Chapitre 45
Le lendemain matin, tout le monde se réveilla avec une sensation d'apaisement. Tous avaient si bien dormi, même à même le sol du mobile-home, que tous avaient presque oublié leur mission et l'objectif du jour : se rendre au salon de l'armement qui se trouvait à quelques kilomètres à l'extérieur de la ville, la Warzone. Par réflexe, Nancy alluma la télévision alors que le groupe prenait son petit-déjeuner. Lorsque les informations arrivèrent, toutes les cuillères de porridge restèrent en suspens au-dessus des bols.
"Un nouveau corps a été retrouvé ce matin par les parents de la victime. Il s'agit d'Allie McCallin, élève à Hawkins High. Son cadavre a été retrouvé ce matin dans sa chambre par ses parents. La jeune fille a été démembrée de la même façon que Fred Benson et Patrick McKiney avant elle, laissant supposer que le tueur en série recherché activement par la police a de nouveau frappé."
À l'entente de ces mots, la gorge de Chrissy se serra. Allie était dans son équipe de cheerleading. Mis à part Stacey, elle était la seule avec qui la blonde s'était entendue. Entendre la nouvelle de son décès lui fit un choc. Ses doigts se serrèrent sur le manche de sa cuillère alors que la colère prenait le dessus. Vecna n'avait pas pu l'avoir elle, alors il s'était rabattu sur quelqu'un d'autre. Il était clair que ce sorcier, ou quoi que ce soit, ne devait pas vivre un jour de plus.
Sans s'en rendre compte, Chrissy s'était mise à pleurer. Les regards du groupe étaient tournés vers elle, l'observant avec une expression qu'elle haïssait de plus en plus. Seul Eddie avait un œil plus neutre. Avec le temps, ils avaient appris à se connaître. La jeune fille franche et confiante qui sommeillait en elle se levait de plus en plus telle une tempête, et il le savait. Lorsqu'elle leva les yeux vers lui, elle ne vit que de l'inquiétude. Pas pour elle, mais pour tout le monde autour d'elle. Chrissy allait avoir une réaction inattendue et peu enviable par Vecna. Tous les autres lui lançaient des regards de pitié. La pauvre, déjà elle, maintenant son amie. La pauvre, elle qui est si maigre, qui s'est fait violenter par son ex-copain, par sa mère. La pauvre, la pauvre, la pauvre...
– Qu'est-ce que vous regardez ? Cracha la blonde, plus violemment qu'elle ne l'aurait souhaité.
Elle n'attendit aucune réponse et fit volte-face pour passer la porte de l'habitation, avant de se diriger vers l'enclos dans lequel le chien était toujours là à aboyer. En fait, Chrissy n'en avait plus rien à foutre de ce que les autres pourraient lui dire. Elle avait, à cet instant, un grand besoin de faire ce dont elle avait envie, de faire ce qui lui faisait du bien. La jeune fille contourna le grillage pour ouvrir la porte, se dirigeant à l'intérieur de l'espace clos. Immédiatement, le cabot fonça sur elle et la couvrit de léchouilles amicales.
Chrissy s'assit dans la pelouse, prenant garde à ne pas poser ses fesses dans une des déjections du chien, et le laissa monter sur ses genoux pour l'encercler de ses bras. Les larmes sur ses joues avaient séché.
Dans le mobile-home, personne n'avait bougé. Eddie, bien que triste pour son amie, n'avait pu s'empêcher d'esquisser un fin sourire lorsque Chrissy avait envoyé bouler tout le monde. Steve, quelques minutes plus tard, s'était levé et avait tenté de la rejoindre. Eddie l'en empêcha d'un bras, lui chuchotant qu'il valait mieux lui laisser quelques minutes. Robin avait soupiré, vaincue. Elle aussi aurait aimé voir la cheerleader et essayer de discuter avec elle.
Chrissy était assise dans l'herbe, le petit chien sur ses genoux, perdue dans ses songes. Elle avait les yeux rivés sur l'animal qui jappait joyeusement, s'arrêtant parfois pour la regarder et lui lécher la main. Chrissy aurait aimé être un chien. Pouvoir vivre de façon aussi insouciante, sans se douter de tous les problèmes que pouvaient avoir les humains autour d'eux. Les chiens ne méritaient pas tout le mal qui arrivait à cette planète. Dans son dos, la porte du grillage s'ouvrit. Steve vint s'asseoir à côté d'elle et entoura ses genoux de ses bras sans un mot. La blonde lui lança un regard à la dérobée, mais n'engagea pas la conversation.
– Je suis désolé pour ton amie, dit-il enfin.
La jeune fille ne répondit pas.
– Je sais que tu ne veux pas qu'on te prenne en pitié, et je comprends, reprit-il. Tout le monde voit les cheerleaders comme des princesses fragiles avec un caractère de merde, et forcément, tout le monde a remarqué que tu étais différente. Alors... je sais qu'on se connaît pas très bien, mais sache que personne ici ne te laissera tomber. Vecna ne t'aura pas, c'est promis.
Encore une fois, la blonde garda les yeux rivés sur le chien, sans rien dire.
– Et je voulais te demander pardon, pour ce que j'avais dit.
Là, elle leva les yeux vers lui.
– Quand on vous a trouvé au hangar à bateaux, expliqua Steve. J'ai dit de la merde. Je... je n'ai jamais été en contact avec quelqu'un qui avait été agressé ou qui avait agressé. Quand j'ai su que mes potes faisaient de la merde et se comportaient comme des salopards, je me suis juste éloigné d'eux. Mais... j'ai pas su trouver les bons mots et je n'aurais jamais dû mettre ta parole en doute, Chrissy. Je te crois, et je te demande pardon.
La blonde lâcha un rire jaune.
- C'est rien ça, Steve, répondit-elle en haussant les épaules. Je ne m'attends pas à ce que qui que ce soit me croit. En fait, je suis même surprise lorsque les gens et surtout les hommes se placent de mon côté. Jason a dû s'appliquer à me faire passer pour une salope manipulatrice et à salir ma réputation, même s'il ne s'est rien passé.
- Il l'a effectivement fait, grimaça Steve. Mais nous on te croit.
Chrissy lui sourit et hocha la tête. Le message était passé. Steve lui rendit son sourire et se leva pour regagner le mobile-home. La blonde lui saisit la main à la volée, et le força à se rasseoir avant d'approcher sa bouche de son oreille. Elle lui murmura quelque chose à l'oreille et le laissa partir sans un mot de plus.
Lorsqu'il fut l'heure d'aller jusqu'à la Warzone, un problème épineux s'imposa. Comment déplacer autant de monde ? Y aller en vélo était ridicule (et puis : comment allaient-ils revenir, chargés d'armes à feu ?), et la voiture de Nancy ne pouvait pas contenir tout le monde. Eddie trouva la solution au problème : ils se trouvaient dans un parc à mobile-home et beaucoup des habitants possédaient une petite habitation immobile. En revanche, quelques résidents du parc vivaient dans un camping car. Parfait.
- Par contre, intervint le métalleux avant que tous ne sortent de chez Max. Est-ce que quelqu'un peut me prêter un bonnet ou quelque chose comme ça ? Parce que bon... je suis un peu recherché pour meurtre, quoi...
Tous se lancèrent un coup d'œil étonné. Plus personne n'avait ça en tête. Pour la majorité des habitants, les crimes monstrueux de Vecna étaient en réalité perpétrés par Eddie le Taré Munson. Max finit par se détacher du groupe et trottina vers sa chambre, avant d'en revenir avec... un truc en silicone affreux qu'Eddie ne reconnut pas tout de suite, mais qui arracha un sourire à Lucas et Dustin.
Quelques minutes plus tard, la tête de Michael Myers, de sous laquelle dépassaient les longues mèches d'Eddie, passait sur le côté d'un mobile-home. Derrière lui, Nancy, Robin, Lucas, et tous les autres le suivaient. Ils passèrent de mobile-home en caravanes, sillonnant entre les petites maisonnettes, jusqu'à arriver devant un grand camping car dont l'auvent déployé cachait le soleil à ses propriétaires, de l'autre côté. Eddie s'hissa pour ouvrir une des fenêtres et se glissa à l'intérieur pour aller ouvrir la porte à ses compagnons, qui entrèrent en vitesse. Chrissy suivit le métalleux jusqu'au volant du véhicule, et resta sans voix lorsqu'elle le vit tirer les câbles de sous le tableau de bord.
– Eddie...
– Quoi ? Fit-il, une pince à couper les fils entre les dents. Je t'avais dit que mon père volait des caisses, non ?
Elle hocha la tête.
– Bah c'est la seule chose que ce connard m'ait apprise, avant de partir en taule.
Chrissy allait répondre, mais la voix de Nancy par-dessus son épaule lui coupa la parole.
– Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée de te laisser conduire, par contre, suggéra la jeune femme.
– Bien sûr que non, répondit Eddie en souriant à Steve, qui arrivait derrière. Mais Harrington peut s'en charger, pas vrai mon grand ?
Nancy haussa un sourcil, peu convaincue par la manière de le dire, mais se laissa faire et retourna dans l'habitacle avec le reste du groupe. Chrissy se laissa tomber sur le siège passager, sans quitter des yeux les mains d'Eddie qui s'agitaient habilement sur les fils de la voiture. Bientôt, le moteur tressauta avant de se mettre en marche. Le métalleux décolla de son siège comme un cabri, entraînant Chrissy vers le canapé-couchette, et Steve glissa pour prendre sa place.
– Accrochez-vous ! Beugla-t-il, alors qu'il poussait le levier de vitesse et lançait le camping-car à vive allure.
Chrissy eut tout juste le temps de voir le paravent s'arracher du véhicule, alors qu'il tournait pour se mettre dans l'allée, avant d'être projetée à terre sous la violence du virage. Eddie s'élança pour la ramener contre lui et la lova contre son torse. Si le véhicule ne la secouait pas comme une bouteille de jus de fruit, la blonde aurait pu totalement se déconnecter de la réalité. D'un coup, tous ses sens ne voulaient qu'une seule chose : être contre le métalleux. Un moment comme celui-ci, elle en avait au moins une fois par jour. Pourtant, avec tous les événements des derniers jours, elle manquait terriblement du contact de son ami. Vecna ou pas, la seule chose que Chrissy désirait, c'était partir loin, dans son van, et n'être qu'avec lui, contre lui, sur lui. Peu importe, tant que ça impliquait Eddie Munson.
Le camping-car cessa de gesticuler, mais Eddie ne détacha pas son regard de la cheerleader. Les murmures des autres bourdonnaient dans ses oreilles comme un essaim d'abeilles. S'ils n'avaient pas été là, le métalleux se serait jeté sur sa bouche comme un drogué en manque. À contrecœur, il dut se contenter de poser ses lèvres sur le front de Chrissy.
Vingt bonnes minutes plus tard, Steve garait le camping-car à l'arrière de la Warzone, près de l'aire de déchargement des marchandises. Personne n'eut à demander qui descendrait faire les courses et qui resterait ici. Eddie et Chrissy, évidemment. Dustin et Lucas ne décollèrent même pas de la banquette. Ils étaient tous deux membres du Hellfire Club, il n'était pas question pour eux de risquer leur peau alors que toute la ville les prenait pour des sbires du plus grand sataniste de l'Indiana. Lorsque la porte claqua, Eddie se leva, prenant la main de Chrissy et l'entraînant au fond de l'habitacle, là où quelques placards les séparaient de Dustin et Lucas. Le basketteur voulut protester, mais Dustin le retint par la main.
– Laisse-les, murmura-t-il. T'as de la chance de pouvoir faire cette opération avec Max, et de veiller sur elle. Mais ce soir, ils risqueront leur vie chacun de leur côté. J'aurais envie d'avoir un peu d'intimité à leur place.
Eddie haussa les sourcils, et reporta son attention sur Chrissy, qui s'était assise et tentait de cacher ses yeux embués. Le métalleux l'entoura de ses bras et la colla contre lui, la berçant doucement pour la calmer. Dustin détourna les yeux tandis qu'il se penchait pour l'embrasser, scellant enfin leurs lèvres. Les larmes salées furent absorbées par la bouche d'Eddie alors qu'il glissa sa langue dans la cavité de son amie.
Oublié le monde qui les entourait, oublié Vecna, oubliée la mission quasi suicide du soir. Oublié le temps qui fila comme un marathonien, oubliée la porte du camping-car qui s'ouvrit à la volée.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top