2. in a hopeless scene


Les deux mois qui ont suivis le jour où Anthony était tombé du balcon ont été les deux pires de ma courte vie.

Non, il n'était pas mort. Mais personne n'avait de nouvelles. On ne savait ni l'hôpital où il se trouvait, ni son état de santé. L'école nous avait, à mes amis et moi, fait rencontré une psychologue durant trois scéances de groupe afin de parler de ce qui s'était passé. Nous étions tous un peu sous le choc, et j'étais totalement renversée par les évènements. Il était mon meilleur ami. Et je ne savais même pas s'il reviendrait à l'école où même, si je le reverrais. L'école nous avait assurée qu'il allait bien. Mais deux mois... C'était tout de même long.

Je réussissais tout de même à suivre mes cours et à poursuivre ma routine, mais à quelque part je me sentais très mal, je me responsabilisais toujours.

- "Vous imaginez si en fait, il est mort et personne ne veut nous le dire? Claudie brisa le silence pesant à notre table.

- Hé, Clau, tu pourrais te la fermer? N'en rajoute pas, tu veux bien?" répondit sèchement Félix à l'attention de la blondinette.

Claudie lui décocha un regard noir à quoi il répondit par la même expression. Les yeux de Sophia, à mes côtés, se remplirent de larmes et elle quitta notre table, son cabaret en main. Charles, à côté de Claudie, baissa les yeux vers ses mains et Acacia se mit à siffloter, mal à l'aise.

- " Je suis certaine qu'il va bien " tentai-je de dire de ma voix la plus convainquante.

Liam pris ma main dans la sienne et changea de sujet, et le reste du dîner se déroula, somme toute, assez bien, malgré l'ombre qui planait sur notre table.

Je n'arrivais pas à me concentrer dans aucun de mes cours, aussi intéressants soient-ils, et c'est donc avec un immense soulagement que j'entendis la dernière cloche retentir. Je me dépêchai de sortir mon cartable de mon casier et fit rapidement une accolade à Acacia, de qui la case était proche de la mienne, avant d'aller prendre le métro et de rentrer chez moi. Je ne supportais plus rien depuis l'accident d'Anthony. Ni la petite musique dans le métro, ni le rire des enfants sur les quais, pas même la durée des arrêts. J'avais l'impression que je ne pouvais rien apprécier pleinement alors que dans un recoin de mon esprit, l'inquiétude à propos d'Anthony coulait doucement et s'immiscait dans toutes mes pensées.

Habituellement, Sophia m'accompagnait sur une partie du trajet puisque nous vivions dans des quartiers conjoints, cependant, après la remarque de Claudie ce midi, je crois qu'elle était rentrée chez elle plus tôt, incapable de suivre ses cours. Sophia était une personne très sensible, du genre à verser des larmes quand un garçon lui souriait. Elle était adorable, mais, ces temps-ci, plombait beaucoup le moral de notre petite bande.

Je descendis donc à l'arrêt Berry-Uqam, et longeai encore deux rues avant d'arriver devant l'appartement familial. J'ouvrai la porte et fut accueillie par l'odeur alléchante du souper préparé par mon père. Je jettai mon cartable lassement au bord de l'entrée.

- "Amy? sa voix résonna dans le couloir.
- C'est moi, p'pa. " je répondis.

J'avançai dans la cuisine et m'installai sur une chaise à la table de la cuisine. Mon père me souris et retourna à sa cuisson.

- "Alors, comment a été ta journée?
- Ça aurait pu être mieux, mais c'était bien. Correct, en fait."

Je me rendais bien compte qu'il hésitait à poser la question qui le titillait. Je le fis à sa place.

-"... Et je n'ai pas eu de nouvelles d'Antho. On ne sait vraiment pas ce qu'il advient de lui.
- Oh... Je suis désolé pour toi, ma chérie.
- Non, c'est bon. " je me mordis la lèvre.

Il y eu un long silence, puis mon père éteint le poêle et se retourna.

- " Tu sais quoi, ta mère travaille toute la soirée et ton frère est parti chez sa copine. Ça te plairait qu'on aille au restaurant, juste nous deux?"

Je souris.

- "Mais papa, tu viens de préparer le souper!
- Ça se conserve bien, t'inquiète, sourit-il en essuyant ses mains sur une guenille.
- Alors ça me convient parfaitement!" Je répondis.

Mon père me fit un clin d'oeil et attrapa ses clés de voiture avant que nous montions et roulions vers un restaurant quelconque.

J'adorais mon père. Trentenaire, il était un chic type, avec beaucoup d'humour. Il se forçait pour être là pour mon frère et moi, était très attentionné et amoureux avec ma mère. Il était un peu comme mon super héro, et avait été très présent pour moi quelques temps après l'accident.

-" Alors, tout va bien avec Liam, sinon? S'informa-t-il.
- Oui, tout va bien, enfin je crois.
- Tu crois? il me regarda en penchant la tête.
- Eh bien... Comment dire....
- Vous avez eu quelques remous après ce qui s'est passé, termina-t-il.
- C'est exactement ça!" Je dis, la bouche pleine de ce délicieux met thaï que j'avais commandé.

La semaine après la chute d'Anthony, je ne lui avais pas adressé la parole. Je lui en voulais tellement et je considérais que c'était de sa faute, pauvre Liam! Je me souviens lui avoir crié des bêtises telles qu'il avait fait exprès de détourner mon attention de mon ami, et qu'il n'était qu'un monstre. Mais ça n'avait pas duré très longtemps, puisque peu après, c'est sur moi-même que je jettai la faute.

Mon père secoua la tête en souriant.

- " C'est normal, mais je suis sûre aue tout va s'arranger. D'ailleurs, tu devrais l'inviter à souper, ce garçon, un soir où ta mère sera avec nous.
- Oui, ça pourrait être chouette."

Alors que nous discutions de son boulot, de mes amis, et de nombreux autres sujets, je sentis mon cellulaire vibrer.

- " tu permets que je prenne l'appel? " je demandais à mon père.

Il me fit signe qu'il n'y avait pas de problème. Lorsque je répondit, ce fut la voix de Claudie qui retentit dans l'appareil.

-" Amy! Tu as entendu la rumeur?"

Je fronçai les sourcils.

- " quelle rumeur?
- Eh bien, Félix a texté Acacia qui m'a texté que Antho serait probablement paralysé des épaules aux pieds. Un truc de moelle épineuse ou quelque chose comme ça...
- moelle épinière, Clau. Quoi qu'il en soit, ça ne sert à rien de se baser sur les rumeurs...
- Tu as raison, soupira mon amie. Dans tout les cas, je t'appelais juste pour te le dire. 
- D'accord, merci, à demain."

Cette possibilité que mon meilleur ami soit quadraplégique m'avait de nombreuses fois effleuré l'esprit, mais je tentais de l'enfouir profondément. Bien sûr, si tel était le cas, je l'aimerais tout autant, mais rien ne serait plus pareil. Absolument rien.

Je chassai donc cette idée de mes pensées et retrouvai mon père à la table.

***

Le lendemain matin, j'enfilai comme à l'habitude mon uniforme du collège et brossai ma crinière couleur chocolat avant de mettre mes bottillons et mon coupe vent. Je saluai ma famille et repris le métro vers l'établissement scolaire, cette fois accompagnée par Sophia.

-" tu as entendu parler de la rumeur sur Antho? Me demanda-t-elle. 
- Claudie m'a appelé hier.
- Et tu y crois, toi?"

Je regardai Sophia sans savoir quoi dire.

- "J'sais pas trop. Toi?
- j'voudrais pas qu'il soit paralysé."

Je hochai la tête sans rien dire. C'est bizarre, parce que après deux longs mois, on aurait tous dû passer à autre chose, cesser de se torturer l'esprit 24 heures sur 24 avec le sort d'Anthony, et pourtant non. Jour après jour, l'absence de nouvelles nous faisait angoisser. Le stress ne nous quittait que pour de courtes périodes à la fois.

Anthony était le plus jeune d'entre nous, avec Acacia. Les deux avaient seize ans alors que le reste de nous avions tous dix-sept ans. Nous considérions Antho comme notre petit frère à tous, le bébé de la bande, plus fragile. Nous le protégions tous, bien que cela l'énervais souvent. Il était adorable.

Dès notre arrivée à l'école, je sentis les regards se poser sur nous. Je voyais les gens murmurer en nous regardant. J'avais le sentiment que quelque chose était différent. Sophia me jetta un rapide regard, alarmée, et je posai ma main sur son épaule, tentant qu'elle reste calme. Nous nous dirigeâmes vers son casier lorsque nous croisâmes  Charles. Il paraissait angoissé.

-" Charles, tout va bien?" je demandais.
Il hocha la tête et passa nerveusement sa main dans ses cheveux noirs. Je m'approchai de lui et posai mes mains sur ses épaules.

-" Que se passe-t-il?
- Il parait qu'Antho est revenu.
- Où est-il?" je demandai, mon rythme cardiaque s'accélérant.

Charles secoua la tête, me disant qu'il ne savait pas.

Je le remerciai et lui assurait que tout irait bien, lorsque la cloche du premier cours sonna. Je pris mes livres et montai par le grand escalier vers ma classe de français. Au coin d'un couloir, je vis Claudie, serrant  fortement Félix dans ses bras. Elle semblait pleurer.

J'étais troublée, je ne comprenais plus rien. Mais je devais aller à mon cours, alors je pris place dans la classe, rapidement suivie de Liam. Il me salua froidement, lui aussi avait l'air troublé.

Durant l'heure qui suivit, l'angoisse retournait mes entrailles. Selon Charles, notre ami était revenu, alors pour quelle raison tous faisaient une tête d'enterrement? Au moment où la cloche résonna, je bondis de ma chaise sans laisser à mon amoureux le temps de me rattraper. Je marchai d'un pas trop rapide, zigzaguant entre les élèves, pressé de trouver... Je ne savais même pas ce que je cherchais. Un visage familier. Un sourire. Sophia. Ou n'importe qui d'autre qui me sécuriserait. J'arrivai devant le grand escalier, prête à le dévaler jusqu'à mon casier, lorsque je senti comme un poids s'abattre sur mes épaules, sur mon coeur, sur mon être tout entier. Je dus me retenir au coin d'un mur pour cesser le tremblement de mes jambes.

Devant la rembarde du balcon, un garçon était assi, en fauteuil roulant. Son visage était plus blanc et plus maigre qu'à son habitude, mais c'était toujours le même visage. Ce visage que j'aurais pu reconnaître parmi des milliers. Je réussi, je ne sais avec quelle force, à m'avançer jusqu'à lui. Il ne regardait pas dans ma direction et je posai une main sur son épaule.

À ce moment, il se retourna et un sourire éclatant illumina son visage, me faisant presque fondre en larme.

- " Tu m'avais manqué, Amy. "

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