Le sergent et l'alien
Commençons tout de suite avec la première nouvelle one shot ! Elle met en vedette Nova environ six mois après son arrivée sur Terre et le sergent Ian Wilde, celui qui deviendra son tuteur légal.
Pour une mise en contexte : ils se sont déjà recontrés, avant ça, mais ne s'étaient pas concrètement parlés avant ça. Oh, et Nova ne maîtrise pas encore bien notre langue, alors... Voilà, bonne lecture !
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— Allez, on se dépêche ! Une, deux ! Une, deux ! Plus vite, bandes de fainéants !
C'est mon premier jour au travail depuis plus de six mois. Je dois avouer qu'au tout début, quand on m'a appelé pour m'annoncer que ma suspension serait finalement levée, j'étais un peu réticent. Allais-je être rétrogradé ? Allait-on me refiler les tâches dont personne ne veut ?
Finalement, après une rencontre avec le général s'occupant de la base, la suite s'est avérée plutôt ordinaire. On m'a relégué à la formation des nouvelles recrues pour le reste de la semaine et, connaissant comment les choses fonctionnent par ici, je serai sans doute leur superviseur direct pour les deux prochains mois. Bien sûr, je ne m'en plains pas. Je fais ce métier pour une raison, après tout, et de revenir sur le terrain après tout ce temps me fait le plus grand bien puisque j'ai horreur de ne rien faire.
Je donne le coup de sifflet final, appelant toutes les nouvelles recrues devant moi au garde à vous. Je les garde dans cette position pour les examiner un court moment.
— Repos.
De manière non synchronisée, les recrues se détendent, éloignant leurs pieds et plaçant leurs mains dans leurs dos en gardant leurs yeux sur moi.
— Très bien. J'espère que vous l'avez tous compris, il y a encore beaucoup à faire. La moitié d'entre vous n'est même pas capable d'effectuer le parcours en moins de trois minutes et ça, ça ne peut pas passer. C'est peut-être votre premier jour, mais ça n'excuse pas vos performances épouvantables ! Vous allez devoir travailler dur pour vous montrer décents et ça... ça commence aujourd'hui. C'est clair ?
— Oui, sergent !
— Est-ce que c'est clair ?
— Oui, sergent Wilde !
J'opine, les fixant du regard un par un avant de relever ma feuille pour lire leurs noms.
-Je veux que Rooney, Nikolaev, Blanchard, Zhao, Jenkins, Martin et Mandolini restent derrière. Vous avez fait le pire temps. Tous les autres, partez manger, vos camarades que je viens de nommer vous rejoindront dès qu'ils auront fait 50 pompes. Ils sont un exemple. S'il n'y a pas d'amélioration concrète au cours des prochains jours, peut-être serez-vous à leur place.
Pendant que la cour se vide, ceux que j'ai appelés se mettent au sol et commencent leur série de pompes. Je les observe et les laisse partir dès qu'ils ont terminé. Je souffle, déjà un peu épuisé, mais finis par retourner à l'intérieur de la base, gribouillant quelques petites notes sur mes feuilles.
— Ah, voyez-vous cela ! C'est le retour de ce bon vieux Wilde !
Je relève les yeux avec un sourire à l'entente de la voix.
— Content de te revoir aussi, Davis. Comment tu vas ?
— Super. Je ne suis que de passage. T'es en pause repas ? Parce que si oui, j'aimerais prendre de tes nouvelles.
— Eh bien, t'as de la chance. Allons-y.
Nous nous dirigeons tous les deux vers la cantine où nous nous prenons deux plateaux pour transporter le repas du jour : une tranche de pain, un potage aux légumes, une boîte de jus de pommes et des fèves au lard. Comme dessert, je prends un pudding au chocolat bien simple. Le sergent Davis et moi nous dirigeons ensuite à une table un peu plus recluse, question de laisser aux nouvelles recrues le centre : il est important pour elles d'apprendre à se connaître et de se tisser des liens, sans quoi leur séjour sera plus que pénible.
— Alors, qu'est-ce que t'as fait pendant ta suspension ?
— Pas grand-chose. J'ai aidé ma sœur dans les rénovations de sa maison, j'ai fait des randonnées en forêt... Rien de bien intéressant. Faut dire que je me suis vraiment ennuyé.
— C'est ce qui arrive quand tu désobéis aux ordres d'un supérieur direct.
— Je sais... C'est parfaitement justifié. Au moins, j'ai quand même été payé, alors ce n'était pas si mal... Et je ne regrette pas non plus.
Davis hoche la tête.
— Alors c'est vrai ? T'as vraiment fait ça ?
Je souffle, me remémorant la cause de ma suspension. Si je la résume vite : il y a six mois, nous avons été appelés d'urgence à plusieurs centaines de kilomètres d'ici à ce qui allait devenir le site d'écrasement d'un OVNI. Nous ne savions pas à quoi nous attendre, mais j'ai été placé responsable d'une unité pour aller appréhender l'objet en question.
Il a bien sûr fallu l'attendre : chose qui s'est avérée très longue. Quand il a enfin fait contact avec la Terre et que le sol a arrêté de trembler après d'interminables minutes, j'ai dirigé mon unité vers le cratère d'un véritable vaisseau spatial. Je me rappelle ne pas y avoir cru les dix premières secondes. Je pensais sincèrement que les secousses provoquées par son écrasement sur la surface de notre planète m'avaient assommées et que j'étais en train d'halluciner à un tout autre niveau.
Mais ensuite, mon instinct est entré en jeu et je suis descendu dans le cratère, voulant m'approcher du vaisseau et voir pour moi ce dont il s'agissait réellement. Malgré les protestations, j'ai persisté et... c'est là que je l'ai enfin vue. Une petite fille confuse, mais très clairement terrifiée.
Et, de manière nettement plus frappante pour moi... Une petite fille qui ne venait de toute évidence pas d'un seul endroit sur Terre. Si, avec la noirceur, elle peut avoir une apparence très rapprochée de la nôtre, ce qui met la puce à l'oreille est le fait qu'elle en a sur sa tête et qu'elles ressemblent beaucoup à celles qu'ont les lapins. C'est très inhabituel, mais ça démontre bien qu'elle ne vient pas d'ici.
Je n'ai pas réussi à comprendre ce qu'elle disait. Elle non plus n'avait pas l'air de nous comprendre, d'ailleurs, mais je l'ai approchée et j'ai fait de mon mieux pour la rassurer. Quand elle s'est finalement endormie, je l'ai personnellement transportée jusqu'à ce qu'on me la retire. Le seul hic dans cette histoire ? Eh bien, je n'étais censé faire aucune de ces actions. Quand il est arrivé au cratère, le lieutenant Patel m'a ordonné de ne plus avancer, parce que la petite pouvait possiblement être dangereuse. Moi, j'ai répliqué qu'elle n'était qu'une enfant et qu'ils devaient arrêter de pointer leurs armes vers elles. Ils ont fini par m'écouter, non sans réticence, mais même si j'ai eu raison... Le fait restait le même : j'ai désobéi ouvertement à un ordre direct.
Ainsi donc, pendant que la réponse à « Sommes-nous seuls dans l'univers ? » était répandue partout sur notre planète, moi, j'ai été suspendu pour six mois. Encore une fois : c'est parfaitement compréhensible, mais je ne regrette pas ce que j'ai fait.
— Oui, je lui réponds finalement.
— Wow... T'es dingue, tu sais ?
— Bah j'ai fait ce qui me semblait juste. Y'a rien d'autre à dire.
Davis hoche la tête et prend une nouvelle bouchée de sa tranche de pain qu'il a trempée dans son potage. Ensuite, ses yeux dérivent et il penche la tête pour mieux regarder derrière moi. En se redressant, il me lance un petit sourire.
— En tout cas... Elle devrait te remercier.
Je fronce les sourcils et me retourne. Instantanément, je fige. C'est elle. C'est elle. Je l'observe pendant qu'elle s'avance avec son plateau-repas pour que la cantinière lui serve ses portions. Quand vient le moment de choisir son dessert, elle semble hésiter, comme si elle ne savait pas quoi prendre entre le pudding au chocolat, la banane ou le muffin aux carottes. Je reporte mon attention sur Davis.
— Elle est ici ?
— Oh oui. Elle n'a pas bougé depuis son arrivée. Apparemment, il serait trop dangereux de la déplacer.
— Pourquoi ?
— Le blabla habituel.
Je jette de nouveau un coup d'œil vers la fillette et je vois dans l'expression qu'elle porte une certaine tristesse. Je soupire. Une base militaire n'est pas un endroit adapté aux enfants. Elle doit bien être la seule, ici... Mon cœur se serre pour elle : ce qu'elle vit est injuste.
— Tu permets que...
— Vas-y, mais je te préviens... Elle ne parle pas encore très bien notre langue et ne discute pas vraiment avec qui que ce soit.
Je hoche la tête et me lève, allant me placer à ses côtés. Ses yeux sont encore rivés sur les trois options de dessert et je vois la question silencieuse qu'elle se pose.
— Personnellement, je préfère le pudding juste ici. Ça se mange vite, ce n'est pas salissant et c'est goûteux.
Elle tourne la tête vers moi et à présent, je sais qu'elle m'a reconnu à la façon qu'ont ses yeux de s'agrandir. J'en profite à mon tour pour prendre connaissance de son visage : sa peau turquoise, ses lèvres bleues et ses yeux de la même couleur avec en plus des éclats de violet à l'intérieur. Somme toute : une très adorable petite fille. Bon, petite, c'est une façon de parler pour moi. Elle doit avoir dans les dix ans, si j'estime correctement, mais quand même.
Elle m'observe, mais ne parle pas. Je le prends comme un signe pour continuer.
— Si tu veux y aller avec un truc plus simple... Tu peux prendre la banane. C'est ce fruit jaune un peu recourbé que tu vois. C'est sucré, mais juste comme il le faut. Et l'avantage, c'est que tu n'as pas besoin d'ustensile pour le manger. Tu n'as qu'à l'éplucher et le tour est joué.
Elle tourne la tête et pointe le muffin.
— Et ça ?
Ah. Donc elle parle quand même un peu. Et dans une langue que je comprends cette fois. Visiblement, il y a eu un certain progrès, en six mois.
— C'est un muffin aux carottes. C'est un mélange de plusieurs ingrédients qui donne un ensemble plutôt moelleux dont la saveur dominante est celle de la carotte. C'est un jeu de sucré-salé. Pour ça non plus, tu n'as pas besoin d'ustensile, mais si tu ne fais pas attention... Ça peut s'émietter partout.
— S'émietter ?
— Oui, tu sais...
J'utilise mes mains pour imiter l'action et elle hoche la tête, marmonnant un mot que je ne comprends pas : je suppose qu'il s'agit de la traduction dans sa langue à elle. Reportant de nouveau son attention sur les desserts, elle finit par choisir la banane, la posant sur son plateau et se dirigeant instantanément vers une table recluse.
Je la suis et viens m'asseoir juste devant elle. Bien franchement... Elle m'intrigue, mais je ne sais pas ce qu'elle pense. Peut-être qu'elle veut que je la laisse tranquille ? Peut-être que je devrais...
— C'est toi.
Je hausse les sourcils.
— Ce jour-là.
Ah.
— Oui. C'était moi.
Elle hoche la tête, enfonçant sa paille dans sa boîte de jus.
— Pourquoi ?
— Pourquoi pas ?
Elle semble réfléchir. Je pense qu'elle cherche ses mots.
— Parce que vous pensez... moi dangereuse.
Je fronce les sourcils.
— Pourquoi dis-tu cela ?
— Pas stupide.
Et je la crois. Je me doute bien qu'il y a une part de vérité dans ce qu'elle dit. Après tout, c'est bien loin d'être étonnant de notre part... Avoir peur de l'inconnu, c'est de l'humain tout craché.
— Moi, je ne pense pas que tu sois dangereuse.
Cette fois, elle ne répond pas, mais se contente de hausser un sourcil. Au bout d'un moment, elle pose une nouvelle question.
— Ton nom ?
— Je suis le sergent Ian Wilde.
— Sergent... C'est un mot drôle.
— Tu trouves ?
— Oui. Ser-gent. C'est... bizarre.
— Eh bien... C'est mon rang, au sein de notre armée.
— D'accord.
Elle continue de manger et cette fois, je l'observe un peu.
— Toi. C'est quoi, ton nom ? je demande finalement.
Elle relève la tête, l'air d'être surprise par ce que je viens de lui demander.
— Il y a un problème ? je demande de nouveau.
— Non... Mais... première fois que... demande.
— Tu veux dire... Depuis que tu es ici ?
Elle hoche la tête.
— Personne ne t'a demandé comment tu t'appelais une seule fois ?
— Non. Peur.
— Mais... personne ne vient te parler, une fois de temps en temps ?
— Des personnes avec... blanc... C'est tout. Et ils disent de... pas bouger avant...
— Avant de quoi ?
— De... Euh... Je pense... examiner.
— Tu es malade ?
— Non.
Je commence à comprendre ce qu'elle me partage et bien franchement, ça ne me plaît pas du tout. Rien qu'à sa manière de le dire et de baisser les yeux, je devine qu'il ne s'agit pas d'un examen ordinaire. Je dirais plutôt qu'ils l'étudient... peut-être même plus. Non, ça ne me plaît pas.
— Nova, dit-elle finalement.
— Quoi ?
— Moi.
— Oh... C'est joli.
Cette fois, elle esquisse un sourire. Il n'est pas très grand, mais suffisamment pour qu'il puisse être vu. Je lui retourne facilement et reste avec elle jusqu'à ce qu'elle termine de manger. Je sens qu'elle a besoin de compagnie plus que tout en plus d'une personne prête à se battre pour ses intérêts. Je comprends que tout le monde soit occupé, c'est parfaitement normal, mais ce n'est qu'une enfant. Forcément, elle ne peut pas passer tous ses jours toute seule.
Et s'il lui faut une personne pour avoir de la compagnie, je suis plus que ravi de le devenir.
— Tu veux bien devenir mon amie, Nova ?
— Amie ? Ça veut dire quoi ?
— Une amie, c'est une personne qu'on aime bien et avec laquelle on s'amuse. Et... qui t'aide quand tu en as besoin.
— Oh... Je comprends. Maxopu.
— C'est le mot dans ta langue ?
— Oui. Djern... ien. Je parle djernien.
— Intéressant. Tu pourrais m'apprendre quelques mots, une fois.
— Tu veux ?
— Bien sûr. C'est toujours un avantage d'avoir ce genre de connaissances. Et moi... Je peux aussi t'aider à apprendre notre langue. Rien pour que tu puisses comprendre mes blagues, lui dis-je avec un clin d'œil.
Nova sourit encore.
— OK.
Je lui renvoie son sourire. Ce qui suit promet d'être intéressant et j'ai bien hâte de voir ce que tout cela va donner dans le futur.
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