Unreality

AVERTISSEMENT, merci de lire ceci avant d'entamer votre lecture : ce One-Shot fait mention de violence, d'attaques et de fusillade. Âmes sensibles, réellement s'abstenir. Soyez pleinement conscient en commençant votre lecture, que cette histoire traite d'un fait existant en le narrativisant et le fictionnalisant. 

Par ailleurs, je tiens à préciser que toute ressemblance avec des personnes réelles ou ayant existé, ainsi qu'avec des évènements réels ou ayant existé, est purement fortuite

Si tout est clair entre nous, je vous souhaite à tous une "bonne" lecture, et je remercie Mrs Rogers pour toute l'aide qu'elle m'a apporté pour écrire cette histoire. Tu es géniale. 

** 

Unreality

Death Cab for Cutie – I will follow you into the Dark

Peter retira son bonnet trempé par la neige et ébouriffa ses cheveux avec une main, avant de les remettre en place. C'était une journée comme les autres au lycée de Midtown, et l'hiver étant désormais bien installé, il neigeait dans le Queens. Tous les élèves étaient surexcités et s'amusaient comme les enfants qu'ils étaient, pataugeant dans la neige fraichement tombée, les cils recouverts de glace fondue, les joues rosies de froid et les yeux rieurs.

D'un pas assuré, Peter se rendit directement jusqu'à son casier duquel il récupéra quelques livres et cahiers, les échangeant avec d'autres, indifférent aux autres élèves qui chahutaient, lorsqu'il reçut quelque chose de froid et humide sur le visage. Une boule de neige, visiblement.

Il se retourna, interloqué, pour croiser le regard moqueur de Flash qui riait de sa déconvenue avec ses amis. Peter aurait bien aimé avoir quelque chose à répliquer, mais il préféra se taire, encore. Pire que ça, il savait que Flash était fan de Spider-Man, alors si seulement il pouvait être au courant, Peter savait qu'il ne le traiterait plus comme il le faisait depuis le début du collège. Malheureusement, il savait aussi qu'il ne pouvait pas dévoiler son identité simplement pour régler un simple problème entre lycéens...

- T'es prêt pour aller voir le Dernier des Jedi, alors ? murmura une voix surexcitée dans le dos de Peter.

Ce dernier se retourna, oubliant soudainement Flash, pour tomber nez à nez avec son meilleur ami, Ned, qui le regardait avec les yeux plissés et un sourire diabolique.

- Arrête, la journée va paraître interminable jusqu'à ce soir ! s'exclama-t-il en refermant ensuite son casier pour suivre Ned dans les couloirs.

Ils se dirigeaient vers leur premier cours de la journée, biologie. Peter n'était pas particulièrement fan de la matière mais se débrouillait bien. Il pouvait compter sur Bruce Banner, lorsqu'il était à la tour des Avengers, pour l'aider quand il en avait besoin, et Tony avait également des connaissances non négligeables dans le domaine.

- Alors, t'as décidé de l'université où tu voudrais aller, l'an prochain ? demanda Ned alors qu'ils entraient dans la classe de biologie, leurs livres en main.

Peter haussa les épaules.

- Tu sais que j'aimerais intégrer le MIT, répondit-il, mais je ne sais pas si c'est réalisable.

- Arrête, s'ils te refusaient, j'suis sûr que Tony Stark lui-même les appellerait pour t'y faire entrer !

- N'importe quoi, rit Peter en secouant la tête.

Ils s'assirent en plaisantant et Peter posa son menton sur ses bras croisés, pensif.

- N'empêche, ça va faire bizarre de bientôt quitter le lycée, non ? demanda-t-il à Ned.

- Moi j'ai juste hâte que ce soit fini, se contenta-t-il de répondre en feuilletant une BD.

- Ouais, moi aussi.

MJ s'assit sur la paillasse juste à côté d'eux, et Peter lui sourit en se redressant.

- Salut, les loosers, dit-elle en sortant un livre de son sac.

- 'Lut, répondit Ned.

Comme l'avait prévu Peter, qui attendait impatiemment d'être au soir-même, le cours leur sembla insupportablement long, et il poussa une longue plainte en sortant de la salle pour aller vers leur cours de maths.

Il discutait avec Ned de ce qu'ils attendaient du film, car cela faisait monter leur excitation et les aidait à patienter, quand quelqu'un percuta violemment Peter.

- Fais attention à ce que tu fais, Parker, cracha une voix.

En se massant l'épaule, Peter se retourna pour apercevoir celui qui l'avait percuté, qui n'était autre que Glen Hamilton, un jeune homme discret avec lequel Peter travaillait parfois en Sciences. Il était très pâle et portait des vêtements noirs, comme à son habitude. Peter fut surpris de son attitude, lui qui était pourtant plutôt amical avec lui...

Il eut à peine le temps de se retourner que quelqu'un d'autre le percuta, volontairement cette fois, lui adressant un regard noir, et ce n'était autre que Joshua Harper, un ami de Glen qui essayait toujours de le protéger de ceux qui le harcelaient.

- Qu'est-ce qui leur prend ? demanda Peter à Ned, qui avait l'air étonné de leur attitude inhabituelle.

L'évènement fut rapidement oublié pendant leur double cours de maths, durant lequel Peter travaillait sur des expériences qu'il menait avec Monsieur Stark lorsqu'il était avec lui au labo, pour essayer de faire passer le temps plus vite, en vain.

Quand l'heure du déjeuner arriva enfin, Ned et lui retrouvèrent MJ avec plaisir, et elle leur proposa alors de les accompagner au cinéma, à la sortie du lycée, ce qu'ils acceptèrent tout de suite, embarquant la jeune fille dans une discussion animée sur les productions hollywoodienne.

A la vérité, rien ne pouvait laisser supposer que cette journée serait différente de toutes les autres.

Tout avait été parfaitement normal, jusque-là, et le groupe d'amis s'apprêtait justement à franchir les portes de la cafétéria quand une énorme détonation se produisit tout près d'eux, au niveau de la bibliothèque, leur semblait-il.

Immédiatement, Peter se mit en alerte alors que les cris retentissaient. Il voulait se rendre le plus vite possible à son casier pour récupérer son costume de Spider-Man, mais fut emporté par un premier mouvement de foule qui le confina dans la cafétéria.

- PETER ! cria MJ en étant emportée à son opposée, et elle semblait terrifiée.

Peter, lui, ne comprenait pas vraiment ce qui se passait et il se fraya difficilement un chemin parmi la foule pour découvrir ce qui se passait.

- SITUATION DE CONFINEMENT, CECI N'EST PAS UN EXERCICE, JE REPETE, CECI N'EST PAS UN EXERCICE, s'exclama la voix du proviseur dans le haut-parleur, et Peter leva la tête vers la provenance de la voix sans la prendre en compte, car il devait agir rapidement.

Et alors qu'il allait tourner dans le couloir où se trouvait son casier, une deuxième détonation retentit, puis une troisième, mais ce n'était pas une explosion.

C'étaient des coups de feu.

Et Peter était habitué à ces moments où la réalité déraille et sort de ce cadre routinier qui nous rassure. Pourtant, cette fois, il eut l'impression d'être glacé d'effroi. Parce que ce qui se passait n'était pas comme dans les films, parce qu'au fond du couloir, il voyait des corps s'effondrer au rythme des détonations, il entendait des cris, et tout ça était trop fort pour lui.

- Il faut sortir d'ici..., murmura-t-il en réfléchissant à toute vitesse. IL FAUT SORTIR D'ICI ! cria-t-il plus fort en aidant les gens à se relever, les poussant vers la sortie. TOUT LE MONDE SORT, SORTEZ, SORTEZ, SORTEZ !

Il se fit bousculer de tous les côtés mais n'en tint pas compte, parce qu'il fallait qu'il aide ses camarades à quitter l'établissement avant de se faire tirer dessus. L'odeur de la poudre assaillit ses narines, lui donnant envie de vomir. Il poussa certains dans des salles de classe, d'autres vers les portes de sortie de secours, et il désespérait de voir Ned et MJ, mais il les avait laissés à l'opposés, à la cafétéria.

Il ne savait pas combien il y avait de tireurs, il ne voyait rien d'autre que des visages terrifiés, et il se dépêcha d'aider tout le monde à s'évacuer. Lorsqu'il ne resta plus personne dans le couloir, il vit d'autres personnes courir dans sa direction avant de s'effondrer suite à une énième détonation, et il sut qu'il devait partir à son tour. Il fit abstraction de ce que signifiait ce corps qui venait de s'effondrer et il sauva sa peau, tiraillé par l'idée de lui venir en aide ou de finir au sol, lui aussi.

Sans réfléchir, il ouvrit la porte d'une salle de classe et s'y réfugia. Il y avait quatre autres personnes dans la pièce, leur visage couvert de larmes, et il mit un doigt sur sa bouche pour leur faire signe de se taire, afin de ne pas attirer le ou les tireurs ici.

Suivant le protocole de confinement qu'ils avaient déjà suivi, Peter ferma les stores, la porte à clé, et plaça des tables devant celle-ci, bien qu'il savait que cela ne changerait pas grand-chose s'ils voulaient vraiment rentrer.

- Mon Dieu, mais qu'est-ce qui se passe ? gémit une jeune fille aux cheveux blonds, le visage souillé de larmes.

- Je sais pas, chuchota Peter, le corps tremblant.

Il avait déjà été confronté à des situations terribles, mais jamais une comme celle-ci. Il était dans son lycée, c'était un endroit familier, pas... pas cette atroce scène de crime...

Il s'intima au calme, parce qu'il savait que ce n'était pas le moment de craquer, mais au fond de lui, il était terrorisé. Il n'avait ni son costume, ni aucun moyen de contacter qui que ce soit, comme Monsieur Stark. Il ne savait pas combien de temps la police mettrait à arriver sur les lieux et finalement pénétrer dans l'établissement pour neutraliser le tireur...

Réfléchissant à toute vitesse, ses yeux grands ouverts, Peter se laissa glisser le long d'un mur et passa une main dans ses cheveux.

Cette salle, dans laquelle il avait été assis ce matin, parlant du film qu'ils iraient voir le soir-même... A présent, il ne savait même pas s'il allait sortir vivant de cet endroit...

Le silence s'était fait dans la classe. On n'entendait que des reniflements et des pleurs, jusqu'à ce que de nouvelles déflagrations retentissent, et Peter couvrit ses oreilles avec ses mains, comme pour faire barrière à la monstruosité de ce que cela signifiait.

Parce que chaque coup prenait une vie.

BANG.

BANG.

BANG.

BANG.

Une litanie de coups, autant de vies brisées, et ça ne semblait jamais s'arrêter.

BANG.

BANG.

BANG.

Peter ferma violemment les paupières en sentant les larmes lui brûler les yeux sous l'atrocité de ce qu'il entendait.

BANG.

BANG, BANG.

Et il ne pouvait pas le supporter. Il ne pouvait pas rester là à entendre ces détonations sans pouvoir agir, pas en sachant ce que cela impliquait, parce que c'étaient peut-être des gens qu'il connaissait, des professeurs, des amis...

Il se releva d'un seul coup, résolu à trouver le tireur pour le forcer à se rendre ou l'arrêter lui-même, et commença à enlever les tables qui bloquaient l'accès à la porte.

- Qu'est-ce que tu fais ?! chuchota un garçon assis au fond de la salle, semblant terrifié. Tu vas nous faire remarquer !

- Refermez la porte à clé et remettez les tables quand je serai sorti, se contenta-t-il de répondre, concentré sur sa tâche.

- Mais tu vas te faire tuer ! s'exclama doucement quelqu'un d'autre en se redressant, comme pour l'arrêter.

Peter s'arrêta et ferma brièvement les yeux en inspirant calmement pour apaiser les battements furieux de son cœur qui tambourinait dans sa poitrine, comme pour lui prouver à quel point il était vivant, et ce qu'il pouvait perdre.

- Il faut que je fasse quelque chose, je peux pas rester là, finit-il par dire, et plus personne ne l'empêcha de sortir, alors qu'il ouvrait finalement la porte.

Il sortit dans le couloir après l'avoir refermée, et le silence de mort qui régnait dans le lycée le fit frissonner. On se serait cru dans un vieux film d'horreur.

Il ne pouvait pas regarder les corps sans vie de ses camarades qui jonchaient le sol, et il essaya d'ignorer le bruit que faisaient ses pas dans le sang qui maculait le sol. Il avait envie de vomir.

Et alors qu'il s'avançait prudemment dans les couloirs froids et silencieux, tremblant violemment, il pensa à May qui, si elle avait été prévenue, se faisant sûrement un sang d'encre. Il pensa à elle, à Tony et Pepper qu'il aimait aussi sincèrement, il pensa à Ned et MJ qui étaient peut-être encore bloqués dans le lycée, ou pire – ce qu'il refusait d'imaginer. Il pensa à ceux qu'il aimait, et cela lui donna la force de continuer.

Allez, Peter. Tu peux le faire.

**

Ce jour-là, Pepper s'en souviendrait sans doute longtemps. Elle avait vécu beaucoup de choses avec Tony, beaucoup d'angoisses et de terreurs, et ce jour ferait sans doute partie de ceux que l'on n'oublie pas. Elle travaillait sur sa tablette, assise à son bureau, en attendant son rendez-vous de l'après-midi.

- Flash de dernière minute, annonça une voix à la télévision, et Pepper leva la tête avec intérêt. Nous sommes en direct du Lycée de Midtown, dans le Queens, où une fusillade est en cours, les forces de l'ordre sont sur place.

Les images diffusées étaient prises d'un hélicoptère, et montraient le lycée dans lequel étudiait Peter, et Pepper fronça les sourcils avec inquiétude, les battements de son cœur s'accélérant alors qu'elle prenait conscience de la situation.

- Nous ne savons pas grand-chose pour le moment, si ce n'est qu'une bombe aurait explosé et que quelqu'un aurait tiré sur les étudiants. Une majorité d'entre eux est sortie, mais nous ne savons pas s'il y a des victimes ni l'identité du ou des tireurs. Notre journaliste est sur place...

- Oh, mon dieu, murmura Pepper en posant la tablette sur laquelle elle travaillait sur son bureau, et elle descendit rapidement aux laboratoires, là où elle savait que Tony se trouvait.

Pepper savait que Midtown Tech. était le lycée où Peter étudiait, alors peut-être était-il sur place, peut-être même avait-il revêtu son costume pour aider ses camarades... Elle était inquiète et devait prévenir Tony, alors elle prit l'ascenseur et le rejoignit le plus vite qu'elle pouvait.

En bas, la musique était poussée à son maximum, et d'un geste, Pepper baissa le volume. Ses traits étaient tirés d'inquiétude et, quand Tony se retourna pour voir ce qui se passait et qu'il aperçut le visage de sa femme, l'inquiétude le gagna à son tour.

- Qu'est-ce qui se passe, chérie ? demanda-t-il en fronçant les sourcils, essuyant ses mains pleines de cambouis sur un chiffon.

Il s'approcha d'elle pour la scruter et quand elle leva ses yeux clairs pour le regarder, il sut que ce qu'elle allait lui dire ne lui plairait pas.

- Il faut que tu essaies de contacter Peter, souffla-t-elle.

- Quoi ?

- Il y a eu une fusillade dans son lycée. Des gens sont encore à l'intérieur, le tireur aussi... il... il parait qu'une bombe a aussi explosé, et...

- Quoi ?! répéta-t-il, prenant lui aussi conscience de la situation.

Il ne réfléchit pas plus longtemps et, Pepper sur ses talons, il descendit jusqu'au garage où se trouvaient ses voitures, entra dans une et sortit de la Tour Stark à vive allure.

Il fallait qu'il aille récupérer son gamin et s'assurer qu'il allait bien. 

**

Peter recula en essayant de se dissimuler le plus possible. Même s'il était métaboliquement plus résistant, il n'avait pas envie de se retrouver nez à nez avec le tireur ; il préférait le trouver d'abord pour pouvoir l'arrêter dans sa folie.

Il jeta discrètement un œil dans le couloir de droite : rien. Son cœur cognait fort contre sa poitrine. Le couloir était désert, les affaires d'écoles de ses camarades jonchaient le sol, abandonnés, et Peter se demanda comment tout avait pu basculer en seulement quelques secondes.

Allez, Peter.

Il inspira doucement. Il fallait qu'il continue à avancer, même si ses muscles étaient tendus, même si tout son être lui criait de partir en courant et de s'enfuir. Il n'aurait pas dû avoir peur comme maintenant, ça n'aurait pas dû le toucher à ce point ; mais ses amis étaient encore à l'intérieur et trop de gens étaient déjà tombés – Peter les avait vus, il avait vu les marques ensanglantés qui tâchaient les sols, les murs, les portes, et il avait envie de vomir, et de pleurer en même temps, mais il ne pouvait pas.

Allez, Peter.

Il inspira une seconde fois pour faire abstraction de ces atroces pensées et il cligna rapidement des yeux pour chasser les larmes qui troublaient son regard, et repousser au loin ces terribles visions qu'il ne pourrait sans doute jamais oublier.

Il fallait qu'il soit prudent, parce qu'il n'avait ni lance-toiles, ni costume. Personne pour le guider si ce n'est son instinct.

Peter avança donc doucement. Traverser le couloir était le plus dur, parce qu'il était totalement à découvert, rien pour se cacher et s'abriter. Il pouvait toujours rentrer dans une salle de classe, mais ce n'était pas ce qui le sauverait si les choses venaient à mal tourner...

Au détour d'un couloir, alors qu'il continuait à avancer, il vérifia si personne n'était dans le couloir de gauche, quand un frisson désagréable le parcourut, l'avertissant d'un danger, mais il était déjà trop tard.

- Qu'est-ce que tu fous là, Parker ?

Glacé d'effroi, il se retourna lentement, et il eut un choc quand il reconnut Glen. Les traits tirés par la haine, il avait l'air de transpirer et de ne pas savoir exactement ce qu'il était en train de faire. Il ne ressemblait plus au Glen que Peter connaissait.

A quel moment tout ça avait basculé...

Parce que Glen n'était pas dans son état normal, non. Il portait une arme, qu'il pointait droit sur Peter.

- Glen, qu'est-ce que tu...

- La ferme !

- Ok, ok ! répondit Peter en levant lentement ses mains pour les mettre devant lui.

Sa respiration était bloquée dans sa poitrine, parce qu'il savait que jamais ses mains ne feraient barrière à une arme de ce calibre-là. Parce qu'il était désarmé et qu'il ne savait pas comment se sortir de là.

- Pose ton arme, Glen, dit Peter avec un calme qu'il était loin de ressentir.

Il devait essayer de gagner du temps, parce que les secours allaient forcément finir par arriver. Peut-être même qu'il arriverait à comprendre cette situation absurde, et qu'il convaincrait Glen de se rendre aux autorités.

Glen eut un rictus désabusé, mais continuait de viser Peter.

- Casse-toi de là, Parker, parce que j'hésiterai pas à te descendre comme j'ai descendu les autres.

Ses mains tendues vers l'avant, Peter tenta de s'approcher de Glen. Un pas après l'autre, lentement. Il ne le lâchait pas du regard. Après tout, il connaissait ce garçon. Ils se connaissaient depuis le primaire, ils avaient monté des projets scientifiques ensemble.

Et peut-être que dans sa folie, Glen ne l'avait pas oublié.

- Si t'avais voulu me descendre, tu l'aurais fait, comme pour les autres, dit Peter en continuant à s'approcher le plus lentement possible.

- FAIS PAS LE CON AVEC MOI BORDEL ! RESTE OU T'ES, OU JE TE PROMETS QUE JE TE TIRE UNE BALLE DANS LA TETE !

Il secouait son arme et sa voix était hystérique. Peter savait que Glen avait perdu tout contrôle sur lui-même, et qu'il lui fallait le désarmer rapidement. Il voulait le calmer avant tout.

- Je bouge pas, ça va, répondit-il en mettant ses deux mains en évidence, pour lui faire comprendre qu'il ne lui voulait aucun mal.

- Dégage avant que je change d'avis, Parker, cracha le jeune homme, le regard troublé de douleur et de colère, ses cheveux de jais lui retombant sur les yeux.

- Je veux juste te sortir de là, Glen, assura Peter sans rompre le contact visuel entre eux.

- C'est trop tard, maintenant. J'ai tué trop de gens, je sortirai pas de là vivant.

- Non, c'est pas trop tard, il suffit juste que tu poses cette arme.

- JE T'AI DIT DE PAS T'AVANCER !

Peter s'immobilisa, et son cœur cognait fort contre sa poitrine, sa respiration était bloquée dans sa gorge, et il tremblait violemment. Parce que quoi qu'il puisse montrer, malgré son calme apparent, il était terrifié. A tout moment, il s'attendait à ce que Glen appuie sur la détente. Il n'aurait presque pas le temps de le voir, tout juste de l'entendre, à dire vrai, et cette immédiateté, cette latence le terrorisaient.

- Pourquoi tu fais ça, Glen ? demanda-t-il avec incompréhension, ses mains toujours levées devant lui.

Tout son corps était tendu.

- Tu me demandes vraiment, ricana Glen avec un rire sans joie, fou de douleur. Tu devrais le savoir mieux que n'importe qui dans ce lycée de merde !

- Explique-moi.

Il essayait de le faire parler pour gagner du temps, et il savait que tant que le jeune homme était face à lui, il ne faisait aucun massacre ailleurs.

- TU LE SAIS TRES BIEN, BORDEL ! Tous les jours, c'est la même chose ! Tous les jours je me fais brutaliser par ces connards, tous les soirs je dois affronter le regard déçu de ma mère complètement ivre qui ne comprend pas pourquoi son fils est aussi merdique !

- Je comprends ce que tu ressens, mais c'est pas avec ce flingue que tu règleras les choses, tenta Peter en s'avançant de nouveau de façon imperceptible.

Glen poussa un gémissement de souffrance et mit ses deux poings de chaque côté de sa tête, le visage tordu par une souffrance indescriptible. Il se mit à faire les cent pas dans le couloir en gémissant et marmonnant des mots incompréhensibles pour Peter, et ce dernier se dit que c'était une chance pour lui : il pourrait sans doute convaincre le jeune homme de se rendre et d'arrêter tout ça.

Il s'approcha un peu plus de Glen, sans que ce dernier ne le remarque.

- Tu comprends pas, tu peux pas comprendre ! gémit-il sans le regarder, et Peter eut tout à coup peur qu'un dernier coup de folie ne le prenne et qu'il se suicide sous ses yeux.

- Je te jure que je comprends ce que tu ressens, je...

Il cherchait ses mots, il voulait à tout prix le calmer.

- Le lycée c'est vraiment la merde pour les gens comme nous, tenta-t-il, mais après...

- APRES QUOI ! hurla Glen en s'arrêtant pour le regarder, secouant de nouveau son arme pour ponctuer ses paroles. On n'est pas tous aussi doués que toi, Parker, j'ai aucun avenir à l'Université, c'est l'usine qui m'attend à la sortie !

- Je suis sûr que –

- FERME LA, JE T'AI DIT DE LA FERMER !

Il recommença à faire les cent pas devant lui, et Peter réfléchissait à toute vitesse : si Glen était aussi peu attentif, il pourrait sans doute le désarmer rapidement.

Mais il n'eut même pas le temps de mettre son plan à exécution que son instinct le prévint d'un danger imminent, juste derrière lui, et il se retourna, paniqué, parce que Glen était trop instable et que le moindre évènement pouvait le faire basculer.

- Putain mais Glen, qu'est-ce que tu fous ?!

- Josh ?! s'exclama Peter en reconnaissant l'ami de Glen.

Il avait une arme, lui aussi, et tous deux l'encerclaient, désormais. Peter était pris entre les deux, et il tendit ses mains des deux côtés, désemparé.

- Glen, qu'est-ce que tu fous, sérieux ! s'exclama Josh sans prendre Peter en compte, en voyant l'état de détresse de son ami.

- J'y arrive pas, je peux plus supporter tout ça, sanglotait Glen, et Peter sut immédiatement ce qu'il allait faire. Je suis désolé.

Et avant que le jeune homme ait pu faire quoi que ce soit, Glen dirigea son arme contre lui et tira d'un seul coup avant de s'écrouler au sol dans une marre de sang. Peter était incapable de dire ou de faire quoi que ce soit face à l'horreur qui se déroulait devant ses yeux, et le temps sembla se suspendre pendant quelques instants de pure terreur.

- GLEN ! hurla Josh en se précipitant vers lui.

- JOSH, ARRÊTE ! lui cria Peter en se lançant à sa poursuite, incapable de ne pas agir.

Il se jeta sur l'arme que tenait Josh, lui tordant le poignet, et un premier coup partit, puis un deuxième, et Peter ne comprit pas ce qui s'était passé avant qu'une vive douleur déchire sa poitrine et qu'il s'écroule à son tour, au milieu du couloir, juste à côté de Glen.

La joue baignant dans le sang, la douleur le faisant suffoquer, Peter ferma les yeux en se demandant si c'était ça que l'on ressentait avant de mourir...

**

A l'extérieur, Tony et Pepper venaient d'arriver près du lycée de Peter, et ce qui se passait dehors était complètement fou. De nombreux policiers étaient là ainsi que les membres du RAID. Plusieurs groupes d'agents étaient formés, certains étaient en position, près à intervenir. Il y avait également de nombreuses ambulances, infirmiers et pompiers. C'était la cohue.

Tony, suivi de Pepper, se fraya un chemin parmi la foule massée devant le lycée, et interpela un des policiers.

- Hé, qu'est-ce qui se passe ici ? lui demanda-t-il sans préavis.

- Monsieur, vous devez reculer, une fusillade est en cours dans ce lycée, vous devez respecter les limites de sécurité.

- Vous m'avez bien regardé ? lui répondit Tony, vos limites de sécurité, vous savez ce que j'en fais. Je suis à la recherche de mon fils.

- Les élèves qui sont sortis du lycée sont tous rassemblés dans le gymnase, là-bas, mais –

Tony n'attendit pas la fin et se dirigea vers le gymnase à grandes enjambées, mais il était pris d'un doute.

- Tony, qu'est-ce que...

- Je suis sûr que Peter est resté à l'intérieur, le connaissant il a voulu mettre tout le monde à l'abri, marmonna-t-il en regardant le lycée avec inquiétude.

- On va d'abord aller vérifier le gymnase, peut-être que dans le mouvement de foule...

Tony acquiesça, mais il était à présent persuadé que Peter se trouvait encore dans le lycée, et ça le rendait malade.

Un chaos sans nom régnait dans le gymnase, et on lui demanda son nom à l'entrée ainsi que celui de son « fils ». A peine eut-il prononcé le nom de Peter que quelqu'un se jeta sur lui, et il la réceptionna, surpris.

C'était May Parker.

- Oh, mon Dieu, Monsieur Stark, vous êtes là, sanglota-t-elle.

Elle avait l'air totalement éprouvée et épuisée.

- Dites-moi que vous allez aller chercher Peter, il est encore dans le lycée, on a entendu plein de coups de feu, on n'a aucune nouvelles..., pleurait-elle.

Après tout ce qu'elle avait vécu, Peter était la seule famille qui lui restait, et elle était terrorisée à l'idée qu'il soit blessé ou pire. Non, elle ne pourrait jamais survivre à ça, elle avait besoin de voir celui qu'elle considérait comme son fils, de le serrer contre elle et de le ramener à la maison, sain et sauf, par pitié.

Tony eut l'impression de prendre un coup à l'estomac quand il l'entendit sangloter, parce qu'il comprenait la détresse de cette femme. Pepper la prit dans ses bras pour essayer de la rassurer du mieux qu'elle pouvait, lui assurant que tout irait bien pour Peter.

- Il faut... il faut que j'y aille, dit Tony tout bas en desserrant sa cravate avec son doigt, ayant l'impression d'étouffer, tout à coup.

Il était terriblement inquiet pour Peter.

- Tony ! le retint Pepper avec angoisse.

- Ne t'inquiète pas, je ferai attention, je te promets, lui assura-t-il en l'embrassant légèrement. Mais il faut que je sorte le petit de là, et tous les autres qui doivent être morts de peur là-dedans.

Pepper acquiesça rapidement, elle savait très bien qu'elle ne pourrait pas empêcher Tony d'y aller, d'une part parce qu'il s'agissait de Peter et qu'elle savait ce que le jeune homme représentait pour lui, et d'autre part parce qu'il ne pouvait pas laisser continuer une telle horreur alors qu'il était Iron Man et qu'il pouvait, clairement, faire quelque chose.

Tony sortit du gymnase rapidement pour rejoindre le chef de la police, qui étudiait un plan du lycée avec d'autres agents.

- Monsieur Stark, le salua-t-il brièvement sans lui accorder plus d'attention.

- Il faut que je rentre là-dedans, déclara-t-il gravement, d'un ton qui signifiait qu'il se fichait clairement de son autorisation.

- Je ne peux pas vous laisser faire ça, répondit le chef de la police en le regardant sérieusement. Une bombe a explosé dans la bibliothèque, et on ne sait pas si d'autres explosifs sont dissimulés à l'intérieur, on a –

- Vous n'avez rien du tout, qu'est-ce que vous attendez, que d'autres gamins meurent sous les balles de ce psychopathe ?

Tony était hors de lui et sur les nerfs. Ce flic ne comprenait rien à rien, mais s'il croyait qu'il avait réellement besoin de son autorisation pour rentrer, il se fourrait le doigt dans l'œil jusqu'au coude.

- F.R.I.D.A.Y., scanne les environs, cherches les entrées et les issues, détecte d'éventuels engins explosifs et cartographie le lycée, ordonna-t-il en mettant ses lunettes sur le nez.

- Tout de suite, patron. Analyse en cours.

Devant lui, une carte thermique du lycée apparut, et il pouvait voir du mouvement à l'intérieur, sans distinction aucune. Il ne voyait aucun tireur pour le moment.

- Aucun engin explosif détecté.

- Je ne vous permets pas de –

- Vous n'avez rien à me permettre du tout, le coupa Tony en se tournant vers lui, plein de fureur. Mon gamin est à l'intérieur, alors si vous croyez que je vais rester là à ne rien faire, c'est que vous ne me connaissez pas.

Le chef de la police allait répliquer quand, tout d'un coup, alors que tout était silencieux en provenance du lycée, un coup de feu retentit, suivi de deux autres très rapprochés, et le cœur de Tony sembla s'arrêter. Sans réfléchir davantage, il appuya sur le réacteur qui se trouvait sur sa poitrine, sous sa chemise, et son armure se constitua autour de lui. F.R.I.D.A.Y. se connecta immédiatement et lui indiqua la provenance des coups de feu ; sur la carte, il pouvait distinguer trois silhouettes au milieu d'un couloir, dont deux avec une arme, d'après leur rayonnement thermique.

Il espérait trouver Peter le plus rapidement possible pour le mettre à l'abri, et à ce moment-là seulement il se sentirait un peu mieux.

Mais il n'eut même pas le temps de penser cela qu'il arrivait dans le couloir d'où les tirs étaient survenus et subitement, Tony fut glacé d'effroi quand il vit la scène mortellement silencieuse qui se jouait devant lui.

Non, ce n'était pas possible.

Trois corps étaient couchés par terre, baignant dans une flaque de sang.

- F.R.I.D.A.Y..., murmura-t-il d'une voix rauque en s'approchant d'eux après avoir enlevé son casque d'Iron Man.

- Glen Hamilton, Joshua Harper, et Peter Parker, monsieur.

- Non...

Il courut jusqu'à l'endroit où ils reposaient tous les trois et éloigna rapidement les armes qui jonchaient le sol, avant de s'accroupir à côté de Peter, avec l'impression de ne plus savoir respirer.

- Analyse médicale en cours, dit F.R.I.D.A.Y. sans que Tony ait besoin de le demander, et il crut mourir tant les quelques secondes d'analyse lui semblèrent longues. Pouls faible, blessure par balle au niveau du sternum, hémothorax.

Il était vivant. Peter était inconscient et sûrement en danger, mais pour le moment, il était vivant, et Tony aurait pu en pleurer de soulagement. Délicatement, il porta le petit en étant le plus précautionneux possible pour ne pas aggraver sa blessure, et son inquiétude le reprit à la gorge quand il vit le sang qu'il avait perdu.

- Je te ramène à la maison, gamin, souffla-t-il en retenant les larmes qui le menaçaient.

Rapidement, il sortit de nouveau du lycée avec le petit inconscient dans ses bras, et il fut prit immédiatement en charge par les équipes médicales qui attendaient dehors. Il était affreusement pâle et couvert de sang. Il aurait voulu rester avec Peter, prévenir May et Pepper, mais il savait qu'il devait s'occuper des autres qui étaient restés à l'intérieur, même si le danger était vraisemblablement écarté.

Quittant Peter à regrets et se promettant de le rejoindre aussitôt qu'il aurait fini ici, il rejoignit le chef de la police et lui expliqua la situation. Il suivit ensuite les agents pour vérifier qu'il n'y avait pas d'autre tireur, et aida les enfants à sortir de l'école.

Il ne pouvait pas s'enlever de la tête qu'il était peut-être arrivé trop tard pour sauver Peter. Le gamin avait sans doute voulu jouer aux héros et sauver tout le monde en arrêtant les deux tireurs, et lui, où était-il, pendant ce temps-là ?

L'école évacuée, Tony se précipita au gymnase pour mettre Pepper et May au courant. Quand il arriva, May était en larmes, et cherchait Peter parmi tous les élèves qui arrivaient. Et quand elle le vit, son visage tiré et inquiet, ses yeux rougis, elle crut que jamais elle ne reverrait Peter.

- Non... non, dites-moi qu'il est vivant, le supplia-t-elle.

- Il s'est interposé pour arrêter les deux tireurs, et il a été touché au torse, avoua-t-il douloureusement, honteux qu'une telle chose ait pu se produire.

May s'effondra dans ses bras, alors que Pepper pleurait clairement en regardant Tony.

- Non... non, c'est pas vrai, gémit May. Où est-il ? il faut que je le voie... oh mon Dieu, Peter...

Tony, Pepper et May passèrent ensuite l'après-midi à l'hôpital, dans la salle d'attente, à patienter difficilement que l'opération soit terminée. Une petite télévision diffusait les images de l'attaque, ainsi que des extraits de vidéosurveillance qui montraient les deux étudiants armés ouvrir le feu dans l'école, et Tony se demanda comment cela pouvait encore se produire aujourd'hui, pourquoi ces enfants devaient vivre dans la peur de voir leur vie bouleversée à jamais...

Et l'attente était interminable. Il y avait eu de nombreuses victimes que Tony ne connaissait pas, et il pensait à leurs parents, il pensait à sa propre douleur si Peter venait à disparaître lui aussi, et il pressa une main contre sa poitrine pour endiguer la souffrance qui lui brisait la cœur.

Peter était comme son fils. Il s'était attaché à lui, il ne supporterait jamais qu'il lui arrive quoi que ce soit.

Assis sur une des chaises en plastique, son regard était trouble, sa gorge le tiraillait à force de contenir les larmes qui le menaçaient, et ses yeux étaient rougis. Il ne pouvait pas, il ne voulait pas perdre Peter. C'était son gamin.

Après une attente qui leur sembla durer des heures, un chirurgien éreinté apparut dans la salle d'attente, et ils se levèrent tous les trois avec une chape de plomb dans l'estomac. Le médecin prit une inspiration.

- L'opération a été lourde et longue. On a failli le perdre à deux reprises. Il est très faible, mais nous avons réussi à soigner l'hémothorax, ce qui est une bonne chose, mais il a perdu beaucoup de sang. On sera complètement fixé lorsqu'il se réveillera, dit-il.

- Est-ce qu'on peut le voir ? murmura May, les yeux plein de larmes.

Le médecin acquiesça et laissa une infirmière les guider jusqu'à la chambre de Peter, et c'était encore plus impressionnant que ce qu'ils auraient pu imaginer. May fondit en larmes et se pencha sur Peter pour prendre doucement sa main droite, qui était reliée à de nombreux tubes et machines.

Pepper serra le bras de Tony, émue et souhaitant lui faire savoir qu'elle était là quoi qu'il arrive. Tony, lui, ne se sentait pas à sa place dans cette chambre d'hôpital et aurait voulu être n'importe où sauf ici. Il n'était pas le père biologique du gamin, et il était peut-être arrivé trop tard pour le sauver. Qu'est-ce que ça faisait de lui ?

Il n'avait pas le droit d'être là.

Il s'assit sur une chaise qui était de l'autre côté du lit, et son regard ne pouvait se détacher de ce jeune homme qu'il avait trouvé par hasard sur Internet pour servir ses propres intérêts, et pour qui il s'inquiétait désormais autant que s'il était son propre fils.

Démarra alors une autre attente, différente de la première, parce que maintenant ils étaient près de lui, ils pouvaient le voir, ils pouvaient lui parler.

Cela lui prit trois jours. Les trois adultes se relayaient à son chevet, dormant peu, rentrant chez eux simplement pour se doucher et manger quelque chose, quittant l'hôpital avec la crainte de le perdre pour toujours.

Tony buvait une énième tasse d'un café ignoble, May et Pepper étaient rentrées à la Tour pour dormir un peu, tandis qu'il veillait sur le petit.

Un gémissement le tira de sa rêverie, et il s'empressa de prendre la main du gamin pour lui montrer qu'il était là, que quelqu'un était présent à ses côtés et qu'il n'était pas seul.

Peter fronça les sourcils, et Tony sentit sa gorge se serrer d'émotion quand il le vit essayer d'ouvrir les yeux, parce que toute cette attente, toute cette angoisse l'avaient rendu nerveux et terriblement mal.

- Peter ? murmura-t-il d'une voix un peu rauque.

- M'sieur... Monsieur Stark ?

Et Tony crut qu'il allait pleurer quand ses yeux troubles s'ouvrirent totalement.

- Je t'ai déjà dit de m'appeler Tony, se contenta-t-il de dire pour cacher son émotion.

Peter sourit faiblement, les yeux mi-clos.

- Qu'est-ce que je fais ici...

- Tu ne te souviens de rien ?

Il fronça les sourcils, semblant réfléchir, et tout lui revint soudain en tête avec la brutalité d'une tempête qui lui donna l'impression de suffoquer.

- Le... le lycée...

- Oui, murmura gravement Tony sans le lâcher des yeux. Tu as été salement amoché...

Peter hocha lentement la tête, et Tony vit ses yeux se remplir de larmes, mais il se mordit la lèvre pour ne pas les laisser couler, regardant ailleurs.

Parce qu'il se souvenait de tout, des détonations, des coups, des corps par terre, et de sa joue contre le sol...

- Je vais prévenir May et Pepper que tu es réveillé, dit-il en sortant son Starkphone et en se levant pour montrer qu'il quittait la pièce, pour le laisser exprimer ses émotions sans qu'il soit gêné par sa présence.

May et Pepper prévenues, elles arrivèrent ensuite rapidement pour s'assurer de son état, et passer un moment avec lui.

Le lendemain, des policiers venaient le voir dans sa chambre pour prendre sa déposition, et Tony fut à la fois fier et horrifié des actes de son gamin, parce qu'il avait encore une fois montré qu'il pouvait être héroïque malgré la terreur ; sa première pensée avait été d'aider tout le monde, et May l'engueula un moment pour ça avant de s'excuser et de lui dire qu'il avait été incroyable, mais qu'elle s'était inquiétée plus que dans toute une vie et ne voulait jamais revivre ça.

Il avait été décidé ensuite que Peter suivrait une thérapie avec un spécialiste des soins cognitifs, ce qui était nécessaire après le traumatisme qu'il avait vécu. Il avait beau dire qu'il n'en avait pas besoin, qu'il allait très bien, merci, il faisait des cauchemars et, parfois, ses yeux se voilaient, perdus quelque part entre une salle de classe silencieuse et des déflagrations assourdissantes.

Ned et MJ s'en étaient sortis. Ils étaient venus rendre visite à leur ami dès qu'ils avaient pu et les retrouvailles avaient été réellement éprouvantes.

Quand il fallut pour Peter revenir au lycée, plus de trois semaines après, le temps qu'il se remette physiquement de ce qu'il avait vécu, ce fut Tony personnellement qui l'accompagna. Il se gara non loin de l'entrée du lycée, arrêta le moteur et regarda son gamin.

- Tu es sûr que ça va aller ? demanda-t-il. Parce qu'on peut rentrer tout de suite si tu veux.

- Ça va. Il va bien falloir que j'y retourne un jour, de toute façon, non ?

- Ça ne fait que trois semaines. Tu as le droit de te reposer.

Peter haussa les épaules, comme si ce n'était rien, alors que Tony savait pertinemment qu'il mentait. Il le voyait à sa posture courbée, à ses yeux fuyants et cette manière qu'il avait de jouer nerveusement avec ses doigts. Non, le gamin n'allait pas bien et il ne voulait pas qu'il retourne dans son lycée aujourd'hui.

- Je vais bien. Et tout va bien se passer, murmura-t-il sans le regarder, avant d'attraper son sac à ses pieds. Merci de m'avoir accompagné, Tony.

- Appelle-moi si ça ne va pas, d'accord ?

- Ça ira.

Tony n'était pas convaincu, mais il ne voulait pas le forcer.

Peter prit ainsi le chemin du lycée, comme il l'avait fait il y a trois semaines. De l'extérieur, tout semblait normal, et ça semblait un peu fou, tout ça. Parce qu'il s'en était passé, des choses, à l'intérieur, des choses qu'il ne pourrait jamais oublier, il le savait.

Il ferma brièvement les yeux pour refouler les émotions qui l'assaillaient, ses mains fermement accrochées aux bretelles de son sac à dos. Il passa le portillon de l'entrée avant de se faire méticuleusement fouiller et de passer par un détecteur de métaux.

- C'est quoi, tout ça ? demanda-t-il, étonné.

- Nouvelles normes de sécurité.

Il avait fallu un drame pour que les choses changent, pensa amèrement Peter en entrant dans le lycée. Il inspira fortement en arrivant, parce que oui, tout était différent.

Il y avait du bruit, beaucoup de bruit. Les élèves criaient, chahutaient. Tout était différent, avec un goût de comme avant. Sauf que rien ne le serait plus jamais. Au fond du couloir avait été dressé un grand mémorial, avec une longue table sur laquelle figurait la photo de chaque enfant décédé dans le lycée.

Décédé dans le lycée.

Parce qu'aujourd'hui, on pouvait étudier et risquer de mourir sous les balles d'un flingue à tout moment.

On pouvait se retrouver la joue collée contre le sol, souffrant d'une plaie par balle. On pouvait agoniser dans une salle de classe et mourir seul parce qu'on n'a pas réussi à s'échapper et qu'on n'est pas mort sur le coup. On pouvait s'enfuir et être fauché par une balle et ne même pas l'avoir senti. On pouvait souffrir mille morts et décider de flinguer des dizaines de jeunes parce que justement, on en avait la possibilité.

Peter inspira et expira doucement pour se calmer. Parce que les lumières des bougies allumées sur la table dansaient devant ses yeux et lui rappelaient le feu qui sortait des armes qui l'avaient menacé.

Et quand il baissa les yeux vers le sol, il s'aperçut que même s'ils avaient frotté, le sang était toujours là, incrusté sous le lino en plastique, et jamais il ne partirait.

Et quand il marcha jusqu'à sa salle de cours, il vit les tables qu'il avait entassées contre la porte pour ne pas se faire faucher, lui aussi.

Et quand il arriva dans le couloir où il était presque mort, il revit Glen se tirer une balle dans la bouche et s'écrouler au sol après avoir repeint le mur de son sang. Il revit la souffrance dans son regard et cette arme qui le menaçait, parce que Glen avait perdu et qu'il tenait tout le monde pour responsable, et peut-être que c'était le cas.

Et il se revit, impuissant, à essayer de le calmer et de le persuader de se rendre, alors qu'il avait ce flingue pointé sur lui.

Et il revit Josh, Josh qui avait tant de haine en lui qu'il avait embarqué Glen dans sa folie.

Glen qui était son ami.

- Parker, ça va ? lui demanda le Proviseur en s'approchant de lui.

Mais sa voix était assourdie. Parce que perdu dans ses souvenirs, Peter ne s'était pas rendu compte qu'il s'était appuyé contre le mur pour reprendre contenance et qu'il avait le souffle coupé et les larmes aux yeux.

Il leva un regard agrandi par la terreur vers le Proviseur, et il se souvint de sa voix qui criait « ceci n'est pas un exercice », et son souffle se coupa davantage.

Il se rappela cette peur de mourir qui l'avait étouffé et il ne se sentit plus en sécurité, peut-être même qu'il ne serait plus jamais en sécurité nulle part, parce qu'à tout moment, il pouvait se retrouver avec un flingue pointé sur lui.

Il se rappela que c'était la seule chose à faire pour que ce massacre s'arrête, pour que ces coups cessent. BANG.

BANG. Comme le martèlement de son cœur dans sa poitrine.

BANG. Comme une vie volée.

BANG. Comme une vie fauchée.

BANG. Comme le coup qu'il avait reçu en pleine poitrine et qui l'avait poignardé.

BANG. Comme le silence qui résonne dans un lycée déserté.

BANG.

- Peter ? appela une voix, mais elle lui semblait loin.

BANG, encore.

Ses yeux qui se ferment alors qu'il est assis au sol, dans cette salle de classe.

BANG, encore.

- Allez, viens, Peter, on rentre à la maison.

Il sent qu'on le touche, qu'on l'attrape, et il se laisse faire, parce qu'il n'y rien d'autre que des BANG à répétition dans sa tête, rien dans ses yeux, rien dans son cœur, rien dans ses mains qui puisse l'aider à aller mieux, à se raccrocher.

Odeur de cuir, chaleur.

Voilà ce qui le ramène, tout à coup. Parce qu'il n'est plus là-bas, il le sait, il le sent.

- Hé, gamin, parle-moi, murmure soudainement Tony, et Peter se rend compte qu'il est revenu dans sa voiture.

- Je...

Mais il se rend compte qu'il est incapable de sortir ne serait-ce qu'un mot.

- Ce n'est rien, dit simplement Tony. On rentre à la maison.

Oui.

Il rentrait à la maison, et c'était sans doute ce qu'il y avait désormais de mieux à faire, parce que rien n'effacerait jamais ce qu'il avait vu ici, ce qu'il avait senti. Parce qu'il devait vivre avec ça, désormais.

Parce qu'aujourd'hui, des gosses pouvaient mourir sous les balles de n'importe qui, quand sa seule préoccupation devait être celle de grandir et s'amuser.

Parce qu'il y avait des guerres qu'on ne pouvait pas gagner.

Et parce qu'ils étaient les victimes impuissantes de personnes dont la seule préoccupation était matérielle et vénale, et qu'ils n'étaient que des enfants innocents.

Enfants innocents, morts en étudiant ou violemment propulsés dans la dure réalité de ce monde dénué de sens.

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