11. Considérations amoureuses (version éditée)
Alyssandra, qui avait fini par s'assoupir, se réveilla un peu désorientée et voulut se redresser pour se libérer du poids qui pesait sur elle. Mais immédiatement, les souvenirs affluèrent et elle se rappela qu'elle avait en partie déshabillé le reporter pour le réchauffer et qu'il s'était endormi dans ses bras. C'était sa tête qui reposait sur son abdomen. La jeune femme se détendit et referma les yeux. Curieusement, cela ne la gênait pas que le jeune homme ait posé sa tête sur son ventre. Elle sentait la rugosité de sa barbe et son souffle chaud qui traversaient le tissu fin de sa chemise à chacune de ses expirations. Sa respiration lente et profonde l'apaisait, et la chaleur de son souffle sur sa peau l'électrisait. Si la situation n'avait pas été aussi dramatique, elle aurait presque pu l'apprécier ! Rectification. Elle l'aurait très certainement apprécié ! Autant être honnête, ce type la troublait plus que de raison. C'était d'autant plus fou qu'elle ne lui avait jamais parlé en le regardant dans les yeux, elle ne l'avait même jamais vu ! Elle avait essayé de se faire une idée de son visage quand elle l'avait palpé avec minutie, mais ses traits restaient flous, même dans son imagination.
Malgré elle, Alyssandra effleura une mèche courte du bout des doigts. N'obtenant aucune réaction, elle s'enhardit et passa doucement la main dans les cheveux de Woody avant de l'y laisser. Elle somnola ainsi un petit moment. Quand le reporter se réveilla à son tour, il grogna et frotta sa joue contre son ventre en marmonnant quelque chose d'inintelligible. Il s'immobilisa un court instant avant de se raidir et de se redresser avec brusquerie. Le mouvement trop brutal lui arracha un gémissement.
— Woody, ça va ?
— Ouais... ça va... Ça va. Putain, j'ai l'impression d'avoir de la paille dans la gorge.
— Sûrement un effet du waterboarding.
Le journaliste s'assit et s'excusa d'une voix éraillée :
— Désolé de vous avoir prise pour mon oreiller.
— Ça n'a aucune importance, vous aviez besoin de vous reposer et il valait mieux que votre tête reste surélevée après ce que vous avez subi.
— Comment savez-vous ce qu'ils m'ont fait ? lança Woody, tout à coup soupçonneux.
— Vous étiez trempé au niveau de la tête et du torse et vous aviez la respiration sifflante, et des râles, comme après un début de noyade.
— Vous n'êtes pas médecin, pourtant, pour connaître ce genre de symptômes ?
— J'ai vu un reportage à la télé sur la torture par simulation de noyade, se justifia la jeune femme.
— D'accord, je comprends mieux.
Woody se déplaça et alla s'appuyer contre le mur, non loin d'elle. Ils restèrent ainsi un long moment sans parler, perdus dans leurs pensées. Ne supportant plus ce silence pesant, la jeune femme reprit la parole.
— Woody, je peux vous poser une question indiscrète ?
— Que voulez-vous savoir ?
— Êtes-vous marié ?
— Euh... non.
— Une fiancée ?
— Non.
— Une petite amie ?
— Non plus.
— Alors vous êtes gay ?
— Mais non ! Pourquoi est-ce que vous vous imaginez un truc pareil ? s'offusqua le reporter.
— Eh bien, il me semble normal de vous poser la question si vous n'êtes ni marié, ni fiancé et sans petite amie.
— Et vous, vous avez un petit copain ?
— Je ne vois pas le rapport.
— Répondez à la question ! Avez-vous un mec ?
— Non.
— Alors vous êtes lesbienne, si je suis votre raisonnement !
— Mais ça n'a rien à voir !
— C'est la même chose. Ce n'est pas parce que je ne fréquente pas de femme que je suis gay.
— Vous avez l'air plutôt bien de votre personne et...
— Comment pouvez-vous dire ça ? Vous ne m'avez jamais vu ! l'interrompit le journaliste.
— Disons que je l'ai senti.
— Dites plutôt que vous avez profité que j'étais inconscient pour me tripoter !
À ces mots, Alyssandra sentit une chaleur traîtresse se répandre dans son corps. Non, elle ne l'avait pas caressé ! Certes, elle avait aimé toucher son corps, sentir le grain de sa peau et les reliefs de ses muscles sous ses doigts. Mais elle ne l'avait pas fait par concupiscence. Ce n'était tout de même pas sa faute si son corps avait réagi au contact du journaliste. Les circonstances, la promiscuité jouaient sur ses sens. Après tout, le phénomène était bien connu.
— Arrêtez de dire des conneries, Woody ! Je ne vous ai pas tripoté !
— C'est pour ça que je suis à moitié à poil ?
— Si je vous avais laissé avec vos fringues trempées, vous auriez chopé la mort ! rétorqua la jeune femme sur la défensive.
— Ça va, Jessi, je plaisantais ! Que vouliez-vous dire tout à l'heure ?
— Je disais donc : vous avez l'air plutôt pas mal et vous avez de l'humour, même s'il est d'un goût discutable, et vous êtes plutôt sympa...
— Que de compliments !
— Oh ça va Woody, pas la peine de prendre la grosse tête non plus !
Le jeune homme rit doucement.
— OK, j'arrête. Continuez !
— Je suis juste étonnée que vous soyez encore célibataire.
Le reporter redevint sérieux pour expliquer :
— En vérité, c'est difficile avec mon job. Je suis souvent absent, mon boss m'envoie régulièrement à l'étranger. Je ne sais jamais quand je vais partir ni quand je vais revenir. Avec ce genre de vie, un couple ne tient pas longtemps.
— Il est vrai que ce n'est pas l'idéal.
— Et vous ?
— Quoi, moi ?
— Pourquoi êtes-vous célibataire ?
— Disons que je n'ai pas encore rencontré la bonne personne.
— La bonne personne ?
— Oui. Pourquoi cela vous fait sourire ?
— Comment savez-vous que...
— À votre voix ! Vous ne riez pas, mais c'est tout comme. Vous vous moquez de moi, Woody !
— Non, je ne me moque pas. Avez-vous cherché au moins ?
— Non.
— Comment voulez-vous trouver, si vous ne cherchez pas ?
— Ma mère m'a toujours dit qu'on ne trouve pas l'amour, mais que c'est l'amour qui nous trouve.
— Et votre maman vous a dit comment l'amour nous trouve ? Parce que si elle a la réponse, je suis preneur !
— Vous l'avouez donc !
— Quoi ?
— Que vous avez envie de trouver l'amour !
— Qui ? Moi ? Je m'en fous comme de ma première chemise ! En revanche, si votre mère a la formule, je veux bien écrire un livre avec ! Je suis sûr de gagner le prix Pulitzer !
— D'après ma mère, ça nous tombe dessus au moment où on s'y attend le moins. Vous avez beau faire l'andouille, je suis sûre que vous aimeriez le trouver.
— Trouver quoi ?
— L'amour ! Trouver votre moitié, votre âme sœur !
— Non, mon job est ma priorité. Et puis, de toute manière, je ne crois pas à ces fadaises. Ces histoires d'âme sœur, de moitié... J'ai le regret de vous dire que la vraie vie, ce n'est pas ça.
— Donc si j'ai bien saisi, vous n'avez ni femme, ni fiancée, ni petite amie. Vous êtes libre de toute attache et vous ne cherchez pas à vous caser. Vous ne croyez pas à l'amour non plus. Vous êtes donc du style à tirer son coup et à se barrer après, c'est ça ?
— Euh... je ne l'aurais pas dit en ces termes, mais... pourquoi se restreindre à un seul plat alors qu'on peut goûter à plein d'autres ?
— J'ai l'impression d'entendre mon frère ! Je ne comprends pas comment il peut penser cela alors que la preuve du contraire nous a été démontrée chaque jour depuis notre enfance !
— Que voulez-vous dire ?
— Nos parents ! Nos parents sont la preuve que l'amour vrai et durable existe. Ils sont mariés depuis presque vingt-neuf ans et toujours aussi amoureux.
— Reconnaissez quand même que de tels exemples ne sont pas légion, Jessi.
— Ce n'est pas le cas de vos parents ? Ils ont divorcé ? C'est pour cela que vous êtes aussi réfractaire à l'engagement ?
— Vous n'y êtes pas du tout ! Mes parents sont sur le même moule que les vôtres. Simplement, je ne crois pas qu'un gars comme moi puisse se satisfaire d'une seule fille, surtout avec la vie que je mène. Les relations à distance, ce n'est pas vraiment évident pour entretenir la fidélité !
— Nous n'avons vraiment rien en commun dans ce domaine !
— Ah si ! Nous sommes, pour l'instant, tous les deux célibataires et fiers de l'être !
— On va dire ça... Bon, au lieu de continuer à dire des âneries, vousferiez mieux de dormir un peu. Mais avant, vous devriez remettre votre chemise,elle doit être sèche maintenant.
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