cet endroit, de l'intérieur à l'extérieur, en film d'horreur.

À l'approche du jour fatidique, je fais une réunion où on se rassemble tous chez moi. Là, toutes les idées sont les bienvenues. On en discute et, à la fin, on trie les propositions en fonction de ce que nous permet notre budget. Et on répartit les tâches.

C'est ce soir qu'elle a lieu, mais déjà, avec Marley, on commence notre petite liste de notre côté.

En plus de ça, c'est la première fois que Jaz revient à la maison depuis son déménagement, donc je suis encore plus impatient d'y être.

C'est bientôt la fin de notre service et il n'y a pas de nouveaux clients à l'horizon. Ceux qui restent, à l'intérieur, attendent l'heure de la fermeture pour partir.

Avec Marley, on est installé à une table, à côté de la fenêtre. La playlist de ma collègue, en fond sonore, passe quelques classiques de musique Soul.

- Il nous faut un thème. Des idées ? 

Elle glisse vers moi la feuille A4 sur laquelle, elle a entouré le mot "Halloween"

- Hum... je pensais à quelque chose de monstrueux. Plus terrifiants que d'habitude. Des vampires, des toiles d'araignées–

- Des dents pointues ? Du sang ? J'aime bien ! Oh ! Et si on faisait des pâtisseries dans ce thème ?

- Tu vois ça comment ?

- Imaginons un gâteau tout noir avec un intérieur rouge. Ou des donuts avec des yeux.

- Je peux en parler avec la pâtissière et voir ce qu'elle nous propose.

Je note l'idée en plus de la proposition de thème. Ce sera possible. Ce sera juste plus cher que d'habitude. Mais évitons les sujets qui fâchent pour l'instant.

- Howk !!, fait tambouriner Marley avec ses ongles sur la table. Je viens d'avoir une idée SEN-SA-TION-NEL, trépigne-t-elle.

- Je suis tout ouï !

- Tu veux un Halloween monstrueux, n'est-ce pas ? Et si on reprenait un concept cinématographique comme dans Monster Academy ou carrément Hôtel Transylvanie. Un truc dans le genre monstrueux mais mignon.

- C'est la meilleure idée que j'ai entendu. Avec une pancarte dehors qui dit " Aucun humain autorisé".

En tant que grand fan de ces deux univers, je suis plus que d'accord. 

- Quel génie !! On se déguise en monstre.

- Oh ! Et on pourrait reprendre le même concept que l'année dernière en décorant les bouteilles et gobelets avec de grands yeux et des dents.

Je m'empresse de noter tout ça.

Ça cogite déjà dans ma tête. J'imagine déjà le tableau d'ici. Des corbeaux qui volent en cercle dans le ciel comme chez Dracula. Des arbres desséchés sur une terre aride et en fond des éclairs qui font vibrer le ciel. Une grosse tempête s'apprête à s'abattre sur le café de l'horreur. Je vois une scène macabre avec du suspense, de la peur, de l'effroi...

Mais tout ça, c'est dans ma tête. Ça ne sert à rien de trop rêver. C'est trop beau pour être vrai. Il faudrait que je soudoie la météo pour qu'elle coopère.

Au lieu de ça, je vais me contenter de ressortir les anciennes décorations pour voir ce qui peut nous servir. Pour le code couleur, un mélange de noir, rouge et violet irait parfaitement..

Il faut aussi penser aux costumes– bon je ne dois pas brûler les étapes. On a encore besoin de l'avis des autres. Peut-être qu'ils auront des opinions différentes.

- Jaz est partant et Darren vient d'approuver, dit Marley en tapotant sur son téléphone.

- Tu es rapide !

- C'est l'idée la plus ingénieuse que j'ai eu depuis longtemps. J'ai déjà hâte de m'y mettre.


Je ne suis pas le seul alors. En rentrant ici, ce serait comme rentrer dans un film d'horreur mais en plus féérique. Ce seront des gâteaux qui vont les accueillir et non une tronçonneuse ou le grincheux dracul a. J'ai envie de voir de l'émerveillement, des yeux qui brillent, de la joie.

C'est une période euphorique pour nous. L'esplanade de la Rivière est un lieu touristique alors lors des festivités comme le jour d'Halloween, le parc est plus animé et bondé. Ce qui profite aux commerces avoisinants, comme le café. On est pleins à craquer et on fait beaucoup de bénéfices ces jours-là. Alors, peu importe ce que ça va coûter pour la décoration, ce sera un investissement profitable si on regarde les profits.

Il faut aussi que je pense à demander à Jaz et Darren si ils seront libres pour nous aider ici.

Et pourquoi pas proposer à Jess de nous rejoindre. Si vous voulez une suite, après ce qu'il s'est passé au bar...Et bah disons qu'on s'est revus, on a dîné ensemble, on a passé un bon moment et on a décidé de rester amis. On était mieux ainsi. Il y a toujours des moments où c'est encore délicat entre nous, mais je fais tout pour regagner sa confiance et retrouver notre vieille amitié. 

- Nouveaux clients en approche.

À l'extérieur, deux personnes prennent place. Un homme et une femme. Ils ne ressemblent pas à des habitués vu comment l'homme scrute les alentours.

- Urgh, je suis fatiguée, se plaint ma collègue en se vautrant sur la table.

- Moi aussi

- Plus que 20 minutes et c'est finito pour aujourd'hui. Pourquoi ils ne viennent que maintenant ?

- Alors, qui y va ?

- Celui qui perd à shi fu mi.

- Ou "celle". En trois manches. Allez !

- Je suis sûr de gagner, déclare-t-elle avec assurance, un sourire taquin sur son visage.

Et elle avait bien raison. Après avoir essuyé une cuisante défaite à 2 contre 1, je me résigne à mon sort. Je traîne des pieds jusqu'à leur table, deux cartons de menus sous le bras. De toute façon, ils ne vont rien commander de très difficile à préparer. La cuisine est déjà fermée pour aujourd'hui.

Sourire de façade pour cacher mon épuisement apparent: activé.

- Bonsoir. Qu'est-ce que je vous sers ? 

- Un américano pour moi et euh... je peux avoir le menu ?

- Bien sûr !!

- Où sont les boissons sucrées ?

Je lui montre et lui donne certaines précisions.

- Si c'est un smoothie qui vous intéresse, ce sera à emporter parce qu'on ferme bientôt.

- Attendez un instant.

Il reste concentré sur la carte et lit minutieusement chaque ligne.

Je ne l'ai jamais vu dans le coin. Avec le temps, même si on voit beaucoup de nouvelles têtes, le profil reste, à peu de choses près, le même. Eux, ils ont l'air différent. Plus élégant même avec leurs vêtements sobres. Je dirai que l'homme doit avoir une cinquantaine d'années tout au plus, ou fin quarantaine. Des cheveux blonds avec quelques mèches grisonnantes, un visage tiré, des sourcils épais et une barbe de 3 jours au menton. Il a une pochette en cuir noir Louis Vuitton déposée sur la table et porte une montre couleur or, qui a l'air d'être chère au poignet.

La femme qui l'accompagne a l'air beaucoup plus jeune que lui. Sa fille ? Ou peut-être sa petite-amie, ne semble pas s'intéresser à ce qui se passe autour d'elle. Elle reste le nez plongé dans sa tablette qui doit être un dernier modèle.

La vie de riche, vraiment ! Chacun sa chance...

Je prends une grande bouffée d'air quand une odeur vient me chatouiller les narines. Qu'est-ce que c'est ?

Une douce odeur de rose. J'ai déjà senti ce parfum quelque part. Elle vient de la jeune femme.

Ce parfum...

Aussi frais qu'une centaine de roses dans un jardin printanier. Aussi enivrant qu'on ne peut s'empêcher de l'humer. Encore et encore jusqu'à ce qu'elle remplisse nos poumons.

Je l'ai senti pendant des jours sur mes vêtements et même lorsque l'odeur s'est évanouie, j'ai continué à la sentir dans tout ce qui m'entourait. Elle était légère et presque indistincte, mais tout autant envoûtante. Je peux la reconnaître parmi mille. Je n'ai rien exhalé de similaire depuis.

C'est elle ? Ou une autre femme qui porte son parfum ?

Je désire retrouver ce parfum depuis des semaines.

Je ne vois pas son visage. Est-ce que c'est toi ?

L'homme dit quelque chose, mais je ne l'écoute plus. Je veux juste être sûr. Savoir si c'est elle ou si je me fais de faux espoirs...

Relève la tête s'il te plaît.

- Tenez.

- Tracy, je laisse s'échapper dans un murmure en reconnaissant ces traits.

Oh mon Dieu. C'est elle.

Ce visage, ses longues mèches bouclées qu'elle a arrangées en deux tresses, ses yeux marrons. C'est vraiment Tracy. Oh mon Dieu.

Je n'arrive plus à contrôler mes émotions. Je suis tellement heureux que je suis en panique totale. Mon cœur va exploser.

Je n'arrive pas à le croire. Si c'est un rêve, je ne veux pas m'en réveiller.

Bien sûr que ce n'est pas un rêve. Elle est vraiment là, assise devant moi.

Elle a l'air tout aussi surprise que moi.

C'était quoi les probabilités pour qu'on se recroise.

Elle. Moi. Ici.

Combien de fois j'ai rêvé de ce jour ! Depuis le temps que je voulais la revoir. Voilà que ça arrive et je ne sais même pas quoi dire.

- Oh...Salut !

Elle m'a parlé. Mon cerveau jette l'éponge, mes neurones sont grillés. Je suis en pilotage automatique. Rien ne va plus.

Je tremble comme une feuille d'excitation et mon cœur bat tellement fort...

Je ne dois pas m'affoler.

Allez, respire Howk et ouvre ta bouche et dis quelque chose.

- Arbre pas lu gâteau.

- Quoi ?

Un truc intelligent si possible. Je résiste pour ne pas lui sauter dessus. Inspire, expire ! On se calme là-dedans.

- Je voulais dire: Tracy ?! C'est vous... Vous vous rappelez de moi ? Howk. On s'est "rencontré" dans le métro et ensuite je vous ai accompagné à l'hôpital...

Ouais voilà. On y est. Continue comme ça. Reste zen !

- Oui, répond-t-elle perplexe en déposant sa tablette. Bien sûr que oui, je me rappelle de vous.

Mon cœur ! Je peux mourir à cet instant, tellement je suis heureux. Elle se rappelle de moi ! Et elle me sourit en plus.

- Vous le connaissez ?, demande l'homme qui l'accompagne.

- Euh non..., elle regarde vers moi, un sourire étirant toujours ses lèvres. On ne s'est vu qu'une fois.

Qu'est-ce qu'elle est belle !

-  Vous vous appelez comment, jeune homme ?

Les rayons de soleil font briller ses yeux et mettent en valeur le marron dans celles-ci.

- Jeune homme ?

Ah ! Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour graver cet instant quelque part. Prendre en photo cette scène et l'encadrer.

- Howk !, m'appelle-t-elle.

- Oui...

- Il vous parle, fait-elle remarquer en désignant son compagnon.

Ah oui...!

- Howk... Howk Carter, monsieur.

- Vous n'entendez pas quand on vous parle ? 

Désolé, j'étais occupé à admirer ce cadeau qui m'a été offert. La revoir, c'est le plus beau cadeau que je n'aurais pu demander. Il reprend, irrité.

- Vous avez quel âge ? Qu'est-ce que vous faites ici ? Quelles sont vos intentions avec Made–

Darren sort de ce corps

Tracy lui coupe la parole avant qu'il finisse.

- James !! Je suis désolée mais tu peux nous laisser seul. S'il te plaît.

Il le fait, visiblement à contre-cœur.

- Ma collègue va vous servir.

Il me dévisage de bas en haut, tout en me fusillant du regard. Il me contourne comme un prédateur qui s'apprête à manger sa proie avant de rentrer à l'intérieur du café. Et la proie en question, c'est moi. Je ne sais pas quelles relations ils ont, mais c'est sûr qu'il ne m'aime déjà pas.

C'était quoi toutes ces questions ? Il ne me laissait pas le temps d'y répondre, qu'il enchaînait avec une autre.

- Si ça ne vous dérange pas de vous asseoir avec moi..., elle désigne la chaise que l'homme vient de quitter.

Ne me le dis pas deux fois !

Il n'est pas méchant, me rassure Tracy. Juste un peu ronchon de temps en temps, mais au fond il est gentil.

- Si vous le dites...

Elle s'amuse de la situation.

- Vous pouvez me tutoyer. Je ne pense pas qu'on ait une si grande différence d'âge

- Vous aussi alors.... enfin, toi aussi

Elle acquiesce, le même sourire sur le visage.

- Alors ? Tu travailles ici, c'est ça ?

- Oui. Je suis à la fois employé et patron. Mais toi alors ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Pas que je ne sois pas heureux de te voir.

Qu'il n'y ait pas de malentendu.

- C'est même le contraire. Je suis juste surpris. Je ne pensais plus jamais te revoir... Ça fait un bon moment que je suis ici et je commence à être habitué aux têtes, mais toi, je ne t'ai jamais vu. Je m'en souviendrai.

- Je vis dans le quartier, mais tu as raison. C'est ma première fois de ce côté-ci du quartier. Je faisais une promenade dans le parc et j'ai vu ton café. J'espère que je ne dérange pas ton travail.

- Non, pas du tout. C'est bientôt la fermeture et on n'a plus grand chose à faire.

- Oh... alors je devrais peut-être m'en aller pour ne pas te donner plus de travail

- Non non, je l'implore presque de rester alors qu'elle commençait à prendre ses affaires. Reste s'il te plaît et commande tout ce que tu veux, je m'en occupe.

Juste ne t'enfuis pas, encore....

Je me sens léger. Comme si je flottais sur un petit nuage ou que je courais dessus. L'adrénaline en moi a atteint son paroxysme. C'est comme quand vous voyez votre vœu se réaliser et qu'un sentiment nouveau se réveille en vous. Je voulais la revoir et la voilà.

Elle parcourt le menu pendant que je l'observe. Un peu trop, parce qu'elle le remarque.

- Quoi ?, demande-t-elle toujours aussi amusée.

- Je constate juste que tu vas mieux. La dernière fois, tu étais tellement pâle que j'avais peur pour toi. Tu as repris des couleurs.

En déposant le menu sur la table, son sourire disparaît pour laisser place à une expression plus sérieuse.

- C'est pour ça que tu es resté toute la nuit ?

- Oui... mais tu es parti avant le matin...

- Tu dormais paisiblement et je ne voulais pas déranger ton sommeil. Mais c'est vrai que je n'ai pas eu l'occasion de te remercier proprement ce jour-là. Merci pour tout ce que tu as fait. Merci d'être resté avec moi. Ça m'a beaucoup aidé.

- Je t'en prie. Tu n'as pas besoin de me remercier pour ça. Tout le monde ferait pareil à ma place. C'était avec plaisir, si j'ai pu t'aider.

Elle se replonge dans la carte et cette fois, je reste plus prudent. Je ne veux pas qu'elle m'attrape encore en flagrant délit. Elle pourrait me trouver flippant et ça, c'est le pire. D'habitude, jamais je ne ferais ce genre de chose, encore plus si c'est une cliente. Mais elle n'est pas une cliente comme les autres.

Parle-moi, Tracy. Je veux encore te parler.

C'est difficile de détourner mon regard d'elle, mais j'y arrive. Sur la table, devant elle, en plus de sa tablette, est déposée un assortiment de fleurs différentes, cueillies à l'arrache.

- Tu aimes les fleurs ?

- Hum ? Non... enfin je ne sais pas trop.

Je prends l'une des fleurs.

- Je les ai trouvés dans le parc. Elles ont une certaine beauté, je trouve, alors je les ai prises avec moi.

- C'est vrai... Tu sais comment elles s'appellent ?

- Non.

- Je ne sais pas pour les autres, mais la fleur rose devant toi, un peu boursouflée, c'est une pivoine et pour celle-ci..., je la détaille attentivement, je pense que c'est une pétunia, finis-je par déclarer. À ces mots, je lui présente la fleur bleue en forme de trompette, dans ma main en continuant. J'aime ce qu'elle symbolise. Le calme, l'espoir et le désir. Elles apparaissent en été et peuvent survivre à l'automne. Apparemment, tant qu'il y a du soleil, elles continuent leur floraison.

Je dépose la pétunia dans ses cheveux, sans faire attention à ce que je fais. C'est en remarquant la surprise sur son visage, que je m'empresse d'enlever ma main. Je me confonds en excuses. Qu'est-ce qui m'a pris ? Garde tes mains pour toi.

Ce n'est pas grave.

C'était déplacé, mais cette fleur dans les cheveux lui va bien. En plus, avec ses deux tresses de chaque côté de son visage... Elle a l'air mignonne comme ça.

- Tu t'y connais en fleur, remarque-t-elle.

- Pas vraiment, je lui réponds nerveusement. Tout ce que je sais, je le dois à ma mère. Elle avait une vraie passion pour les plantes, les fleurs, tout ce qui est vert, et elle s'intéressait à leurs significations et leurs bienfaits.

Elle sourit encore et mon cœur se remet à s'affoler. Qu'est-ce qui m'arrive, bon sang ?

Je me racle la gorge pour évacuer tous les fourmillements qui traversent mon corps et la nervosité qui commence à me gagner.

- Tu as choisi ce qui te ferait plaisir ?

- Pour être honnête, je ne sais pas trop. Il y a tellement de choix et ils ont tous l'air bons.

- Tu as une grosse faim ou tu veux juste quelque chose à boire ?

- Un truc à boire et une pâtisserie à emporter. Tu me conseilles quoi ?

Elle me demande un conseil. Il ne faut pas que je me plante. Je dois lui proposer le meilleur.

- Que dirais-tu d'un latte matcha ?

Elle grimace et réfléchit quelques secondes avant d'approuver. Je m'empresse de retourner à l'intérieur pour préparer sa commande.

L'homme qui l'accompagne sort avec une tasse en main lorsque je rentre à l'intérieur. C'était comme si il attendait que je me lève pour reprendre sa place. Mais avant, il prend soin de me menacer du regard pour me faire comprendre qu'il ne m'aime pas du tout.

Après lui, c'est Marley qui vient en toute hâte à ma rencontre alors que je m'installe derrière le comptoir.

- Te voilà ! C'était quoi ça ? Je pensais qu'on s'était mis d'accord ! Et puis c'est quoi ce gorille que tu m'as envoyé ?, me demande-t-elle d'une petite voix. Elle jette des coups d'œil par-dessus le comptoir pour être bien sûr qu'on était bien seul.

- Désolé, c'est de ma faute. Mais je suis un peu pressé pour l'instant. J'ai une commande à préparer.

C'est sûrement moi qu'il veut tuer, après que j'ai pris sa place. Je chauffe de l'eau pour le thé et je fais sortir une tasse.

- Je vois ça. D'ailleurs j'ai tout vu. C'est qui, cette fille ?

 - Tracy

- "Tracy". On est censé la connaître ?

- Non.

Pâtisserie. Pâtisserie. Il ne reste pas beaucoup de choix. Je prends laquelle ?

- Alors, c'est qui ?

- Je t'en parlerai plus tard.

- "Il en parlera plus tard". Vous vous êtes rencontrés comment ?

- Plus tard, Marley.

Allez, on part pour la tartelette au citron. Pas le meilleur mais je n'ai pas mieux.

- "Plus tard, il a dit" Plus tard, c'est quand ? Ce soir ?

- Attends, tu fais quoi à pianoter ton téléphone comme une dingue depuis tout à l'heure ? Et c'est qui "on" ?

- Darren, Jaz et moi, bien sûr ! Je leur écris depuis que Mr gorille est apparu. Et ensuite je t'ai vu faire des trucs bizarres, des grimaces avec ton visage et j'ai su que c'était un truc qu'il ne fallait pas manquer.

- Donc tu as contacté tes acolytes.

Tes complices de commérages.

- Que veux-tu ? On a une passion en commun: ta vie.

- Hum...

Je mets la tarte dans un carton et m'occupe du matcha. J'y suis habitué et ça ne me dérange pas plus que ça en tant normal, qu'ils veulent tout savoir sur tout, mais ce n'est pas le moment là. Je ne me sens pas bien. De l'adrénaline traverse mes veines. Je suis toujours aussi heureux et excité que tout à l'heure, mais tellement nerveux que mes mains sont moites.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?, m'interroge Marley en venant s'adosser sur le comptoir à côté de moi. Son ton est plus bas, plus calme et elle a l'air moins survoltée qu'il y a quelques secondes. Tes mains tremblent.

- Ça se voyait ?, je me tourne vers elle, désespérée. J'étais aussi bizarre que ça ?

- Très.

Oh merde ! C'est sûrement pour ça qu'elle avait l'air si amusée. Je me suis ridiculisé

- J'ai comme l'impression que je vais exploser.

- Ah ça oui !! Tu es tout rouge, mon pauvre. Qu'est-ce qui s'est passé là-bas ?

- Je l'ai vu et j'ai perdu mes moyens. Mon cœur bat à la chamade depuis et j'ai l'estomac noué. Je crois que je couve quelque chose. Mais je n'ai pas envie qu'elle parte.

Elle m'examine, les yeux ronds en silence, avant d'afficher un sourire béat sur son visage. Presqu'idiot.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que j'ai ?

- Eh bien sache que tu n'es pas malade. Enfin si, quand même. Mais ce n'est pas si grave que ça.

- C'est quoi ?

- Tu as eu le coup de foudre !!

Le coup de foudre ?

- Elle te plaît, non ?

Si elle me plaît ?

- Mais on ne se connaît même pas...

- C'est pour ça qu'on l'appelle le coup de foudre. L'amour au premier regard. Tu l'as vu et tu as eu un zing. Ça crève les yeux.

Ça crève les yeux ?

Je viens de zinguer ? 

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