Chapitre 82

Lorsque nous arrivons de nouveau auprès des autres, je me hâte d'aller aider les chevaliers à préparer le repas du soir, désireuse de me rendre utile. Pendant ce temps, Victor part attacher notre prisonnier, endiguant toute tentative d'évasion.

— Pourquoi est-ce que cela ne m'étonne pas de vous voir revenir en traînant un cadavre ? soupire le prince Alban en s'approchant de moi, une pointe d'amusement dans les yeux.

— Techniquement, il respire encore en tout cas, je lui réponds avec un sourire en coin. Pour l'instant en tout cas.

Alban me jette un regard entendu.

— Vous avez très bien compris ce que je voulais dire.

Je hausse les épaules. Avec Alexander, chaque journée est marquée par l'action et le danger. C'est une partie inhérente de notre aventure. Fatigante, mais ô combien exaltante.

— Vous saviez que Victor m'avait suivi ? je demande avec curiosité.

Cela n'a pas grande importance au fond, mais j'ai envie de savoir si tout le monde était au courant que l'on m'avait affilié un garde rapproché.

— Je ne le savais pas, mais je ne peux pas dire que je ne m'en doutais pas, avoue-t-il. Alexander ne vous aurait jamais laissée sans protection, pas après avoir constaté à quel point vous êtes douée pour vous attirer des ennuis.

Je laisse échapper un petit rire, consciente que les craintes du prince ne sont pas totalement infondées.

— C'était si évident que ça ?

Il hoche la tête, son ton devenant plus sérieux.

— Et il a eu raison. Cette confrérie a des éclaireurs partout dans ces bois. Rien que pendant votre absence, nous en avons attrapé deux.

Je regarde autour de moi, ne voyant personne d'autre que nous dans le camp.

— Nous les avons tués avant qu'ils ne s'approchent. Et nous nous sommes débarrassés des corps pour que leurs associés ne les retrouvent pas.

— J'espère seulement qu'Alexander et ses hommes ne sont pas tombés dans une embuscade, je murmure en scrutant la ligne des arbres, mon cœur battant la chamade.

J'attends fébrilement de voir les gardes revenir de leur repérage. Et à mon grand soulagement, quelques instants plus tard, une silhouette familière émerge de la forêt.

— En parlant du loup, murmure Alban.

Mais je ne l'écoute déjà plus. Mon esprit est entièrement focalisé sur l'homme en face de moi. Alexander marche d'un pas décidé, le visage sombre et les lèvres pincées. En le voyant avancer vers moi, une envie irrésistible me saisit de passer mes doigts dans ses cheveux en bataille et de dépoussiérer sa chemise. Pourtant, je reste immobile, l'observant silencieusement. Lorsqu'il arrive à ma hauteur, il ne prend pas le temps de me saluer ou de m'embrasser comme il en a l'habitude. Il plonge directement son regard dans le mien avec intensité, comme s'il cherchait quelque chose.

— J'ai une mauvaise nouvelle... dit-il, une note de préoccupation dans la voix.

Il s'interrompt brusquement en remarquant le bandit ligoté à quelques mètres de là. Ses sourcils se froncent, son expression se durcissant encore plus.

— Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? s'exclame-t-il, l'irritation perceptible dans son ton.

Personne n'ose lui répondre, trop apeuré à l'idée de s'attirer sa colère. Il plante son regard dans le mien, ses pupilles dévorées par des flammes silencieuses.

— Enora, qu'est-ce que vous avez fait encore ?

Je soutiens son regard, refusant de me laisser intimider.

— Pourquoi est-ce tout de suite de ma faute ?

Je suis presque outrée de ses insinuations. Presque, car en effet, c'est bien moi qui, une fois de plus, ai failli tomber entre les mains de nos ennemis.

— Il n'y a que vous pour attirer des hommes louches où que vous alliez, soupire-t-il, passant une main sur son visage avec lassitude.

— C'est sans doute pour ça que je vous ai rencontré.

Il tente de garder son sérieux, mais un sourire menace d'apparaître sur ses lèvres. Il tourne la tête pour m'empêcher de le voir, mais trop tard, le mal est fait. Je peux lire dans ses yeux l'amusement qu'il essaie en vain de dissimuler.

— Tu peux m'expliquer ce qu'il s'est passé ? demande-t-il à Victor.

Ce dernier lui explique comment nous sommes tombés sur cet homme qui rôdait dans les bois. Enfin, plutôt comme cet homme nous est tombé dessus.

— Il semblerait que nous ne soyons pas les seuls à avoir des éclaireurs, déclare Alexander avec un regard calculateur. Cet individu doit appartenir à la Confrérie, et ils ne tarderont pas à remarquer que plusieurs de leurs hommes sont portés disparus. Cela leur semblera d'autant plus suspect qu'ils ont appris, lorsque nous étions en train de les observer, l'attaque de l'une de leurs planques.

Il n'a pas besoin d'en dire plus pour que Victor comprenne que nous n'y sommes pas pour rien dans cette histoire. Il n'est pas naïf au point d'avoir cru les paroles d'Alexander quand il lui a dit avoir obtenu des informations de manière pacifique. Il le connaît trop bien pour ça.

— Et qu'avez-vous découvert quand vous étiez là-bas ? je demande, intriguée.

— Leur repaire est mieux gardé que je ne le pensais. Ils sont au moins une bonne dizaine à patrouiller autour du bâtiment, et je ne peux que supposer qu'ils sont au moins aussi nombreux à l'intérieur, si ce n'est plus.

— Cela s'annonce plus compliqué que prévu, intervient Alban d'un ton soucieux.

— En effet. Leurs tours de garde sont parfaitement rodées, avec des relais toutes les deux heures sans aucun temps de latence. Ce ne sont pas des débutants, nous avons affaire à des gens qui savent parfaitement ce qu'ils font.

— Nous ne pouvons donc pas contourner leur sécurité, di Victor.

— Non, affirme Alexander en secouant la tête.

À ce moment-là, les deux hommes se regardent dans les yeux et commencent une discussion silencieuse. Je peux presque voir leurs cerveaux s'échauffer sous l'effet des milliers de plans qui leur traversent l'esprit. Ne voulant pas être tenue à l'écart des réflexions, je me racle la gorge pour attirer leur attention.

— Qu'allons-nous faire ?

— Nous n'avons pas beaucoup d'options, annonce Alexander dans un soupir. Il faut que nous les attaquions avant qu'ils ne lancent eux-mêmes l'assaut. C'est notre meilleure chance de nous en sortir en limitant les dégâts.

— Mais nous n'avons pas eu le temps de nous préparer, j'objecte, inquiète des conséquences d'une attaque mal préparée.

— Je le sais, mais je ne vois pas d'autre solution, répond-il avec résignation.

Je reste silencieuse, réfléchissant à mes prochaines paroles. Pendant ce temps, Victor guide le reste des hommes vers la grande marmite, les invitant à se restaurer. Ce qui nous laisse seuls, Alexander et moi.

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