Chapitre 79

À l'entrée principale, mon père et mon grand-père nous attendent. Leurs regards sont empreints d'inquiétude et je sens mon cœur se serrer à ce constat.

— Prends soin de toi, ma fille, murmure mon père en me prenant dans ses bras. Tu es ma plus grande fierté.

Je sens l'émotion gonfler dans ma poitrine, mais je me force à rester forte. Je sais que pour vaincre la Confrérie, je dois mettre mes peurs et mes doutes de côté et me battre plus férocement que jamais. Car après tout, plus vite je découvrirai qui se cache derrière cette prophétie, plus vite tout cela sera derrière moi. Je me tourne ensuite vers mon grand-père, trouvant du réconfort dans son regard plein de sagesse.

— Sois prudente, Enora. Et souviens-toi, tu es plus forte que tu ne le penses.

J'acquiesce, les yeux brillants de larmes que je m'efforce de retenir.

— Je reviendrai, je promets, serrant une dernière fois leurs mains avant de rejoindre Alexander.

Nous nous séparons d'eux à contrecœur, rejoignant la cour où les chevaux nous attendent. Les gardes sont nerveux, finalisant fébrilement les derniers préparatifs. Leurs visages crispés témoignent de leur appréhension. Ces pauvres hommes se demandent sans doute pourquoi nous les entraînons une fois de plus dans une bataille, et surtout, combien de temps nous les tiendrons encore éloignés de leurs familles.

Certains gardes me dévisagent d'un air étrange. Avec tout ce qu'il s'est passé ces derniers jours, j'avais oublié que pour certains d'entre eux, j'ai d'abord été considérée comme une esclave. Ils ne savent sans doute plus comment se comporter avec moi.

Alexander remarque qu'un de ces hommes m'inspecte d'un peu trop près et commence à s'approcher de lui, son expression se durcissant.

— Quelque chose te dérange ? gronde-t-il, les yeux étincelants de colère.

Le garde balbutie des excuses, détournant rapidement les yeux. Le prince s'emporte trop facilement, comme d'habitude. Obtus comme il est, il pense sûrement que ce pauvre homme tente de me faire du charme. Il est bien loin du compte.

Ne voulant pas intervenir dans cette dispute puérile, je cherche quelque chose pour m'occuper l'esprit. Mon regard est aussitôt attiré par Victor, à l'arrière du groupe. Il est en train d'accrocher son sac à la selle de son étalon, très concentré sur sa tâche, et ne me remarque pas immédiatement. D'humeur subitement espiègle, je m'approche discrètement de lui et profite de l'occasion pour le surprendre, le faisant pousser un cri aigu. Les gardes autour de lui ricanent et Victor, vexé, me lance un regard noir.

— Enora, vous me faites presque lâcher mon épée, bougonne-t-il.

— Oh, allez, avouez que c'est un juste retour des choses. D'habitude, c'est vous qui me taquinez de la sorte. Il était temps que je prenne ma revanche, je réponds en riant.

— Je préfère quand même quand c'est vous qui êtes la cible de mes farces, et non l'inverse, dit-il en plissant les yeux.

Sa fausse contrariété ne dure pas longtemps, et bientôt, il m'offre son éternel sourire charmeur.

— Je suis ravi de vous accompagner dans cette aventure, Miss Enora.

— C'est moi qui suis enchantée de vous avoir à mes côtés, Lord Victor.

Il se penche pour chuchoter à mon oreille, fixant un point par-dessus mon épaule.

— Nous ferions mieux de nous mettre en selle avant que votre homme ne tente de m'arracher les deux bras pour s'en faire une tapette à mouche.

— Vous savez tout comme moi qu'il en serait capable.

— C'est bien ça qui me fait peur, plaisante-t-il en se reculant.

Il me fait un clin d'œil avant de reprendre ses occupations. Quant à moi, je retourne d'où je viens, souhaitant me mettre en selle au plus vite. J'aperçois alors Hannah, debout à l'écart du groupe, me regardant avec des yeux brillants de larmes. Je sens un pincement au cœur en voyant mon amie si bouleversée et m'approche rapidement d'elle.

— Hannah, que fais-tu là ? je m'inquiète aussitôt.

— Je ne veux pas vous quitter...

Sa voix est tremblante d'émotion. Je prends doucement ses mains dans les miennes, les serrant avec affection.

— Je comprends, mais c'est beaucoup trop dangereux pour toi de venir avec nous.

— Pour vous aussi, c'est beaucoup trop dangereux.

— C'est différent, il s'agit de mon destin, je ne peux pas y échapper. Toi, par contre, tu as déjà été exposée à bien trop de dangers par ma faute. Il vaut mieux que tu restes au palais, en sécurité.

Hannah hoche la tête, des larmes roulant lentement sur ses joues. Cette femme est bien trop douce pour avoir sa place sur un champ de bataille. Je ne veux pas que son esprit se retrouve rempli des horreurs qu'elle verrait au cours du combat. Elle ne mérite pas ça.

— Promettez-moi que vous reviendrez en vie.

— Et toi, promets-moi que tu prendras soin de toi pendant mon absence.

— Je vais faire mon possible, dit-elle avec un petit sourire.

Sur ces mots, elle retourne à l'intérieur, ne voulant pas me regarder partir. Je suis sa silhouette du regard, le cœur serré.

— J'ai demandé à Rufus de rester au palais pour veiller sur elle, chuchote Alexander à mon oreille, me tirant de mes pensées. Il fera en sorte qu'il ne lui arrive rien.

Je me tourne vers lui, le regardant avec étonnement. Si je ne savais pas que c'était impossible, j'aurais pensé qu'il était capable de lire dans mes pensées. Avant que je ne puisse répondre, un garde vient mettre fin à cette plaisante conversation. Le pauvre homme semble mort de peur, sa poitrine se soulevant rapidement alors qu'il s'incline maladroitement devant le prince, lui annonçant que les chevaux sont prêts à partir. Il a dû lui falloir une sacrée dose de courage pour oser nous interrompre et d'ailleurs, dès son message délivré, il part à toute vitesse rejoindre ses camarades. Alexander le regarde partir en fronçant les sourcils, perplexe quant à sa réaction. Je pourrais lui expliquer à quel point il peut être intimidant, mais en réalité, j'apprécie de le voir ainsi démuni. Pour une fois que ce n'est pas moi dans cette situation, je me contente de rigoler. 

Alors que nous nous apprêtons à nous diriger vers notre cheval, le prince Alban fait lui aussi irruption dans la cour.

— Vous auriez pu me prévenir que l'on partait maintenant. Vous avez failli prendre la route sans moi, ronchonne-t-il, son visage marqué par une grimace de mécontentement.

— Oh non, tu ne vas pas t'y mettre, souffle Alexander, une pointe d'exaspération dans la voix. Reste au palais et laisse les grandes personnes s'occuper des vilains.

Ses poings se crispent, trahissant son agacement face à l'arrivée de son frère.

— La sécurité du royaume de Lumia est autant de ma responsabilité que de la tienne. Je viens avec vous, c'est non négociable.

Alban se tient droit, la tête haute, signe de sa détermination à accompagner son frère. Je pose une main sur le bras d'Alexander, attirant son attention.

— Alexander, il serait idiot de refuser son aide. Votre frère est un très bon combattant, ce serait un atout de l'avoir avec nous sur le champ de bataille.

Mon regard croise le sien, cherchant à le convaincre, tandis que mes doigts pressent doucement son bras.

— Tu vois, tu ferais mieux d'écouter la demoiselle, lance Alban avec un sourire narquois.

Les deux hommes se défient du regard quelques instants, avant qu'Alexander ne soupire et ne hoche finalement la tête.

— Très bien, mais ne fais rien d'imprudent.

Alban affiche un sourire de victoire, se retournant pour donner des ordres aux gardes. Alexander lève les yeux au ciel, et j'attrape son bras pour le guider vers notre monture.

— Allez, venez, ne faisons pas attendre nos troupes plus longtemps.

Ma voix est douce mais ferme, incitant Alexander à se concentrer sur la tâche à accomplir. Il me suit sans protester, et quand nous arrivons à côté du cheval que nous allons monter, il m'attrape par les hanches et m'aide à me hisser en selle. Gentleman, il s'assure que je sois bien installée avant de me rejoindre à son tour. Agrippant fermement les rênes, il nous guide vers l'avant de la troupe, adressant au passage un regard méprisant à son frère.

— Ces fanatiques nous ont tenus éloignés de nos familles trop longtemps. Il est temps pour nous de mettre fin à toute cette histoire !

Sa voix résonne avec une détermination palpable, son regard fixé droit devant lui. Des exclamations d'approbation lui parviennent en réponse, et le prince, satisfait, commence à mener ses hommes vers le lieu de notre prochaine aventure. Je m'accroche à sa taille, posant ma tête contre son dos et laissant les battements réguliers de son cœur apaiser toutes mes inquiétudes. Les mots de mon père résonnent encore dans ma tête, me rappelant la lourde responsabilité qui repose sur mes épaules. Je sais que la bataille à venir sera difficile, mais avec Alexander à mes côtés, je me sens prête à affronter tout ce que l'avenir nous réserve.

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