Chapitre 43
Chrissy passa à côté de Jason qui lui lança un regard incrédule. Elle lui sourit, satisfaite. Le basketteur avait un peu trop oublié la place qui lui incombait ici, et assister à la scène était bien trop beau pour elle. La jeune fille suivit donc son père qui l'emmena discrètement jusqu'à la buanderie.
En passant devant la cuisine, les deux croisèrent les yeux perçants de Laura Cunningham, qui interrogea sèchement son mari :
– Elle ne doit pas quitter sa chambre, Philip. Je peux savoir pourquoi je la vois ici avec toi ?
– Parce que je suis son père autant que tu es sa mère, et si je décide qu'elle et moi devons avoir une sérieuse discussion sur son comportement, alors ça sera le cas, répondit le père de Chrissy, sur le même ton.
Laura haussa les sourcils et Chrissy dut se retenir de rire. La mine déconfite de sa mère valait le détour. Philip prit sa fille par les épaules et la conduisit à la buanderie. Une fois la porte fermée, il se tourna vers elle, la mine grave.
– Ta mère veut que Jason reste pour la nuit, annonça-t-il, la mine grave. J'ai tenté de négocier avec elle pour que vous fassiez chambre à part car Dieu ne serait jamais d'accord pour que tu perdes ta virginité avant le mariage... tu es encore vierge, hein ?
Chrissy pouffa.
– C'est vraiment la seule question que tu as en tête ?
– Oui, bref, grommela-t-il. Je sais que je ne t'ai pas assez protégé de tout ce qui te faisait du mal, de ta mère, de Jason. J'aurais dû prendre ta défense bien plus tôt, et je suis désolé pour ça.
– C'est pas grave, tenta-t-elle de le rassurer, je n'étais pas si seule au finale.
– C'est gentil de me faire croire que tout est pardonné, mais j'ai laissé tout le monde te piétiner car je n'osais pas aller contre ma femme et contre les qu'en dira-t-on. Et je ne m'attends pas à ce que tu me pardonnes maintenant.
La blonde ouvrit la bouche pour parler, mais se ravisa. Son père avait l'air misérable en face d'elle. Les excuses étaient sincères, Philip avait l'air prêt à se racheter. Chrissy glissa ses bras autour de la taille de son père et se colla à lui dans une étreinte.
– Merci papa, ça compte beaucoup pour moi...
Philip profita du contact de sa fille. Enfin, il avait l'impression d'être avec sa fille. Chrissy était heureuse de retrouver un vrai parent dans cette maison, sur qui elle pouvait compter et à qui elle pouvait se confier. Lorsqu'il la relâcha, la jeune fille le vit farfouiller dans des cartons posés dans un coin, caché derrière la machine à laver.
– Je sais que tu as des amis dehors qui t'attendent probablement et qui vont t'aider à t'en sortir, lui dit-il. Malheureusement, ma voix ne compte pas beaucoup pour ta mère et elle va passer tout le repas à témoigner de ma mauvaise éducation envers toi.
– Pourquoi tu ne te défends pas ?
– Parce que.... Parce que j'aime ta mère, quoi qu'il arrive.
– Mais papa, s'écria-t-elle, elle te fait du mal, elle fait du mal à tout le monde ! Tu ne peux pas parler d'amour si elle passe son temps à te rabaisser et à faire du mal aux autres. Si tu approuves le fait que je m'enfuis d'ici, pourquoi tu ne pars pas, toi aussi ?
- C'est... je n'ai pas encore le courage. Mais ne t'en fais pas pour moi, reprit Philip avant que sa fille n'ait pu rétorquer. C'est de toi qu'il s'agit, alors écoute-moi bien. Je ne veux pas que tu me dises où tu comptes aller. Je vais te mettre un vélo dans les buissons de l'allée avec un talkie-walkie.
- Tu as un talkie ? Répéta-t-elle, surprise. D'où tu tiens ça ?
- On s'en servait pour discuter avec ta mère, avant de se mettre ensemble. Nos bonnes vieilles années lycées, tu vois... bref, il y en a un qui marche encore, tu pourras l'utiliser pour communiquer. Je mettrai tout ça dehors pour que tu puisses partir dès que possible.
– Mais, et Jason ?
Son père ne répondit pas. Il prit la main de Chrissy, et déposa deux comprimés blancs dans sa paume.
- Ta mère en prend depuis des années pour l'aider à dormir. Ce soir, tu vas faire un thé pour Jason, pour te faire pardonner, et tu mettras ça dedans.
La jeune fille acquiesça. Et si ça ne fonctionnait pas ? Et si Jason comprenait ce qui se tramait et lui faisait du mal ? Elle ne pouvait pas douter. La solution que proposait son père était sa seule issue, elle devait aller jusqu'au bout.
- Maintenant prends un air coupable et retrouve ta mère pour l'aider à mettre la table, et moi je m'occupe de ton vélo.
Chrissy sourit avant de baisser les yeux, faisant une moue. Elle glissa les comprimés dans la poche de son jean et retourna dans la cuisine, offrant un regard triste à sa mère.
- Je vais mettre la table, lui dit-elle en commençant à fouiller dans les placards.
Elle ne laissa pas à sa mère le loisir de répondre et commença à dresser la table. Bientôt, tout le monde la rejoignit et le repas commença. Comme d'habitude, Chrissy n'eut droit qu'au quart de ce que tout le monde mangeait, mais pour une fois, cela ne la dérangea guère. Elle mangea en silence, écoutant d'une oreille les remarques déplacées que sa mère fit sur son apparence physique et sur son comportement, appuyée par Jason. La jeune fille ne pensait qu'à Eddie, aux nuits passées ensemble l'un contre l'autre, à s'embrasser et se câliner. Chrissy aurait aimé avoir eu le courage de perdre sa virginité avec lui. Elle en avait déjà ressenti l'envie, mais la situation était si peu propice que le métalleux l'aurait pris pour une folle si elle avait eu l'audace de lui faire des avances. Si elle s'en sortait ce soir, peut-être qu'elle ferait en sorte d'y remédier.
Quand vint la fin du repas, Chrissy aida à débarrasser la table. Elle en profita pour faire couler de l'eau tandis que son père allait "bricoler pour s'aérer l'esprit", et que sa mère faisait la vaisselle. Jason monta dans la chambre pour attendre la jeune fille. La voie était libre. Chrissy versa l'eau dans les deux tasses, touillant pour que l'infusion prenne et que les comprimés fondent dans l'eau. Vite, avant que sa mère ne s'aperçoive qu'elle était en train de duper Jason. Elle posa ensuite les deux tasses sur le plateau et monta dans sa chambre. Dehors, il faisait nuit noire. Quand elle consulta la pendule dans le couloir de l'étage, elle vit 21 h et quelques. Elle allait pouvoir partir rapidement après avoir endormi Jason. Sa mère n'allait pas tarder à se mettre au lit.
Chrissy entra dans la chambre avec le plateau et trouva Jason allongé sur son lit, le regard perçant.
- C'est quoi tout ça ? demanda-t-il.
- Il n'y a ni bière ni café ici alors je me disais qu'un thé te plairait, murmura-t-elle. Pour me faire pardonner et repartir sur de bonnes bases. Je sais que... que t'aimerais bien que cette soirée soit... un peu plus physique, mais avant ça j'aimerais qu'on ait une petite discussion. Histoire de repartir sur de bonnes bases, et peut-être de trouver un terrain d'entente.
- Tu te rends compte à quel point ton idée est stupide ? rétorqua le basketteur sans relever l'histoire du thé.
Chrissy posa le plateau sur le lit et poussa une tasse vers lui. Jason la prit sans grande conviction. La blonde s'assit en face de lui et se mordilla les lèvres.
– Tu sais, lui dit-elle doucement, je ne comprends pas trop pourquoi autant d'insistance sur le fait de coucher ensemble. Je veux dire... tu sais que je suis croyante et que je ne veux pas coucher avant le mariage. Pourquoi vouloir à ce point outrepasser mon souhait ?
– Parce que c'est un souhait qui date du Moyen-Âge, Chriss'. On est en 1986, les gens couchent bien avant leurs dix-huit ans. Pourquoi ça te bloque à ce point ?
– Je ne sais pas... mais on ne peut pas dire qu'on ait eu la meilleure relation qui soit depuis quelque temps.
– La faute à qui ? railla Jason. C'est toi qui as décidé de faire ami-ami avec ce taré de Munson. Je t'avais dit de pas t'approcher de lui Chriss'. C'est si dur que ça de m'obéir ?
Le mot fit tiquer la blonde. L'avait-il prise pour son jouet ? Probablement que oui. En y repensant, les seuls moments qui étaient bons à garder entre elle et lui étaient quand ils étaient encore en Seconde. À l'époque, Jason était timide et n'avait pas encore toute la responsabilité inculquée par son père. Il but une grande gorgée de thé.
- Mais tu sais, reprit-il, si tu veux vraiment terminer ta vie seule, alcoolique et avec des chats, tu fais comme tu veux. Juste dis-le-moi et je te laisse tranquille. Enfin tranquille... je ferai juste en sorte que plus personne ne veuille de toi.
Chrissy soupira. Les mots du basketteur étaient durs. La blonde avait seulement tenté de comprendre ce qui lui passait par la tête. Elle avait essayé de retrouver le côté timide et réellement attentionné de son ex petit ami, mais elle ne put que se rendre à l'évidence : il ne restait qu'un jeune homme qui se prenait pour un dieu et qui adorait marcher sur les gens. Jason était un connard manipulateur et il n'y avait plus rien de bon en lui. La jeune fille but une gorgée de sa propre tasse et attendit. Jason but également, et la regarda :
– N'empêche, lui dit-il, j'aimerais bien que tu m'expliques ce que tu lui trouves, à Munson. Pourquoi tu préfères rester collée à ce taré plutôt qu'à moi ? On était le meilleur couple d'Hawkins High non ?
– C'est pour ça que tu veux qu'on se remette ensemble ? rétorqua-t-elle. Pour sauver les apparences ? Mais nous ne sommes pas le meilleur couple du lycée Jason, ouvre les yeux. Nous sommes le pire. Les gens nous adorent parce que nous sommes les capitaines de nos équipes respectives, et par conséquent tout le monde a attendu de nous que nous soyons ensemble. Mais personne ne connaît la vérité. Personne ne sait que tu es violent, manipulateur, agressif et que ta bite ne tient pas en place.
– Qu'est-ce que tu viens de dire ? grogna le basketteur.
– Stacey Holmes. Tu sais, mon amie des cheerleaders. Tu n'as pas réussi à me prendre de force, alors tu t'es défoulée sur elle, n'est-ce pas ? Ses parents sont venus au lycée pour exiger une punition, et la police aussi.
La tasse du jeune homme s'abattit sur le plateau dans un geste rageur. Elle était vide. Chrissy retint un sourire. La première étape était terminée, il fallait encore attendre de vérifier qu'elle marche.
– Stacey est une pimbêche qui recherche de l'attention, lâcha-t-il. Et en ton absence, elle s'est rabattue sur moi. Elle était saoule et elle m'a fait des avances. Elle en avait envie, ça n'était pas un viol !
– Jason, claironna Chrissy. Les femmes bourrées sont rarement consentantes. Et si Stacey ne tenait pas debout tu n'aurais pas dû la toucher. Conclusion : une fois de plus celui qui est en tord, c'est toi.
Le basketteur se leva d'un bon, une grimace de colère déformant ses traits, mais dut se rattraper à la coiffeuse pour ne pas tomber.
– Quelque chose ne va pas, mon chéri ? demanda la blonde avec un sourire.
– Je ne me sens pas...
Jason papillonna des yeux et chercha Chrissy du regard. Celle-ci le regardait avec un air satisfait sur le visage. Comme le lui avait prédit son père, Jason n'était pas habitué aux somnifères. L'effet avait donc été rapide et le voilà qui tombait presque à la renverse. La jeune fille se leva et empoigna Jason par le col de son t-shirt, l'amenant vers le lit. Le basketteur lui prit le poignet pour la faire lâcher, mais les forces lui manquaient sérieusement à présent.
– On veut faire un gros dodo, mon chéri ? remarqua Chrissy d'un ton mielleux et surtout ironique. Mais on ne trouve pas le lit ? Attends, je vais t'aider voyons, on ne voudrait tout de même pas attirer l'attention sur nous.
- Chrissy, espèce de... sal-
Jason ne put terminer sa phrase. Dès que l'arrière de sa tête toucha le coussin, il tomba endormi et ne bougea plus d'un pouce.
– Étouffe-toi dans ton sommeil, connard, lui lança-t-elle sur un ton froid.
Puis elle se leva, ouvrit sa fenêtre à guillotine, et enjamba le rebord pour s'agripper à la gouttière. Une minute plus tard, elle avait récupéré le vélo et le talkie, et s'enfonçait dans la nuit noire.
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Chrissy a trouvé un allié inattendu ! Et oui, son père la croit et lui permet de s'échapper :)
J'espère que ce chapitre vous a plu, je vous retrouve la semaine prochaine pour la suite des aventures de notre Eddissy préféré :)
Bisous,
Alice
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