Chapitre 10

Coucou !!
Et oui cette fois-ci le mot de la fin est au début, mais que voulez-vous. En vrai j'ai eu hâte de vous poster ce chapitre toute la semaine. Quand on a pris l'habitude de partager tout de suite le fruit de notre labeur ça devient difficile d'attendre. Mais bref, je vous laisse au chapitre !
P.S : désolée ahah j'ai pas pu m'em empêcher... me détestez pas ^^'
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Eddie était retourné en classe encore abasourdi par ce dont il avait été témoin pendant la pause. Chrissy Cunningham, la reine de Hawkins High, qui démolissait son ex petit ami devant tous ses sujets ? Oui oui et re-oui. Le métalleux s'était toujours dit qu'aucun spectacle ne pourrait égaler un concert de Metallica, mais si. Le poing de la jeune fille s'abattant sans avertissement dans la joue de Connard Carver était de loin la chose la plus belle qu'il ait pu voir de sa petite vie.

N'importe qui d'autre aurait pu se sentir gêné d'être défendu par un fille, mais Eddie était touché. Depuis le matin même, lorsqu'il avait passé les portes du lycée, tout le monde ne parlait que de son visage tuméfié, mais en mal. Ils ne faisaient que critiquer et le regarder de travers, et maintenant tout le monde savait qui était derrière tout ça, et qui était le véritable enfoiré dans l'histoire. En fait, Eddie se sentait honoré d'être considéré par Chrissy. Il était même ému d'être suffisamment dans son coeur pour avoir droit à être publiquement défendu par la plus jolie et gentille fille du lycée. Dans un milieu stupide comme celui-ci où il fallait être beau et populaire pour avoir du poids, les mots de Chrissy faisaient lieu d'évangile.

Pendant le cours d'espagnol, Eddie n'avait cessé d'entendre le nom de Chrissy sur toutes les bouches. Les idiots de l'équipe de basket, dans son dos, ne cessaient de ressasser l'altercation entre Jason et la jeune fille. La professeure dut les rappeler plusieurs fois à l'ordre, les menaçant de les mettre tous en retenue, leur faisant manquer l'entraînement de basket. Les chuchotements cessèrent enfin, et le métalleux put vaquer à ses songes.

Et quels songes. Eddie avait beau tenter de se concentrer sur le cours, ou à défaut sur Donjons et Dragons, il n'avait qu'une seule image en tête. Sans arrêt, il revoyait le visage de Chrissy embelli par la rage, ses petites mèches sortants de sa queue de cheval, ses lèvres serrées dans un rictus menaçant, la façon autoritaire qu'elle avait eu de remballer Carver. Eddie ne l'avouerait probablement jamais à personne, mais la vision qu'il avait eu d'elle à ce moment-là n'avait plus rien eu d'innocent. En fait, Chrissy Cunningham sûre d'elle était terriblement excitante, et le métalleux avait eu envie de la prendre dans ses bras, de la coller contre lui et d'écraser sa bouche sur la sienne. Jamais il ne ferait ça. Les belles femmes comme elle ne sortaient pas avec des vilains crapaux comme lui, et la cheerleader ne ferait pas exception. Ça n'était pas parce qu'elle lui avait fait un signe avec ses ponpons lors du concours de talent du collège qu'il avait un ticket avec elle.

À la pause de midi, Chrissy fit la sourde oreille aux remarques que les gens lançaient dans son dos. Même ses "amies" du cheerleading pouffaient en la regardant de travers, commentant encore le coup de poing qu'elle avait envoyé à Jason. "Elle est folle" avaient-elles dit. "Frapper un aussi beau gosse, faut être sous acide vraiment". "Le pauvre, être aussi défiguré". "Il paraît que c'est parce qu'elle ne voulait pas coucher". "Quelle vieille fille, vraiment". La forte jeune fille qui avait fait taire tout un couloir avait fondu comme neige au soleil, et à présent elle faisait la queue au self, retenant les larmes de couler.

Son plateau ne portait qu'une petite salade de concombre et un yaourt à l'ananas, et pourtant Chrissy avait l'impression qu'elle s'apprêtait à se gaver. Elle avait la sensation d'avoir un rocher au fond de l'estomac, et elle dut respirer lentement par le nez pour empêcher la nausée de monter. La jeune fille termina la fille rapidement, paya pour son repas et se retourna. Tout le monde la regardait de travers. Les membres de l'équipe de basket, tous assis à la même table, la fusillaient du regard. Les cheerleaders, assises à la table juste derrière, lui lançaient des oeillades en coin. Chrissy vit la place qui lui était attribuée d'ordinaire, et la seconde d'après, Stacey posait son sac et sa veste dessus, ôtant tout doute quant au fait qu'elle soit encore la bienvenue. La jeune fille fit trois pas en direction du centre de la salle, faisant semblant de ne pas capter les regards à la dérobée.

Chrissy fit encore deux pas, et tourna sur place, tentant de trouver une place où elle pourrait se dépêcher de manger le maigre repas qu'elle s'était choisi. C'est alors qu'elle la vit : la seule place vide de tout le self. La tablée était remplie de garçon portant des t-shirts blancs à manches noires. Elle ne pouvait pas vraiment distinguer quel était le motif que tous arboraient, mais elle put lire "Hellfire Club". En tête de table, une touffe de cheveux longs et bouclés qui cachaient tant bien que mal un visage abîmé. Elle s'approcha en se mordillant les lèvres.

- S-salut, bredouilla-t-elle d'une voix presque inaudible.

À la table, tout le monde se tut, se lançant des regards à la dérobée.

- Cunningham, salua Eddie avec un sourire. Tout va bien ?

Chrissy ne savait pas répondre à cette question. Est-ce que tout allait bien ? Oui et non. Surtout non, en fait. Elle avait réussi à se défaire de Jason, mais à quel prix ? Tout le monde la méprisait à présent, et elle avait peur que ça ne lui retombe dessus, ou pire, que ça ne retombe sur Eddie. La jeune fille, pour toute réponse, ne put que hausser les épaules. Si elle parlait, sa voix trahirait ce qu'elle ressentait, et elle se mettrait à pleurer. Eddie fit une moue, et fit signe à Jeff de se décaler pour lui laisser de la place.

- La place est votre, Votre Altesse, dit le chef de table.

Chrissy posa son plateau devant elle et passa ses jambes par-dessus le banc pour s'asseoir. Elle rentra la tête dans les épaules avant de se tourner vers Jeff.

- Désolée de t'avoir pris ta place...
- Ah t'inquiète, répondit-il. C'est juste qu'on a pas l'habitude que des filles viennent se mettre ici.

Elle lui offrit un sourire timide. Même à cette table, juste à côté d'Eddie, Chrissy se sentait comme une petite souris dans la fosse aux lions. En bout de table, elle reconnut Mike Wheeler, qu'elle connaissait de nom car elle avait été en classe pour certaines options avec sa soeur, Nancy. Celui-ci lui jetait un regard en coin qui n'avait rien de curieux, et tout de dégoûté qu'elle soit ici. La gorge de la jeune fille se serra et elle reporta son attention sur son plateau, tentant de retenir ses larmes.

- Eh, appela Eddie en se penchant vers elle, tu es sûre que ça va ?

Chrissy baissa les yeux vers son plateau. Le métalleux avança sa main pour replacer une mèche derrière ses oreilles.

- Elle pleure je crois, murmura le garçon en face d'elle.
- Merci Garrett, j'avais remarqué, maugréa Eddie avant de reporter son attention sur elle. Désolé Princesse, tu dois vraiment être au fond du trou pour t'accommoder de parias comme nous.

Chrissy eut un léger rire, mais les larmes continuèrent de s'écraser au fond de son plateau.

- Non c'est... c'est pas ça du tout. C'est gentil de m'avoir accepté à votre table. C'est juste que... j'ai pas encore l'habitude de tous les regards et de toutes les remarques qu'on fait sur moi encore...
- T'en fais pas pour ça, intervint Dustin. Encore une semaine assise ici et tu t'en foutras comme nous.

La cheerleader acquesça avant d'essuyer ses larmes avec la paume de sa main. Elle se saisit de sa fourchette, et hésita à la planter dans sa salade, la boule au ventre.

- Hey Cunningham, murmura Eddie en se rapprochant de son oreille. Tu te rappelles ? Pas de culpabilité à ma table. Mange tranquillement, tu en as besoin.

La peau de Chrissy fut prise d'un choc éléctrique. Les cheveux d'Eddie lui avaient chatouillé le cou, son souffle avait réchauffé sa joue, son odeur avait rempli ses narines. Dieu que ça lui avait manqué d'être rassurée par sa simple présence. Malheureusement, sa présence seule ne pouvait occulter tout le bouhaha ambiant de la salle de restauration et tout ce qu'elle avait encaissé depuis le matin. Mais à défaut, la boule dans son ventre s'était amoindrie, et elle put planter la fourchette dans ses concombres pour les manger sans avoir la sensation de se gaver comme une oie.

L'après-midi se passa dans la tranquilité la plus totale. Chrissy se concentra sur ses cours et pris le plus de notes possibles. Si au moins elle devait reprendre du poids et quitte les cheerleaders, décevant ainsi sa mère, au moins elle serait inattaquable sur son bulletin. Elle quitta la classe sans attendre quand la dernière cloche de la journée sonna. Sans regarder derrière elle, elle se dirigea à pied vers le centre ville d'Hawkins, en direction de l'église.

Avec le temps, Chrissy avait commencé à se demander si Dieu l'aimait vraiment. On n'avait cessé de lui répéter que tout ce qui lui arrivait était des épreuves envoyées par le Seigneur pour la rendre plus forte, car elle avait un but qui nécessitait d'elle qu'elle soit résistante. Mais tout ce qu'elle avait pu voir jusqu'ici, c'est qu'elle n'en pouvait plus. Parfois, il lui arrivait même de penser qu'elle n'avait pas beaucoup pêché dans sa vie. Qu'elle avait demandé pardon à chaque fois. Et que du coup, si elle lâchait la rampe maintenant, elle serait accueillie à la droite du Père, au paradis. Chrissy n'a jamais su ce qui l'avait fait tenir. Elle ressentait parfois cette force inébranlable en elle qui lui disait : "Pas encore. C'est trop tôt. Tu as tenu jusque là, tu peux encore le faire une journée de plus." Et maintenant qu'elle avait eu la force de s'affirmer, d'avoir repoussé Jason sans l'aide de personne, elle avait de l'espoir.

Ses genoux tremblèrent lorsqu'elle arriva devant les lourdes portes de l'église. La bâtisse se dressait devant elle, imposante sous le soleil de printemps. La jeune fille en connaissait chaque recoin, et pourtant, elle avait l'impression à cet instant de rentrer dans un lieu inconnu. Sa mère avait appelé le prêtre la veille au soir pour être certaine qu'il l'attende après les cours et écoute sa confession. Chrissy n'avait donc pas d'autre choix que de pénétrer dans l'antre immense et froide.

La nef était vide de toute âme, et ses pas résonnaient sur les dalles. Elle tourna à droite, s'arrêtant brièvement devant le bol en pierre d'eau bénite, y trempant ses doigts avant de faire un signe de croix. La lycéenne se dirigea ensuite vers le confessionnal en bois ouvragé qui trônait contre le mur. Elle poussa le rideau de la cabine de droite, et attendit le prêtre.

Il s'écoula peut-être deux minutes durant lesquelles Chrissy se demanda, tout en se triturant les doigts, si la tâche mouillée qu'elle sentait sur son front voulait encore dire quelque chose. Était-elle vraiment bénie, ou était-elle seulement mouillée ? Trois semaines plus tôt, elle n'aurait pas douté de la réponse. À présent, elle estimait qu'elle était en droit d'avoir une longue reflexion sur la question.

- Bonjour Chrissy, salua le prêtre après avoir ouvert le volet qui les séparait.

La jeune fille sursauta, et tourna la tête vers le prêtre. Le Père Aston était plutôt jeune, une petite trentaine. Imberbe du visage, ses petites lunettes rondes le faisaient paraître plus enfantin qu'il ne l'était en réalité. Si tous les fidèles se montraient amicaux avec lui, Chrissy avait toujours eu un peu plus de réserve.

- Pardonnez-moi mon Père car j'ai pêché, bredouilla-t-elle, prise au dépourvu.
- Je t'écoute mon Enfant.

La lycéenne reporta son attention sur ses mains. Par où commencer en fait ?

- C'est... mon Père, pour être tout à fait honnête avec vous, je ne crois pas avoir pêché. C'est ma mère qui me force à venir. Elle pense que j'ai attiré le diable dans la maison.

Le Père Aston ne répondit pas, et elle put enchaîner sur l'histoire avec Jason et la forêt, la réaction de sa mère.

- Effectivement, déclara le prêtre, tu n'as pas vraiment de raison de demander Son pardon. Ce serait plutôt à Jason de demander pardon pour ce qu'il t'a fait.
- Je ne veux pas de son pardon. Je ne veux plus rien de lui. Et j'aimerais que ma mère cesse de me pousser à maigrir, et à vouloir être toujours parfaite ! Elle... elle ne m'a même pas cru quand je lui ai affirmé avoir été agressée par Jason, alors que j'avais les marques sur mon visage ! Je les ai toujours d'ailleurs.

Il y eut un silence durant lequel Chrissy se trouva très mal à l'aise. Elle eut une furieuse envie de se lever en trombe et de courir vers la porte de l'église, mettant le plus de distance entre elle et le prêtre.

- Pourtant il y a bien un pardon que tu peux demander Chrissy, fit la voix du prêtre à côté d'elle.

La lycéenne frissonna. Le ton et les mots avaient l'air d'avoir été sussurés à son oreille. Le malaise qu'elle ressentait s'intensifia, et ce fut comme si l'air autour d'elle disparaissait.

- Mon Père ? appela-t-elle, tournant lentement la tête vers la grille de bois qui la séparait d'Aston.
- DEMANDE PARDON GROSSE TRUIE ! beugla le Père, la faisant sursauter.

Chrissy regarda en direction de la grille et vit le visage du prêtre collé à la grille. Elle sursauta, hurlant au passage et se plaqua contre la paroi de la cabine, tétanisée. Devant elle, ce n'était plus le prêtre qui la fixait, mais un semblant d'homme au visage trop pâle pour être en vie. Ses petites lunettes rondes étaient brisées, ses yeux étaient gorgés de sang à tel point qu'ils en pleuraient. Sa bouche articulée en une grimace monstrueuse vomissait des vers.

- Demande pardon pour toute la place que tu prends ! rugissait-il.
- Mon Père, sanglotta Chrissy, ne sachant plus quoi faire.

Est-ce que tout ceci était bien réel ? Que ca le soit ou non, la jeune fille était terrorisée. Elle avait l'impression d'étouffer, d'enfler dans ses vêtements. Les doigts anguleux du prêtre s'accrochèrent à la grille de bois et la lycéenne ne put que pousser un hurlement apeuré, les larmes ruisselantes sur ses joues.

- C'est de ta faute si ta mère est obligée de te rationner, de ta faute, de ta faute !!!

Chrissy voulut se lever pour prendre ses jambes à son cou, mais son corps refusa de lui obéir, la laissant pantoise sur sa chaise. Les vers crachés par le prêtre traversaient les trous et s'avançaient vers elle dans un bruit visqueux, amenant avec eux une puanteur mortelle. Chrissy sentit la nausée la prendre et dut réfrêner des hauts-le-coeur.

- Chrissy, tout va bien ? appela le Père Aston.

La jeune fille cligna des yeux. Elle était toujours assise dans le confessionnal, les poings serrés sur ses genoux, tremblante et en sueur. Elle tourna la tête vers la droite, la peur au ventre. Allait-elle voir un mort-vivant plein de vers en face d'elle ? Non. Le prêtre la regardait curieusement, un petit sourire compatissant sur les lèvres. Aucun ver à l'horizon, pas de mauvaise odeur.

- Je... je suis désolée mon Père, je crois que je ne me sens pas bien, bafouilla Chrissy. Je crois que je vais rentrer chez moi.

Chrissy se leva, reprenant son sac. Elle s'arrêta juste avant de passer le rideau et demanda :

- Que faut-il que je fasse pour expier mes pêchés ?
- Rien mon enfant. Tu n'as rien à te reprocher.

La jeune fille plia les genoux le temps de faire un signe de croix, marmonna un "Amen" et s'enfuit sans plus de cérémonie. Elle marcha d'un pas rapide vers le parvis de l'église, et une fois dehors, inspira un grand bol d'air avant de tousser. Elle ne l'avait d'abord pas remarqué, mais Chrissy avait l'impression d'inspirer du liquide, comme enrhumée.

Elle porta alors sa main à son nez et fronça les sourcils en sentant un liquide visqueux sortir de ses narines, jusque sur sa bouche, et même son haut. Elle observa ses doigts.

Ils étaient pleins du sang qui ne cessait de couler de son nez.

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