Chapitre 2
Les couloirs du lycée étaient déserts. Pas un son ne devait en émaner, normalement. Seulement ce soir, après avoir vaincu Vecna, le lycée faisait résonner les cris de victoire des protagonistes de la campagnes, acclamés par Eddie, tout sourire. Pendant la préparation de la salle, peu avant que ses joueurs n'arrivent, le maître du jeu avait eu peur de ne pas réussir à se concentrer sur le scénario. Il ressassait sans arrêt sa rencontre avec Chrissy, quelques minutes plus tôt. Plus il y pensait, plus il peinait à rester détacher de ce qu'il avait entendu. Et puis même, depuis quand un dealer se préoccupait des raisons qui poussaient ses acheteurs à se tourner vers lui ? C'était ridicule. Il vendait de l'herbe pour arrondir ses fins de mois, pas pour s'improviser psychologue.
Pourtant, dès qu'il l'avait vu, debout dans la forêt, son air apeuré sur le visage, Eddie avait été bouleversé. Il ne pouvait pas faire autrement que de s'inquiéter pour Chrissy Cunningham. Il avait vu en elle la jeune fille timide qu'il avait rencontré au collège, et dont il était "tombé amoureux". Eddie avait bien vite oublié ses sentiments incertains pour elle. Après tout, que sait-on de l'amour quand on a douze ans ? Il n'avait gardé pour elle que la sympathie. Chrissy était la seule personne sur terre à ne pas l'avoir traité comme un fou lors de la seule fois où ils s'étaient parlés. Pour ça, il l'avait décrété, elle aurait toujours droit à un traitement de faveur.
Chrissy avait assuré le show. L'estomac noué par la peur de l'échec, elle avait fait son numéro de cheerleader à la perfection, un immense sourire factice collé sur le visage. Intérieurement, elle s'était forcée à cesser de penser. Elle ne voulait rien avoir à faire ici. Les pompons, l'équipe de basket, le discours faussement empathique de Jason, agrémenté d'un baiser volant qu'elle ne voulait pas recevoir. Tout ça lui donnait la nausée. Chrissy souhaitait par-dessus tout échapper à tout ça. Échapper à l'obligation de perfection qui pesait sur elle depuis qu'elle était entrée au collège.
La jeune fille avait donc fait son numéro mécaniquement, regardant droit devant elle. Pour faire plaisir au gymnase rempli, elle avait répondu au baiser de Jason, applaudi chacun de ses mouvements, même s'il n'avait rien fait de spectaculaire. Elle s'était forcé à respirer régulièrement, à passer outre cette sensation d'étouffement. Aussi lorsque sonna la fin du match, elle applaudit, et, voyant que Jason devenait obnubilé par Lucas Sinclair et son équipe, Chrissy profita des premiers mouvements de foule en direction de la sortie pour les suivre. Plutôt que de se diriger comme chacun vers le parking du lycée, elle prit en direction du bâtiment principal, s'engouffrant dans les couloirs peu éclairés et déserts.
Eddie regarda ses camarades sortir de la salle du Hellfire Club en riant, braillant, s'agitant. La petite Erica, qu'il avait rechigné à accepter, s'était montrée brillante, et les avait tous sauvé. Lorsque tous passèrent la porte de l'entrée latérale, regagnant leurs vélos, lui retourna dans la salle afin de commencer à ranger. Il n'y avait plus un bruit. Non pas que qu'Eddie n'aimait pas le bruit, il venait de passer trois heures en compagnie d'une bande d'ados brailleurs, mais le calme après la tempête était bienvenu. Pendant un long moment, seul le froissement de ses feuilles de prises de note brisait le silence. Entre deux rangements, le jeune homme en profitait pour se faire quelques solos de air-guitare, s'improvisant seul star de la scène métal.
Mais, alors qu'il mouvait ses doigts sur les cordes de sa guitare imaginaire, des pas se firent entendre dans le couloir. Ils étaient lents et légers, désordonnés. Intrigué, Eddie s'approcha du cadre de la porte, et passa la tête pour voir ce qui se passait.
Au début, Chrissy voulait courir. Mais, à force d'avancer, une question se posait : où aller ? Courir pour aller nulle part n'avait aucune utilité à part l'épuiser pour rien. Elle devait de toute façon se rendre à l'évidence : elle était prisonnière. Jamais elle ne pourrait s'éloigner de cette vie. Jason ne la laisserait pas partir, et puis elle l'aimait... Chancelante au bout de vingt mètres, la cheerleader s'arrêta au milieu du couloir. Elle avait oublié. Son super-pouvoir de réussir à s'oublier le temps de jouer un pantin avec des pompons avait été si efficace qu'elle avait également oublié qu'elle n'avait rien mangé depuis presque deux jours. Et à présent qu'elle avait utilisé ses dernières forces dans un effort inutile, Chrissy voyait trouble. Le couloir se dédoublait devant elle.
"Chrissy ?" entendit-elle au loin.
Mais sa bouche pâteuse était incapable de répondre. Elle avait envie de parler à cette voix familière dont le ton semblait se faire de plus en plus inquiète, mais elle avait tout juste la force d'avancer. Pas par pas. Son corps se faisait plus léger à mesure qu'elle avançait. Elle avait la sensation de marcher mieux, même si elle voyait de moins en moins bien.
Eddie n'était d'abord pas sûr que ce soit Chrissy, mais à mesure que la silhouette s'approchait de lui d'un pas chancelant, il ne put que se rendre à l'évidence : la jeune fille venait à lui. Il pensa en souriant que la cheerleader imitait un zombie à merveille. Puis, quand il la vit trébucher, il dut se rendre à l'évidence : quelque chose n'allait pas. Eddie fit un pas vers elle, puis un autre.
- Chrissy ? appela-t-il, alarmé.
Il n'obtint pas de réponse. La jeune fille s'arrêta, prenant appui sur un mur, et Eddie eut tout juste le temps de se précipiter vers elle que celle-ci s'effondra tête en avant. Il la rattrapa de justesse.
- CHRISSY !!! beugla-t-il.
La cheerleader ne répondit pas. Ses yeux étaient fermés et elle était inerte dans ses bras. Eddie la secoua plus ou moins doucement. Et puis il se rendit compte, et tout devint clair. Chrissy devait peser tout juste trente-cinq kilos tant elle était fine et maigre. Elle venait de s'évanouir dans ses bras car elle n'avait probablement rien mangé avant le match. Depuis quand même ? Il n'en savait rien. Aussi, devant le désespoir de la situation et ne sachant quoi faire, il continua de secouer son épaule en lui hurlant dans l'oreille.
- Chrissy, j'aime pas ça Chrissy, réveille-toi !!
Et, comme si elle l'avait entendu au fond de sa tête, la jeune fille ouvrit faiblement les yeux. Eddie soupira, soulagé.
- Tu m'as foutu la trouille...
- Désolée...
Il avait mille et une chose à lui répondre. Que fichait-elle ici ? Pourquoi n'était-elle pas avec Jason et sa clique ? Pourquoi n'avait-elle à ce point aucune force ? Pourquoi diable pouvait-il sentir ses côtes à travers son uniforme ?
- Tu veux manger au resto ? demanda-t-il de but en blanc, se giflant intérieurement.
Sérieusement Munson, c'est tout ce que tu trouves à lui dire là ? songea Eddie.
Toujours couchée dans ses bras, au milieu du couloir, Chrissy ne bougea pas. Elle fronça d'abord les sourcils, surprise de la proposition, puis acquiesça faiblement.
- Avec plaisir, murmura la jeune fille.
Eddie sourit, satisfait. Il se releva, Chrissy toujours dans ses bras, la portant comme une princesse.
- En route vers mon carrosse, dans ce cas, claironna-t-il.
La cheerleader rit, dévoilant à nouveau ses dents légèrement de travers. Le même sourire qui avait fait fondre Eddie, quelques années plus tôt. En la regardant, il se dit même que certaines choses ne changeraient probablement jamais. L'effet que provoquait en lui ce sourire en était une.
- Tu devrais me reposer, dit Chrissy à demi-voix, après quelques pas.
- Pourquoi ça, Votre Altesse ?
Cette fois, elle ne put que lui offrir un rictus gêné.
- Et bien... parce que je suis trop lourde ?
L'air fanfaron d'Eddie se fana comme une fleur trop vieille. Une multitude de pensées lui traversa l'esprit, mais, s'obligeant à avoir un peu de tact avec elle, il se réfréna.
- Je parie mon van que tu es plus légère que mon ampli, Cunningham, alors s'il te plait... ne dis plus que tu es trop lourde, d'accord ?
Le ton se voulait gentil, mais le lycéen était abasourdi par les propos qu'elle lui avait tenu. Comment, avec son gabarit, pouvait-elle être convaincue de ça ? Chrissy hocha la tête, le fuyant du regard. Eddie se servit des pieds de sa princesse d'un soir pour pousser la porte menant au parking, heureux de le trouver vide. Il pouvait entendre quelques voix lointaines qui semblaient même s'éloigner. Tant mieux. C'était un moment privilégié qu'il avait avec elle, et il ne voulait personne pour les emmerder.
Chrissy se laissa porter jusqu'au van sans dire un mot, mortifiée. Le regard à la fois terrifié et accusateur qu'elle avait reçu de la part du metalleux l'avait couvert de honte. Qu'aurait pensé sa mère si elle l'avait vu ainsi ? Que dirait-elle en sachant que la jeune fille s'apprêtait à aller manger au restaurant avec le paria d'Hawkins ? Que dirait-elle si elle apprenait que pour une fois, après ce qu'il venait de se passer, Chrissy avait l'intention de garder son repas dans son estomac ?
Eddie la déposa à côté de la portière passager, et lui ouvrit la porte, tendant la main devant lui pour l'inviter à monter.
- Si Milady veut bien se donner la peine...
Chrissy sourit et s'appuya sur le bras de son cavalier pour se hisser sur le siège. Elle était toujours faible, mais suffisamment en forme pour entendre son estomac gronder.
- Et bien, j'en connais une qui va prendre le triple burger ! dit Eddie en rigolant.
Le sourire de la cheerleader s'effaça.
- Je ne crois pas, non...
Le punk soupira. Il stoppa son geste avant d'allumer le moteur, et se tourna vers elle. Il croisa le regard gêné, coupable même, de Chrissy. Quelque chose se brisa en lui. Quand il l'avait connu au collège, la jeune fille s'évertuait déjà à avoir les meilleures notes possibles, à s'acharner avec ses pompons, mais jamais il ne l'avait vu se priver de manger à la cantine, jamais, il le soupçonnait, elle ne s'était fait vomir. À présent qu'il avait senti chacune de ses côtes sous son uniforme, il était convaincu qu'elle passait toutes ses pauses dans les toilettes.
- Chrissy...
Eddie cherchait ses mots. Il voulait pour une fois faire preuve de tact, qu'elle comprenne qu'il n'était pas là pour la juger.
- Je veux que tu me promettes quelque chose, demanda-t-il sur un ton ferme.
Chrissy eut les larmes aux yeux. Elle avait peur de ce regard ferme. Depuis ce moment dans la forêt, elle avait senti qu'elle pouvait être en sécurité auprès de lui. Eddie était un peu sa safe place et elle regrettait de ne pas l'avoir découvert plus tôt.
- Promet-moi de ne pas te juger, reprit-il. Pas tant que tu es avec moi. Tu... tu es belle Chrissy. Mais tu le serais bien plus si tu étais la personne que tu as envie d'être, pas celle que les autres veulent que tu sois. Alors ne te prive pas de manger si c'est ce dont tu as envie, ne t'en veux pas d'avoir l'estomac rempli. C'est toi qui vis dans ce corps, pas ce crétin de Jason ou qui que ce soit d'autre. Pas tant que tu es avec moi.
Eddie avait détourné les yeux pendant sa tirade. Tant mieux pour Chrissy. Les mots lui avaient retourné le cœur tant ils étaient juste. Pourtant, elle n'avait pu que se sentir coupable. Les larmes avaient dévalé ses joues et elle se retenait de sangloter. Eddie avait raison, mais c'était trop tard. Chrissy se noyait, et elle n'était plus très sûre de vouloir être sauvée.
- Oh Chrissy, c'était pas le but de te faire pleurer ! s'écria-t-il en voyant ses larmes.
La jeune fille eut un léger rire en même temps qu'un sanglot. Eddie triturait ses bagues, ne sachant quoi faire. Il avait toujours été imperméable aux larmes des autres, mais là il ne pouvait pas faire comme s'il ne les avait pas vu. Et il était gêné. C'était de sa faute. Maladroitement, il glissa une de ses grosses mains aux doigts calleux dans les cheveux de Chrissy, les massant doucement.
- Je peux pas te promettre ça, gémit-elle. Je peux juste te promettre d'essayer.
- Ça me va.
Eddie lui offrit un sourire rassurant, que Chrissy lui rendit. D'un revers de manche, elle essuya ses larmes, emportant un reste de mascara. Un bref silence se fit, rapidement coupé par l'estomac grouillant de la cheerleader.
- À table donc ! claironna Eddie en retirant sa main de ses cheveux.
Il démarra le van, et ils quittèrent enfin le parking du lycée, direction le diner.
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Bonsoiiiiiiirrrr Pariiiiisssss !!!!!
Ok j'arrête. J'espère que ce chapitre vous a plu !
Pour tout vous dire, d'ordinaire, je suis plutôt ce qu'on appelle un architecte. Je planifie tout par rapport à mon histoire pour être sûre de la diection qu'elle va prendre. Là bah..... je suis plutôt jardinier. Tout l'inverse en fait. J'ai commencé à écrire l'histoire pour réparer l'affront commis par les frères Duffer (même si ça reste une super bonne saison 4... mais merde, Eddie quoi !), et je n'ai aucune idée de où on va avec ça :)
Donc j'espère que ça vous a plu, n'hésitez pas à me faire part de votre avis, bon comme mauvais, ça aide toujours pour faire avancer (surtout si j'ai écrit une incohérence grosse comme la Tour Eiffel, surtout dites-le T.T)
Des bisous !
Alice
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