Chapitre 81
Je la remercie d'un signe de tête avant de reprendre, la voix pleine de curiosité.
— Comment est-ce possible que je puisse vous voir et vous parler ?
Une lueur de tristesse passant furtivement dans le regard d'Anastasie.
— Comme tu le sais, j'ai perdu la vie à cause de la Confrérie, commence-t-elle d'une voix empreinte de douleur. Ces hommes pensaient à tort que j'étais celle dont parle la prophétie. Ils ont voulu mettre fin à mon existence, espérant ainsi empêcher la réunion des royaumes. Mais ils auraient dû savoir que les dieux avaient d'autres plans. Au lieu de laisser mon âme rejoindre l'au-delà, ils m'ont confié pour mission de t'accompagner dans ta quête. Mon rôle a toujours été de veiller sur toi et de te guider, même si, à l'époque, tu ne pouvais pas encore me voir.
Mon cœur se serre pour cette femme condamnée à vivre comme une âme égarée.
— C'est vous qui m'avez prévenu qu'Alexander est en danger, je réalise soudain.
Elle acquiesce doucement, confirmant mes soupçons, et une vague de gratitude m'envahit alors que je réalise l'ampleur de sa dévotion envers moi.
— Et maintenant, pourquoi est-ce que je peux vous voir ? je poursuis, cherchant désespérément à comprendre les mystères de cette étrange connexion.
— Parce que le déblocage de tes pouvoirs a permis de rendre notre connexion complète.
Son explication soulève en moi une multitude de questions, mais le changement de son expression me fait comprendre que quelque chose ne va pas. Je m'apprête à lui demander ce qui se passe, mais une voix derrière moi m'interrompt brutalement.
— Personne ne t'a jamais dit de t'en prendre à des gens de ta taille ?
Je sursaute, mes muscles se tendent instinctivement. Un frisson d'adrénaline parcourt mon corps alors que je me relève d'un bond, sur mes gardes, mes yeux cherchant frénétiquement la source de la menace. Je vois un homme imposant se tenir juste derrière moi, prêt à m'attaquer. Mes yeux s'écarquillent alors que mon souffle se fait plus court, prisonnier de l'angoisse qui noue mon estomac.
Il essaie de m'attraper avec une violence soudaine, mais je parviens à me glisser sous son bras de justesse. L'homme, dans sa hâte, perd l'équilibre et trébuche vers l'avant. Saisissant l'opportunité, j'attrape la dague attachée à ma ceinture et la plante dans ses côtes, le faisant hurler de douleur. Son cri déchirant perce le silence environnant, résonnant dans la clairière comme un écho lugubre. Je m'éloigne rapidement, le souffle court, ne voulant pas lui donner une chance de contre-attaquer. Il est peut-être temporairement étourdi par la douleur, mais il reste un danger potentiel. Et je suis consciente que la moindre erreur pourrait sceller mon destin dans un bain de sang.
En relevant la tête, j'aperçois Lord Victor avancer dans notre direction, une expression meurtrière sur le visage. Ses yeux brillent d'une détermination froide, tel un prédateur traquant sa proie. La tension dans l'air est palpable, prête à éclater à tout moment. L'homme à côté de moi le remarque également et un air de terreur se peint sur son visage. Ses yeux s'écarquillent, trahissant la montée de sa panique. Il tourne la tête vers moi, mille pensées clairement visibles à travers ses pupilles.
— N'y pense même pas. Si tu la touches, tu ne repartiras pas en vie.
Malgré l'avertissement, l'homme s'élance vers moi. Heureusement, ses mouvements sont limités par sa blessure et son bras tombe dans le vide, me manquant de peu. Victor arrive à ce moment-là et l'attrape brutalement par les cheveux, cognant sa tête au sol avec violence. Les coups sont si puissants que je peux presque entendre le crâne de l'homme se briser sous l'impact.
Quand il perd finalement connaissance, Victor le relâche et s'approche de moi. Il m'attrape délicatement par les épaules. Ses doigts sont fermes mais doux, un contraste saisissant avec la brutalité dont il vient de faire preuve. Le souffle court, il balaie mon corps du regard, ses yeux scrutant chaque centimètre de peau à la recherche de la moindre blessure. Un soupir de soulagement s'échappe de ses lèvres lorsque ses prunelles croisent les miennes, confirmant que je n'ai subi aucun dommage.
— Vous allez bien ? demande-t-il d'une voix légèrement agitée, son regard s'adoucissant sous l'effet de l'inquiétude.
— Je vais bien, j'acquiesce d'une voix tremblante. Merci, Victor.
Rassuré par mes paroles, il relâche lentement sa prise sur mes épaules.
— Je suis désolé de ne pas être intervenu plus tôt.
— Vous n'avez pas à vous excuser. Sans vous qui sait ce qu'il me serait arrivé.
— Ne dites pas n'importe quoi. Vous n'avez pas eu besoin de moi pour mettre cet homme hors d'état de nuire. Je n'ai jamais vu quelqu'un dégainer un couteau aussi vite. Je suis heureux de ne pas être dans le camp adverse, je n'aimerais pas avoir affaire à vous, affirme-t-il, une lueur de fierté traversant son regard.
Ses paroles sont excessives, comme à son habitude, mais je ne peux m'empêcher de me sentir flattée. J'aurais peut-être pu m'en sortir sans son intervention, mais le fait qu'il m'ait avertie m'a permis de gagner de précieuses secondes. Cela a été une vraie chance qu'il soit dans les parages.
— Maintenant que j'y pense, que faites-vous là ? je demande en fronçant les sourcils.
L'homme esquive mon regard et passe une main dans ses cheveux, mal à l'aise.
— C'est que...
Il se stoppe, laissant ses paroles en suspens.
— N'êtes-vous pas censé être en repérage ? je continue d'un ton inquisiteur.
Il soupire et braque finalement ses yeux dans les miens.
— Si vous voulez tout savoir, Alexander m'a demandé de rester ici pour garder un œil sur vous. Il était particulièrement inquiet à l'idée qu'il vous arrive quelque chose pendant son absence. D'ailleurs, il risque de devenir fou quand il apprendra ce qu'il s'est passé. Je ne donne vraiment pas cher de la peau de cet homme.
— Vous l'avez déjà bien amoché, je plaisante, tentant de détendre l'atmosphère.
Il hausse les épaules, un air faussement penaud sur le visage.
— Plus sérieusement, je suis désolé d'avoir laissé la situation empirer à ce point. J'ai voulu me tenir à l'écart pour vous laisser un semblant d'intimité, mais il faut croire que cet homme a réussi à se faufiler derrière mon dos. J'ai eu tellement peur quand je l'ai vu s'approcher de vous, heureusement qu'il n'a pas eu le temps de vous atteindre.
— Dites surtout que vous aviez peur de la colère d'Alexander, je le taquine.
— Je craignais surtout qu'une personne chère à mon cœur soit blessée, répond-il avec tout le sérieux du monde. Vous êtes l'âme-sœur de mon prince, et pour cette raison, j'assurerai votre sécurité quoi qu'il arrive. C'est mon devoir de chevalier. Mais plus que ça, vous êtes mon amie et je me battrai toujours pour vous. Ce n'était pas une obligation de veiller sur vous aujourd'hui, c'était un honneur.
J'ai les larmes aux yeux à cause de ses paroles. Entre Alexander, Hannah et Victor, je suis merveilleusement bien entourée. Je me sens chanceuse d'avoir de telles personnes dans ma vie, et moi aussi, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'elles n'aient jamais à souffrir. Je prends doucement mon ami dans mes bras, voulant lui témoigner à quel point ses paroles me touchent. Il reste raide quelques secondes, probablement surpris par mon geste, avant de se détendre et me serrer contre lui.
— Merci, je murmure. Pour tout.
— Allez, venez, retournons au campement, dit-il en me repoussant légèrement, une trace de sourire prenant place sur ses lèvres. Il ne faudrait pas que vous nous attiriez d'autres ennuis avant le retour du prince. Il risquerait d'être un peu irrité si sa compagne de destin venait à être blessée et je dois avouer que je n'ai pas envie d'y laisser ma peau.
Il se penche pour attraper les jambes de notre adversaire et commence à le traîner en direction du camp. Je le suis sagement, sachant que c'est la meilleure chose à faire. Pourtant, je ne peux m'empêcher de le taquiner.
— Avouez plutôt que vous êtes pressé de goûter au ragoût.
— Enora, ronchonne-t-il, une moue boudeuse sur le visage. C'était censé être un secret.
— Si ce n'est que ça, je te donne volontiers ma part, je glousse, amusée.
Nous continuons à marcher dans un silence confortable, appréciant la compagnie de l'autre tandis que nous retournons au campement.
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