Chapitre 11
~~Tracy~~
J'ai froid.
Je ne sais pas pourquoi je vous le dis mais il n'y a personne autour à qui je puisse me confier. Je meurs de froid. Mes membres sont gelées et engourdies.
C'est étrange comme sensation... Être là, couchées sur ce grand lit, tous ses vêtements et cette couette qui me recouvre mais sentir intérieurement le froid me consumer. Attaquant chacun de mes organes.
Je suis comme morte. Je bouge à peine et il y a toutes ces aiguilles plantées dans ma peau. Seul le bruit des machines me tient compagnie quand je ne suis pas assommé par les médicaments.
C'est la première fois depuis des jours que je retrouve une certaine lucidité. Comme ça fait plusieurs jours que je n'ai pas mis un pied hors de mon lit. Je n'arrive tout simplement pas à tenir sur mes jambes. Je reste enfermée dans mon appartement, entourée d'inconnus en blouse blanche.
Actuellement, ma chambre ressemble à celle d'un hôpital.
Ils ont installé tout le nécessaire pour que je ne meure pas. Après tout, il n'y a rien que l'argent ne puisse acheter, n'est-ce pas ? Même ma vie.
Ils m'affaiblissent pour me maintenir en vie; parce qu'à chacun de mes mouvements, il y a un risque que je refasse un arrêt cardiaque.
J'ai déjà fait 2 crises cardiaques après mon retour de l'hôpital. D'après ce que m'a expliqué le cardiologue qu'a engagé James, ça reste moins grave qu'un arrêt cardiaque mais cela cause de sérieux dommages à mon cœur...
Chaque crise affaiblit mon cœur et il faut éviter que j'en fasse une troisième... elle pourrait être fatale.
Je ne sais pas quoi en penser. À ma place, vous feriez quoi ?
Je ne sais même plus comment réagir à une telle nouvelle. Pleurer ? Avoir peur ? Me réjouir d'être encore en vie ?
Dites-moi comment réagir. Quelle est la meilleure façon de me comporter. Je ne supporte plus le regard inquiet de James qui doit me prendre pour une folle. Selon lui, je suis bien trop impassible face à cette situation qui s'aggrave.
Qu'il me dise ce que je dois faire et je le ferai. Tant que ça me permet d'être "normal" à ses yeux.
Pourtant, je ne fais que me comporter comme l'aurait souhaité mon père.
Docile et obéissante.
Si rester en vie est le mieux pour moi, alors qu'il fasse tout ce qui est en leur pouvoir pour me remettre sur pieds; mais si mourir est un choix tout autant avantageux alors que ça se fasse. J'accepte mon sort quel qu'il soit.
Ça fait longtemps que je ne désire plus et que ce genre de décision ne me concerne plus. Qu'ils fassent de moi ce qu'ils veulent. Je suis à leur merci après tout.
**********
Quel jour on est ? Depuis combien de temps suis-je couchée ici ? Je vois le soleil se lever à travers les rideaux. Cette fois-ci, James est assis à côté de moi. Il me parle mais je n'ai pas envie de l'écouter.
J'ai un sentiment étrange qui me bouffe de l'intérieur. Comme si j'avais un gouffre béant dans la poitrine. Je l'ai déjà ressentie avant mais pas aussi intensément.
Je déteste ça. C'est désagréable. J'ai encore plus froid aujourd'hui. Mon corps tremble. J'ai mal à la poitrine. James s'agite. Je ne l'entends pas.
Je veux qu'on me laisse seule. Je me sens tellement triste et vide. Pourquoi personne ne peut calmer ça ? Les médecins sont payés pour ça. Pourquoi ils n'arrêtent pas ça ?
James, tu es là. Pourquoi tu ne fais rien pour m'aider ?
Respirer me brûle les poumons, parler m'est impossible. Mon corps souffre. Mon cœur est en alerte. Un claquement et il bascule dans le néant.
Mon cœur m'abandonne. Il défaillit, tressaille et se contracte. Mes battements sont faibles, à peine perceptibles.
**********
J'ai encore une fois échappé à la mort. Il fait nuit cette fois. James n'est pas là. Les rideaux sont ouverts. Je passe quelques minutes à contempler le ciel étoilé me demandant si ce soir serait la dernière fois que je le regarde. Il est plus beau que jamais. J'aimerais passer toute la nuit à le regarder comme avant mais le flou recommence à me prendre avant que je ne perde connaissance.
**********
Il n'y a rien de reposant dans le fait de dormir à longueur de journée. Je suis en permanence plongée dans mes cauchemars. Je ne peux plus décider de rester éveillé pour les éviter. Ils me guettent comme le monstre dans le placard qui attend qu'on s'endorme, qu'on baisse notre garde avant de nous rendre visite. Il s'approche à pas de loup de notre lit et de sa grande gueule nous gobe tout cru. Aspirant par la même occasion toute essence de vie de notre corps déjà décharné.
Je préfèrerais qu'on me tue que de continuer à vivre cette torture.
**********
Mes pensées sont brumeuses à mon réveil. Je ne pense à rien. Je ne sens rien mais des larmes ruissellent sur mes joues. Je suppose que je suis triste. Mais pourquoi ?
Et qui sont ces gens autour de moi ? Où est James ?
Ah ! Le voilà. Si il est là, tout ira bien. C'est ma seule consolation. Je pourrais lui confier ma vie sans hésiter.
Il est posté en arrière derrière toutes ces blouses blanches.
Encore cette mine serrée. Ça te vieillit. Je te l'ai déjà dit pourtant.
**********
Je me sens vulnérable, comme nue. Comme si il n'y a rien qui me couvre. J'ouvre les yeux. Il y a une femme, à peine plus âgé que moi, qui se tient au dessus de moi.
À chaque mouvement de bras, je sens un truc froid se répandre sur ma peau.
C'est froid. Ne me touchez pas. Où sont mes vêtements ? Où est James ? Qui êtes-vous ?
Pourquoi je me sens aussi misérable ? Recouvrez-moi, s'il vous plaît.
Ne me regardez pas. Je suis un désastre ambulant.
Ah...je suis si fatigué. Je me sens repartir.
Je suis tellement faible. Je n'arrive pas à garder les yeux ouverts.
Lorsque je reprends à nouveau connaissance, elle avait disparu. Ça m'arrive souvent ces derniers temps. Parfois, j'entends des bribes de conversations mais en ouvrant les yeux, il n'y a personne. Je vois des gens et la seconde d'après, ils disparaissent.
Je ne distingue plus la réalité. Je ne sais pas si ce que je vois n'est qu'une illusion, une autre de mes imaginations parce qu'à cet instant, je vois ma mère. Couché tout contre moi. Ses cheveux gris me chatouillent le visage. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu. Elle dort et sa chaleur m'enveloppe. Je me sens bien comme ça.
Je ferme les yeux pour en profiter. Si ce n'est qu'une illusion, je préfère la nourrir pour continuer à me sentir protéger.
**********
J'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir. À moi, ma vie et mes désirs et j'en suis venu à certaines conclusions.
Si ça ne tenait qu'à moi, je souhaiterais mourir. Ma vie n'a été que mensonge et souffrance depuis ma naissance. Si je meurs, je serais libéré de ce fardeau, de ma famille, de l'héritage que je dois endosser et de tout ce qu'on attend de moi. Ainsi que de cette vague de tristesse qui m'étouffe la poitrine. J'aimerais laisser mon cœur faire le sale boulot à ma place.
Je ne serai pas triste de mourir car je ne suis pas heureuse de vivre.
Mais d'un autre côté, j'ai envie qu'on me prenne la main, qu'on me regarde dans les yeux et qu'on me dise d'une voix calme et rassurante que tout ira bien, que je ne dois pas m'inquiéter et qu'on ne me laissera pas seul.
J'ai terriblement besoin de retrouver cette tendresse.
**********
Les médicaments inhibent mes sens et m'affaiblissent. Je raconte n'importe quoi et je ressens beaucoup de choses tout aussi absurdes les uns que les autres.
Je sens toujours ce manque au plus profond de moi. Quelque part dans ma poitrine.
Je n'ai plus contrôle sur rien. Ni mon corps et encore moins mes émotions. C'est la cata. Mes émotions ne sont pas jolies quand ils ne sont pas en laisse.
Tout ce que j'ai intériorisé se révèlent à moi. Mes peurs, mes doutes, ma colère, ma peine, ma solitude, ma rancœur, mes humiliations, mes envies, mon dégoût de moi-même, ma frustration et beaucoup d'autres. Une horde d'émotions qui m'attaquent alors que je suis déjà à terre et désarmé.
Pourquoi les médicaments ne peuvent pas les anesthésier, m'engourdir émotionnellement pour que plus rien ne m'atteigne ?
Au lieu de ça, c'est le contraire qui se produit. Mon corps est épuisé et mes émotions sont décuplées.
Mon cœur me demande quelque chose que je n'ai pas. Et jusqu'à ce qu'il l'obtienne, il restera sur la pente raide. Il veut que je décide: entre basculer dans le néant ou laisser la vie me reprendre dans son tourbillon.
Il veut une raison de vivre pour continuer à se battre pour moi, pour nous. Je ne sais pas où la trouver pour satisfaire son désir...
**********
Même si j'y échappe à chaque fois, je me sens chaque jour plus proche d'elle.
La mort.
Elle me tend la main et je suis tentée de la prendre. Elle m'invite à une dernière danse et je veux me laisser emporter dans cette valse mortelle.
Je pourrais refuser si j'en avais envie mais l'offre est trop envoûtante pour lui tourner le dos. Si ça me permet de revoir ce beau paysage, ces fleurs, ce petit lapin, ces beaux yeux bleus et cette sensation de liberté. Pour ne plus avoir mal et pouvoir flotter.
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