~Chapitre 8~
J'avais ressassé toute la nuit.
Toute la nuit je m'étais demandée que dire à mon père.
Toute la nuit j'avais rêvé de mon père et d'Alix, qui me défendaient tous les deux contre trois Proditors masqués.
L'endroit était sombre, la faiblesse des lumières rouges ne me permettait pas de voir les visages des traîtres.
Face aux trois félons, Alix et mon père faiblissaient. Petit à petit ils reculaient, allaient bientôt être coincés, dos au mur.
Finalement, mon père se mettait devant Alix pour prendre le coup à sa place avant de s'effondrer. Je courais vers lui, Alix me repoussait contre le mur et finalement, s'écroulait lui aussi, touché par le sort de l'un des scélérat.
Le Proditor le plus grand s'avançait lentement vers moi en retirant sa capuche. Je n'avais eu le temps d'apercevoir qu'un rictus mauvais qui déformait le bas d'un visage brûlé avant que je me réveille en sursaut et trempée de sueur.
J'avais préféré sortir sur la terrasse que de rester dans mon lit. Je m'étais finalement endormie sur la table, face aux étoiles.
Mon père vint me réveiller doucement.
-Qu'est-ce qu'il y a Mélodie? Toute la nuit je t'ai entendu crier et quand je rentrais dans ta chambre, tu dormais à poings fermés.
-Il n'y a rien, c'était juste un cauchemar, répondis-je.
-Alors pourquoi tu es sur la terrasse? demanda-t-il en s'agenouillant près de moi.
-Je n'arrivais pas à me rendormir alors je suis sortie, c'est tout.
-Bon, et qu'est-ce que c'était que ce cauchemar?
-Rien, mentis-je en retenant un sanglot.
-Ça ne peut pas être rien sinon tu aurais dormi dans ton lit.
-Je ne peux rien te dire.
-Mélodie... commença-t-il en me caressant les cheveux.
-Arrête avec tes Mélodie! criai-je en rentrant, les larmes me brûlant les yeux.
-D'accord. Sache quand même que je suis ton père, je suis prêt à tout entendre. Vraiment tout.
La tristesse se lisait dans ses yeux. Il avait compris. Mais je n'étais pas encore prête à lui parler. Je le regardai dans les yeux et sortis par la porte arrière.
J'étais pieds nus, en pyjama, les cheveux en bataille et les yeux rougis d'avoir pleuré toute la nuit.
Je m'assis sur la plage, à l'ombre d'un arbre.
Même si je savais qu'Alix allait arriver sous peu, j'avais envie d'être seule.
Pourtant, lorsqu'il s'assit près de moi en fixant le large, je ne le repoussai pas. Il m'entoura de son bras et m'attira contre lui. Je posai ma tête sur son torse et laissai couler mes larmes silencieusement.
-Ton père sait? me demanda-t-il d'une voix douce.
J'acquiesçai de la tête.
-Ma proposition d'hier tient toujours...
-Non Alix, tu n'as rien compris.
-Si j'ai compris une chose, c'est que ça fait deux jours que tu pleures à cause de ça. À cause de moi.
Il n'avait pas tort. Mais...
-Cette nuit j'ai pesé le pour et le contre, commençai-je.
-Et? m'encouragea-t-il.
-Dans le pour, j'ai mis cette petite chose qui me pousse à continuer -même si je ne sais pas très bien ce que c'est- et toi.
-Moi? demanda-t-il, étonné.
-Oui toi. Dans le contre, j'ai mis la possibilité de mourir, de voir mourir mon père, de te voir mourir toi, de ne plus revoir ma famille ni mes amis.
-Donc tu préfères retourner à ta vie d'avant... dit-il, une pointe de déception dans la voix.
-Là encore tu n'as rien compris.
-Ça devient une habitude chez moi.
-J'ai toujours été différente des autres, j'ai toujours marché à côté du chemin. La pointe de curiosité et le goût de l'aventure -que je tiens sûrement de mon père- pèse plus lourd dans la balance que le reste. Et toi aussi tu y contribues.
Il me serra encore plus fort.
-Cette nuit, j'ai fait un cauchemar, tellement précis qu'on aurait dit qu'il était vrai. Et je suis sûre qu'il est prémonitoire. Pourtant je n'ai pas peur.
Je lui racontai mon rêve en détails. Il me promit que même s'il était prémonitoire, il ne laisserait jamais personne me tuer ou tuer mon père. Il ajouta en rigolant qu'il ne comptait pas mourir non plus, qu'il voulait vivre très très vieux jusqu'à ce que les arrières arrières arrières arrières arrières arrières petits-enfants de celui qu'il aura tuer pour l'empêcher de me tuer le tuent. J'ai mis du temps à comprendre sa phrase alors il m'a expliqué qu'il ne comptait simplement pas se faire tuer.
-Merci d'être là Alix, lui murmurai-je.
J'étais en train de penser que je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était, je m'apprêtais à regarder ma montre, sûre qu'elle serait à mon poignet.
-9h environ, dit Alix, étonné de lui-même.
Je regardai ma montre. Il était bien 9h04!
-Comment tu as fait ça?! demandai-je en me redressant.
-Je n'en sais rien! D'habitude j'arrive à lire dans les pensées de tout le monde, mais toi ton esprit est impénétrable! Et là, je ne sais pas... D'un seul coup j'ai ressenti que tu voulais savoir l'heure!
Nous restâmes là toute la matinée, assis sur la plage, sans un mot. Dans ses bras je me sentais en sécurité, comme lorsque je n'étais qu'une enfant qui se réfugiait dans les bras de son père quand il y avait de l'orage.
À ce moment-là je comprenais tout à fait le sens du mot "protecteur".
Au bout d'un long moment, toujours sans détourner les yeux des vagues, je lui dis que j'étais prête, je pouvais aller parler à mon père, à une seule condition: qu'Alix vienne avec moi.
Il se leva, me tendit une main que je saisis puis nous partîmes vers la maison.
Le trajet me paraissait une éternité bien qu'il ne dura que cinq minutes.
Malgré tout, la présence près de moi m'empêchait d'avoir peur.
Une fois arrivés devant la porte, je pris une grande inspiration, Alix me poussa doucement le bras, et je poussai la porte.
Pas un bruit.
Nous nous dirigeâmes vers le salon où mon père nous attendait dans un fauteuil dos à nous. Bien que nous n'ayons pas fait de bruit, il nous dit d'approcher.
En passant près du fauteuil, je vis un album photo que je n'avais jamais vu, et dans les mains de mon père, deux lettres, que je n'avais jamais vues non plus.
Nous nous assîmes sur la canapé en face de lui. Au bout d'un moment, il releva la tête.
-Lis-les, dit il en me tendant les lettres qu'il avait dans les mains.
J'hésitai un instant, Alix me lança un regard d'encouragement. Je saisis les lettres, légèrement tremblante.
"Mon amour,
Quand tu liras cette lettre, je serai sûrement déjà loin.
Tu ne dois pas, tu ne peux pas m'en vouloir,
Je l'ai fait pour toi, pour Mélodie aussi.
Tu dois comprendre que Davrick est près,
Il a enfin réussi, il a retrouvé l'antre de Davius.
Il n'aurait pas tardé à arriver si je n'étais pas parti.
Je n'aurais jamais pu vous protéger toutes les deux.
J'aurais aimé te dire que je reviendrai bientôt,
Que je serais revenu pour les 1 an de Mélodie,
Mais je ne veux pas te mentir.
Au fond, tu sais aussi bien que moi que c'est impossible.
J'emporterai ton souvenir et celui de Mélodie qui me dit "papa" avec moi.
Ne pleure pas, je t'en prie.
Mélodie sera une enfant normale maintenant que je ne suis plus la,
Tu vois, finalement, tu auras eu ce que tu voulais,
Une vie normale, sans magie, remplie de bonheur.
Je t'aimerai toujours
Adieu
Ton mari."
Les larmes coulaient abondamment sur mes joues. Mon père avait baissé la tête, Alix avait passé son bras autour de mon épaule et me caressait le bras, mais les larmes continuaient de couler. Je laissai tomber ma tête sur son épaule et il me berça quelques instants, le temps que mes larmes cessent.
-Lis la deuxième, quémanda mon père.
"Mon amour...
J'ai finalement réussi à utiliser le sortilège Finis Potentarium.
Davrick et ses sbires se sont retrouvés sans pouvoir, démunis.
J'ai bien réfléchi.
Je suis d'accord.
Je vais demander à Anteo qu'il me retire mes pouvoirs.
Parce que j'ai réalisé que je ne pouvais vivre sans toi et sans Mélodie.
Plus aucun Proditor ne pourra me repérer.
Nous aurons une vie sans magie, comme une famille normale.
J'arriverai bientôt, laissez-moi un mois,
Le temps qu'Anteo me retire les pouvoirs et que je m'habitue à vivre sans.
À bientôt,
Je vous aime
Ton mari."
Mon père regardait derrière moi, les yeux dans le vague.
-Ces lettres, ta mère les a sûrement encore. Ou bien elle les a jetées en ayant peur que tu tombes dessus. Ces lettres-là ne sont pas les originales, ce ne sont que des copies. J'ai fait ce que j'ai promis à ta mère, je suis allé voir Anteo, il m'a retiré mes pouvoirs. J'ai eu du mal à vivre sans. J'avais toujours rêvé d'apprendre le Viridi Digitos ou l'Invisilitatem à ma fillle. Là j'en étais privé : ta mère ne voulait plus en entendre parler. Et puis, la magie était comme ma drogue, je ne pouvais vraiment pas m'en passer. Mais le plus dur c'était de me dire que tu ne saurais rien de ce monde. Alors un jour, quand tu avais 4 ans, j'ai essayé de te montrer le don de Volare, car c'était l'un des seuls qui m'étaient restés. Ta mère est rentrée. Je te laisse deviner la suite. Elle m'a hurlé dessus, m'a fait jurer de t'enlever ça de la mémoire et de partir ensuite. J'étais trop dangereux pour toi selon elle. Je suis retourné voir Anteo pour qu'il t'enlève ça de ta mémoire, je t'ai ramené chez ta mère, j'ai fait mes valises, écrit cette lettre et puis je suis parti, comme je lui avais promis. Je suis resté chez Anteo le temps de trouver un appartement. Je voulais m'éloigner le plus loin possible de vous, je me suis dit que moins je vous verrais, mieux je me porterais. Parce que l'amour peut être extrêmement destructeur Mélodie. Quelques mois après que je me sois installé près de Denver, Anteo est décédé. Ta mère a bien voulu t'envoyer me voir pour la première fois quand tu avais 7 ans. Alors j'ai déménagé pour quelque chose de plus grand, ici. Ton enfance s'est déroulée normalement, une seule fois j'ai utilisé mes pouvoirs, car tu avais peur dans l'avion. On était devenu des gens normaux, comme une simple famille divorcée. Et là, un gentil garçon est venu tout chambouler en ressortant les secrets que j'avais eu tant de mal à cacher, dit-il en fixant Alix.
-Papa, je...
Je me précipitai vers lui, en le serrant dans mes bras. Nous restâmes tous les deux ainsi. Alix se leva sans faire de bruit et commença à partir.
-S'il te plait Alix, reste, demandai-je en le retenant par le bras.
-Il vaut mieux que je vous laisse, me répondit-il en ayant perdu son sourire.
-Non s'il te plait, attends moi.
J'embrassai mon père en lui promettant de revenir le lendemain. Il fallait simplement que je réfléchisse encore, la nuit me porterait conseil.
Je montai m'habiller -j'étais encore en pyjama!- puis rejoignis Alix qui m'attendait devant la porte.
14h26.
-Tu m'accompagnes sur la plage? Tu rentreras chez toi après.
-Qu'est-ce tu veux faire sur la plage?
-Je ne sais pas... Probablement danser jusqu'à demain.
Danser pour ne pas réfléchir, juste libérer mon esprit. Il me demanda s'il pouvait rester avec moi.
-D'accord mais je ne compte pas danser comme... comme tu as l'habitude de me voir danser.
-Alors je te regarderai. Un bon spectacle pour me détendre, dit-il.
-Comme tu veux.
Nous nous dirigeâmes donc vers la plage. Alix s'allongea sur le sable, les bras croisés derrière la tête en fermant les yeux. Je m'avançai près des vagues, m'accroupis, laissant ma main flotter au rythme des vagues. Une douce chanson retentit, je me tournai vers le blondinet qui avait retrouvé son sourire.
-Ça va être compliqué de danser sans musique. Je te promets, j'ai déjà essayé, ça ne rend pas terrible, parole de scout, dit Alix.
-Mmh... Tu as été scout toi? demandai-je en riant.
-Mais bien sûr mademoiselle la Marquise! répondit-il.
-Tu recommences avec ta mademoiselle la Marquise? Bon alors si monsieur le Vicomte voulait m'accorder cette danse, dis-je en lui tendant la main.
-Normalement c'est le Vicomte qui demande à la Marquise. On recommence. Si mademoiselle la Marquise voulait bien m'accorder cette danse que je ne sais absolument pas danser, dit-il en me tendant la main à son tour.
-Mademoiselle la Marquise accepte l'offre de monsieur le Vicomte et lui promet d'être indulgente, déclarai-je en lui prenant la main.
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