Premières vacances

Puisque les fêtes de fin d'année approchent, voici un petit cadeau de ma part ! Je vous présente cette nouvelle située après les événements d'Étrangère, durant la période des fêtes. Pour faire simple, c'est la première fois que Nova a l'occasion de réellement profiter de cette période de deux semaines : ce qu'elle va faire en compagnie du sergent qui va l'y introduire !

Bonne lecture et joyeux temps des fêtes !

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Il ne reste que quelques minutes à la journée et Nova sent que l'atmosphère est... différente de d'habitude. Tous les élèves sont enjoués et discutent entre eux et même l'enseignante assise à son bureau à l'avant de la classe ne semble pas pressée. Le fait que chaque cours de la journée n'a pas été une période d'enseignement doit y être pour quelque chose.

Avec tous ces critères remplis, Nova ressent aussi une certaine fébrilité de la part de ses camarades de classe. La raison en est très simple : au son de la cloche, ce sera le début des vacances. Pour les deux prochaines semaines, celles qui entourent les fêtes de fin d'année, l'école est fermée et Nova sera à la maison. Enfin, quand elle n'a pas d'entraînement avec Seraxa.

Ses amis ont chacun leurs propres plans pour les prochaines semaines. Helena ne célèbre pas particulièrement, mais va passer beaucoup de temps avec ses petits frères. Nav va, quant à lui, célébrer à distance avec sa famille au Mexique et travailler le jour du Boxing Day qu'il appréhende déjà malgré la prime qu'il recevra. Calypso, elle, part avec sa famille dans une station de ski pour ces deux prochaines semaines pour célébrer ces fêtes. Wen ira rendre visite à sa famille étendue vivant à quelques heures de la ville comme il le fait tous les ans. Chez Vivianne, les prochains jours seront remplis par l'arrivée des membres de sa famille du côté de sa maman qui y passeront le réveillon. Finalement, Beckett part avec ses parents en vacances dans un pays chaud comme ils le font tous les ans.

Quand Nova a posé la question au sergent Wilde par rapport à ce qu'ils allaient faire, il lui a souri en lui demandant de patienter. La réponse n'a fait qu'attiser sa curiosité, mais elle n'a pas insisté davantage. Elle attend donc de voir ce qu'il a en réserve avec une impatience de plus en plus grandissante.

Au son de la cloche, Nova sursaute en raison des cris enjoués de ses camarades suivis de bruits de pas affolés qui résonnent à travers l'ensemble de l'établissement. L'adolescente se lève de sa place, passe par le bureau de l'enseignante pour lui souhaiter de bonnes vacances, puis quitte sa classe, en route vers son casier. Les couloirs ne sont, quant à eux, que frénésie de la part du corps étudiant. Bien que la plupart s'habillent afin d'aller s'aventurer à l'extérieur, beaucoup ont mis de la musique, dansent ou entonnent des chansons en se filmant. Nova secoue la tête, sachant très bien que ce spectacle ne sera que de très courte durée le temps qu'un enseignant vienne tout interrompre.

— Oh, Nova, Nova, Nova !

À l'entente de son nom, la jeune fille se retourne pour voir Calypso marcher vers elle, téléphone sorti et orienté vers son visage. La blonde ne tarde pas à la rejoindre et à accrocher son bras au sien.

— Avant que tout le monde ne soit parti, je fais un petit sondage auprès de mes amis. Alors, dis-moi chère amie venue des confins de l'univers, quels sont tes plans pour ces deux prochaines semaines ?

— Euh, je...

Nova hésite. Que devrait-elle lui répondre ? Elle réfléchit rapidement et conçoit une réponse des plus génériques.

— Beaucoup de repos, surtout ! Et du temps de qualité avec mes proches.

— Ah oui, c'est vrai que c'est très important ! Voyez, chers abonnés ? Les vacances, c'est aussi être avec les gens qu'on aime ! Nova nous le rappelle bien.

Calypso se tourne vers elle avec un grand sourire.

— Merci d'avoir répondu ! On se revoit dans deux semaines, OK ?

Nova n'a pas le temps de répondre qu'elle s'éloigne déjà, se dirigeant vers un garçon avec qui elle est amie. Elle soupire, un petit sourire aux lèvres, puis reprend son chemin vers son casier.

***

En passant la porte d'entrée de son immeuble, Nova passe d'abord une main sur ses cheveux pour y enlever la neige qui s'y est accumulée. Elle tape aussi des pieds sur le tapis pour la même raison avant de monter les marches jusqu'à son étage. Devant l'appartement qu'elle partage avec le sergent, elle pousse la porte et est frappée par une délicieuse odeur sucrée.

— Ça sent bon, par ici ! s'exclame-t-elle en retirant ses bottes.

— Tu es rentrée juste à temps. Allez, dépêche-toi de venir dans la cuisine.

Nova s'exécute et voit son ami assis devant un plateau de biscuits aux pépites de chocolat et deux verres de lait. Elle s'assoit à son tour, un peu sceptique face au sergent qui n'arrête pas de sourire. Heureusement, celui-ci ne tarde pas avant de parler.

— Étant donné qu'il s'agit de ton tout premier vrai temps des fêtes, et par là je veux dire qui se déroule à l'extérieur de la base militaire, j'ai pensé qu'on pouvait faire des activités très... stéréotypées.

— Stéréotypées ?

— Oui.

— Tu veux bien expliquer ? demande-t-elle en prenant un biscuit.

— Pour faire simple, j'ai établi une liste d'activités typiques du temps des fêtes, des activités souvent faites en famille. Tu l'as sûrement entendu au cours des dernières semaines, mais pour plusieurs personnes, cette période de l'année sert aux familles à se retrouver et à célébrer certaines choses, parfois selon leur foi. Dans ma famille, même si on est baptisés, on ne fête pas vraiment de façon religieuse, mais on se voit quand même le jour de Noël. De nos deux semaines, il y a donc cette journée ainsi que le 31 décembre qui sont taillées dans le béton. Mais pour le reste... Il se trouve qu'il y a de nombreuses choses qu'on peut faire autant en ville qu'en dehors.

— Ça a l'air chouette... Mais tu peux me donner un exemple ?

— Ce qu'on fait ici, par exemple. C'est très banal, mais... quelques biscuits avec un bon verre de lait, ça démarre plutôt bien notre soirée. Comment tu les trouves, d'ailleurs ?

— Plutôt bons ! C'est encore chaud, fondant en bouche... Et avec le lait, c'est encore meilleur !

— C'est ce que j'espérais. Alors, voici ce que je te propose pour ce soir. J'ai acheté quelques décorations tout à l'heure. On pourrait décorer le salon et ensuite, on s'installerait devant un bon petit film. Qu'est-ce que tu en dis ?

— J'en dis que je suis partante !

— Dans ce cas...

Il prend son verre et le lève. Il encourage Nova à faire de même, ce qu'elle fait sans tarder.

— À nos premières vacances tous les deux !

— À nos premières vacances ! répète-t-elle.

Ils entrechoquent leurs verres avant d'en boire une gorgée.

***

Les deux derniers jours ont passé à une vitesse impressionnante, ce qui montre que Nova s'amuse énormément. Pour elle, une chose est sûre : le sergent a vraiment pensé à tout! Parmi ce qu'ils ont fait, il y a eu leur participation à un concours d'assemblage de bonhomme de neige (qu'ils n'ont pas gagné, mais ce n'est pas grave), une bataille de boules de neige improvisée dans le coin d'un parc, un passage au marché de Noël annuel, un concert gratuit présenté par une chorale ainsi qu'une promenade au sein d'un labyrinthe entièrement fait en neige.

À présent, le sergent et elle sont en route vers la maison du frère cadet du militaire pour passer le réveillon en famille. Nova ne l'a encore jamais rencontré, alors elle est un peu fébrile. Pourtant, elle a aussi hâte. De ce qu'Ian lui a dit, Travis a des enfants encore très jeunes qui sont de fervents adorateurs de la période des fêtes. Ils risquent de savoir la divertir toute la journée et Nova a pour mission de les épuiser pour une raison bien précise : aider Ian à devenir le Père Noël.

— C'est vraiment primordial : ils doivent être assez fatigués pour aller au lit avant neuf heures. Leur mère viendra les réveiller vers minuit, où je les attendrai au pied du sapin pour procéder à l'échange de cadeaux pour tout le monde.

— Oui, oui, ne t'en fais pas, je gère ! Mais... pourquoi c'est toi qui se déguises ?

— Oh, c'est un choix qui s'est fait il y a un moment déjà. Étant donné que je suis le seul de ma fratrie qui n'est pas devenu un parent et qui n'avait pas d'enfant en bas âge desquels me soucier... j'étais le choix logique pour me déguiser et préserver cette magie. Si ça avait été le conjoint de Nicole ou même mon frère qui disparaissait soudainement pile durant la distribution de cadeaux...

— Ah oui, ils se seraient posé des questions.

— Exactement.

— Mais... ils ne s'en doutent pas ?

— Peut-être, mais ça sera à voir ce soir. Parce que pour le moment... nous y sommes.

Il gare la voiture dans l'allée, où deux autres voitures sont présentes. Nova détache sa ceinture et prend une bonne inspiration. Le sergent le remarque.

— Ça va bien se passer, tu verras. Tu devrais aimer Travis, lui dit-il en ouvrant la portière.

— J'espère qu'il va m'aimer aussi...

— Nova, je parle de toi à mon frère et ma sœur depuis des années. C'est comme s'ils te connaissaient déjà. Fais-moi confiance, ils sauront te mettre à l'aise. Et, comme je te l'ai dit tout à l'heure : si jamais tu veux rentrer plus tôt... on rentrera plus tôt. D'accord ?

Nova lève les yeux vers lui et hoche la tête.

— Merci, sergent.

— Il n'y a pas de quoi. Alors, tu viens m'aider à décharger le coffre ?

— Sans problème !

Une fois qu'ils sont en dehors du véhicule, le sergent débloque le coffre et donne à Nova certains sacs ainsi que le plat qu'ils ont apporté pour le repas. La jeune fille en profite pour regarder la maison qui lui semble assez grande : deux étages et un sous-sol, un garage double et un tas de décorations lumineuses qui parsèment la façade avant de la maison. Aux dires d'Ian, il y a aussi une cour à l'arrière. En même temps, étant donné que le frère du militaire est médecin généraliste et que sa conjointe est avocate, il n'est pas étonnant qu'ils gagnent plus que le sergent ensemble : ils peuvent facilement se permettre un endroit aussi grand.

Le coffre de la voiture fermé, ils se dirigent vers la porte d'entrée. Ian appuie sur la sonnette et, aussitôt, des aboiements se font entendre. Nova se tourne vers son tuteur, surprise.

— Ah, j'ai oublié de te le mentionner ? Ils ont un chien : Nala.

— OK, je vois.

La porte s'ouvre tout de suite après sur un homme qui ressemble de très près au sergent. Les seules exceptions résident dans le fait que ses cheveux ne sont pas aussi courts et qu'il possède une barbe très bien fournie.

— Tiens, tiens ! En voilà une bonne surprise ! Je te rencontre enfin, Nova ! dit-il avec un grand sourire.

— Oui... Bonjour, répond-elle avec un geste de la main.

— Et à ton grand frère, tu ne dis rien ? demande le sergent.

— Bah tu es certainement une surprise, mais de là à en dire une bonne...

— Hého, attention à ce que tu vas dire sinon je peux très facilement « perdre » l'un des cadeaux...

— Non !

Les deux frères échangent un sourire avant que le plus jeune ne recule, invitant les deux nouveaux arrivants à entrer dans le domicile. Les Wilde se prennent brièvement dans leurs bras et Nova en profite pour enlever ses bottes, suivies de son manteau.

— Désolée, où est-ce que je peux mettre...

— Oh, donne-le-moi. Je vais le mettre avec les autres. Le tien aussi, bro.

Nova s'exécute, soufflant un remerciement par la même occasion. Le frère du sergent s'éloigne avec les manteaux, offrant la place nécessaire aux nouveaux arrivants pour retirer leurs bottes et prendre les différents sacs de cadeaux. Ian sort du vestibule le premier pour entrer dans le domicile et, tout de suite, Nova entend des enfants crier « ONCLE IAN » avant leurs pas affolés. Le rire du sergent suit sans se faire attendre.

— Vous m'avez manqué, tous les deux ! Vous avez été sages, pas vrai ?

— Oui, tonton ! J'ai demandé au Père Noël un poney, alors j'ai été super, super sage !

Nova fait une grimace. Une déception risque de suivre très bientôt.

— Un poney, tu dis ? On va voir ce qu'il en dira !

C'est à ce moment que Nova décide à son tour de sortir du vestibule. Tout de suite, les enfants redressent la tête vers elle et écarquillent les yeux.

— Trop bien ! s'exclame une fillette.

Elle et son frère (cousin ?) se dirigent vers Nova rapidement.

— C'est toi, notre nouvelle cousine ?

— Euh...

D'abord sous le choc quant au fait qu'ils n'ont pas fait de remarque sur son apparence, Nova prend une seconde pour rassembler ses pensées pour ne pas dire n'importe quoi. Pour elle, le fait qu'ils la perçoivent comme leur cousine est inusité : elle ne s'y attendait pas. Mais après une courte réflexion, elle se dit qu'il s'agissait probablement du moyen le plus simple de leur expliquer qui elle était. Elle leur sourit et s'abaisse à leur niveau.

— Exact ! Je m'appelle Nova. Vous deux ?

— Gemma ! Répond la plus grande.

— Dustin, dit le deuxième.

— Vous avez quels âges ? leur demande Nova.

— Moi, je suis grande comme ça et lui comme ça ! réplique Gemma en montrant six, puis quatre doigts.

Nova le prend en note, puis voit Nicole, la sœur d'Ian, s'approcher.

— Allez, vous deux, laissez-la entrer !

— Pardon, maman !

Ah. Il s'agit donc plus précisément des enfants de Nicole et de son conjoint. Nova prend l'information en note avant de se relever, mais Gemma glisse déjà sa main pour la tirer à sa suite. Elle a à peine le temps de voir le regard amusé de Nicole que l'adolescente comprend qu'elle est officiellement devenue la baby-sitter désignée pour la journée et que celle-ci risque d'être remplie.

***

Effectivement, son intuition était juste. Qui aurait pu croire que deux gamins, ainsi que le fils de trois ans de Travis prénommé Nolan, l'épuiseraient plus que tous les entraînements de Seraxa combinés ?

Au bout du compte, c'est elle qui prendrait bien une sieste. Pas l'inverse.

Mais bon, avec le dîner passé et un film pour enfants mis sur la télévision géante du sous-sol, c'est maintenant qu'elle doit s'assurer que les trois enfants s'endorment. Pour ce faire, Nova a tenté de créer les conditions propices : lumières tamisées, installation confortable sur un matelas gonflable géant, couvertures chaudes, plusieurs oreillers et, bien sûr, une tasse fumante de chocolat chaud pour tout le monde.

Trente minutes suivant le début du film, elle remarque avec plaisir que la tactique a fonctionné sur les deux plus jeunes. Seule Gemma est encore parfaitement réveillée et pose à Nova un paquet de questions en tous genres plutôt que de regarder l'animation devant elle.

— Moi aussi, je peux avoir des cheveux mauves ?

— Quand tu seras plus grande, peut-être. Si tes parents sont d'accord, bien sûr.

— Tonton était d'accord alors ?

— Eh bien... Moi, ce sont mes vrais cheveux. Ils ont toujours été comme ça.

— Comment t'as fait ?

Nova se retient de ne pas pouffer et tente de lui répondre le plus sérieusement possible.

— Ma maman. Elle aussi, elle avait les cheveux de cette couleur. Elle a donc décidé de m'en donner des comme elle, lui-dit elle en utilisant des mots simples.

— Ah... Elle est jolie comme toi, ta maman ?

Nova hoche la tête, quelque peu flattée par sa remarque.

— Elle était très belle, oui. Mon papa aussi.

— Oncle Ian aussi, est très beau.

Nova rit.

— Oui, tu as raison. Et toi aussi, tu es belle.

— Oui ! Comme dit papa, « c'est de famille ! » Et comme tu es là, c'est encore plus vrai.

Cette fois, Nova rit doucement. Mais Gemma a une nouvelle question.

— Et ta maman et ton papa... Ils ne pouvaient pas venir ?

Nova soupire, puis secoue la tête.

— Pourquoi ?

Cette fois, Nova hésite. Elle ne sait pas si on a déjà parlé à Gemma du concept de la mort, ou même si elle a droit de le faire. Elle tente quelque chose.

— Bah... parce qu'ils ne sont pas ici. Et qu'ils ne peuvent pas venir ici. Ils sont... dans un monde meilleur.

— Meilleur qu'ici et ta planète ?

Je l'espère, en tout cas...

— Oui. C'est un monde où... tout le monde va, un jour. Quand tu seras une grand-mère, tu vas y aller pendant que tu dors. Et même si tu ne reviendras jamais ici, tu vas revoir tout le monde qui a été là pour toi. Et même ceux qui ne t'ont pas suivie tout de suite vont t'y rejoindre. Et... vous ferez la fête pour toujours.

— Ça a l'air trop cool ! Mais pourquoi on peut pas revenir ?

— Parce que...

Elle déglutit, sentant une boule se former dans sa gorge.

— Parce que tu n'auras plus envie de revenir. Ce n'est jamais arrivé, juste parce que c'est trop bien là-bas.

— Oh, OK. J'ai hâte d'y aller aussi, alors ! Comme ça, je vais voir ton papa et ta maman moi aussi.

Nova hoche la tête, puis se déplace.

— Excuse-moi, Gemma. Je dois aller aux toilettes. Tu ne bouges pas, d'accord ?

Elle n'attend même pas sa réponse et se lève pour aller s'enfermer dans la salle de bain. Elle s'assied sur le siège et enfouis son visage dans ses mains. Une plainte s'enfuit de sa gorge, mais rien de plus.

Nova sait pertinemment que Gemma n'entendait rien de mal avec ses questions : après tout, elle ne connaît pas du tout sa situation. Il n'empêche pourtant pas que cette discussion a ravivé des souvenirs douloureux en plus d'une vérité qui demeure insurmontable à plus d'un niveau : elle ne reverra plus jamais sa famille. C'est un fait et il n'existe aucune solution.

C'est là que les larmes dévalent tranquillement. Elle pousse une plainte au constat qu'elle pleure, trouvant la chose ridicule, mais renifle quand même. Elle attrape du papier toilette pour éponger un peu, même si ça lui semble un peu inutile.

Un coup sur la porte la surprend et, l'espace d'un instant, elle se tait. Est-ce qu'on l'a entendue ?

— Nova, c'est moi.

Elle n'a pas besoin de demander une précision. L'adolescente se lève, puis ouvre la porte sur le sergent, qui l'observe déjà avec une mine inquiète.

— Tu veux en parler ?

— Comment tu as su ?

— J'ai vu que les enfants dormaient tous les trois. J'ai voulu te féliciter, mais quand j'ai vu que tu n'étais pas avec eux et que la porte des toilettes était fermée... Te trouver a été facile.

Nova hoche la tête, reniflant malgré elle. Elle essuie un œil.

— C'est tout bête, ça m'énerve... marmonne-t-elle.

— Je suis sûr que non. Si tu veux, on peut aller dans la chambre d'amis le temps que ça aille mieux ?

Elle se contente de hocher la tête et se laisse guider par le sergent jusqu'à la petite pièce qui ne comprend qu'un lit, une minuscule table blanche et une armoire de la même couleur. Ils s'assoient sur le matelas côte à côte et, étrangement, le geste la réconforte un peu. Ses larmes semblent s'arrêter, du moins. La sensation désagréable qui persiste dans sa gorge, en revanche, paraît déterminée à rester.

— Tu veux bien me dire ce qu'il s'est passé ? lui demande l'adulte.

Elle se redresse, le regardant avant de soupirer. Pourtant, elle décide de lui dire quand même : s'il y a une personne sur cette planète qui ne lui a jamais porté un jugement de valeur, c'est bien lui.

— Il ne s'est pas... passé quelque chose à proprement parler. C'est juste... Gemma me posait des questions et, comme ça, le sujet de ma famille est venu. Et je...

Elle bat des paupières et croise les bras.

— Ne le prends pas mal, je suis très contente d'être avec ta famille aujourd'hui, mais le fait que tes neveux me perçoivent comme une « cousine », comme si je l'étais réellement, puis ensuite devoir lui expliquer sans parler de ma réalité pourquoi je ne suis pas avec mes parents... c'est...

— Pas un bon mélange ?

— Oui, voilà...

Elle renifle.

— Je te l'avais dit, c'est bête.

— Mais non, pas du tout.

Elle baisse les yeux, mais le sergent prononce son nom, la forçant indirectement à le regarder.

— Tu sais... l'intention de ta présence ici n'était pas de te faire sentir obligée de te considérer comme un membre de ma famille. Je saisis que ta situation est compliquée, sans parler de complètement injuste. Tu as traversé plusieurs choses et, pendant des années, tu étais vraiment seule, aussi.

Il attrape l'une de ses mains.

— L'explication de « cousine » est venue des enfants eux-mêmes, ce n'est pas mon idée ni même celle de mes adelphes. Ils ont simplement fait l'assimilation « jeune vivant avec oncle Ian égale... »

— Non, oui, je saisis. Et je sais que Gemma ne l'a pas fait exprès non plus. Mais bon... C'était juste une combinaison un peu bizarre, et puis peut-être que le fait de leur courir après toute la journée n'a pas aidé non plus.

Il rigole.

— Peut-être. Mais tu sais, il n'y a rien de mal dans le fait d'avoir pleuré pour cette raison.

Elle lève les yeux vers lui.

— Je te l'ai déjà dit, que ma mère était décédée.

— Oui.

— Quand je l'ai appris... j'étais déployé à l'étranger. C'était avant de te rencontrer. J'avais 28 ans, Nicole 26 et Travis seulement 23 ans. Je l'ai appris en revenant d'un exercice sur le terrain. On m'a pris à l'écart et on me l'a dit : « ta mère est décédée. »

— Quoi ? Vraiment comme ça ?

— Oui. Ça manque de tact, n'est-ce pas ?

Nova pouffe, puis arrête.

— Pardon.

— Non, non. Tu sais comment c'est, à l'armée. J'imagine que tu n'as aucun mal à t'imaginer la scène ?

— Absolument pas, c'est vrai, confirme-t-elle.

— Voilà. Alors bref, suivant cette déclaration, tu peux le comprendre, j'étais un peu sonné par la remarque. Je m'en souviens comme si c'était hier, j'ai bêtement demandé un « quoi ? » suivi d'un « vous ne me faites pas de blague, là ? » et d'un « de quoi ? ». Ce à quoi on m'a d'abord répété ce qu'ils venaient de me dire, puis qu'on a répondu par la négative avant de me dire qu'ils ne connaissaient pas la cause, qu'on ne leur avait pas dit au téléphone. Alors j'ai fait ce que j'avais à faire. J'ai plié bagage et je suis rentré chez moi pour assister à ses funérailles.

Il soupire.

— Je t'épargne le tableau : tu sais en quoi ça consiste, ce genre de pratique. Mais bon, pendant toute la durée de ces funérailles, je me suis montré fort. J'étais le fils aîné, militaire qui plus est. Je devais être le pilier de mon père qui venait de perdre son épouse, ainsi que celui de mes cadets qui étaient tout simplement dévastés. Alors j'étais celui qui répondait aux personnes nous présentant leurs condoléances, qui est venu à l'avance pour m'assurer que tout était prêt, qui est resté même après... Et ensuite je suis rentré chez mon père, maintenant il ne vit plus à cet endroit, et je suis directement allé m'enfermer dans la salle de bain pour prendre une douche. Une fois sous le jet... j'ai éclaté en sanglots. Sans me ménager.

— Je suis désolée pour ta mère, sergent.

Il hausse les épaules.

— Ça fait dix ans, maintenant. Je vais mieux. Mais... je pense que je ne t'apprends rien en disant ceci : c'est une douleur qui ne nous quitte jamais complètement, on apprend juste à faire avec. Et parfois, y'a des moments où c'est pire que d'autres.

— C'est le cas de le dire.

— Mais... quelque chose vient faire la différence : et c'est le fait d'avoir des personnes autour de nous pour nous soutenir. C'est ce qui m'a beaucoup aidé à faire mon deuil, personnellement. J'avais ma famille, puis mes amis. Ils m'ont fait comprendre que je n'étais pas seul et que, s'il y avait quoi que ce soit, je pouvais compter sur eux. Qu'ils m'écouteraient tant que j'en aurais besoin.

Il vient poser sa main sur l'épaule de Nova.

— Et j'espère que tu le sais aussi.

Elle hoche la tête, décidant par la même occasion de lui faire un câlin pour le remercier pour tout son soutien. Il referme ses bras autour d'elle, la réconfortant avec plaisir.

— Merci pour tout ce que tu fais pour moi, sergent. Tu n'as pas idée à quel point je te suis reconnaissante. Je ne sais pas comment je pourrais te revaloir ça un de ces jours.

— Tu n'as pas besoin de le faire, mais pas du tout. L'important, c'est que tu sois heureuse.

Elle sourit et se redresse. Il lui retourne son sourire.

— Sinon, de base, je venais te chercher parce qu'avec les « adultes », nous allions bientôt commencer notre partie annuelle d'Escape Game portable. Veux-tu te joindre à nous ?

— Je veux bien... mais ça marche comment ?

— Tu vas voir, on va tout expliquer.

Ensemble, ils se lèvent et se dirigent au salon, où l'ensemble des personnes encore éveillées se trouvent, prêtes à entamer le jeu.

***

À minuit précis, Nova retrouve les enfants endormis afin de les réveiller : ce qui marche assez bien dès qu'elle prononce le mot « cadeau ». Ils se précipitent dans le salon, plus précisément là où Ian est assis, déguisé en Père Noël. Il les accueille avec une voix plus grasse que celle qu'il utilise habituellement et Nova fait de son mieux pour ne pas rire.

— Alors, j'ai entendu dire que vous aviez tous les trois été très sages, cette année.

— Oui, Père Noël ! assure Gemma en hochant vivement la tête.

— Pas de mauvais coups faits à papa ou maman ?

— Non !

— Et tes jouets, tu les ranges quand tu as terminé de jouer ?

— Euh...

Devant son hésitation marquée, ses parents rient, ce qui la fait rougir. Ian pousse un rire aussi, mais revient dans son rôle sans tarder.

— Tu feras plus attention les prochaines fois, tu me le promets ?

Gemma hoche la tête une fois de plus. Ian commence alors la distribution de cadeaux en commençant par la fillette. Les enfants reçoivent des jouets qui ont été choisis selon leurs goûts, puis il passe aux adultes qui obtiennent des confiseries, boîtes de chocolats et même quelques somptueuses bouteilles d'alcool. Nova regarde l'échange, attendrie. Bien sûr, c'est la première fois qu'elle assiste à cette célébration informelle. Bien que les plus jeunes semblent obnubilés par les nouveaux ajouts à leurs collections de jouets personnels, elle remarque leurs parents les observer avec satisfaction, avec beaucoup d'amour. L'événement est heureux et, l'ombre d'un moment, Nova regrette de ne pas pu avoir contribué davantage à cette scène.

— Le prochain nom... ah, Nova !

Celle-ci écarquille les yeux et fronce les sourcils en regardant son ami vêtu de rouge.

— Quoi ? demande-t-elle incertaine.

— Tu ne veux pas ton cadeau, ma grande ? lui demande-t-il toujours en ne sortant pas de son personnage.

— C'est que... moi aussi, j'en ai un ?

— Allez, Nova ! Le Père Noël a un cadeau pour toi ! Je veux savoir c'est quoi, va voir ! la presse Gemma.

— Euh, OK, j'y vais...

Elle se rapproche du sergent déguisé et reste debout devant lui. Ce dernier lui sourit.

— Toi, tu as été très sage cette année, comme celles d'avant. Et ce que je t'offre aujourd'hui est quelque chose qui te sera utile, notamment pendant la saison froide qui s'installe ici.

Il lui tend le paquet. Nova fronce les sourcils, mais prend le temps de le déballer quand même. Ce qu'elle voit à l'intérieur la surprend.

— J'ai remarqué qu'aucun bonnet ne te faisait en raison de tes oreilles. Et puisqu'il fait quand même froid et que je n'ai pas envie que tu tombes malade si tes cheveux finissent trempés par la neige qui s'y accumule, j'ai demandé un coup de main à mes lutins pour te confectionner quelques options qui pourront te satisfaire. Avec une boîte de caramels aussi, pour te faire plaisir rapidement.

Nova prend quelques secondes pour examiner ces items. Elle voit effectivement la boîte mentionnée, ainsi que trois bonnets de couleurs différentes tricotés avec des espaces pour ses oreilles de perception. Elle remarque aussi la présence d'un bouton lui permettant de détacher cet ajout au besoin quand elle décroche la ficelle qui l'entoure.

— Je peux en essayer un ? demande-t-elle.

— Mais je t'en prie.

Elle sélectionne celui de couleur bleue et tend le reste à Nicole, qui est la personne la plus proche, pour qu'elle le dépose à proximité. Ensuite, elle roule un peu le bonnet afin de faciliter la pose sur ses oreilles, puis laisse le reste retomber pour couvrir sa tête.

— Alors, comment tu trouves ? Tu te sens à l'aise ? lui demande Nicole.

— Oui, c'est confortable. Et j'entends quand même bien encore.

— Ah, super! Je suis ravie !

Nova hoche la tête : voici donc le « lutin » qui aurait aidé à confectionner les bonnets. Elle se note pour elle-même de la remercier un peu plus tard, surtout quand les enfants seront retournés au lit.

— Merci, Père Noël, pour ce cadeau. Je l'adore, dit-elle en retirant celui qu'elle avait essayé.

Ian sourit.

— Bon, le dernier, mais non le moindre... Oncle Ian ! Euh... Attendez, où est-il ?

Nova lève les yeux au ciel.

— Je crois que je l'ai vu, tout à l'heure. Si vous voulez, Père Noël, je peux vous amener à lui, s'offre Travis.

— Ah, oui ! C'est une bonne idée ! De toute façon, je dois y aller, je n'ai pas encore terminé de tout livrer !

— Hého, attendez un peu, vous deux. Vous oubliez un détail : il faut prendre la photo de groupe! intervient la conjointe de Travis en désignant l'appareil photo placé sur un trépied.

— Ho, ho ! C'est vrai. Allez, tout le monde, placez-vous autour de moi ! s'écrie le sergent.

Les enfants viennent s'installer sur ses cuisses, puis Nova et les plus grands s'installent de chaque côté de sa personne le temps que le minuteur de l'appareil photo soit programmé.

— Dans dix secondes !

Le décompte se fait dans sa tête alors qu'elle fixe l'objectif. Pour une fois, elle n'a pas besoin de se rappeler de sourire avant que le déclic de l'appareil n'arrive : celui-ci est déjà bien présent sur son visage.

Et pour le reste de la nuit, même lorsqu'elle quitte avec Ian près d'une heure plus tard, il est toujours présent.

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Illustration réalisée par Ismael Gonzales (

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