~Chapitre 14~
Cette sensation horrible au creux de mon ventre ne cessait de me torturer.
Si mes yeux avaient encore été capables de pleurer, mes larmes auraient ruisselés sur ma robe noire.
Ce sentiment de vide ne m'avait encore jamais emplit.
J'avais juste envie de m'effondrer. De m'effondrer et de pleurer. Rester là, recroquevillée jusqu'à ce que la mort m'attrape à mon tour.
À ce moment-là, seule face au miroir de la salle de bain de ma mère, je souhaitais mourir.
Alix passa ses bras autour de mon ventre et embrassa ma nuque avant de poser sa tête sur mon dos.
-Pourquoi elle?
-Je ne sais pas, répondit Alix calmement en me tournant face a lui. La seule chose que je sais c'est qu'elle aurait aimé que tu continues de danser, de rire, de sourire, d'aimer, de vivre. Elle a donné sa vie pour ça. Sinon à quoi bon? Alors maintenant, tu vas retirer cette robe noire et mettre celle-ci.
Il sortit d'un sac une robe que j'aurais reconnue entre mille.
Le bleu-ciel était plus vif, le tissu plus beau que jamais.
Alix essuya mes larmes qui avaient recommencées à couler lorsque j'avais revu cette robe. Ce souvenir.
Cette robe, c'était la nôtre. Nous l'avions achetée ensemble.
-Tu es sûre que je devrais la prendre?
-Pas sûre, certaine ! On dirait un ange ! Tu es tellement belle!
-Tu la mettras si je ne la mets plus?
-Bien sûr, ce sera nôtre robe. Le symbole de notre amitié. Le jour où je mourrai tu porteras cette robe.
Elle avait dit cela en plaisantant mais aujourd'hui, ce moment me revenait en mémoire comme une évidence.
Je remerciai Alix et enfilai cette robe qui, malgré les années, me seyait toujours autant.
* * *
"Emma c'était... Tout pour moi. J'aurais... j'aurais préféré mourir à sa place. Elle méritait d'avoir une longue vie, d'avoir un mari aimant, de voir sa fille grandir. Elle méritait tellement plus! Elle est morte..."
Ma voix se brisa. J'étais incapable de continuer. Mon regard était depuis le début posé sur une Emma au teint terne, au teint de morte. Je ne pouvais tout simplement pas dire qu'elle était morte à cause de moi, il aurait fallu que je m'explique et tous les Lepidus auraient été en danger.
Alix récupéra le micro puis le passa à la demi-soeur de Emma avant de m'accompagner loin de cet endroit qui me faisait si mal.
Pendant plusieurs minutes il me berça avant que ma mère ne vienne nous voir.
-Ils vont... Ils vont fermer le cercueil. Si jamais tu veux... tu veux la voir une dernière fois.
Ma mère aussi était dévastée. Emma faisait partie de notre famille, depuis toute petite elle passait ses week-ends à la maison et comme moi ma mère l'avait vu grandir, grandir et devenir une femme. Une femme décédée d'une "crise cardiaque" à 37 ans.
Ma tête me disait de ne pas y aller, j'aurais trop mal. Mais mon coeur me rappelait que ce serait la dernière fois que je la verrais.
J'hochai finalement la tête et m'approchai du cercueil.
Emma, habillée d'une robe noire malgré mes supplications pour qu'elle porte sa tenue habituelle, arborait un visage paisible.
Elle était resplendissante.
Resplendissante mais pas en vie.
Je me penchai pour poser mes lèvres sur son front glacé.
-Si seulement tu pouvais parler, me dire pourquoi tu as fait ça, comment... Beaucoup trop de questions se bousculent. Merci d'avoir été là, toute ma vie. Merci de m'avoir supportée, de m'avoir soutenue, de m'avoir aimée. Merci d'avoir été ma meilleure amie. Je te souhaite tout le bonheur que tu mérites là où tu vas.
-Madame, on va devoir fermer, dit l'un des fossoyeur.
-Laissez-moi un quart d'heure.
-C'est impossible on...
-10 minutes? essaya Alix, arrivé près de moi.
-5 minutes maximum.
-7,30 et on en parle plus, conclua Alix.
Le croque-mort acquiesça et nous laissa en tapotant sa montre.
-On aurait dit que vous négociez un morceau de viande, fis-je remarquer alors qu'Alix soupirait.
-Peut-être mais ça a marché.
-Tu es avocat je te signale, c'est ton boulot de plaider la cause de ton client.
-Tu n'as pas tout à fait tord. Je t'attends dans la voiture, prends ton temps.
J'acquiesçai.
-Tu as vu? J'ai mis notre robe. Alix a pensé que ce serait une bonne idée. Pour une fois qu'il pense bien... Je n'arrête pas de me dire que tout ça est de sa faute. Bien sûr si je n'avais pas eu ce foutu don primaire tu serais encore là... Mais je ne peux m'empêcher de me dire que si Alix n'avait pas été là au début, j'aurais eu une vie normale, sans magie. Je n'aurais pas été obligée de mentir à tout le monde et surtout... Tu serais encore là.
Je marquai une pause le temps d'analyser ce que j'avais dit.
-D'ailleurs je me demande pourquoi je te dis ça. Si ça se trouve tu ne m'entends même pas et puis de toute façon, toutes ces histoires de magie, tu ne dois rien y comprendre toi hein? Mais alors pourquoi tu t'es proposée? Pourquoi tu t'es sacrifiée? Je pense sincèrement que tu méritais plus de vivre que moi. En tous cas, sache que tu resteras toujours là.
Je posai une main sur mon cœur et me relevai.
* * *
Noir.
Blanc.
J'étais de retour dans cet endroit d'un blanc immaculé où à deux reprises j'avais parlé avec ma grand-mère. Pourtant cette fois-ci, ça n'était pas elle.
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