Chapitre 29

Chrissy resta collée à Eddie, assise par terre, pendant un moment. Le métalleux ne chercha pas à s'en aller non plus. Ils n'avaient passé qu'une seule journée séparée et pourtant c'était déjà trop. Ils se levèrent bien plus tard pour retourner dans la maison.

– T'as fait quoi de beau depuis hier ? Demanda Eddie, hasardeux.

Chrissy haussa les épaules.

– J'me suis fait chier. J'ai pleuré....

Eddie, qui réglait la télé, se retourna pour la regarder. Elle lui sourit.

– J'ai pensé à toi aussi.

Le métalleux rougit.

– Tu as... quoi ?

– Oui, confirma-t-elle, son sourire s'agrandissant. J'ai pensé à toi. À quand je te reverrai. Aux moments qu'on a eus ensemble avant que je n'atterrisse ici.

– Et ton sentiment par rapport à ça, si j'ose demander ?

Le sourire de Chrissy s'évapora. Les moments qu'ils avaient eus ensemble. Elle avait mis la phrase au pluriel car finalement c'était vrai : elle s'était tout remémoré. Il y avait juste eu un événement en particulier qui avait bouclé dans sa tête. La tentative de baiser avorté. Chrissy avait retourné le souvenir dans tous les sens, s'imaginant tous les "et si" qui auraient pu se produire. La conclusion avait toujours été la même : ça finissait mal.

– Chrissy, je ne disais pas ça pour me moquer de toi ou pour te mettre dans l'embarras.

Eddie l'avait sorti de sa torpeur. Il s'approcha d'elle, un pas après l'autre, guettant le moindre signe qu'elle pourrait lui envoyer pour lui demander de reculer. Mais la jeune fille n'en fit rien. Elle ne décrocha pas son regard du sien et l'attendit, collée au comptoir de la cuisine. Le métalleux se posta devant elle et leva ses mains de part et d'autre de son visage, hésitant à la toucher. Chrissy regarda les innombrables bagues qui ornaient toujours ses doigts. Ils avaient passé près d'un quart d'heure par terre, enlacés, et pourtant la blonde n'en avait toujours pas eu assez de son contact.

Finalement, ce fut Chrissy qui pencha la tête pour que la main d'Eddie la touche. Les doigts calleux du métalleux s'engouffrèrent dans ses cheveux. La jeune fille ferma les yeux. Elle voulait tout oublier, sauf lui. Disparaître de tout avec lui.

- Chrissy, murmura Eddie. Je ne suis pas dans ta tête, mais je connais assez bien ce qui t'est arrivé récemment pour deviner que tu te poses énormément de questions. Et... et ne va pas croire que je n'ai pas aimé le... que je n'ai pas aimé t'embrasser avant de repartir hier. Mais je sais aussi que même si tu ne m'as pas repoussé tu n'es pas certaine de savoir ce que ça signifie et si tu as envie de me considérer comme plus qu'un ami ou...

Le silence se fit. Chrissy fronça les sourcils, attendant la suite. Elle avait du mal à l'admettre, même auprès d'elle-même, mais Eddie avait raison. Elle avait adoré ce contact. Sur le moment, elle en avait redemandé même. Mais au-delà de ça, elle n'était pas sûre d'être prête à se remettre en couple avec quelqu'un. Chrissy n'était même pas sûre de pouvoir refaire confiance à quelqu'un de ce point de vue-là.

- Tout ça pour dire que rien n'a changé entre nous depuis qu'on se connaît, reprit-il. Si tu n'es pas prête alors prends ton temps. Je ne serai pas malheureux. Au contraire. La chose qui me rend le plus heureux en ce moment c'est que toi tu sois heureuse et que tu t'écoutes.

Chrissy ne répondit pas. Elle appuya un peu plus sa joue contre la main du métalleux et sourit.

– Merci Eddie, murmura-t-elle. Je ne sais pas comment tu as fait, mais tu as lu dans mes pensées. Tu as su mettre des mots sur ce que je ressens alors que même moi j'ai du mal à le décrire.

Pour toute réponse, Eddie s'avança et pressa ses lèvres sur son front.

– Je ne change pas Chrissy. Je serai toujours le même qu'au début. Et jamais je ne te forcerai à quoi que ce soit. Je suis heureux si tu es heureuse. Et être heureux ça commence par ne pas se forcer à faire ou à être quelque chose qu'on ne veut pas. Et c'est aussi ne pas culpabiliser.

– Oui, pas comme quand j'étais avec Jason...

– Pas ce nom, pitié, rétorqua Eddie en levant les yeux au ciel. La guérison ça commence par ne plus penser à lui.

– Il ne me manque pas, se défendit la jeune fille. C'est juste que... parfois je repense à qui j'étais quand j'étais avec lui. Je repense à tout ce qu'il m'a mis dans la tête, tout le mal qu'il m'a fait. Et je suis en colère, si tu savais...

– Mais ça ne t'aidera pas à aller mieux, tu sais. Je suis conscient que tu ne peux pas faire comme s'il n'avait jamais fait partie de ta vie, mais y penser constamment ne t'aidera pas à avancer.

Chrissy ne répondit pas. Elle ne se sentait pas coupable de garder Jason en tête, mais elle ne savait quoi dire. Eddie avait raison.

– Ça t'est déjà arrivé ? demanda-t-elle.

– Hein ?

– Ça t'est déjà arrivé d'être dans ce genre de relation ? répéta-t-elle.

Eddie soupira.

– Quand j'étais en fin de collège, et que j'avais commencé à me faire pousser les cheveux, j'ai commencé à sortir avec une fille qui ne me ressemblait pas du tout. Elle adorait les guitaristes, les mecs qui pouvaient impressionner les filles avec deux accords. Et elle a pensé dur comme fer que j'étais ce genre de mec. Pourtant elle savait, je lui avais montré ce que je faisais à la guitare, ça n'avait rien à voir avec mes attentes. Mais le fait que je sache jouer était déjà assez pour elle. Et j'étais amoureux à fond. Le gouffre s'était ouvert et j'avais sauté à pieds joints dedans. Sauf que... Sauf qu'elle a commencé à vouloir que je joue des choses moins violentes, que je sois tout le temps avec elle, que je lui offre des fleurs. Toute cette merde de mec romantique.

– J'espère ne jamais rencontrer cette fille, fit Chrissy en esquissant une grimace de dégoût.

– Pourtant tu la connais, rétorqua Eddie, un brin moqueur. Mais bref, j'étais super amoureux d'elle. Vraiment mordu. Du coup j'ai commencé à esquiver les répétitions de Corroded Coffin, à trouver une excuse différente à chaque fois. Et au lieu de jouer ce qui me faisait vibrer, j'ai joué ce qui lui faisait plaisir à elle. J'ai commencé à moins jouer à Donjons & Dragons, à bâcler les campagnes pour qu'elles se terminent plus rapidement. Jeff et Garrett ont vraiment commencé à m'en vouloir, mais je m'en suis foutu. J'étais avec cette fille, la deuxième plus belle du collège. Je ne pouvais qu'être heureux de ma situation puisqu'elle était heureuse avec moi.

Chrissy ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais resta en suspens. En fait, elle ne savait pas quoi dire. Eddie s'ouvrait à elle et elle, petite curieuse qu'elle était, était pendue à ses lèvres.

– Et puis il y a eu le point de non-retour. Elle a voulu que je vienne à une soirée branchée. Le genre où tu te prends pour un adulte, tu bois, tu fumes, t'embrasses n'importe qui. J'allais dire oui. Pour lui faire plaisir. Sauf qu'elle avait compris au ton que j'avais employé que j'étais vraiment pas chaud. Mais vraiment pas. Et elle m'a fait la tête. C'est là que j'ai commencé à réfléchir. Et à fumer ma première cigarette.

– Je ne préfère pas imaginer le spectacle.

– Demande à Wayne, j'ai encore en tête son fou rire. Je toussais comme un demeuré, mais sur le moment je m'étais dit que ça m'aiderait à me remettre les idées en place. Et j'ai discuté avec lui. Je lui ai tout expliqué.

– Et ?

– "Ne change jamais pour qui que ce soit. Si les gens ne sont pas capables de t'accepter comme tu es, alors ils ne valent pas la peine d'être dans ta vie et ils iront se faire foutre."

– Quelle belle leçon. Et du coup ?

– Elle est allée à sa soirée toute seule. Elle m'a attendu toute la soirée paraît-il, mais j'ai préféré mener une campagne du tonnerre avec Jeff et Garrett. Le lendemain, elle me larguait.

Chrissy pouffa.

– Cette fille était vraiment stupide. Être aussi conformiste...

– La fille en question, c'était Stacey Holmes.

- Stacey ?! Tu veux dire... la Stacey qui fait du cheerleading avec moi depuis le collège ?

- Oui, elle-même. Elle a repris le rôle de capitaine depuis que tu as lâché l'équipe.

- Ça ne m'étonne même pas. Stacey n'est pas méchante, expliqua Chrissy, mais je sentais qu'elle n'était pas sincère sur ça depuis le début. Elle a du mal avec l'anticonformisme et elle n'a jamais compris pourquoi je te défendais chaque fois qu'une des filles faisaient une remarque sur toi.

Eddie ne put s'empêcher de sourire. Chrissy le défendait.

- Tu fais souvent ça ? Me défendre, je veux dire.

Chrissy leva les yeux vers lui, déterminée. Elle croisa son regard plein de doute. Elle peinait à croire que, cachés dans la maison de Rick la Fumette, en exil tous les deux, ils se redécouvrent, et trouvent encore des souvenirs à partager. La jeune fille se demanda comment elle avait pu passer à côté d'une amitié pareille. Comment elle avait pu déplorer secrètement d'être aussi seule alors qu'en fait, elle était simplement entourée des mauvaises personnes ? Il lui aurait suffi de prendre la parole, de l'avoir félicité après le concours de talent, n'importe quoi. Il lui aurait suffi de rien pour qu'ils soient devenus amis plus tôt. Et tous ces souvenirs, ils les auraient construits ensemble.

- Je fais ça tout le temps, lâcha-t-elle sur un ton qui ne permettait pas le doute. Je l'ai toujours fait. Même si je le faisais sans me souvenir que c'était toi, et qu'on s'était déjà parlé avant, je le faisais. Je n'ai jamais compris pourquoi les gens ne se laissaient tout simplement pas en paix. Pourquoi il fallait qu'il y ait la caste des basketteurs et cheerleaders tout en haut et ceux qui aiment les jeux de rôle et le métal tout en bas. Et ça n'est pas parce que j'étais au sommet que j'ai méprisé ceux qui ne l'étaient pas. Et tous ceux qui l'ont fait pour moi sont idiots.

Le sourire d'Eddie s'agrandit. Bon sang qu'elle était mignonne quand elle s'agaçait de la sorte. Il avait envie de la serrer fort contre lui. Qu'elle ne s'échappe jamais.

- Mais quand même, dit-elle en riant doucement, je n'arrive pas à croire que tu sois sorti avec Stacey Holmes.

- Quoi ? S'offusqua-t-il. Je suis un homme séduisant madame, comment pouviez-vous en douter ?

- Je n'en doute pas, c'est juste qu'à chaque fois qu'on passait près de toi dans le couloir, elle passait son temps à dire des choses méchantes sur toi. J'ai toujours pensé qu'elle te détestait.

- Peut-être que c'est le cas maintenant. Et honnêtement, je m'en fous totalement. Puis bon, les amours de collège c'est toujours plus ou moins débile. Sérieusement, j'étais amoureux d'elle parce qu'elle n'arrêtait pas de me lancer des œillades aguicheuses quand elle marchait près de moi. C'est dire s'il m'en fallait peu !

- C'est clair !

- Mais bon, dit Eddie en haussant les épaules. Elle n'était que la deuxième plus belle fille du collège. Et maintenant qu'on est au lycée, elle n'est même plus sur le podium.

- Et qui est la première ?

Il y eut un bref silence durant lequel Chrissy regarda son ami d'un œil amusé. Elle en profita pour jeter un œil à la pendule au-dessus de la table de la cuisine, et constata qu'ils avaient passé presque une demi-heure ici, à discuter et rigoler. Quand elle reporta son attention sur Eddie, quelque chose avait changé. À nouveau, l'odeur singulière de l'eau de Cologne lui embruma l'esprit. Même si elle était différente de quand il fumait, elle restait une effluve qui avait raison d'elle, et qui lui donnait chaud. Quand le métalleux la fixait de la sorte, Chrissy se sentait séduisante, féminine.

– Ça a toujours été toi la première, murmura-t-il de sa voix rauque.

La jeune fille réprima un frisson d'envie tandis que son ventre se contractait. Elle déglutit avant de se mordiller les lèvres. Tout s'envolait : le fait qu'elle se cache ici pour échapper à Jason qui devenait fou, Eddie qui se cachait ici car il allait bientôt être accusé d'un meurtre sordide qu'il n'avait pas commis. Il n'y avait plus qu'elle et lui, et ce truc indescriptible entre eux. Eddie esquissa un mouvement pour s'approcher d'elle, le souffle court.

Le métalleux, lui, bouillonnait de l'intérieur. Chaque cellule de son corps rêvait de pouvoir toucher Chrissy, de pouvoir la dévorer. C'était comme s'il n'avait plus besoin d'air pour vivre mais d'elle. Il avait envie de plonger son visage dans son cou, de parcourir ses formes avec ses mains. Oh, si seulement il pouvait être Shiva pour que chacune de ses mains puisse toucher la peau de Chrissy, pour qu'il se délecte de chacune des parties de son corps. Plus les secondes s'écoulaient et moins il parvenait à réfléchir. Ils venaient de se dire qu'ils n'étaient pas ensemble. Que leur baiser de la veille ne voulait probablement rien dire.

Les doigts de la blonde glissèrent sur le tissu de son haut pour l'empoigner, l'approchant un peu plus d'elle. Il n'allait pas tenir. Il allait céder à la tentation.

– Je ne veux pas que tu regrettes, murmura-t-il contre ses lèvres.

– Ça n'est pas parce que je ne sais pas encore ce que ça signifie pour nous que je regrette, Eddie, répondit-elle sur le même ton, le faisant frissonner.

Le métalleux déglutit. Il ne ferait rien sans sa permission. Elle n'avait qu'un mot à dire, et il arrêtait tout. Au lieu de ça, Chrissy le tira encore à elle, cognant un peu plus son souffle chaud contre sa bouche. Pour ne pas tomber, Eddie plaça ses mains des deux côtés de la jeune fille, sur le plan de travail. Il fit un tout petit pas en avant, collant son ventre au sien. Dieu que c'était compliqué de se maîtriser. La deuxième main de Chrissy le saisit par la nuque, et l'approcha d'elle. Eddie n'eut pas le temps de réfléchir : la blonde avait comblé la distance qui les séparait, collant sa bouche pulpeuse à la sienne.

Quelle exquise torture. Faites que ça dure une éternité, pensa-t-il. Ses doigts se crispèrent sur le bois et ses lèvres se mirent à jouer avec celles de son amie. Les mains de Chrissy passèrent de son torse à son dos, le plaquant contre elle. À cet instant, Eddie se mit à prier pour ne pas avoir une érection. Tout, mais ne pas se ridiculiser. Pourtant, le métalleux avait beau de hurler de ne pas faire plus que goûter aux lèvres de Chrissy, ses mains ne lui obéirent plus. L'une d'elles se détacha du comptoir et glissa sur la taille menue de la jeune fille, remontant le long de ses côtes (qu'il ne sentait presque plus sous sa peau) pour aller se poser sur sa poitrine. Chrissy laissa échapper un soupir, mais la seconde d'après, il sentit un frisson sous ses doigts. Les mains de son amie, comme électrisées, passèrent de son dos à son torse, qu'elle poussa très fort.

Merde. Merde merde merde. Il s'était laissé emporter. Crétin d'Eddie, se flagella-t-il.

– Je suis désolé ! S'exclama-t-il en reculant.

Eddie fit un pas en arrière pour prouver sa bonne foi. Chrissy lui lança un coup d'œil gêné.

– Ne t'excuse pas, répondit-elle d'une voix étranglée. C'est moi... C'est pas facile de faire comme si... comme s'il ne m'avait jamais rien fait. Je sais que tu n'es pas comme lui, mais c'était automatique, je me suis braquée.

- J'aurais dû faire plus attention, objecta Eddie. Je ne ferai rien sans ta permission la prochaine fois.

S'il y en a une, pensa-t-il. Un bref silence se fit durant lequel Eddie regarda ses pieds. Les pensées se mélangeaient dans sa tête, et d'un coup, il ne fut plus capable de penser correctement.

- Eddie, tu es sûr que ça va ? Demanda Chrissy en s'approchant de lui.

Pour toute réponse, le métalleux leva les yeux vers elle, pleins de larmes. Ses mains tremblaient. Chrissy lui avait permis de se vider la tête. De penser à elle à nouveau et d'en faire à nouveau le centre de son monde. Mais ce qui venait de se passer l'avait sorti de sa bulle, et les craquements des os de Fred résonnèrent à nouveau dans son esprit.

– Merci de m'avoir fait un peu penser à autre chose, chuchota-t-il de sa voix étranglée.

Chrissy, inquiète, leva une main pour la poser sur sa joue, le forçant à la regarder dans les yeux.

– Raconte-moi Eddie, murmura-t-elle. Ne porte pas ça tout seul.


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Coucou tout le monde !

Désolée pour cette longue absence, mais j'avais vraiment besoin de me ressourcer. Je me suis beaucoup mise la pression toute seule ces derniers temps, tentant de coupler écriture intensive, travail, sport, danse, plus le reste de ma vie... J'en ai presque frôlé le burn out, je crois. 

Mais me revoilà après plus d'un mois d'absence. J'espère que la suite est à la hauteur de vos attentes. 

N'hésitez pas comme d'habitude à me faire part de votre avis, bon comme mauvais. Je ne mange pas et c'est très important pour moi, ça m'aide à avancer, à anticiper des questions et des réponses à donner, etc.

Des bisous, et le prochain chapitre sortira lundi prochain :)

Alice

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