À la grande surprise de l'homme, Alyssandra éclata de rire.
— Vous, vous avez un peu trop regardé Toy Story ! Personne ne vous a dit que vous aviez passé l'âge de regarder les dessins animés ?
— Quel rapport ? demanda le journaliste visiblement dérouté par l'hilarité de la jeune femme.
— Oh, ne faites pas l'innocent ! J'avoue qu'elle était excellente celle-là !
— Hein ? Vous êtes en train de perdre la tête ?
La jeune femme cessa de rire. Un peu déconcertée, elle demanda :
— C'est une blague, n'est-ce pas ?
— Euh... non.
— Ne me dites pas que vous êtes sérieux ?! Vous vous appelez vraiment Woody ?
Le journaliste hésita légèrement avant de confirmer.
— Oui je sais, ce n'est pas le top. Ça m'a valu pas mal de mauvaises plaisanteries quand j'étais gamin.
— C'est un gag, c'est pas possible ! On fait vraiment la paire.
— La paire ? Mais la paire de quoi ?
— Vous Woody et moi Jessi...
— Et alors ?
— Rassurez-moi, votre meilleur ami ne s'appelle pas Buzz au moins ?
— Non... Votre humour doit être trop subtil pour moi, Jessi, je ne comprends rien.
— Vous connaissez Toy Story, quand même ?
— Le nom me dit quelque chose. Ma petite sœur et mon frère le regardaient quand ils étaient gamins.
— Bien... Dans ce dessin animé, Buzz l'éclair est le copain de Woody le cow-boy.
— Ça ne me dit pas ce que vient faire votre nom là-dedans ?
— Jessie est aussi un personnage de Toy Story.
— Et elle fait quoi dans l'histoire ?
— C'est une cow-girl qui devient la copine de Woody.
Le reporter médita quelques instants l'information avant de répondre avec un début de rire dans la voix :
— OK ! C'est votre manière de m'annoncer qu'on va devenir bons amis, alors ?
— Ne comptez pas trop là-dessus ! Il va falloir faire vos preuves avant.
— Dans ce cas, on continue notre petit jeu de questions-réponses ?
— Je commence ! Que faisiez-vous quand ils vous ont capturé ?
La voix de Woody se durcit alors qu'il racontait les circonstances de son enlèvement.
— Nous étions en route vers Baidoa avec une escorte de l'armée fédérale somalienne quand plusieurs groupes terroristes nous ont attaqués. Nos guides somaliens n'ont même pas essayé de résister, ils se sont rendus immédiatement et nous ont laissé aux mains des shebabs.
— Vous étiez combien ?
— Cinq : un Danois, un Italien, deux Français et moi. Un des Français a tenté de s'échapper et ils l'ont abattu.
— Où sont les autres ? Est-ce qu'ils sont aussi emprisonnés ici ?
— Je pense que oui. Ils doivent être dans d'autres cellules.
— Est-ce que vous savez où nous sommes ?
— Sans doute pas très loin de Baidoa, car le trajet a été relativement court. Approximativement, à 250 ou 350 km à l'ouest de Mogadiscio.
Alyssandra réfléchit à ce que venait de lui apprendre le reporter. Si ses calculs étaient bons, ils devaient être huit otages, dont cinq Américains, regroupés sur un même site ; le camp devait être important ou leur lieu de captivité particulièrement bien dissimulé et gardé. Ce qui risquait de rendre leur sauvetage difficile. D'autant plus qu'ils se trouvaient à l'intérieur des terres. L'intervention des forces spéciales se ferait forcément par les airs, car la côte était trop loin pour que les Seals puissent monter une opération amphibie. Il était donc probable que la mission d'extraction serait attribuée à la Delta Force. La CIA était d'ailleurs peut-être déjà sur le coup.
La jeune femme fut interrompue dans ses réflexions par la voix impatiente du journaliste :
— Jessi ?
N'obtenant aucune réponse, le reporter s'impatienta
— Hé ho ! Woody appelle Jessi !
— Quoi ?
— Je vous ai raconté mon parcours, à vous maintenant !
Alyssandra se demanda ce qu'elle pouvait divulguer sans crainte et ce qu'il valait mieux taire au cas, de plus en plus improbable, où son codétenu ne soit pas ce qu'il prétendait être.
— Que voulez-vous savoir ?
— Comment une Américaine a-t-elle pu se retrouver ici ? Vous êtes dans l'humanitaire ?
— Si seulement ! soupira Alyssandra. Non, je suis ici parce que je travaille pour une fille à papa écervelée et capricieuse qui a décidé d'aller faire de la plongée avec ses copines !
— Hein ? Vous vous foutez de moi ?
— Hélas non ! J'étais chargée d'accompagner la fille de l'homme d'affaires Murphy Ewing pendant la durée de son séjour en Somalie. Bref, je suis une nounou pour adulte. Kelsey et ses amies voulaient plonger au sud de Mogadiscio. J'ai essayé de l'en dissuader, mais elle n'a pas voulu en démordre ! Nous avons donc pris la route de bonne heure avec son escorte personnelle. Nous avons été attaqués à notre arrivée au port et nos quatre gardes du corps ont été abattus.
— Attendez, Jessi... Vous êtes en train de me dire qu'il y a d'autres femmes emprisonnées ici ?
— Je ne sais pas si elles sont toutes ici. Je ne les ai pas revues depuis notre arrivée, mais j'ai entendu pleurer et crier.
— Combien êtes-vous ?
— Quatre. Kelsey, ses deux amies et moi.
Woody se tut et Alyssandra l'entendit bouger avec précaution. Se rappelant son état, la jeune femme eut des remords de lui avoir fait mal pour l'obliger à la lâcher.
— Ils vous ont passé à tabac, n'est-ce pas ?
— Oui. Comment le savez-vous ?
— Vous avez du sang sur le visage, la lèvre éclatée, probablement l'arcade aussi et de belles contusions sur la mâchoire.
— Vous m'avez vu ?
— Non, je l'ai senti avec mes doigts quand vous étiez inconscient.
— Dites donc, vous êtes douée ! Vous avez été capable de dresser un tel bilan à l'aveugle ?
— Je suis très observatrice. Et vous savez ce que l'on dit ? Quand on perd un sens, les autres sont renforcés.
— C'est ce que j'ai entendu dire. Mais pour l'instant, ce que je ressens en matière d'exacerbation des sens, c'est surtout une bonne migraine !
— Et... vos côtes vous font souffrir ?
— Ça va. C'est supportable.
— Je... Je suis désolée pour tout à l'heure. Il n'était pas dans mes intentions d'aggraver vos blessures. J'ai agi par réflexe.
— Sacré réflexe en tous cas. Vous savez appuyer là où ça fait mal ! grogna le reporter.
— Et encore, estimez-vous heureux de n'avoir pas été debout devant moi...
— Heureusement pour mes bijoux de famille que j'étais au sol à plat ventre, c'est ça ?
— Plutôt oui ! confirma en riant la jeune femme.
— Apparemment, vous savez vous défendre. Vous avez suivi un entraînement ?
— Le meilleur qui soit ! Celui de mon père !
— L'homme au sale caractère ?
— Lui-même ! À douze ans, j'ai eu une petite altercation avec un garçon un peu plus âgé. Ce jour-là mon père a décidé que je devais être capable de me défendre si un garçon m'agressait. Il m'a appris les rudiments.
— Bonne initiative.
— Oui, je le pense aussi. Ça me sert de temps en temps.
— Hum... Eh bien, soyez gentille et évitez de vous en servir sur moi dorénavant !
— Si vous ne me contrariez pas, ça devrait pouvoir s'arranger.
Après quelques minutes de silence, Alyssandra demanda :
— Et maintenant, que faisons-nous ?
Woody lui répondit d'une voix lasse :
— Bonne question, Jessi ! Je n'en sais fichtrement rien.
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