Chapitre 1
~~ Howk ~~
"Trouver un sens à sa vie n'est pas facile mais ça reste permis. Et je pense que le jeu en vaut la chandelle." Bill Watterson
12 Septembre 2024
Il y a certains matins où on se réveille avec le pressentiment qu'on entame une belle journée. On se réveille de bonne humeur et on espère juste que ce sera vraiment le cas. Aujourd'hui c'est l'une de ces matinées pour moi.
_ Hey Jaz ! Tu vas être en retard. Je vais te conduire à l'université.
Il y a des jours tout aussi normaux que spéciaux. Ils commencent banalement mais on sait ce qui nous attend et même de l'inconnu on est impatient. Que ce soit à cause de ce rendez-vous important ou parce que mon jeune frère entame sa vie universitaire, ce jour marque le début d'un nouveau chapitre pour tous les deux. Un chapitre plus prometteur que le précédent.
_ Quoi ? Tu vas vraiment me conduire à l'université ? Me conduire ? Genre avec ta superbe moto ? s'étonne-t-il en sortant à toute vitesse de sa base secrète à moitié habillé.
_ Le père Noël est en avance cette année. Tu te dépêches avant qu'il ne change d'avis ?
À ces paroles un grand sourire vient illuminer son visage pendant que je peux voir l'excitation monter en lui
_ Okay okay, donne-moi cinq secondes et je serai prêt, s'extase t-il en retournant dans sa chambre
_ Seulement cinq secondes ?
_ Deux ! C'est largement suffisant.
De mon côté je continue de préparer nos toasts pour un petit déjeuner rapide ainsi que deux thermos remplis de citronnades pour la journée.
J'arrive à entendre un vacarme venant de sa chambre. Son placard qu'il ouvre et referme aussitôt, le claquement des tiroirs et le bruit sourd de quelques objets qui tombent. On dirait qu'il fait la guerre à chaque objet de la pièce.
_ Fais attention à ne rien casser ! je lui lance depuis la cuisine.
Je sais pertinemment que c'est ce que je lui ai dit plus tôt qui a démarré ses batteries et qui lui donne l'énergie de se presser. Il m'a demandé un nombre incalculable de fois de l'emmener au lycée à moto mais à chaque fois je refusais. Là, il ne va pas laisser passer sa chance.
Je jette un coup d'œil à ma montre pour vérifier qu'on n'est pas trop en retard. Ça devrait aller si on oublie le fait qu'il n'aura pas le temps de manger avant qu'on parte.
J'ai une routine que je respecte rigoureusement et aujourd'hui je m'en suis beaucoup écarté. Les klaxons des voitures ainsi que tout le brouhaha dans la rue, que j'arrive à entendre depuis la fenêtre entrouverte, ne font pas partie de celle-ci. Encore moins ce soleil qui éclaircit la pièce.
D'habitude, il fait encore sombre lorsque je pars et quand je rentre c'est pareil. Ça faisait longtemps que je n'avais pas assisté à un lever de soleil depuis chez moi.
Après avoir nettoyé les miettes de pain sur le comptoir de la cuisine, je vais prendre mes clés et au même moment Jaz refait une apparition plus présentable qu'il y a quelques minutes.
Il se dépêche de refermer la porte derrière lui mais j'ai eu le temps d'apercevoir le champ de bataille qu'il a laissé dans la pièce.
_ On y va ? dit-il malicieusement, avant de saisir son petit déjeuner, que j'avais préalablement mis dans un sac alimentaire et de se diriger vers l'entrée.
_ Si j'avais su que dire que je te conduisais à l'université te ferait te dépêcher pour une fois. Je te l'aurais dit depuis hier. Tu serais levé bien avant le soleil, j'ironise tout en fermant la porte derrière nous.
_ Quand ton plus grand rêve se concrétise, il faut savoir saisir sa chance avant qu'il ne soit trop tard. Par contre, tu as intérêt à ne pas te défiler.
_ Je n'y compte pas !
_ D'ailleurs, tu n'es pas déjà en retard pour ouvrir le café ?, m'interroge-t-il en marchant à reculons le long du couloir qui mène aux escaliers, son petit déjeuner déjà entamé en main.
_ Je prends ma journée aujourd'hui. Marley est déjà au courant.
Je prononce ces paroles nonchalamment mais Jaz se fige de surprise et laisse tomber sa tartine. On peut déceler sur son visage mille et une émotions qui se bousculent pour décider laquelle serait la plus souhaitable dans cette situation.
Et je sais déjà ce qui suit quand il fait ce genre d'expression.
C'est le moment où on a droit à son moment "DRAMA QUEEN"
_ Quoi ? lance-t-il en sortant de sa torpeur. Je dois être en train de rêver là. C'était déjà assez bizarre que tu veuilles que je monte sur ta précieuse moto mais en plus de ça tu veux prendre une journée de congé ? Pincez-moi, je dois être en plein rêve. Howk Carter qui ne prend jamais de vacances, un vrai addict du travail décide de prendre toute une journée. J'en crois pas mes oreilles. C'est un miracle. Je suis ému. Je suis fier de toi.
Il finit son discours passionné en feignant des larmes invisibles qu'il essuie.
_ Tu aurais dû prendre une école de théâtre et non d'art vu comment tu excelles dans l'art du drame. Et baisse d'un ton si tu ne veux pas réveiller tout le voisinage.
_ Non mais je m'inquiète là ! Tu es malade ? Tu as de la fièvre ?
_ Je ne suis pas malade. Tu peux vérifier si tu veux
_ Alors, c'est sûr que je rêve.
D'un mouvement des mains je lui ébouriffe les cheveux et je lui pince les joues assez fort pour que la douleur lui fasse comprendre qu'il est bel et bien réveillé.
_ Tu ne rêves pas, petit et si t'en aies pas convaincu, j'espère que ça te réveillera.
_ C'est bon ! Ça fait mal ! Arrête ça ! se plaint-il en tapant mes bras pour que je relâche ma prise. Ce que je fais avant qu'il saisisse ses joues rougies et les frotte pour soulager la douleur.
_ Ack ! T'es pas possible. C'est le jour de la rentrée et tu sais bien que c'est un jour décisif pour moi. Mais maintenant à cause de toi je dois me présenter avec des joues toutes rouges devant les autres. Ce sera entièrement de ta faute si je n'arrive pas à me faire des amis, grommela-t-il en dévalant les escaliers.
_ Ne t'inquiètes pas. Ce ne sera pas ça qui t'empêchera de te faire des amis. Tu es le roi de la socialisation. En plus les joues rosées te vont bien, me moquai-je.
Je peux entendre son exaspération depuis les étages inférieurs.
Il avait quand même raison. Ça fait 4 ans que le café est ouvert et je n'avais pas pris de congé depuis. Même dans les débuts où le café ne marchait pas bien, j'avais pris un petit boulot pour compenser... Aujourd'hui tout ça me paraît lointain.
Mais dans quelques heures tout sera fini. Je n'ai plus à m'inquiéter pour l'avenir. Je n'aurais qu'à poser ma signature sur ce document et tout sera réglé.
Je descends les 3 étages qui séparent notre appartement du rez-de-chaussée et je sors de l'immeuble. Jaz a dû se remettre de sa frustration de tout à l'heure parce que je le vois un peu plus loin dans la ruelle se diriger d'un pas enthousiaste vers le parking du quartier.
On vit dans une rue commerçante ce qui fait que le quartier est toujours animé mais ça n'enlève pas qu'il y fait bon vivre et les habitants sont tous proches et solidaires. On se connaît tous ici. C'est comme si on formait une grande famille. Le genre où les problèmes de l'un deviennent automatiquement celui de l'autre. Et c'est ce qui nous a aidé dans le passé après le décès de notre mère.
En marchant dans la rue, je ne peux m'empêcher de me sentir nostalgique. L'odeur du pain chaud qui vient de la boulangerie du vieux Larry embaume la rue et me rappelle les moments où on jouait à l'apprenti boulanger moi, Jaz ainsi que Darren. Celui-ci est déjà occupé avec une horde de clients qui veulent faire le plein pour la journée à coup de pain et de croissant.
Il n'a pas énormément changé ces dernières années. Toujours avec son visage arborant une expression aimable, sa barbe grisonnante et sa brioche qui dépasse. Je lui fais signe de la main pour lui dire bonjour quand nos regards se croisent. Nos familles ont toujours été proches et il a été d'une grande aide pour nous pendant nos moments difficiles. D'ailleurs c'est aussi le père de mon meilleur ami.
Je me presse de retrouver Jaz dans le parking qui ne cache pas son émerveillement. Je peux le comprendre. Ça me fait le même effet quand je vois mon petit bijou.
_ On dirait la moto des mafieux dans les livres ! s'exclame-t-il tout en la dévisageant sous tous ses angles.
Je lui tends mon casque en m'installant ce qu'il refuse aussitôt.
_ Je ne le veux pas. C'est à toi de le porter. C'est le conducteur qui a obligation de porter un casque. Tu sais combien d'accidents mortels sont causés à cause d'un chauffeur imprudent qui n'a pas mis son casque ? Ne parlons même pas des arrestations...
_ Le chauffeur imprudent te supplie de prendre son casque si tu ne veux pas qu'il te laisse te débrouiller seul pour aller à l'université. Et plus de balades à moto.
_ Ça c'est du chantage et c'est injuste.
_ Et punis par la loi ? Je sais.
Voyant qu'il n'est pas prêt à céder, je lui propose un marché. Il ferme les yeux sur cette infraction et je lui promets de m'acheter toute une panoplie de casques pour que cela ne se reproduise plus.
Il accepte malgré lui. Même avec son sens aigu de la moralité ce n'est pas suffisant pour éteindre son envie de faire ce tour à moto.
Et je sais pertinemment qu'il a raison mais entre lui et moi, je préfère largement sa sécurité à la mienne.
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