Chapitre 38
Eddie entraîna Chrissy à sa suite à travers les arbres. La jeune fille avançait sans prêter attention au décor, trébuchant parfois sur des racines. Elle haletait, épuisée. Quand le métalleux se retournait pour la regarder, il voyait une jeune fille qui clignait à peine des yeux, en état total de choc. Il avait beau eu lui éviter le spectacle par tous les moyens, il se doutait qu'elle n'avait pas pu passer outre les sons horribles des os de Patrick qui partaient dans tous les sens. Ça plus ce qu'elle avait vu à la télé juste après la mort de Fred, ça faisait beaucoup.
Les deux jeunes adultes continuèrent à courir jusqu'à trouver la route de terre en face d'eux. Eddie se stoppa net, attrapant son amie par la taille avant que celle-ci, dans l'élan, ne dévale la petite pente qui la précipiterait sur la route. Un peu plus loin, à une dizaine de mètres, se trouvait un barrage de police. Deux voitures étaient garées sur le bas côté et des barrières avaient été déployées pour contrôler le passage sur l'unique chemin menant au lieu du deuxième meurtre. Le métalleux tourna la tête vers Chrissy, qui avait les yeux toujours rivés dans le vide, comme mécanique. Elle n'était pas en état de réfléchir, alors il devait le faire pour elle, vite. Les policiers présents chez Rick devaient déjà avoir trouvé les affaires de Chrissy dans la maison, et Jason avait dû leur dire l'avoir vu déjà (en omettant la tentative de meurtre évidemment).
Deux options risquées s'offraient donc à eux. Eddie savait déjà quelle serait leur prochaine destination, mais il préférait s'assurer un moyen de communication avant de s'y rendre. Si Dustin, Steve et les autres venaient chez Rick sans jamais les trouver, ça allait poser problème. Sauf que le talkie était resté dans le salon, et ils étaient loin. Soit il rebroussait chemin pour aller chercher le talkie en douce dans la maison, soit il tentait de s'approcher d'une des voitures de police. Sur le capot de l'une d'entre elle, un des agents avait laissé sa veste, radio bien en vue. Ça serait un jeu d'enfant de mettre la main dessus, tant que les deux officiers restaient occupés avec les passants et les badauds qui se faisaient de plus en plus nombreux. Oui, la radio qui se trouvait sur le capot de la voiture était leur meilleure option. Eddie se tourna vers Chrissy, qui n'avait pas bougé, et la prit par les épaules avant de lui caresser le visage.
– Chrissy, murmura-t-il. Je sais que tu es épuisée et que tu as besoin de te vider la tête. Je sais à quel point tu es choquée. Et je te promets que ça sera bientôt fini. Mais j'ai besoin que tu fasses une dernière chose pour moi.
La blonde leva ses yeux vers lui. Eddie eut un léger mouvement de recul, choqué par la façon qu'elle avait de le regarder sans le voir.
– Je vais aller chercher la radio qui se trouve sur la voiture là-bas, pour pouvoir appeler Dustin, reprit-il. Toi, à mon signal, tu vas traverser la route et t'enfoncer dans le bois. Tu fais dix pas, et tu m'attends, d'accord ?
Chrissy acquiesça sans un mot. Eddie pria de tout son cœur pour qu'elle ait compris. S'il avait pu l'emmener jusqu'à la voiture de police sans risquer qu'elle ne soit vue par quelqu'un, il l'aurait fait. Mais c'était beaucoup trop dangereux. Il s'approcha donc de la voiture en lui faisant signe de rester sur place, puis lui fit un signe quand il fut sûr qu'elle pourrait traverser la route sans alerter qui que ce soit. Au moment où il mit la main sur la veste du policier pour saisir la radio, il aperçut Chrissy, du coin de l'œil, qui traversait la route à moitié accroupie. Elle était vive, et le moment où elle fut à découvert était bref. Tout irait bien. Eddie passa rapidement derrière les voitures, talkie en main, et s'enfonça à nouveau dans la forêt, de l'autre côté de la route.
Le métalleux marcha rapidement, rejoignant l'endroit où il supposait être son amie. Il longea la route jusqu'à arriver à la hauteur où Chrissy avait traversé, et fit une dizaine de pas. Il faisait sombre, mais Eddie était certain que la blonde n'était pas là où il était censé la trouver. Quelque chose ne tournait pas rond, et son cœur s'emballa. Où était-elle ?
– Chrissy ? Se risqua-t-il à mi-voix, espérant ne pas tomber sur un policier.
Mais personne ne lui répondit. Il continua de faire quelques pas, tentant d'apercevoir sa silhouette dans la pénombre, mais rien.
– Chrissy ?! Appela-t-il un peu plus fort.
Mais la jeune fille ne lui répondit pas. Elle devait être toujours en état de choc, et elle n'aurait pas de voix pour lui indiquer sa position. Eddie accéléra le pas, son cœur battant la chamade. Sa gorge se noua, mourant d'envie de hurler le prénom de sa Princesse, mais il se retint. Autant ne pas donner l'alerte, les forces de l'ordre n'étaient pas si loin. Le jeune homme se mit à courir, et finit par la trouver recroquevillée au pied d'un érable. Elle avait les cheveux trempés, collés à son visage. Ses lèvres tremblaient de froid et Eddie voyait qu'elle se faisait violence pour ne pas laisser sa mâchoire claquer tant elle avait froid.
- Oh, Chrissy, murmura-t-il en s'accroupissant près d'elle. Je suis tellement désolé pour tout ça...
– Ce n'est pas ta faute, murmura-t-elle, éteinte. C'est moi qui suis maudite Eddie, pas toi. Tu ne m'as pas fait subir tout ça, c'est moi qui t'ai ramené tout ça en venant chez toi.
– Ne sois pas désolée. Je sais que tu meurs d'envie de me le dire, mais saches que si tu n'étais pas venue m'apporter ta malédiction, je serai venu la chercher moi-même...
Il y eut un silence durant lequel il n'entendit que la mâchoire de Chrissy, qui avait échappé au contrôle de sa propriétaire. Le métalleux avait le cœur brisé. Son amie était à bout de force. Malheureusement pour elle, ils ne pouvaient se permettre de rester sur place. Ils devaient bouger encore un peu pour se mettre à l'abri.
- On n'est plus très loin Princesse, murmura Eddie. Il faut qu'on y aille.
Chrissy se contenta de lui lancer un regard désespéré. Des larmes coulèrent sur ses joues et elle l'implora du regard.
– Je n'en peux plus Eddie, sanglota-t-elle. Je n'en peux plus...
Le métalleux ne répondit pas. La situation était telle que voir la blonde pleurait lui donner envie de fondre en larmes également. Mais si elle flanchait, il devait tenir debout pour deux. C'était ainsi que fonctionnait leur relation : l'un tenait l'autre. Alors Eddie passa ses mains autours de son corps frêle et la souleva contre lui avant de se redresser. Il se remit en route sans un mot, tentant de bercer Chrissy pour qu'elle s'apaise un peu.
Quelques minutes plus tard, ils étaient à destination. Ça n'avait l'air de rien, vu de loin, mais Eddie fut soulagé à l'apparition de cet immense rocher creux qui formait une caverne. C'était un lieu célèbre pour tous les lycéens d'Hawkins et tout le monde en parlait sans forcément y aller. Pourtant, chaque fois que le métalleux y avait mis les pieds, il avait trouvé des traces d'un précédent passage. Ça pouvait aller d'un joint écrasé dans la terre, à une capote usagée jetée dans un coin. Cette fois-ci, il crut à un miracle. Posé dans un coin, un sac de couchage dans son étui, qui paraissait en bon état. Posé sur un rocher, une lampe à huile qui servait à tout le monde.
– On est arrivé, murmura-t-il à l'attention de la blonde, qui laissait sa tête ballotter sur l'épaule de son compagnon, l'air absente.
Eddie la déposa contre un plus petit rocher qui dépassait du grand mur en roche, et se saisit de la lampe pour l'allumer. Il avait trouvé un petit paquet d'allumettes dans la même poche que le talkie-walkie, et s'était réjoui à l'idée de pouvoir fumer une bonne cigarette. Mais ça, c'était avant de se rappeler qu'il était trempé des pieds à la tête et que son paquet de Philip Morris ne faisait pas exception.
Une fois la petite flamme bien au chaud dans son carcan de verre, Eddie s'affaira à déplier le couchage.
– Eurk, dit-il avec une grimace de dégoût. Je suis désolé Princesse, le sac de couchage pue le joint.
– Je m'en fiche Eddie, répondit-elle, la voix étranglée. Si tu savais à quel point ça n'a pas d'importance...
Le métalleux ne répondit pas. Les mots lui manquaient, et après tout ce qui s'était passé ses derniers jours, il ne savait plus quoi lui dire pour la rassurer. Il se contenta donc d'étaler le sac au sol là où la terre était lisse, et s'approcha de Chrissy.
- Je vais retirer tes vêtements, d'accord ? Lui demanda-t-il doucement. Tes vêtements sont trempés et tu ne te réchaufferas pas en les gardant sur le dos.
La blonde ne dit rien. Elle se contenta de lever mollement les bras au-dessus de sa tête, invitant Eddie à enlever son t-shirt. Il s'exécuta sans un mot, prenant garde à ne pas la fixer.
– Est-ce que c'était aussi horrible à voir qu'à entendre ? Lâcha Chrissy de but en blanc, rompant le silence.
– Qu'est-ce qui était aussi horrible ? Répéta-t-il, s'affairant à enlever le bas de la jeune fille.
- Fred. Est-ce que c'était aussi horrible à voir qu'à entendre, quand il est mort ?
– Oui, ça l'était, murmura-t-il. C'était infâme, et je suis désolé que tu aies eu à vivre ça, toi aussi.
Eddie termina de la dévêtir et la laissa en culotte, l'entraînant pour se mettre debout et aller jusqu'au sac de couchage.
– Voilà, tu seras bien ici.
Chrissy s'exécuta et s'allongea avant de retirer son dernier sous-vêtement sous les yeux médusé du jeune homme.
– Quoi ? Elle est trempée aussi, et j'ai froid aux fesses.
– Je...
Les mots restèrent coincés dans sa gorge. D'un coup, Eddie ne sut comment finir sa phrase, ni comment commencer la suivante. Il s'approcha pour fermer le sac de couchage, mais la blonde l'arrêta.
– Rejoins-moi, lui dit-elle sur un ton mécanique. Tu dois avoir froid aussi, on se réchauffera plus vite si on partage notre chaleur.
Elle marquait un point. Eddie se leva pour aller déposer ses vêtements près de ceux de son ami, et la rejoignit en caleçon.
– Eddie, maugréa-t-elle. Toi aussi tu vas mourir de froid...
– Mais...
– Je ne regarderai pas, promis. Et... et si ça te pose un problème d'être nu contre moi, sache que, sans vouloir t'offenser, vu ce qu'il s'est passé tout à l'heure, je n'aurais pas la tête à ça ce soir...
- Je n'ai jamais dit ça.
- Mais tu l'as pensé.
Le métalleux soupira.
- Viens Eddie, je t'en prie, insista-t-elle.
Le jeune homme hésita. D'un côté, elle avait raison : si on raisonnait en survivaliste, être nu l'un contre l'autre était le meilleur moyen de bien utiliser la chaleur. Si on raisonnait en homme qui s'apprêtait à se coller à la fille de ses rêves, corps d'homme nu contre corps de femme nu, un accident était si vite arrivé. Et c'était précisément ce qu'Eddie avait en tête. Et si elle se moquait de sa virilité ?
Mais, comme si Chrissy avait lu dans ses pensées, elle lui offrit un regard insistant.
– Eddie, je suis la dernière personne sur Terre à juger les apparences. Et non, je ne t'en voudrais pas si tu... réagissais à mon contact. Je sais que ça ne se contrôle pas.
Il était vaincu. Eddie aurait beau chercher toutes les excuses du monde, la blonde les démonterait une par une. Elle avait raison. Et il ne pouvait pas supporter de la voir grelotter, implorante et impuissante. Après ce qu'elle avait vécu ce soir, il lui devait bien de tout faire pour l'apaiser. Alors le métalleux se dévêtit, pièce par pièce, jusqu'à se retrouver nu devant elle, tout tatouage dehors. Déjà, il sentait la chaleur revenir en lui. C'était le printemps et même si les nuits pouvaient être encore un peu fraiches, elles étaient bien meilleures que s'il avait gardé son tas de fringues trempées sur lui. Frissonnant, il se glissa à son tour dans le sac de couchage, se collant à la peau de la blonde.
– Tu vois, ça n'était pas si terrible, murmura-t-elle sur un ton moins amusé qu'elle ne le voulait.
Eddie ne répondit rien. Il observa son amie, qui baissa les yeux. De grosses cernes violettes creusaient le dessous de ses yeux. La pauvre était épuisée. Lui aussi, d'ailleurs. Pendant un instant, il avait songé à instaurer des tours de garde entre eux, pour pouvoir réagir si quelqu'un s'approchait trop près de leur position. Mais Chrissy peinait déjà à garder les yeux ouverts, et lui ne tarderait pas à la rejoindre auprès de Morphée. Ces derniers jours avaient été éreintants émotionnellement, et ils avaient tous les deux besoin d'une nuit complète, aussi inconfortable soit-elle. Et puis de toute façon, à l'heure qu'il était la police ne le recherchait pas tellement. Jason avait été si choqué par ce qui était arrivé à Patrick qu'il n'avait pas prêté attention à la fuite des deux jeunes gens. Il devait être en train d'insister sur le fait qu'Eddie était un taré satanique et qu'il était responsable de la mort de Patrick, en omettant bien évidemment la tentative de noyade sur Chrissy. En fait, le basketteur était le seul convaincu de sa culpabilité. Le shérif Morris ne le traquait pas encore pour la simple raison qu'il ne le croyait pas encore coupable. Le policier était un homme sensé qui ne se laisserait pas avoir par les on-dit, ce qui laissait à Chrissy et lui une nuit et peut-être même une journée d'avance.
– Tu sais, lui dit Chrissy à mi-voix, je n'ai pas été tout à fait honnête avec toi...
Eddie baissa les yeux sur elle, coupé dans ses pensées. Elle le regarda, plongeant ses yeux dans les siens, et il remarqua qu'elle pleurait.
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