Chapitre 49

Jason avait les pieds plantés dans le sol, bien déterminé à ne pas laisser Chrissy passer. La blonde n'avait pas avancé, les mains enfoncées dans ses poches, enfilant lentement, doigt par doigt, les poings américains qu'elle avait cachés dedans.

– Regarde-toi, soupira Jason. Tu es pathétique.

– Change de disque, Carver, lâcha-t-elle. À chaque fois qu'on se voit tu me sors la même chanson. Je commence à connaître.

– Parce que tu sembles ne pas retenir la leçon. Tu ne devrais pas te trouver ici, mais à côté de moi.

Chrissy ne répondit pas. Jason s'évertuait à la descendre, à faire en sorte qu'elle se sente mal à nouveau, qu'elle voit en lui le sauveur et le seul homme sur Terre qui voulait être près d'elle. Mais la blonde était passée au-dessus de ça depuis longtemps. Le basketteur n'était plus qu'un cauchemar ambulant qui la suivait à la trace.

– Tu es juste triste que ton jouet préféré se soit barré, lâcha-t-elle. Mais je ne suis pas ta poupée. Tu ne peux pas me reprendre et me laisser comme bon te semble. Et maintenant, tu vas me laisser passer.

La jeune femme commença à contourner son ex-petit ami pour sortir du salon, quand celui-ci sortit sa main de la poche de sa veste pour pointer sur elle un revolver. Chrissy se stoppa nette, et entendit derrière elle Lucas déglutir.

– Mec, qu'est-ce que

– Ta gueule Sinclair. Les traitres ne m'adressent pas la parole. C'est à elle que je parle.

– Jason, tu es cinglé, souffla la blonde.

– Cinglé ? Au contraire, je suis le plus sensé de cette pièce. Sérieusement Chriss', regarde avec qui tu traines ! Ce taré de Munson fait des rituels sataniques au quatre coins de la ville, il a tué Patrick sous nos yeux, et tu persistes à le défendre ! Je suis sûr que Lucas est en train de faire pareil avec cette pauvre fille !

– Tu n'as aucune idée de ce dont tu es en train de parler Jason ! Maintenant range cette arme et laisse-moi passer.

– NON ! Beugla-t-il, la forçant à reculer pour atteindre le centre de la pièce.

Chrissy lança un regard inquiet à Lucas, qui passait d'elle à Maxine. Du coin de l'œil, la cheerleader la vit, assise bien droite sur le sol, comme tout à l'heure. Devant elle, la lumière bleue de la lampe vacillait lentement. Vecna s'était rabattu sur elle à défaut de pouvoir enfin tuer Chrissy. Dans un sens, tant mieux. La blonde pouvait à présent se concentrer sur Eddie qui était en danger.

Jason semblait fasciné par le rituel qui se déroulait derrière le dos de son ancien compagnon. L'aura bleue qui se répandait dans la pièce lorsque la lampe diffusait plus fortement donnait à l'atmosphère quelque chose de calme, d'apaisant. Pourtant, Chrissy devinait que dans l'esprit de la rousse, une guerre acharnée avait lieu.

Chrissy profita de son inattention pour faire un pas de côté, lentement, et sortit petit à petit de son champs de vision. Le basketteur gardait les yeux rivés sur Lucas et la rouquine, tandis que la blonde le contournait par la gauche. Elle avait presque atteint la double porte quand Jason tendit son pied, la faisant trébucher.

Chrissy tomba la tête la première, réussissant à se rattraper de justesse, révélant ses mains armées des poings en métal. Le basketteur écrasa son pied sur l'une d'elle, s'accroupissant pour faire glisser lentement l'un des poings hors de ses doigts. La jeune femme retint un gémissement de douleur. Elle avait la sensation que ses os allaient éclater sous sa peau.

– Qu'est-ce que tu comptais faire avec ça, hein ? Grogna-t-il.

La blonde refusa de répondre. Jason pointait à présent le canon de son arme sur elle, et la moindre contrariété marquerait la fin de sa vie. Il fallait qu'elle se sorte de là pour aller aider Eddie, mais comment faire si Jason la tuait ? Chrissy leva les yeux pour croiser le regard enragé de son ex, puis les ferma. Elle se souvint de tous les bons moments qu'elle avait vécus avec Eddie, tout ce qui l'avait aidé à tenir. Tous les moments où le métalleux, plutôt que de vaquer à ses occupations, avait préféré s'occuper d'elle. Cette fois où, pleine de terre et de sang, il l'avait lavé sans jamais lui faire mal, sans la juger, sans la culpabiliser, sans la regarder. Quand il lui avait fixé un objectif pour qu'elle recommence à manger sans se mettre la pression, quand il l'avait chéri alors que Chrissy avait la sensation que tout le monde l'avait abandonné. Il était temps qu'elle lui rende la pareille, et pour ça, Jason devait tomber.

Un pas au milieu du salon attira son attention et Jason tourna la tête. Lucas s'approchait de Maxine pour vérifier son état.

- Hé Sinclair ! Brailla-t-il. Tu restes où tu es !

Lucas se figea et Chrissy en profita. D'un coup de la main qu'elle avait encore libre, elle repoussa le bras du basketteur. Il sursauta, et un coup de feu partit dans le plancher, à quelques centimètres de la tête de Chrissy. Le coup l'assourdit, et c'est la tête pleine d'acouphènes qu'elle tenta de se relever. La jeune femme se sentit trébucher, peinant à retrouver un équilibre normal. Jason, sonné lui aussi, mit un certain temps à comprendre ce qui venait de se passer. Lucas en profita pour se placer devant Maxine, vérifiant son état de santé, et la blonde se jeta tant bien que mal sur le bras armé de son ex. Sa main désarmée saisit le poignet de Jason, et de l'autre, elle asséna un violent coup de poing dans sa mâchoire.

Le jeune homme vacilla et Chrissy en profita pour récupérer l'arme à feu. Désorienté, Jason tenta de la frapper, mais le poing partit bien à côté de sa tête. La blonde agrippa le revolver et ouvrit le barillet pour le vider de ses balles. Le basketteur pouvait lui tirer dessus tant qu'il le voulait maintenant, ça n'avait plus aucune importance.

Alors que son audition revenait, Chrissy sentit un frisson lui parcourir le dos. Les voix s'égosillaient autours d'elle. Jason vociférait des insultes, Lucas tentait d'appeler Maxine... et une voix gutturale l'appelait encore, lui disait à quel point Eddie était en danger. Il fallait absolument qu'elle sorte d'ici. Même si elle savait que Vecna était seulement dans sa tête, son instinct lui hurlait qu'il lui racontait la vérité. Eddie était en train de mourir, et il fallait qu'elle fasse quelque chose.

La jeune femme se rua sur la porte, voulant la franchir le plus rapidement possible avant que Jason n'ait repris ses esprits, mais trop tard. Au moment où elle allait changer de pièce, une main ferme la saisit par la gorge et la projeta au sol. Chrissy retomba lourdement, le souffle coupé, et toisa Jason qui se tenait au-dessus d'elle. Il s'assit à califourchon sur elle, n'attendant pas qu'elle puisse faire un mouvement pour se relever, et empoigna ses cheveux pour claquer sa tête contre le plancher. Une douleur vive s'empara à nouveau de la jeune femme. Derrière elle, Lucas hurlait sur Jason, tentant de le raisonner en vain. Jason recommença. Chrissy ferma les yeux.

Dans sa tête, elle repassa en mémoire les souvenirs les plus heureux de sa vie. Sa tête lui faisait de plus en plus mal, et elle avait beau se débattre, elle savait que c'était peine perdue. Jason avait raison : il aurait toujours le dessus sur une fille aussi faible qu'elle pouvait l'être. Chrissy était condamnée à vivre avec des salopards dans son genre, qui la regardaient de haut, la dénigraient, et abusaient d'elle. Eddie n'était qu'une parenthèse aussi douce qu'éphémère dans sa vie. Pourtant, Chrissy ne s'était jamais sentie plus vivante qu'en étant avec lui, qu'en croisant ses yeux pleins d'admiration, de désir, d'amour et de respect. Sa bouche aux effluves de tabac qui fondait sur la sienne, qui la dévorait toute entière et qui lui insufflait la confiance qu'elle avait toujours désirée avoir. Tout ça n'était-il vraiment voué qu'à l'échec et à la mort ? Chrissy allait-elle vraiment mourir sous les coups d'un homme qui ne l'avait jamais aimé alors qu'une vie meilleure auprès d'Eddie l'attendait ?

Du bout de son pouce, Chrissy caressa le poing américain qu'elle avait toujours autours de ses doigts. Elle avait demandé à Steve de les lui acheter car elle savait que ce moment viendrait. Que Jason allait une fois de plus tenter de ruiner sa vie encore plus qu'avant. Elle les avait pris en espérant pouvoir enfin s'affirmer face à lui, lui faire regretter tout ce qu'il lui avait fait depuis qu'ils étaient ensemble. Mais non. En l'espace de quelques minutes, elle en avait perdu un et était en train de se faire frapper par lui. Jason devait penser que la jeune femme avait perdu connaissance car celle-ci fermait les yeux et ne bougeait plus. Il lui assenait des coups de poing dans le visage et Chrissy encaissait la douleur sans sourciller. La blonde avait toujours su faire ça.

"Chrissy" fit la voix d'Eddie.

L'écho résonna en elle comme un souffle brûlant et humide. C'était sa voix enjouée, rieuse presque, du jeune homme plein d'enthousiasme et de créativité. La voix qu'elle aimait par-dessus tout, car il la lui faisait entendre sans arrêt.

"Chrissy, bats-toi".

Le poing de Jason finit par rester en l'air. La blonde ouvrit à nouveau les yeux, le regard brouillé par le sang de son arcade qui coulait sur son visage. Même à travers ce voile poisseux, elle percevait le regard surpris du basketteur. Chrissy ne put s'empêcher de sourire. L'ascendant qu'il pensait avoir sur elle lui avait fait commettre la pire des erreurs : celle de baisser sa garde. Le poing armé de la blonde s'abattit avec violence dans la mâchoire de son agresseur, et, dans l'élan, elle se débarrassa du corps de son ex qui la plaquait au sol.

Chrissy se servit de la stupeur de Jason pour foncer sur son deuxième poing américain, l'enfila, et se jeta sur lui avant qu'il ne réplique. Elle asséna un coup de pied dans ses côtes, le faisant flancher, et, une fois que son visage fut à la hauteur de celui de la blonde, elle écrasa à nouveau son poing dans son nez, le brisant sur le coup.

- Écoute-moi bien salopard, cracha-t-elle alors qu'elle se penchait pour lui saisir le scalpe, maintenant tu vas sortir de ma vie.

- Chrissy...

- FERME-LA ! Tonna la blonde, serrant sa prise sur les cheveux de Jason.

Le jeune homme leva ses yeux vers elle. Pour la première fois, Chrissy n'y vit plus le regard supérieur et agressif qu'elle avait l'habitude de croiser. Elle ne vit que de la peur, une terreur encore inconnue chez lui. Jason ne la reconnaissait plus. La blonde sourit. En fait, Jason ne l'avait jamais vraiment connu. Car cette femme en colère qu'il avait en face de lui, c'était la vraie Chrissy, celle qui osait exprimer ses sentiments et se défendre seule.

La jeune femme inspira longuement et relâcha la tête de Jason, qui retomba mollement au sol. Elle se leva pour aller chercher le revolver qui avait été éjecté de la main de son ex lorsqu'elle l'avait frappé. Elle ouvrit le barillet d'un geste vif, et fit tomber toutes les balles au sol. Chrissy se dirigea ensuite vers la fenêtre, qu'elle ouvrit, avant de jeter l'arme de toutes ses forces.

– Je vais chercher Eddie, dit-elle à Lucas tandis que Jason restait couché au sol. On n'est pas loin de la forêt, je devrais être au portail rapidement.

– Sors Jason en même temps, répondit-il. Dès qu'il sera à nouveau sur pieds, il s'en prendra à moi, c'est certain.

Chrissy tiqua. Jason lui faisait perdre un temps monstrueux durant lequel tout pouvait arriver à Eddie. La blonde faisait en sorte de rester concentrée, car la moindre seconde où elle pouvait se laisser aller à être moins vigilante, elle la passait à s'inquiéter pour son homme. Elle se pencha vers le corps du basketteur et, du coin de l'œil, vit Erika se joindre à elle pour le sortir de la maison.

Une fois fait, l'adolescente lui sourit et repartit vers la maison. Chrissy regarda l'étendue d'herbe sombre et déserte, les jeux du parc qui grinçaient, emportés par la brise. Elle les contourna en trottinant et se dirigea droit vers la forêt, droit vers le portail, droit vers Eddie.


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Plus que trois chapitres ! 

L'ambiance est tendue et pleine d'action. J'espère vraiment que ces derniers chapitres vous plaisent car ils sont tellement dans une autre ambiance que les passages où Eddie et Chrissy étaient cachés ensemble que j'ai eu du mal à les écrire. Du coup j'espère qu'ils rendent bien... 

N'hésitez pas à me le dire en commentaire :)

Des bisous et à la semaine prochaine ! 

Alice

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